Intervention de Yves Détraigne

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 janvier 2007 : 1ère réunion
Assurances de protection juridique — Examen du rapport

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur :

a défini la garantie de protection juridique comme la prise en charge, en cas de litige, des frais de procédure ou la prestation de services en vue de permettre la défense de l'assuré partie à un procès ou confronté à une réclamation, ou le règlement amiable de son différend. Il a expliqué que le contrat d'assurance de protection juridique mettait à la disposition des assurés une large palette d'instruments : information, conseil juridique ou encore prise en charge des honoraires de l'avocat.

Après avoir relevé le succès de ce dispositif auprès des particuliers et des entreprises, dont les cotisations progressent de plus de 8 % par an depuis cinq ans, il a rappelé les principales critiques adressées à son fonctionnement, notamment celles formulées par la commission des clauses abusives le 21 février 2002, à savoir, les conditions trop restrictives de la mise en jeu de la garantie et les relations déséquilibrées entre les sociétés d'assurance, d'une part, et l'assuré et les avocats, d'autre part. Il a noté qu'en dépit des efforts des assureurs sous l'égide de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) pour remédier à cette situation, la position des avocats, acteurs essentiels de l'accès au droit et à la justice, dans le fonctionnement de l'assurance de protection juridique, n'était toujours pas satisfaisante.

Après avoir rappelé qu'avocats et assureurs avaient vainement tenté de rapprocher leurs points de vue depuis trois ans, M. Yves Détraigne, rapporteur, s'est félicité des avancées prévues par les propositions de loi pour remédier à ce blocage.

Présentant le contexte dans lequel s'inscrit la réforme, il a évoqué :

- le champ de la garantie de l'assurance de protection juridique, en théorie illimité, en pratique touchant principalement à l'immobilier et à la consommation et excluant de son bénéfice trois contentieux importants : le droit des brevets, le droit de la famille et des personnes et le droit de la construction ;

- les grands principes du régime de l'assurance de protection juridique, notamment l'individualisation obligatoire de la garantie et de la prime dans le contrat d'assurance, les modalités particulières de règlement en cas de désaccord entre l'assureur et l'assuré sur les mesures à prendre pour régler le litige et le droit pour l'assuré de choisir un avocat ou une personne qualifiée de son choix pour défendre ses intérêts en cas de litige avec un tiers et en cas de conflit avec l'assureur de protection juridique ;

- la nature des prestations fournies par l'assuré appelé à jouer un rôle central en phase amiable, qui ne se réduit pas à celui de simple tiers payant ; l'assureur est en effet habilité à proposer une grande diversité de services juridiques (information des assurés sur leurs droits et obligations, conseils juridiques, consultation juridique ou encore transaction amiable) ; les renseignements juridiques délivrés par téléphone représentent une part substantielle de son activité, qui s'appuie sur des plateaux techniques de renseignements téléphoniques performants.

Abordant le contenu même des contrats de protection juridique, le rapporteur a indiqué que les sommes engagées par l'assurance étaient limitées à un triple égard du fait de la fixation :

- de seuils d'intervention (montant minimal sur lequel doit porter le litige pour la mise en jeu de la garantie) ;

- d'un plafond global de dédommagement par litige dont le montant oscille entre 14.000 et 32.000 euros, destiné à financer tous les frais occasionnés par le sinistre ;

- d'un plafond de remboursement des honoraires d'avocat généralement, déterminé, pour la phase contentieuse, en fonction du degré de juridiction et de la nature du litige ; en moyenne, le montant de ces plafonds -730 euros- est supérieur à la dépense moyenne de l'Etat allouée aux avocats au titre des missions d'aide juridictionnelle, (301 euros en 2005) a précisé le rapporteur, relevant que les assureurs finançaient moins de 2 % (soit environ 130 millions d'euros) du montant total des honoraires d'avocat.

a souhaité qu'à terme l'assurance de protection juridique relaie utilement l'aide juridictionnelle d'un poids croissant dans le budget de l'Etat, soulignant néanmoins que deux évolutions étaient indispensables au préalable : l'élargissement de l'étendue des garanties de protection juridique -la matière pénale comme le contentieux familial (le divorce) étant souvent exclus du champ des contrats de protection juridique- et le développement plus important de cette assurance. Le faible nombre de procès pris en charge au titre de la garantie de protection juridique (2 % des affaires nouvelles) démontre que les champs de l'aide juridictionnelle et de l'assurance de protection juridique se recoupent encore peu.

Revenant sur les critiques formulées à l'encontre de l'assurance de protection juridique, le rapporteur a regretté :

- le manque de transparence et de lisibilité des contrats : les assurés ignorent qu'ils en détiennent un et n'en connaissent généralement pas le contenu ; en outre, ils sont souvent couverts deux fois pour le même risque ;

- le positionnement marginal des avocats -le plus souvent absents de la phase amiable et exclus, pour la plupart, des missions d'assurance de protection juridique captées par quelques avocats liés aux réseaux des assureurs et rémunérés selon des barèmes préétablis ; le rapporteur a souligné que cette situation avait pour effet de vider de sa substance le principe du libre choix de l'avocat. Il a expliqué que la pratique dominante du choix d'un avocat correspondant d'un réseau de compagnies d'assurance par les assurés s'expliquait par plusieurs facteurs : les assurés ne connaissent généralement pas d'avocat et sont donc portés à s'adresser naturellement à leur assureur pour obtenir le nom d'un avocat ; en outre, les contrats incitent souvent les assurés à choisir un avocat correspondant de l'assurance ;

- les réticences des assureurs pour mettre en jeu la garantie, notamment du fait d'une interprétation restrictive de la date de l'origine du sinistre.

Présentant l'économie des propositions de loi, M. Yves Détraigne, rapporteur, a expliqué qu'elles visaient à :

- favoriser l'intervention de l'avocat à tous les stades du règlement du litige en rendant sa présence obligatoire lorsque la partie adverse est défendue par un avocat ; le rapporteur a précisé que cette novation aurait surtout un impact pour la phase amiable ;

- autoriser les assurés à solliciter une consultation juridique ou des actes de procédure avant d'avoir déclaré le sinistre ;

- permettre aux avocats d'exercer leurs missions dans le respect des grands principes qui régissent cette profession en encadrant la pratique des assureurs tendant à suggérer le nom d'un avocat en exigeant une demande écrite préalable de l'assuré et en prohibant tout accord sur les honoraires de l'avocat conclu entre l'avocat et l'assureur ;

- rendre la garantie de protection juridique plus effective pour le consommateur par une définition précise du point de départ du délai dans lequel le sinistre doit être déclaré.

Le rapporteur a mis en avant que les avancées proposées répondaient à une demande ancienne de la commission des lois, laquelle demande avec constance depuis plusieurs années dans ses avis budgétaires, une plus grande implication de la profession d'avocat pour les missions accomplies au titre de l'assurance de protection juridique. Il a souligné le caractère limité et technique des aménagements proposés, expliquant qu'ils n'avaient pas pour objet de porter atteinte au rôle -premier- des assureurs dans la gestion des sinistres en phase amiable ni de les cantonner à un rôle purement indemnitaire de tiers payant.

Selon le rapporteur, les propositions de loi apportent des solutions réalistes pour assurer une meilleure compatibilité entre l'exercice du métier d'avocat et les pratiques professionnelles des assurances ; la réforme proposée n'interdit pas à l'assureur de proposer, sur demande, le nom d'un avocat lié à son réseau, non plus qu'elle n'a vocation à régir les plafonds de remboursement des honoraires d'avocat, qui demeurent librement déterminés par le contrat.

n'a pas minimisé le risque d'un renchérissement du coût des cotisations d'assurance de protection juridique. Il a estimé, contrairement à l'opinion exprimée par les assureurs, qu'une inflation des coûts ne devait pas faire craindre un détournement des ménages de l'assurance de protection juridique, estimant que les assureurs avaient démontré leur capacité à s'adapter aux contraintes du marché pour rester compétitifs, qu'au demeurant rien ne les empêcherait de faire supporter aux assurés une part des charges d'honoraires des avocats comme actuellement et qu'en outre, les consommateurs, bénéficiant de l'intervention d'un professionnel reconnu pour son indépendance et son impartialité, accepteraient sans doute de payer plus cher un contrat plus protecteur.

Le rapporteur a proposé des compléments au texte des propositions de loi pour :

- procéder à des coordinations nécessaires dans le code de la mutualité, afin de soumettre les mutuelles et les unions aux mêmes règles que celles désormais applicables aux sociétés d'assurance (article 6) ;

- affirmer le caractère subsidiaire de l'aide juridictionnelle en cas de détention d'un contrat d'assurance de protection juridique ; dans le contexte actuel budgétaire contraint et compte tenu des perspectives de développement de la protection juridique, il a jugé opportun d'éviter un double emploi des dispositifs d'accès au droit (article 5) ;

- affirmer le principe d'un remboursement prioritaire par la partie perdante des frais et des honoraires exposés par l'assuré pour le règlement du litige et subsidiairement à l'assureur dans la limite des sommes qu'il a engagées (article 4).

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