Puis la commission a procédé à l'audition de M. Guy Paillotin, ancien directeur de l'INRA, auteur du plan Plan EcoPhyto 2018.
Précisant que le plan Plan EcoPhyto 2018 n'était en rien une oeuvre personnelle, M. Guy Paillotin a indiqué qu'il faisait suite à l'une des résolutions du « Grenelle de l'environnement » prescrivant de réduire de 50 % l'usage de produits phytosanitaires en dix ans si possible, suggérée par le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier. Ayant, à la demande de ce dernier, accepté de présider un groupe technique composé de représentants des différentes catégories d'acteurs et chargé d'instruire cette résolution, M. Guy Paillotin a souligné la qualité des fructueux débats qu'il a dirigés pendant six mois, la question des produits phytosanitaires n'ayant été que marginalement abordée dans le cadre du « Grenelle ». Les conclusions du groupe, largement consensuelles, ont été approuvées notamment par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et par l'association France nature environnement.
a fait observer que le postulat de départ d'une diminution de moitié des produits phytosanitaires en dix ans pouvait faire référence à plusieurs critères :
- les masses de produits actifs. Les fabricants de ces produits cherchant à accroître au maximum leur efficacité, il est en effet prévisible que leur masse totale diminue structurellement. Mais les associations environnementales n'ont pas souhaité retenir une telle référence ;
- l'impact des produits. L'absence d'indicateurs opérationnels rapportables sur la durée à un tel critère, mais également l'opposition des associations environnementales à la volonté des fabricants de ne retenir que l'impact des produits sur les exploitations agricoles et non sur l'ensemble de l'écosystème, ont conduit à abandonner également ce critère ;
- la fréquence d'intervention. Si la majorité des membres du comité était favorable à ce critère, il ne pouvait faire l'objet d'une consolidation rapide à l'échelle nationale ; il a par conséquent été aussi écarté ;
- enfin, la quantité de doses vendues rapportée à la dose unitaire spécifique de la substance active (NODU). Ce critère, simple, opérationnel et intégrable au niveau national, a finalement été retenu.
Soulignant que la France était parmi les premiers pays utilisateurs de produits phytosanitaires en volume total, mais qu'elle se situait dans la moyenne s'ils étaient rapportés à l'hectare, M. Guy Paillotin a insisté sur les risques que courait l'agriculture nationale, non seulement en termes d'image, mais surtout en dépendance vis-à-vis d'approvisionnements extérieurs, si elle ne remettait pas en cause son modèle de production intensive. Estimant qu'il ne faudrait pas compter, dans les premières années du moins, sur des innovations technologiques du secteur industriel pour tenir cet engagement de réduction, il a préféré parier sur la capacité du monde agricole à faire évoluer ses pratiques. Soulignant qu'il existait un rapport d'un à deux dans l'utilisation des produits de traitement entre les agriculteurs les plus et les moins vertueux, il a appelé à développer, valider et diffuser des méthodes de travail durables auprès du plus grand nombre d'entre eux, ainsi qu'à renforcer leur formation en jouant sur le volontarisme. Il a noté que la réglementation sanitaire française, concentrée sur l'efficacité des produits, ne permettait pas facilement de recourir à des techniques réduisant le recours aux traitements dès lors qu'elles donnaient moins de résultats en termes de production.
Anticipant la nécessité, après l'adaptation des pratiques, d'investir massivement dans l'innovation, il a regretté que les efforts en ce domaine soient dispersés en un grand nombre d'organismes de recherche. Appelant à un programme européen de recherche, il a observé que les industriels étaient davantage désireux de s'implanter sur les marchés émergents, où l'usage de produits phytosanitaires reste encore très limité, plutôt qu'enclins à engager des programmes de recherche sur de nouvelles molécules, les taux de rentabilité du secteur étant assez faibles. Remarquant que le souci d'une efficacité maximale des produits aboutissait à accroître la résistance des plantes à leur égard, il a, pour conclure, appelé à mobiliser fortement les acteurs en les encourageant à modifier leurs pratiques et en les convainquant qu'il en va d'abord de leur propre intérêt.
Cet exposé a été suivi d'un débat.