Intervention de Jean-François Le Grand

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 janvier 2009 : 1ère réunion
Situation dans les territoires palestiniens — Audition de M. Yves Aubin de la messuzière ancien ambassadeur chercheur à l'institut d'études politiques de paris et de M. Jean-François Legrain chargé de recherche pour le cnrs

Photo de Jean-François Le GrandJean-François Le Grand :

a fait état de sa longue expérience du mouvement Hamas depuis plus de vingt ans, sous un angle différent de celui de contacts politiques. Il a souhaité rappeler à grands traits l'identité de ce mouvement tant l'approche médiatique et même politique qui en est faite est marquée par une série de contresens.

Le premier de ces contresens est l'opposition entre islamistes et laïques telle qu'elle résulte de l'analyse des différences entre le Hamas et l'OLP. La prétendue laïcité de l'OLP est un mythe. Le projet d'état démocratique de l'OLP état un projet « non-confessionnel », le terme de « laïcité », qui renvoie dans l'imaginaire arabe à une forme occidentale de licence morale, n'est jamais utilisé. Il a été plaqué par les soutiens politiques de l'organisation en Occident, majoritairement des partis de gauche.

La place de l'Islam dans leurs institutions fait l'objet d'un très large consensus chez les Palestiniens. Il est la religion officielle et la charia est une des sources principales de la législation, ces principes ayant été posés dans un contexte où le Fatah était largement majoritaire.

Par conséquent, le mouvement Hamas n'a pas ressenti le besoin de modifier le statut de la religion dans la politique palestinienne. Sur le plan juridique, le statut personnel, héritage de l'empire ottoman, selon lequel chacun relève des instances de sa confession pour les actes tels que le mariage, s'applique.

Le second contresens est que le Hamas est parfois présenté comme une marionnette de l'Iran alors que c'est un mouvement social, doté d'une idéologie profonde et ancienne, héritée des Frères musulmans. Ce mouvement, né en Egypte à la fin des années 1920, est présent à Jérusalem dès 1946 et connaît à partir de 1948 une séparation entre Gaza et la Cisjordanie. Après l'occupation de 1967, ces mouvements se sont retrouvés mais ont conservé chacun une certaine autonomie. Ils se sont véritablement réunis avec la création du Hamas en 1987 lors de la première Intifada.

Entre 1967 et 1987, le mouvement s'est inscrit dans la tradition majoritaire des Frères musulmans, qui privilégie une logique quiétiste et fait de la prédication religieuse leur mission première, en s'appuyant sur un réseau associatif particulièrement dense.

L'événement fondateur intervient à la fin de l'année 1987 lorsque ce quiétisme se trouve contesté par la société palestinienne qui fait de l'implication dans la lutte nationale une injonction de fond.

Le mouvement prend alors conscience qu'il risque d'être balayé et de ne plus pouvoir porter sa mission première de mobilisation religieuse s'il n'entre pas dans cette lutte. Cette réorientation reçoit l'approbation de Cheikh Yassine, guide des Frères musulmans à Gaza, qui tolère la création d'un mouvement de résistance islamique dont l'acronyme « Hamas » signifie « zèle », un terme qui n'est pas islamique, à la différence de « Fatah », qui fait directement référence à la geste islamique des origines. Le quiétisme originel évolue vers une résistance active (Muqawama).

Pendant toute la période où Cheikh Yassine reste le leader du Hamas avant d'être assassiné en 2004 par les Israéliens, la prédication reste le coeur des missions du mouvement et lorsque les conditions l'exigent, le mouvement est tout à fait prêt à opérer un repli sur cette fonction de prédication. Depuis 1995, plusieurs trêves (houdna) ou accalmies (tahdiyya) ont ainsi été observées. En Islam, le jihad sous sa forme militaire obéit à des règles de jurisprudence très précises ; il est subordonné à la possibilité d'une victoire et placé au service de l'intérêt général de la communauté islamique. Quand ces conditions ne sont pas réunies, il ne faut pas le mener.

Il faut noter que, même si elle est souhaitée et attendue, la libération de la Palestine n'est pas l'objectif premier du Hamas. Le Hamas n'a jamais imaginé libérer la Palestine avec des tirs de roquettes ou des attentats-suicides qui ne sont que la réponse, selon une forme islamique de la « loi du talion », aux violences de l'occupation.

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