Intervention de Paul Blanc

Commission des affaires sociales — Réunion du 24 juin 2009 : 1ère réunion
Bilan des maisons départementales des personnes handicapées — Examen du rapport d'information

Photo de Paul BlancPaul Blanc, rapporteur :

Puis M. Paul Blanc, rapporteur, a fait observer que l'instabilité des moyens financiers des MDPH et de leurs personnels les empêche de satisfaire pleinement les usagers, ce qui conduit à revoir les conditions de fonctionnement des MDPH et à s'interroger sur l'éventuelle évolution de leur statut.

Conformément à la loi, les MDPH ont été constituées en groupements d'intérêt public (Gip), réunissant de droit l'Etat, les organismes locaux d'assurance maladie et d'allocations familiales, ainsi que le département, qui en assure la tutelle administrative et financière. Ainsi, le conseil général y occupe une place prépondérante puisque son président nomme le directeur et préside la commission exécutive (Comex), qui comprend : pour moitié, des représentants du département ; pour un quart, des membres des associations de personnes handicapées ; et, pour le quart restant, des représentants de l'Etat et des organismes locaux de la sécurité sociale ainsi que, le cas échéant, des représentants des autres membres du Gip.

Ce statut présente l'avantage d'être assez souple et de s'adapter aux réalités locales. Ainsi, selon les cas, les MDPH sont soit relativement autonomes, avec une part majoritaire de personnels recrutés directement par le Gip, soit plus fortement intégrées aux services du conseil général, qui leur offrent un soutien logistique substantiel (locaux, personnels, gestion de la paye, aide pour les marchés publics, accès à certains avantages en nature...).

Dans l'ensemble, on constate une implication réelle, bien que variable, des conseils généraux, ainsi que la participation active des associations à la Comex et à la CDAPH, dont la valeur ajoutée a été unanimement soulignée. Enfin, le Gip a pour avantage de permettre de développer des partenariats avec les autres acteurs du handicap (association pour la gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées, Agefiph, établissements médico-sociaux, service public de l'emploi, etc.) et de créer ainsi des synergies de réseau qui facilitent la mise en oeuvre des décisions de la CDAPH.

Malgré ces atouts, et afin de résoudre les difficultés liées à la multiplicité des statuts des personnes et à l'instabilité des agents mis à disposition par l'Etat, le Gouvernement envisage une évolution de la gouvernance des MDPH, dans le respect de quatre principes : donner à l'Etat les moyens d'assurer son rôle de garant de l'équité territoriale ; confirmer le département dans son rôle de responsable de la MDPH et lui donner une certaine souplesse de gestion ; préserver l'innovation que constitue la participation des associations à la gouvernance des maisons ; poser les bases d'une évolution vers des maisons départementales de l'autonomie et de la création d'un cinquième risque couvrant la perte d'autonomie liée au grand âge ou au handicap.

Trois options sont envisagées :

- le maintien du Gip et son aménagement pour améliorer la gestion des personnels et mieux garantir les financements ;

- l'intégration du Gip dans les services du conseil général, avec la création probable d'un service unique de prise en charge de la dépendance et une décentralisation complète des compétences des MDPH et de leurs personnels ;

- la création d'un établissement public administratif départemental qui, bien qu'indépendant, serait plus clairement placé sous l'autorité du conseil général, ce qui permettrait l'intégration des personnels d'Etat à la fonction publique territoriale et leur affectation à l'établissement. Celui-ci conserverait le caractère ambigu du Gip, entre service décentralisé et déconcentré, l'Etat, le conseil général et les associations pouvant siéger au conseil d'administration.

a indiqué sa préférence pour le maintien du Gip, avec une clarification des contributions financières de l'Etat et une stabilisation des personnels mis à disposition, afin de ne pas bouleverser l'organisation encore fragile des maisons. Toutefois, le détachement définitif des personnels ou leur intégration dans la fonction publique territoriale n'est pas réalisable dans le cadre juridique actuel.

La solution de l'intégration des MDPH dans les services du conseil général, qui a la faveur de nombreux présidents de conseils généraux, présente le double risque d'un désengagement de l'Etat et de la remise en cause de la participation des associations.

Reste donc l'option de la transformation du Gip en établissement public administratif départemental. Sans y être résolument hostile, M. Paul Blanc, rapporteur, a toutefois estimé qu'elle procède d'une « décentralisation non avouée », dont il faut préalablement définir plus clairement les contours (périmètre des compétences transférées, conditions financières de ce transfert, etc.). En l'absence de précisions sur les conditions de prise en charge de la dépendance et la création des maisons de l'autonomie, il semble difficile de répondre à ces questions.

De surcroît, il en résulterait deux chocs successifs imposés aux MDPH (changement de statut et évolution vers les maisons de l'autonomie), alors qu'elles ont déjà de nombreux défis à relever. Favorable à un nouvel examen du statut des MDPH, il est souhaitable de prendre le temps d'examiner soigneusement chaque possibilité au regard des missions que le conseil général et les MDPH seront amenés à assumer à l'égard des personnes âgées et handicapées.

Par ailleurs, les statuts multiples des personnels (fonctionnaires d'Etat ou du conseil général mis à disposition, personnels de droit public ou privé, agents détachés...), entraînent de nombreux dysfonctionnements : difficultés à mettre en place des rythmes de travail commun, en particulier pour les congés des personnels de l'éducation nationale ; problèmes du financement des formations organisées par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), normalement réservées aux agents territoriaux ; instabilité des personnels mis à disposition par l'Etat, qui ont le droit, à tout moment, de demander leur retour dans leur administration d'origine ; enfin, absence de perspectives de carrières pour les personnels d'Etat et les contractuels du Gip.

En ce qui concerne la formation, des solutions conventionnelles ont été trouvées par la CNSA et le CNFPT pour offrir à tous les personnels, sans distinction, des formations adaptées aux besoins des MDPH. Par ailleurs, la CNSA a lancé un processus de référencement des formations proposées par différents organismes et a parallèlement recruté des « formateurs relais » pour organiser des sessions thématiques.

Enfin, pour donner des perspectives de carrière aux personnels d'Etat mis à disposition et conserver leur expertise, le Gouvernement envisage de leur proposer une affectation définitive à la MDPH, avec un droit d'option valable un an pour le retour à leur corps d'origine.

Comme cela a été le cas pour les techniciens de la direction départementale de l'équipement (DDE) et les techniciens, ouvriers et de services (Tos) des collèges et des lycées, l'affectation définitive des personnels aux MDPH pourrait prendre la forme : soit d'une intégration dans la fonction publique territoriale, soit d'un détachement sans limitation de durée.

Sans nier l'avantage de cette formule, M. Paul Blanc, rapporteur, s'est dit cependant réservé sur deux points :

- sur l'utilité de proposer un détachement sans limitation de durée, cette innovation législative dérogatoire du droit commun pouvant poser des problèmes juridiques et s'étant révélée peu attractive pour les agents de la DDE et les Tos, qui ont préféré intégrer la fonction publique territoriale, plus avantageuse ;

- sur le risque que l'attachement des personnels enseignants à leur métier et l'impossibilité de l'exercer à l'avenir au sein de la fonction publique territoriale constituent un motif de retour dans leur administration d'origine, ce qui serait très préjudiciable aux MDPH qui ont besoin de leur expertise.

Pour ces personnels, il a suggéré soit un détachement de droit commun, conventionnellement fixé à cinq ans renouvelables, soit une affectation à la MDPH, tout comme les professeurs sont affectés dans un lycée ou un collège, qui ont le statut d'établissements publics locaux d'enseignement. Dans ce cas, l'affectation à un Gip étant actuellement juridiquement impossible, seule l'option de l'établissement public départemental pourrait être envisagée.

Le dernier sujet concerne les problèmes liés au financement.

Selon la CNSA, les dépenses de fonctionnement des MDPH s'élevaient, en 2008, à environ 230 millions d'euros : 75 % de dépenses de personnel, 20 % pour les autres dépenses de fonctionnement et 5 % consacrés à l'investissement.

Au total, l'Etat et la CNSA apportent plus des deux tiers des moyens, tandis que les conseils généraux y contribuent, en moyenne, à hauteur de 32 %. Ces chiffres ne reflètent pourtant pas fidèlement la réalité, la moitié des dépenses des MDPH n'étant pas budgétées et celles-ci bénéficiant souvent, à titre gracieux, de services du conseil général.

Il en résulte deux motifs de préoccupation :

- la grande disparité de situations entre les départements, la part de l'Etat variant de 12 % à 67 % et celle des conseils généraux devant souvent s'ajuster en conséquence, ce qui pose un problème d'équité ;

- la question de la compensation financière des personnels mis à disposition par l'Etat : en vertu du principe de fongibilité asymétrique, lorsqu'un agent ainsi mis à disposition d'une maison départementale part à la retraite ou est muté dans un autre département, l'Etat doit le remplacer ou verser une compensation financière. Or, ce principe ne s'applique pas en cas de congé maladie ou maternité ou lorsque les personnels n'ont pas opté au départ pour la mise à disposition ou sont retournés dans leur administration d'origine. Dans ce cas, la compensation occasionne pour l'Etat une charge supplémentaire, puisqu'il doit financer à la fois le poste vacant qu'il s'était engagé à mettre à disposition et celui de l'agent qui a choisi de rester ou de retourner dans son administration d'origine. Pour couvrir le coût des postes vacants, l'Etat a ouvert des crédits exceptionnels de 7,9 millions d'euros en 2006 et de 8,25 millions d'euros en 2007 mais rien n'a été prévu pour 2008.

Financièrement acculées, certaines MDPH ont procédé, au début de l'année 2009, à l'émission d'un titre de recettes à l'encontre de l'Etat, en vue de l'assigner devant le tribunal administratif. D'autres maisons ont fait savoir que faute de trésorerie, elles seraient contraintes de licencier du personnel ou de différer l'opération de numérisation des dossiers. Enfin, nombre d'entre elles ont dû bénéficier du renfort du conseil général pour équilibrer leur budget et maintenir leurs effectifs.

Cette situation difficile a conduit la secrétaire d'Etat chargée de la solidarité à s'engager à pourvoir les postes devenus vacants et, à défaut, à verser une compensation prélevée sur une première enveloppe de 10 millions d'euros, au titre de 2009. Mais le financement pour 2008 n'est pas réglé et l'on peut craindre que ces pratiques ne se traduisent par l'incapacité des MDPH à poursuivre leur montée en charge, faute de certitude sur les moyens qui leur seront alloués.

Enfin, M. Paul Blanc, rapporteur, a recommandé qu'une attention particulière soit portée aux méthodes retenues par le Gouvernement pour déterminer la valeur de ses engagements vis-à-vis des MDPH. L'évaluation reste à ce jour fondée sur la valeur des postes en 2005, ce qui, en l'absence d'indexation, correspond à un différentiel d'environ 10 %. En cas de transfert des personnels, il faudrait que l'évaluation des coûts qui en résultera pour les conseils généraux soit établie au coût réel.

Pour conclure, il a émis le voeu que les MDPH dépassent leur phase de construction et entrent dans une phase de consolidation institutionnelle et professionnelle, dans le respect de l'esprit de la loi du 11 février 2005.

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