Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord entendu M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission « Immigration, asile et intégration »).
ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a souligné les axes prioritaires de sa politique ainsi que les grandes lignes du budget 2010 de la mission.
Il a indiqué qu'il s'agissait d'un budget en hausse, traduisant la volonté du Gouvernement de mener une politique ambitieuse, équilibrée, ferme et humaniste. La France entend ainsi, a-t-il marqué, affirmer sa politique d'accueil et d'intégration des étrangers en situation régulière tout en menant en contrepartie, pour permettre la meilleure intégration possible des immigrés, une politique de lutte contre l'immigration clandestine et les filières mafieuses de passeurs. Le budget du ministère avoisinera en 2010 les 600 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de plus de 60 millions par rapport à 2009 (+11,5 %). Il s'agit pour l'essentiel de moyens nouveaux alloués à la politique d'immigration et d'intégration ; les mesures dites de transfert et de périmètre ne s'élèvent qu'à 6,8 millions.
La politique conduite par le ministère comporte quatre axes principaux : l'asile, la lutte contre l'immigration irrégulière, l'intégration, ainsi que, même s'il relève largement d'une autre mission budgétaire, le développement solidaire et les liens avec les pays d'émigration.
La moitié des crédits sont consacrés à l'accueil des demandeurs d'asile. En 2010, avec 318 millions d'euros, l'asile représentera 54 % des crédits du ministère, ce qui démontre, selon M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, le respect de la tradition d'accueil de la France. Depuis plus d'un an, une forte reprise de la demande d'asile est observée : après une progression de 19,9 % en 2008, la tendance s'est prolongée en 2009 au-delà de ce qui était escompté, avec une augmentation de 13,9 % au cours des neuf premiers mois de l'année. Le budget 2010 prend en compte cette évolution, avec 29 millions d'euros de crédits supplémentaires ouverts au titre de l'asile dont une partie sera consacrée à l'ouverture de 1 000 places supplémentaires dans les Centres d'accueil pour les demandeurs d'asile (CADA) et l'autre partie à l'augmentation de l'enveloppe destinée à l'allocation temporaire d'attente (ATA). A cet égard, il a rappelé que le nombre de places en CADA avait été multiplié par quatre par rapport à 2001.
Concernant la lutte contre l'immigration irrégulière, il a indiqué que la priorité était de mettre en oeuvre les objectifs assignés par la lettre de mission du Président de la République et du Premier ministre. Dans ce domaine, il a souligné que la loi républicaine devait s'appliquer avec humanité mais aussi avec fermeté, conformément à la pratique d'un Etat de droit.
Le budget 2010 consacrera ainsi 104,4 millions en autorisations d'engagement et 94,4 millions en crédits de paiement à la lutte contre l'immigration irrégulière. Les crédits relatifs à la rénovation et à la construction des centres de rétention administrative (CRA) seront transférés au ministère de l'immigration, et des moyens importants seront consacrés aux travaux de construction et d'aménagement de ces centres : 24 millions en autorisations d'engagement et 14 millions en crédits de paiement. La reconstruction du CRA de Vincennes, détruit en 2008, et celle des centres du Mesnil-Amelot ont ainsi été entamées. Un nouveau centre sera également construit à Mayotte, car les conditions de rétention n'y sont actuellement pas acceptables.
En matière de politique d'intégration, le ministère dispose pour le budget 2010 de près de 80 millions d'euros, soit 8,7 millions de plus qu'en 2009. En outre, les ressources de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), opérateur du ministère, seront de l'ordre de 75 millions d'euros. L'intégration est, selon M. Eric Besson, le complément indispensable de la politique de maitrise des flux migratoires. Il s'agit d'offrir aux étrangers venus légalement et qui souhaitent s'installer durablement sur le territoire français les meilleures conditions d'intégration. A cet égard, il a estimé que la France était un pays très accueillant, avec chaque année deux millions de visas de court séjour et 180 000 visas de long séjour accordés. La France est le premier pays européen pour l'accueil des réfugiés et le deuxième dans le monde, après les Etats-Unis d'Amérique.
Il a souligné que des actions innovantes étaient mises en oeuvre dans ce domaine et prendraient de l'ampleur en 2010 : le dispositif « ouvrir l'école aux parents », le « label diversité » dans les entreprises ou les collectivités territoriales, et les « parcours de réussite professionnelle (PARP) ». De nouvelles mesures seront également proposées dans les prochaines semaines en matière d'accès à l'emploi et de formation linguistique au titre du contrat d'accueil et d'intégration (CAI).
Enfin, le développement solidaire bénéficie des crédits du programme 301. L'objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre est de parvenir, avant 2012, à la signature d'une vingtaine d'accords : neuf ont déjà été conclus. Les moyens dont dispose le ministère dans ce domaine seront accrus de 13 millions en autorisations d'engagement et de 9,5 millions en crédits de paiement, par rapport à la programmation budgétaire triennale. En 2010, l'objectif sera de parvenir à la conclusion d'au moins trois nouveaux accords. Des négociations ont ainsi été engagées avec les pays de l'Afrique sub-saharienne, les grands pays émergents (tels que le Brésil, la Chine ou le Vietnam) et la zone des Balkans occidentaux. Un accord prometteur a également été conclu il y a quelques semaines avec la Banque Africaine de Développement portant sur la création d'un fonds fiduciaire.
Dans le contexte actuel difficile, il s'agit ainsi, a-t-il estimé, d'un bon budget, qui témoigne des ambitions du Gouvernement en matière d'immigration et d'intégration.
Enfin, M. Éric Besson s'est réjoui de l'adoption par le Conseil européen, le vendredi 30 octobre 2009, de plusieurs propositions françaises pour renforcer la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, concernant notamment l'adoption de règles d'engagement claires pour les opérations maritimes, une coopération opérationnelle accrue entre l'agence Frontex et des pays d'origine et de transit, tels que la Lybie et la Turquie ; enfin l'affrètement de vols conjoints financés par Frontex. En effet, les flux migratoires sont un sujet mondial qu'il est devenu impossible de traiter au sein d'un seul pays. Il est important à cet égard que la France continue à jouer un rôle moteur au sein de l'Union européenne.
a interrogé le ministre sur les points suivants :
- se félicitant que, selon le ministre, des crédits suffisants soient prévus en 2010 pour la mission « Immigration, asile et intégration », il a souhaité savoir si le périmètre du ministère serait stabilisé dès lors que le patrimoine immobilier des CRA lui serait transféré ;
- relevant que la forte hausse du nombre de demandeurs d'asile avait un effet important sur le budget de la mission, il a demandé si cette hausse était liée à la situation internationale. Il s'est également interrogé sur le possible détournement de la procédure d'asile par certains demandeurs, qui chercheraient ainsi à prolonger leur séjour sur le territoire français. Il a également noté que la baisse tendancielle du délai de traitement des demandes était surtout due à l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et s'est interrogé sur la nécessité de professionnaliser davantage la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pour que celle-ci puisse également traiter plus rapidement les recours qui lui sont présentés ;
- il a ensuite demandé si la concertation européenne sur l'asile progressait, puis a souhaité connaître l'état des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement.
ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a rappelé que le ministère de l'immigration constituait une administration d'état-major, qui pouvait s'appuyer sur les moyens d'autres ministères, en particulier le ministère de l'intérieur et le ministère des affaires étrangères, pour l'accomplissement de ses missions. Le ministère de l'immigration a ainsi autorité sur la police aux frontières et est lié à d'autres services par des conventions de gestion en matière de ressources humaines ou d'informatique. Il a estimé que cette situation était satisfaisante et a indiqué qu'aucun nouveau transfert n'était envisagé en faveur du ministère après celui de l'immobilier des CRA.
Concernant la demande d'asile, il a indiqué qu'il s'agissait du sujet le plus important du budget 2010, dans la mesure où l'accueil des demandeurs représente la moitié des crédits du ministère. A cet égard, la forte hausse de la demande constatée, de près de 20 % en 2008 et de 13,5 % pour les premiers mois de 2009, est probablement liée aux conflits dans la corne de l'Afrique ou encore en Afghanistan mais ne s'explique pas entièrement par ces événements. En effet, tous les pays européens constatent qu'aux demandes d'asile justifiées par une persécution réelle dans le pays d'origine s'ajoutent des demandes non fondées, qui ne visent qu'à contourner les obstacles résultant de la politique de régulation des flux mise en place par les Etats de l'Union européenne. Le Président de la République souhaite ainsi qu'un renforcement de la coopération entre les membres de l'Union, déjà engagée avec le pacte européen sur l'asile et la création du bureau européen d'appui en matière d'asile, soit examiné lors du prochain Conseil Européen. Ce renforcement devrait permettre d'éviter que l'Europe ne reste une sorte de « supermarché de l'asile » où le demandeur choisit le pays d'accueil en fonction des statistiques d'admission. La libre circulation résultant de l'accord de Schengen rend ainsi indispensable, selon lui, une véritable protection des frontières extérieures de la zone à Gibraltar, Chypre ou encore Malte.
a indiqué que les crédits du ministère avaient dû être adaptés en 2008 et en 2009 à l'augmentation non prévue de la demande d'asile. L'hypothèse retenue pour 2010 étant une hausse de 5 % de la demande, le Premier ministre a indiqué que les crédits correspondant seraient abondés en tant que de besoin. En effet, le nombre de bénéficiaires de l'asile n'est pas une donnée prévisible et le nombre de demandeurs admis au statut de réfugié dépend des avis de l'OFPRA, toujours respectés, et de la CNDA, totalement indépendante dans ses décisions.
a indiqué ensuite que le ministère s'efforçait de réduire les délais de traitement des demandes, qui s'élèvent actuellement à quatre mois en moyenne pour l'OFPRA, qui a réalisé d'importants efforts dans ce domaine, et treize mois et demi pour la CNDA, soit un total de dix-sept mois et demi en moyenne. Il est nécessaire de réduire cette durée, d'une part parce que chaque mois de délai gagné représente une économie de 8 millions d'euros, d'autre part afin de mieux lutter contre le détournement de la procédure à des fins dilatoires. Un objectif de délai moyen d'un an est ainsi fixé pour 2010. Enfin, bien que le recrutement de dix magistrats professionnels pour la CNDA en septembre 2009 soit déjà de nature à favoriser le raccourcissement des délais, il sera probablement nécessaire de poursuivre dans la voie de la professionnalisation.
Concernant les accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement, neuf ont déjà été signés. Ils englobent à la fois le développement solidaire, la maîtrise des flux migratoires, l'amélioration de l'état civil et des pièces d'identité. Des accords plus ponctuels peuvent également être signés, sous la forme d'arrangements administratifs permettant de résoudre certains problèmes particuliers, comme c'est le cas avec le Brésil. Des accords avec la Chine et le Vietnam devront également être signés.
a ensuite expliqué que plusieurs pays qui, traditionnellement terres d'émigration, devaient à présent gérer des flux migratoires entrants, faisaient appel à l'expertise de la France dans ce domaine. Il a cité en exemple l'Angola et la Guinée équatoriale. De manière plus générale, il a estimé que la production de passeports et de visas très fiables permettrait de réguler les phénomènes d'immigration-émigration auxquels sont confrontés de plus en plus d'Etats.
s'est réjoui du fait que la moitié du budget du ministère, soit 300 millions d'euros, soit toujours consacrée à la garantie du droit d'asile, conformément à la tradition française. Il s'est dit favorable à davantage de coopération européenne à condition qu'elle se traduise par une harmonisation « par le haut ». Il a ensuite interrogé le ministre sur la procédure de marché public engagée pour l'aide juridictionnelle aux étrangers dans les centres de rétention administrative (CRA). Il a également évoqué le traitement de 350 000 demandes de visas par an par le consulat de Moscou, soulignant que seulement 3 % de ces demandes étaient refusées et que les membres des mafias continuaient à obtenir des visas. Il a estimé enfin que les crédits du ministère consacrés au développement solidaire ne se distinguaient pas assez clairement des autres aides publiques au développement et que les sommes consacrées étaient trop dispersées entre les nombreux pays bénéficiaires.
a regretté que le ministre n'ait pas évoqué les conséquences budgétaires du débat sur l'identité nationale, alors même que des moyens seraient nécessairement mobilisés, notamment dans les préfectures. Il a souligné que ces dépenses ne pourraient être considérées comme traduisant une bonne utilisation des deniers publics que si elles étaient urgentes et indispensables. Il a signalé à cet égard que les deux premiers articles de la Constitution offraient déjà une bonne définition de l'identité nationale. Il a regretté que la question de la burqa fût citée, sur le site Internet créé par le ministère pour l'occasion, comme l'un des exemples justifiant le débat, estimant que celui-ci risquait ainsi d'être biaisé et d'opposer l'identité française au fait d'être étranger. Enfin, il a estimé que le lancement de ce débat à cinq mois des élections régionales laissait soupçonner des arrière-pensées électoralistes.
a interrogé le ministre sur les accords liant la France aux Etats de l'ex-Yougoslavie et à l'Albanie pour la délivrance des visas et a suggéré de les faire bénéficier des mêmes dispositions que les Etats de l'espace économique européen, qui ne sont plus soumis à l'obligation de visa. Le cas des Etats de l'ex-URSS lui a paru plus problématique. En outre, il a regretté que la France ait sous-traité l'instruction des visas au consulat de Moscou à une entreprise indienne, qui propose des tarifs variant en fonction du délai de traitement de la demande. Il a proposé que l'obligation de visa soit supprimée à titre expérimental pendant les trois mois de l'été 2010 à l'occasion de l' « Année croisée France-Russie ». Il a également regretté les difficultés rencontrées par les Français souhaitant se rendre en Russie sous couvert d'un visa de travail qui, une fois entrés en Russie, ne récupèrent pas leur passeport avant un mois, et sont ainsi privés de la possibilité de retourner en France. Il a estimé que la politique des visas pouvait être harmonisée au sein du Conseil de l'Europe. Enfin, il a déploré le manque d'accessibilité des services de l'état civil à Nantes.
A cet égard, M. Jean-Jacques Hyest, président, a également déploré le délai excessif de traitement des dossiers par le tribunal d'instance du premier arrondissement de Paris chargé de la délivrance des certificats de nationalité pour les Français nés et établis hors de France.
a interrogé M. Eric Besson pour savoir si le ministère suivait bien les règles des marchés publics pour les événements qu'il organisait, afin de ne pas donner lieu à des critiques de la Cour des comptes.
s'est réjoui que le rôle joué par la France en matière de garantie du droit d'asile soit reconnu et a souligné la générosité de la France en ce domaine. Par ailleurs, il a indiqué que le ministère versait une subvention annuelle de 4 millions d'euros à la CIMADE et ne pouvait donc qu'avoir de bonnes relations avec cette association. Cependant, il a rappelé que le précédent ministre de l'immigration, M. Brice Hortefeux, avait décidé, compte tenu de l'importance financière de cette prestation, de passer un appel d'offres alloti. Le décret prévoyant le principe de ce marché alloti a été définitivement validé, mais le résultat du dernier appel d'offres est actuellement contesté devant le Conseil d'Etat en cassation et devant un tribunal administratif sur le fond. En attendant l'issue de ces instances, le contrat de la CIMADE est prorogé par périodes de deux mois. Si le marché était annulé, un nouvel appel d'offres serait lancé.
Il a ensuite souligné que le taux de refus très faible pour les demandes de visas faites au consulat de Moscou ne traduisait pas une négligence dans le traitement de ces demandes. Il a donné en exemple le Mali, qui considère que l'examen des demandes par la France est très strict alors même qu'elles sont acceptées à 86 %. Il convient également de prendre en compte le fait que l'examen soigneux des demandes a un effet dissuasif, même s'il est difficile d'évaluer l'effet de cette dissuasion sur les mafias. Il a estimé que l'attribution des visas serait améliorée par l'usage de la biométrie, qui avait justifié une décision d'externalisation, à titre expérimental, du traitement des demandes de visas à Alger, Istanbul et Londres en 2010. Cette externalisation sera ensuite, si les résultats sont concluants, étendue à la Russie (350 000 visas par an) et à la Chine (160 000 visas par an). A cet égard, il a souligné que les visas biométriques rencontraient un intérêt de plus en plus prononcé de la part des pays du Sud eux-mêmes, et notamment en Afrique sub-saharienne où 90 % des migrations restent internes à la zone.
Il a par ailleurs indiqué que les crédits de développement solidaire représentaient 26,5 millions d'euros en autorisation d'engagement et 35 millions d'euros en crédits de paiement en 2010, mis en oeuvre à travers des accords bilatéraux. Répondant à M. Richard Yung, il a indiqué que les crédits de l'OFII n'étaient pas compris dans ces montants.
Concernant le débat sur l'identité nationale, il a souligné que le coût en serait limité, dans la mesure où il serait mis en oeuvre par les services préfectoraux dans le cadre de leur activité normale. Cependant, il a admis que le succès rencontré par le débat avait rendu nécessaire le lancement d'un appel d'offres pour la création d'un site Internet dédié, qui avait reçu 60 000 visites et 7 000 contributions dès le premier jour. Le développement de ce site rendra nécessaire un nouvel appel d'offres. Il a fait valoir que la tenue de ce débat, à la formulation parfaitement républicaine, répondait à une promesse faite par le Président de la République et inscrite dans la lettre de mission qui lui avait été donnée. Il a également affirmé que ce débat, par son contenu, n'avait aucun rapport avec les enjeux des élections régionales.
Concernant la burqa, il a constaté que ce sujet avait permis de susciter un très large débat dans lequel les notions essentielles de la République telles que la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes avaient joué un rôle important. Il eût été dès lors anormal de ne pas se saisir, d'une manière modérée et républicaine, de ce débat.
Il a ensuite indiqué que la Commission européenne proposait la suppression des visas de court-séjour pour la Serbie, la Macédoine et le Monténégro, proposition qui serait probablement suivie par le Conseil. En revanche, un accord ne pourra intervenir avec l'Albanie et le Kosovo qu'après l'examen de certains problèmes concernant la sécurité et l'immigration.
Il a fait valoir que la société sous-traitante des visas à Moscou était numéro un mondial dans ce domaine et filiale d'une entreprise suisse réputée.
La commission a ensuite entendu, au cours d'une table ronde consacrée à la réforme des collectivités territoriales, M. Jean-Paul Huchon, représentant de l'association des régions de France (ARF), M. Claudy Lebreton, président de l'assemblée des départements de France (ADF), Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente et présidente de la commission intercommunalité et M. André Laignel, secrétaire général de l'association des maires des France (AMF).
a souligné l'importance, pour la commission, d'entendre dans le cadre de ses travaux les trois grandes associations représentatives des élus de chacun des trois niveaux de collectivités territoriales. Il a précisé que cette audition s'ajoutait à celles, nombreuses, organisées par le rapporteur et ouvertes aux sénateurs membres de la commission.
a indiqué que la réforme soumise au Parlement était très redoutée des collectivités territoriales, tout particulièrement des départements et des régions.
Il a considéré que le projet soumis au Sénat ne proposait aucune clarification des compétences, première demande des régions, non plus qu'il n'appliquait la notion de blocs de compétences. En outre, il a souligné que le projet n'abordait pas la réforme de l'Etat et la fin des doublons de compétences décentralisées. Il a observé qu'il recentralisait certaines politiques, un peu a contrario, de l'approfondissement de la décentralisation qui aurait dû être poursuivi. Il a souligné que, au lieu de promouvoir la démocratie locale, il stigmatisait les élus locaux. Il a observé que de nombreuses dépenses de fonctionnement des collectivités locales étaient la conséquence de décisions de l'Etat, édicteur de normes.
Il a souligné que la décentralisation porte, en fait, en elle-même, une augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités puisqu'elle leur en confie en supplément. Il a précisé que la part du personnel dans ces dépenses de fonctionnement était minime tout en rappelant les dépenses consécutives au transfert par l'Etat aux collectivités de certaines catégories de ses agents tels les techniciens, ouvriers et de service (TOS). Il a marqué l'interdiction, pour les collectivités, de s'endetter pour financer leurs dépenses de fonctionnement. Il a conclu au caractère régressif de la réforme proposée.
Le président de la région Ile-de-France a considéré que la réforme proposée tournait le dos aux pratiques des autres pays européens et renvoyait, avec la création des conseillers territoriaux, à l'époque de l'établissement public régional.
Il a estimé que l'institution du conseiller territorial, censé représenter à la fois deux territoires, impliquait l'éloignement des élus par rapport à la population. Il s'est interrogé sur la constitutionnalité de ce dispositif au regard du lien unissant le conseiller territorial au territoire.
Il a considéré que les Français risquaient d'être les grands perdants de la réforme territoriale puisque les collectivités locales représentent 75 % de l'investissement public, 54 milliards pour la relance face aux 24 milliards investis par l'Etat, la part de celui-ci dans la dette publique s'élevant à 90 % alors que celle des collectivités, qui doivent équilibrer leur budget, s'établit à 10 %.
Il a estimé que la suppression de la clause générale de compétence pour les départements et régions posait le problème de la prise en charge des financements jusqu'à présent assumés par ces collectivités dans divers secteurs tels que la culture, la recherche, le sport, le tourisme et les loisirs ou encore l'équipement des maisons de retraite.
Pour le représentant de l'ARF, la clause générale constitue un problème politique, institutionnel, car il s'agit de la liberté des collectivités locales et d'un élément essentiel.
Il a considéré que, dans l'hypothèse où l'Etat et les collectivités locales pourraient conclure des contrats au coup par coup sur des cas d'exception, la simplification de l'organisation territoriale aurait échoué. M. Jean-Paul Huchon a jugé paradoxal que, dans le même temps, soient créés des établissements publics nationaux tel celui prévu par le projet de loi relatif au Grand Paris, pour exécuter le travail déjà effectué par les collectivités locales.
Il a jugé que l'institution du conseiller territorial « cantonaliserait » la région et traduisait le refus de la mise en place d'une politique régionale, de débats autour de politiques générales menées le plus souvent en concertation avec l'Etat. Il a observé que le conseiller territorial serait davantage tenté de s'occuper de son territoire que des problèmes généraux. Abordant la question du mode d'élection, le président de la région d'Ile-de-France a observé que le mode de scrutin régional actuel assurait, contrairement au précédent, de dégager des majorités claires tout en permettant l'expression de l'opposition. Il s'est opposé à la mise en place d'un scrutin à un tour assorti d'un redécoupage des circonscriptions tel que proposé par le Gouvernement.
Il a estimé que la réforme territoriale compliquait plus qu'elle ne simplifiait le cadre actuel.
Pour M. Jean-Paul Huchon, le dispositif des métropoles s'avère très complexe.
Il a dénié toute logique au couple département-région, sauf dans la perspective de la suppression d'un des deux niveaux.
Las du débat sur le « mille feuilles territorial » et les croisements de compétences dont il a attribué la responsabilité à l'Etat, le président de la région d'Ile-de-France a jugé qu'il y avait non pas croisement et recoupement mais addition de volontés ; il a marqué la préférence de l'ARF pour la coopération plutôt que pour l'autoritarisme. Il a rappelé que l'examen des budgets régionaux et départementaux faisait apparaître un taux de 3 à 5 % de compétences exercées en même temps par les deux collectivités.
Il a traduit la déception des régions qui se sentent investies de la responsabilité d'investisseur et de stratège naturel.
Il a souligné que la réforme territoriale additionnée aux difficultés soulevées par celle de la taxe professionnelle réduirait les régions au rôle d'établissement public régional destiné à « saupoudrer » et investir sur des programmes dirigés par l'Etat. Il a jugé cette situation contraire à la volonté des véritables décentralisateurs dont Gaston Defferre et le sénateur et ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
a conclu en observant que la France se situait ainsi, aujourd'hui, à la traîne en Europe.
après avoir souligné le pluralisme de son association, a indiqué qu'un large consensus s'y était dégagé contre la réforme de la taxe professionnelle, mais que la réforme territoriale y provoquait des clivages entre les deux grandes familles politiques et de petites divergences au sein des partisans de la majorité parlementaire.
Il a noté l'importance pour la France de la décentralisation, même imparfaite dans ses résultats : il a souligné qu'elle avait décuplé l'innovation sociale et produit des services publics efficaces et de qualité. Il a considéré que, par leur gestion, les collectivités locales avaient prouvé leur capacité à répondre aux attentes quotidiennes des administrés. Le président de l'ADF a souligné que le mouvement décentralisateur s'était développé au fil des alternances, en mentionnant notamment la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, présentée par le Gouvernement alors dirigé par M. Jean-Pierre Raffarin.
Citant une étude réalisée par l'ADF sur l'organisation territoriale dans chacun des Etats-membres de l'Union européenne, il a précisé que la quasi-totalité des pays connaissait un système territorial à trois niveaux : un premier bloc local compétent pour les services publics de proximité, puis des régions entretenant des relations privilégiées avec les Etats pour les grands sujets d'avenir (économie de la connaissance, ...) et les grandes infrastructures, et enfin un troisième niveau intermédiaire correspondant aux départements français, compétent en matière d'action sociale et de solidarités. Il a relevé une grande hétérogénéité de la situation des régions européennes, notant la faiblesse des collectivités françaises. Il a conclu ce point sur la nécessité d'intégrer l'Europe dans le débat en cours et de ne pas créer, pour le système français, de trop grandes disparités avec ses voisins européens. Sur la question financière, il a précisé que le budget des collectivités locales, rapporté aux prélèvements publics, constituait en Europe une part oscillant entre 50 et 30 %, la France se situant, elle, au niveau de 20 %.
Rappelant la demande réitérée de suppression des départements (rapport Attali de février 2008, discours du Président de la République, le 25 septembre 2008, à Toulon, rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, rapport du comité présidé par l'ancien Premier ministre Edouard Balladur), il s'est félicité du travail approfondi de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, mise en place au Sénat à l'automne 2008 et présidée par le sénateur Claude Belot.
Il a estimé que le projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales s'inspirait du rapport Balladur mais non du rapport Belot. A cet égard, il a regretté que les cent premières pages du rapport Balladur fassent le procès de la décentralisation. M. Edouard Balladur lui-même, a-t-il rappelé, a évoqué, après la remise de son rapport, « l'évaporation » des départements et des communes.
Il a indiqué que les conseils généraux avaient adopté à l'unanimité, le 17 décembre 2008, vingt-deux propositions, dont un nombre insuffisant avait été repris dans les textes proposés par le Gouvernement.
Concernant le rapport Balladur, il a également estimé que l'idée de deux couples commune/intercommunalité et département/région n'était pas pertinente. Le département a notamment une vocation de proximité tandis que la région a une vocation de mission. Ainsi, le transfert des TOS aux régions a donné à celles-ci des responsabilités de gestion qui n'étaient pas dans leur nature. Le Président de la République a évoqué, à Saint Dizier, le pôle département/région et le conseiller territorial, mais les alliances pertinentes sont, pour la proximité, l'alliance entre la commune, l'intercommunalité et le département et, pour la stratégie, l'alliance entre la région, l'Etat et l'Europe.
En outre, la charge de conseiller général représente, selon lui, au moins un mi-temps, comme celle de conseiller régional. Le conseiller territorial risque ainsi d'être un professionnel de la politique, ce qui rendra probablement nécessaire un régime indemnitaire, puis un secrétariat, de telle sorte qu'aucune économie ne sera finalement obtenue.
Par ailleurs, M. Claudy Lebreton a exprimé son désaccord avec le terme de « cantonalisation » utilisé par M. Jean-Paul Huchon à propos du conseiller territorial, soulignant que les conseillers généraux élus aujourd'hui dans le cadre cantonal étaient capables de suffisamment de hauteur de vue pour oeuvrer, par exemple, au développement économique ou à la politique de l'emploi.
Il a également indiqué que l'ADF reconnaissait la nécessité d'un renouvellement global de l'assemblée départementale tous les six ans, d'un redécoupage des cantons pour mieux tenir compte de la démographie, ainsi que d'une modification du scrutin pour obtenir davantage de parité. Sur ce dernier point, comparant le mode d'élection des députés avec celui des conseillers généraux, il a estimé que l'introduction d'amendes pour non-respect de la parité était susceptible d'améliorer la situation.
En revanche, un scrutin à un tour dans le cadre de cantons de 25 000 habitants pour l'élection des conseillers territoriaux, inspiré du modèle anglais, et qui risquerait d'être étendu aux députés, eu égard au caractère similaire de leur mode d'élection actuel avec celui des conseillers généraux, lui est apparu peu souhaitable. A cet égard, des simulations effectuées à partir des dernières élections cantonales partielles lui ont démontré que cette introduction du scrutin à un tour favoriserait nettement un bord politique au détriment de l'autre. Il a cependant concédé qu'une partie des membres de l'ADF ne rejetait pas l'idée des conseillers territoriaux.
Enfin, l'ADF a demandé à la société KPMG d'évaluer les économies qui résulteraient de la fusion des départements et des régions. L'étude, réalisée en Bretagne et en Basse-Normandie, a montré que, dans un délai de dix ans, cette réforme augmenterait les dépenses globales. Or, la réforme proposée conduit bien, selon lui, à cette fusion. Les nouvelles collectivités auraient alors de 30 000 à 50 000 fonctionnaires, ce qui est beaucoup trop élevé.
a remarqué qu'il existait au sein de l'AMF un consensus assez large sur l'esprit des dispositions de la loi concernant les communes et l'intercommunalité. En revanche, de nombreux élus considèrent que l'ordre d'examen des textes de la réforme des collectivités est illogique, puisque la réforme de la taxe professionnelle (TP) sera examinée avant les quatre projets de loi sur les collectivités, le texte sur les compétences étant renvoyé à 2011. Il paraît ainsi difficile de répartir le nouvel impôt économique local avant même de connaître la répartition des compétences qu'il permettra de financer.
Par ailleurs, s'il existe un large accord sur la nécessité de remplacer la TP par un nouvel impôt plus moderne et plus juste, il est regrettable que l'on ait parfois donné l'impression que la TP, et par conséquent les collectivités territoriales et leurs élus, étaient les seuls responsables du manque de compétitivité de l'économie française. Il existe, en effet, de nombreuses autres contraintes qui pèsent sur cette compétitivité, telles les charges sociales ou le respect du droit du travail.
Elle a également estimé que la sanctuarisation des communes était un aspect positif du texte proposé, et a indiqué que l'AMF soutenait l'idée d'achever la carte intercommunale et de rationaliser l'intercommunalité. Elle a cependant estimé que le projet de loi entretenait une confusion entre achèvement et rationalisation. L'AMF propose donc le 1er janvier 2013, et non 2014, comme date butoir pour l'achèvement de la carte intercommunale, mais considère que la rationalisation demande un délai supérieur. En outre, les pouvoirs du préfet en la matière doivent s'exercer dans la concertation avec les communes.
Concernant l'élection des conseillers communautaires, elle a indiqué que l'AMF était favorable au fléchage.
a estimé que l'achèvement de la couverture intercommunale supposait probablement une rationalisation concomitante, afin d'éviter la création d'EPCI non pertinents.
S'attachant à la composition des assemblées communautaires Mme Jacqueline Gourault a estimé que les dispositions prévues par le projet de loi pour la répartition des sièges étaient trop contraignantes et qu'elles désavantageraient notamment les communes moyennes, le poids des grandes communes s'en trouvant renforcé. Soulignant que, d'elles-mêmes, les communes avaient plutôt choisi de respecter une certaine proportionnalité dans l'attribution des sièges, elle a considéré qu'il fallait faire confiance aux accords locaux et que les restrictions apportées à leur liberté ne devaient intervenir que pour corriger les excès les plus flagrants.
a fait valoir que l'application de la règle proportionnelle emportait comme conséquence la représentation de l'opposition municipale au sein des assemblées communautaires, ce qui pourrait, mécaniquement, diminuer le nombre de délégués que détiennent les majorités municipales des communes membres au sein de l'assemblée communautaire.
Par ailleurs, Mme Jacqueline Gourault a indiqué que l'association des maires de France s'inquiétait de la dissolution possible des communes au sein de la métropole, dans la mesure où elles perdront au profit de cette dernière une partie de leur compétence et de leur autonomie financière. Elle a remarqué que cette menace qui pèsera sur les communes empêchera les métropoles de prospérer puisque les communes refuseront d'y participer. Pour y parer, il conviendrait de maintenir la procédure de détermination de l'intérêt communautaire au sein de la métropole et de conserver un certain pouvoir fiscal aux communes. Enfin, rappelant que l'AMF jugeait le seuil de population de 450 000 habitants, actuellement prévu par le projet de loi pour la constitution des métropoles, trop peu élevé pour des collectivités de dimension européenne, elle a estimé nécessaire de l'augmenter à, au moins 600 000 ou 700 000 habitants.
S'agissant de la création de communes nouvelles, Mme Jacqueline Gourault ne s'est pas déclarée opposée au principe, à la condition que la fusion ne soit acquise qu'à l'unanimité des communes concernées.
Évoquant la question des transferts automatiques des pouvoirs de police du maire à l'intercommunalité, elle a jugé envisageable qu'ils interviennent parallèlement au transfert de la compétence au fond, mais elle s'est opposée à ce que ces transferts puissent porter sur la police de la circulation ou du stationnement.
Enfin, elle a souhaité que la détermination de l'intérêt communautaire s'effectue à la majorité qualifiée des deux tiers des conseillers communautaires dans tous les établissements publics de coopération intercommunale.
Intervenant à sa suite, M. André Laignel, secrétaire général de l'assemblée des départements de France, a remarqué que les textes soumis au Sénat modifieraient le fonctionnement des collectivités locales dans une mesure équivalente à celle d'autres textes majeurs de la décentralisation. Il a souligné, à cet égard, le problème que posait le calendrier retenu pour ces projets de loi, puisque le vote sur le principe de la réforme et celui sur les finances locales interviendront avant celui sur la compétence des collectivités, ce qui contraignait à se prononcer en aveugle.
Par ailleurs, M. André Laignel a indiqué que l'AMF ne saurait souscrire à un changement de la nature de l'intercommunalité qui la constituerait en véritable « supra communalité », les communes étant vidées de leur substance au profit de leurs établissements publics de coopération intercommunale. Il s'est inquiété de ce que le texte porte les prémices d'un tel changement.
S'agissant de la désignation des conseillers communautaires, il a rappelé que l'AMF privilégiait la souplesse et qu'elle proposait que, partout où un accord a pu être obtenu à la majorité qualifiée pour déterminer le nombre et la répartition des conseillers communautaires, cet accord s'impose et que la répartition définie par la loi ne s'applique qu'à défaut d'un tel accord.
a fait valoir que les communes ne pouvaient se désintéresser de la suppression pour les départements et les régions de la clause générale de compétence, dans la mesure où les communes et leurs groupements ne pourront se substituer demain à ces collectivités pour la prise en charge de certaines compétences qu'elles exercent à ce titre, comme la compétence sportive. La remise en cause de la clause générale de compétence constitue donc, pour le bloc communal, un véritable bouleversement. De la même manière, il a critiqué la remise en cause des financements croisés, sans lesquels les communes et les intercommunalités ne pourraient mener la moitié de leurs projets d'investissements. A cet égard, il a relevé que la formule retenue par le projet de loi de la « part significative » des investissements que devait prendre en charge le maître d'ouvrage en cas de financement croisé était une formule sibylline et dangereuse.
S'attachant à la question des métropoles, il a jugé inacceptable en l'état le régime prévu par le projet de loi, qui impliquerait, selon l'expression de M. Jacques Pélissard, président de l'AMF, une véritable « vassalisation » des communes.
Enfin, il s'est interrogé sur la valeur ajoutée du dispositif des communes nouvelles et s'est déclaré opposé à ce qu'il s'accompagne d'une incitation financière, qui risquerait, à terme, de contraindre les communes à fusionner.
En réponse à M. André Laignel, M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a indiqué qu'il réfléchissait à un amendement supprimant, à l'article 35 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, la référence à une « part significative » de financements apportés par le maître d'ouvrage, ces termes lui semblant insuffisamment précis et peu compatibles avec les pratiques des petites communes. En ce qui concerne les modalités de répartition des sièges attribués à chaque commune au sein des conseils communautaires, il a également marqué son accord avec les propos de M. André Laignel, en précisant toutefois qu'il conviendrait probablement, dans ce cadre, de prévoir des règles de majorité garantissant que la commune-centre ne soit pas pénalisée : il a estimé que, dans un tel cas, l'accord devrait être pris à l'unanimité, et non à la majorité qualifiée. Enfin, il s'est déclaré favorable à une prise de décision à la majorité qualifiée des membres de l'établissement public de coopération intercommunale pour la mise en place de nouveaux transferts de compétences et pour la définition de l'intérêt communautaire.
Il a ensuite posé les questions suivantes :
- le dispositif proposé pour la création de métropoles leur permettra-t-il de rivaliser avec les grandes agglomérations européennes et internationales ?
- l'attribution de compétences précises et exclusives aux départements et aux régions est-elle susceptible de nuire à la collaboration entre ces deux niveaux de collectivités territoriales ?
- quel est le sentiment des associations d'élus sur les nouvelles prérogatives conférées aux préfets par le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ?
- comment les associations conçoivent-elles la coopération entre les établissements publics de coopération intercommunale et les futures métropoles ?
Répondant à ces interrogations, M. Jean-Paul Huchon, président de l'Association des régions de France, a estimé que le seuil démographique prévu par le projet de loi pour la création des métropoles était insuffisant pour garantir le bon fonctionnement de ces dernières et pour permettre la constitution d'une véritable unité de commandement. Évoquant les modalités d'organisation des futures métropoles, il s'est déclaré favorable à la mise en place de lieux de débats ayant vocation à fixer des priorités opérationnelles pour l'ensemble des collectivités incluses dans leur périmètre, mais laissant aux collectivités elles-mêmes le soin d'en assurer l'exécution. À ce titre, il a jugé que les intercommunalités, désormais arrivées à maturité, étaient les partenaires naturelles des régions. Il a donc plaidé pour la mise en place de conférences intercommunales, interdépartementales et régionales, sur le modèle du syndicat Paris-Métropole en Île-de-France.
Affirmant que la mise en place de compétences précises pour les régions, d'une part, et pour les départements, de l'autre, était aujourd'hui nécessaire, M. Jean-Paul Huchon a estimé que les régions devraient être dotées d'une compétence exclusive dans les domaines suivants :
- stratégie de l'aménagement du territoire : il conviendrait alors de doter les schémas directeurs d'une valeur prescriptive, ce qui n'est actuellement le cas ni en province, de jure, ni en Île-de-France, de facto ;
- développement économique : la règle selon laquelle la région doit donner son accord aux aides attribuées par les départements et par les communes et établissements intercommunaux de son territoire, au nom de la cohérence régionale, devrait être effectivement appliquée afin que la région puisse jouer son rôle de chef de file ;
- université, recherche et développement, formation ;
- santé, prévention et vie hospitalière : cette dernière compétence ne serait exercée par les régions qu'en cas de difficultés particulières des services de santé agissant sur leur territoire.
Parallèlement, M. Jean-Paul Huchon a estimé que les départements devaient conserver leurs compétences sociales.
Indiquant que des problèmes spécifiques se posaient en matière de culture, cette compétence étant partagée par tous les niveaux de collectivités, il a estimé que la suppression de la « clause générale de compétence » poserait un problème majeur en matière de culture. Plus généralement, il a jugé que toutes les compétences contribuant à l'animation de la vie locale (culture, sport, tourisme, loisirs...) ne devaient pas faire l'objet d'une attribution exclusive à une seule catégorie de collectivités territoriales.
Par ailleurs, M. Jean-Paul Huchon s'est opposé à l'extension des pouvoirs des préfets, qui constitue, selon lui, une « intrusion » de l'Etat dans l'organisation locale. Craignant que ces mesures ne se traduisent par une remise en cause de la décentralisation, il a déclaré que l'Etat n'exerçait plus ses propres compétences et, dans le même temps, refusait de laisser aux collectivités les marges de manoeuvre nécessaires à l'exercice des compétences qui leur ont été confiées par le législateur.
Concernant les relations entre les futures métropoles et les intercommunalités, M. Jean-Paul Huchon a observé que la mise en place d'une articulation claire impliquait que les métropoles soient fortement peuplées, dans la mesure où les fonctions métropolitaines ne peuvent être exercées que dans des ensembles vastes. Sur ce point, il a cité l'exemple de l'association Métropolis, qui regroupe 107 métropoles européennes, et dont le seuil d'adhésion est d'un million d'habitants ; ce seuil devrait d'ailleurs prochainement être relevé.
En réponse à une question de M. Jean-Patrick Courtois, qui avait souhaité connaître la position de l'Association des maires de France sur l'abaissement du seuil de passage au scrutin de listes de 3 500 à 500 habitants pour les élections municipales, Mme Jacqueline Gourault a indiqué que l'AMF était favorable à cette mesure, ainsi qu'une partie des membres de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).
a ajouté que, à sa connaissance, l'AMRF était divisée, d'aucuns souhaitant que l'ensemble des élections municipales se déroule au scrutin de listes, tandis que d'autres s'étaient prononcés en faveur d'un seuil à 1 000 habitants.
a, en outre, indiqué que la réforme des collectivités territoriales impliquait que l'Etat s'engage à assumer les missions qui lui incombent dans les territoires. Dans ce cadre, elle a précisé que, à titre personnel, la santé lui paraissait relever des compétences régaliennes réservées à l'Etat mais que, en tout état de cause, une clarification des compétences demeurait indispensable. Elle a rappelé que la question de clause générale de compétence avait provoqué d'intenses débats au sein de la mission sénatoriale présidée par M. Claude Belot, laquelle avait finalement proposé de parler de liberté d'initiative des collectivités afin que celles-ci puissent répondre aux besoins particuliers qui s'expriment sur leur territoire ; elle a considéré, pour sa part, que ces débats n'auraient plus lieu d'être dès lors que les compétences de chaque niveau de collectivités seraient précisées et clarifiées, la compétence générale n'étant plus alors qu'un phénomène résiduel représentant moins de 10 % des finances locales.
a quant à lui estimé qu'il ne fallait pas réduire l'intérêt des métropoles en les limitant à être une réponse à la rivalité européenne. Mais ayant indiqué que les zones densément peuplées et structurantes pour leur territoire sont confrontées à des problèmes particulièrement lourds, notamment en matière de sécurité et d'environnement, il a jugé préférable de maintenir un certain polycentrisme urbain et de favoriser la constitution de réseaux de villes plutôt que de miser trop sur les métropoles.
Se rangeant à l'opinion de M. Jean-Paul Huchon, il a ensuite souligné que la définition de la métropole était, en l'état du texte, perfectible. Il a ainsi craint, en premier lieu, que la constitution de métropoles n'entraîne, à terme, la disparition des communes qui sont comprises dans leur périmètre et, en second lieu, que la coexistence des métropoles et des pôles métropolitains ne soit un facteur de concurrence entre ces deux entités. Sur ce dernier point, il a cité l'exemple de la ville de Nantes qui, si elle répond aux critères posés par la loi pour devenir une métropole, n'aura pas d'intérêt rationnel à s'associer à Rennes pour former un pôle métropolitain.
a, à l'inverse, estimé que les pôles métropolitains et les métropoles pouvaient être complémentaires.
En ce qui concerne la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités, M. Claudy Lebreton a déploré que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales n'envisage pas de moduler les compétences de chaque catégorie de collectivités afin de les adapter à la diversité des territoires et des problèmes concrets rencontrés par les élus locaux ; il a donc estimé que l'hétérogénéité des situations locales n'était pas suffisamment prise en compte par les textes présentés par le gouvernement.
Ayant marqué son accord avec la position de Mme Jacqueline Gourault sur la clause générale de compétence et rappelé que les finances régionales et départementales étaient massivement composées de crédits visant à financer des compétences exclusives, il a souligné que le rapport établi par M. Alain Lambert sur « Les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales » avait proposé, pour permettre une meilleure articulation entre les compétences respectives de chaque niveau de collectivités, de mettre en place des schémas régionaux de compétences partagées, ces schémas devant obligatoirement être adoptés par les assemblées délibérantes de chaque collectivité dans un délai de six mois après leur élection, et de créer des conférences territoriales permettant aux élus de mieux se concerter.
Rappelant le montant total des budgets des différents niveaux de collectivités - plus de 120 milliards d'euros pour le secteur communal, 62 milliards d'euros pour les départements et 23 milliards d'euros pour les régions - il en a déduit que ces dernières ne pouvaient pas peser au niveau européen : pour leur faire jouer un rôle, il conviendrait, selon lui, d'attribuer aux régions de véritables moyens financiers dynamiques.
Concernant l'organisation du travail des futurs conseillers territoriaux pour l'exercice de leurs responsabilités aux niveaux départemental et régional, M. Claudy Lebreton a noté, au vu de l'expérience du quotidien, une volonté des régions de remplacer l'Etat et peut-être la tentation d'exercer une forme de tutelle sur les collectivités infra-régionales.
Le président de l'ADF a estimé que l'institution des conseillers territoriaux conduirait à terme à la prééminence du niveau régional sur la collectivité départementale.
Il a appelé, en ce qui concerne la question des relations entre les collectivités locales et l'Etat, à l'attribution d'une partie du pouvoir réglementaire aux collectivités dans leurs domaines de compétences, ce qui permettrait d'éviter les doublons administratifs.
a indiqué que l'AMF adhérait à l'institution de métropoles à condition que ces nouveaux établissements publics aient la capacité de prendre leur place dans le concert européen. Il a considéré que le seuil démographique proposé par le Gouvernement pour leur création était insuffisant et devait donc être relevé. Il a souligné que l'affaiblissement des communes membres, consécutif à la constitution, par le projet de loi, du bloc de compétences métropolitaines, bloquerait la création de ces métropoles.
En ce qui concerne l'achèvement de l'intercommunalité, il a estimé qu'il convenait de fixer une date-butoir plus proche que celle prévue par le projet de loi n° 60 et que, à défaut de consensus, il reviendrait à l'Etat de finaliser la carte de l'intercommunalité mais non sa recomposition.
a observé que la modification de la composition de la commission départementale de la coopération intercommunale n'était pas totalement conforme au voeu de l'AMF : celle-ci souhaitait l'attribution de 40 % des sièges aux communes, 40 % aux intercommunalités, les 20 % restants représentant les autres collectivités, y compris les syndicats.
a interrogé le président de l'ADF sur la question de l'attribution de plein droit aux métropoles des compétences départementales en matière de transports scolaires et de voirie départementale.
a insisté sur un mode de transfert par voie de conventions librement consenties sur la totalité des compétences départementales. Il a précisé que l'ADF privilégiait le conventionnement.
s'est interrogé sur l'intérêt pour la métropole de ces deux transferts de compétences.
a noté que, lors de son audition par la commission, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, lui avait confirmé qu'il y aurait des conseillers territoriaux sur le territoire des métropoles. Concernant l'abaissement du seuil à 500 habitants pour les élections au scrutin de liste dans les communes, elle a indiqué que de nombreux maires ruraux craignaient, d'une part, une politisation du conseil municipal, d'autre part un nombre insuffisant de candidates.
Par ailleurs, elle a estimé que le mode d'élection des conseillers territoriaux permettrait d'avoir des élus mieux identifiés que les conseillers régionaux actuels, mais qu'il serait très défavorable à la parité.
a regretté les nombreuses critiques émises à l'encontre des intercommunalités, soulignant que la révolution intercommunale issue de la loi du 6 février 1992 avait été rendue possible par la liberté laissée aux communes de choisir le périmètre de leur collaboration. Il a estimé que la carte intercommunale serait bientôt achevée, l'action du préfet étant nécessaire dans certains cas. Il s'est montré favorable à une évolution du mode d'élection des exécutifs intercommunaux, notamment dans les communautés d'agglomération et les communautés urbaines. Il a cependant mis l'accent sur la nécessité de respecter l'existence des communes et de leurs élus, même en zone urbaine, jugeant toute réforme impossible dans le cas contraire.
a estimé qu'une métropole qui ne serait qu'un « super-EPCI » n'aurait sans doute pas le rayonnement européen nécessaire. Concernant l'abaissement du seuil du scrutin de liste à 500 habitants dans les communes, devant rendre possible l'élection des conseillers communautaires par fléchage, il a exprimé la crainte qu'une telle réforme ne bouleverse les rapports entre les communes et les EPCI en donnant une légitimité démocratique aux conseillers communautaires, et ne conduise ultérieurement, comme ce fut le cas pour les régions, à attribuer aux EPCI la clause de compétence générale.
a estimé que l'ensemble des transports scolaires, y compris ceux des lycéens, devaient revenir aux départements. Par ailleurs, il a fait valoir que, dans les autres pays européens, les trois niveaux repérés par l'étude de l'ADF étaient parfois davantage des échelons déconcentrés ou des syndicats que des collectivités de plein exercice. Enfin, comme le montre l'exemple des régions espagnoles et surtout italiennes, les compétences peuvent être énumérées de manière précise et exhaustive.
a estimé que l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, si elle était instituée, aboutirait à la disparition des communes. Par ailleurs, il a signalé que de nombreux maires sortants ayant connu des défaites électorales dans des petites communes étaient favorables à l'extension du scrutin à la proportionnelle. Enfin, concernant la répartition des compétences en matière de transports scolaires, il a fait valoir que le collège est un établissement de proximité en continuité avec l'école communale tandis que le lycée est placé juste avant l'enseignement supérieur. Cependant, les transports de lycéens pourraient peut-être, a-t-il estimé, être assurés par le conseil général dans les départements très urbains.
a indiqué qu'il y avait unanimité à l'AMF en faveur du seuil de 500 habitants mais non du fléchage, dont la nécessité est plus discutée. Il a confirmé que les maires ruraux seraient soulagés par la fin de la possibilité de rayer et de panacher les noms, qui les expose, s'ils ne sont pas soutenus par les conseillers municipaux dans l'exercice quotidien de leurs fonctions, à ne pas être réélus.
a mis l'accent sur le problème de la parité dans le choix du mode d'élection des conseillers territoriaux. Elle a également souhaité que les nouvelles circonscriptions électorales ne soient plus appelées « cantons ».
a remarqué que les futurs députés seraient souvent des conseillers territoriaux, ce qui rend d'autant plus nécessaire la prise en compte de la parité dans le mode d'élection de ceux-ci.