Indiquant que l'examen du projet de loi au Sénat commencerait en séance durant la semaine du 17 mai 2010, M. Bruno Le Maire, ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a souligné qu'il ne fallait pas tout attendre du projet de loi. La crise qu'a connue l'agriculture française en 2009 n'est pas conjoncturelle mais structurelle : elle a marqué la fin d'un cycle de trente ans de l'histoire agricole. Une nouvelle donne doit donc être aujourd'hui définie en France et en Europe.
Le contexte d'examen du projet de loi est ainsi marqué par deux exigences : répondre à la situation d'urgence des producteurs et se battre pour une politique agricole commune (PAC) plus forte et plus juste.
Pour répondre aux situations d'urgence, le Gouvernement s'est fortement mobilisé :
- un plan de soutien a été annoncé par le Président de la République à Poligny le 27 octobre 2009 ;
- un plan d'urgence a été mis en place à la suite de la tempête Xynthia afin de soutenir les agriculteurs et les ostréiculteurs ;
- s'agissant du prix du lait, l'interprofession a été réunie et est parvenue à un accord ce jour-même. Ce dernier, portant sur l'ensemble du trimestre d'avril à juin, se traduira par une nouvelle hausse du prix du lait comprise entre 5,8 % et 10 % par rapport au deuxième trimestre 2009.
Au-delà de ces mesures d'urgence, le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche constitue une réponse à la crise structurelle de l'agriculture française, en s'appuyant sur quatre piliers.
Le premier pilier vise à établir un nouveau contrat entre la société française et ses agriculteurs. L'agriculture doit figurer de nouveau au centre des préoccupations sociales et politiques françaises, avec l'objectif de garantir la sécurité alimentaire française.
Le projet de loi vise ainsi à remettre l'alimentation au coeur du projet agricole. Afin de garantir l'équilibre nutritionnel des consommateurs, il prévoit la définition d'un programme national pour l'alimentation, rendant par exemple obligatoire le respect des règles nutritionnelles dans les cantines et les lieux de restauration collective.
Le second pilier est la stabilisation du revenu agricole. Les agriculteurs sont en effet confrontés à des dettes importantes liées au coût de l'installation mais aussi à une imprévisibilité de leurs revenus à court terme. Afin d'assurer une stabilisation de leurs revenus, le projet de loi comprend les dispositions suivantes :
- la négociation de contrats écrits, sous le contrôle de l'État, par des interprofessions plus fortes. Ces contrats fixeront une durée (en année et non pas en mois), un volume et un prix. Les interprofessions pourront fixer des indicateurs de tendance de marché, afin d'aboutir à un prix suffisamment rémunérateur pour les producteurs. Cela suppose cependant une adaptation du droit de la concurrence au niveau européen ;
- le renforcement des dispositifs de protection contre les aléas, s'appuyant sur l'épargne individuelle mais aussi sur l'extension des assurances publiques et privées. Le fonds national des garanties des calamités agricoles sera adapté pour couvrir non seulement les risques climatiques mais aussi les risques sanitaires et environnementaux ;
- le rééquilibrage des relations commerciales : le projet de loi prévoit le renforcement de l'observatoire de la formation des prix et des marges dont les compétences sont étendues à l'ensemble des produits agricoles. Les parlementaires disposeront d'un droit de suite. Le texte prévoit aussi l'interdiction, en période de crise, des remises, rabais et ristournes, encourage le regroupement des producteurs et encadre la publicité hors lieu de vente.
Le troisième pilier est la préservation du potentiel de production agricole. M. Bruno Le Maire, ministre, a dénoncé le scandale de la destruction des terres agricoles. Chaque jour, 200 hectares de terres agricoles disparaissent. Face au risque de dilapidation du capital français, trois mesures figurent dans le projet de loi :
- la création d'un observatoire national de la consommation des terres agricoles ;
- la création de commissions départementales donnant un avis sur les déclassements de terres agricoles dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale (SCOT) ;
- l'instauration d'une taxe sur la vente de terrains agricoles nus devenus constructibles. La valeur de ces terrains peut être multipliée par 100 par un simple acte administratif. M. Bruno Le Maire, ministre, a indiqué être favorable, à titre personnel, à l'affectation d'une partie du produit de cette taxe au financement de l'installation des jeunes agriculteurs.
S'agissant du développement durable, si les dispositifs environnementaux figurent essentiellement dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement (dit « Grenelle II »), le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche encourage cependant la méthanisation, l'introduction possible à la demande des professionnels de critères de respect de l'environnement et du bien-être animal dans les signes de qualité et vise à améliorer l'exploitation des forêts et à développer l'assurance tempête.
Le quatrième pilier porte sur la réforme de l'organisation de la pêche et de l'aquaculture. Prenant acte du fait que 85 % de la consommation française de produits piscicoles est importée, le projet de loi comprend les dispositifs suivants :
- le regroupement des comités des pêches et la clarification de leurs compétences notamment en matière de gestion des licences ;
- l'élaboration de schémas régionaux pour le développement de l'aquaculture ;
- l'institution d'un comité de liaison scientifique et technique favorisant le dialogue entre professionnels et scientifiques et permettant notamment d'avoir des avis contradictoires sur les quotas autorisés.
En conclusion, M. Bruno Le Maire, ministre, a souligné que la nouvelle donne induite par le projet de loi n'aurait de sens que si la bataille agricole est gagnée au niveau européen. Le modèle de la PAC, instauré après 1945 pour nourrir l'ensemble des Européens puis consacré comme un élément de la puissance économique de l'Europe, n'est plus efficient. Les aides européennes sont trop complexes et jugées illégitimes par certains États ; le système européen n'apporte pas de réponse à la volatilité des prix, multipliée par quinze en l'espace de dix ans ; même le citoyen n'adhère plus au contenu du modèle.
Il convient donc de redonner un sens à la PAC en fixant l'objectif d'assurer la sécurité alimentaire des 500 millions de citoyens européens. Une véritable régulation des marchés agricoles est indispensable, comme l'a montré la crise laitière. Sur ce point, la crise a d'ailleurs fait évoluer les positions de certains de nos partenaires européens. La préservation de la diversité des paysages et des territoires européens doit enfin être au coeur de la PAC, assorti d'un effort financier correspondant.