Intervention de Philippe Dallier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 novembre 2006 : 1ère réunion
Pjlf pour 2007 — Mission « ville et logement » et articles 62 et 62 bis rattachés - examen du rapport spécial

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier, rapporteur spécial :

a rappelé que la mission ministérielle « Ville et logement » était l'une des trois missions dépendant du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, avec la mission « Travail et emploi » et la mission « Solidarité et intégration ».

Il a indiqué qu'elle représentait :

- 3.088 emplois répartis entre le ministère de l'équipement, les directions régionales et départementales de l'équipement, et la délégation interministérielle à la ville (DIV) auxquels il fallait ajouter les 528 emplois des quatre principaux opérateurs agissant dans le cadre de la mission : l'agence nationale de l'habitat (ANAH), l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ANCSEC) ;

- plus de 11 milliards d'euros de dépenses fiscales, montant stable par rapport à 2006, représentant 156 % des crédits budgétaires de la mission, qui s'élèvent pour leur part à 7,30 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 7,19 milliards d'euros de crédits de paiement.

Il a indiqué que les orientations de la mission s'appuyaient sur les deux lois de programmation de rénovation urbaine du 1er août 2003 et de cohésion sociale du 18 janvier 2005 ainsi que sur les nouveaux dispositifs mis en place par les lois récentes sur l'égalité des chances du 31 mars 2006 et portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006.

Il a relevé que les crédits de la mission « Ville et logement » étaient respectivement en diminution de 1,03 % en autorisations d'engagement et stables en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2006. Il a précisé que, pour plus de la moitié, cette diminution résultait de la poursuite des effets de la fiscalisation du financement du prêt à taux zéro, intervenue en 2005.

a ensuite abordé l'examen des deux programmes de la mission concernant plus spécialement la ville : le programme 202 « Rénovation urbaine » et le programme 147 « Equité sociale et territoriale et soutien ».

Il a souligné que le programme « Rénovation urbaine », dont le délégué interministériel à la ville et au développement social urbain était le responsable, mettait en oeuvre le programme de rénovation urbaine (PNRU).

Il a ajouté qu'il représentait 400 millions d'euros en autorisations d'engagement et 386 millions d'euros en crédits de paiement, ces crédits étant en augmentation respectivement de 31 % et de 66 %.

a indiqué que figurait au titre des dépenses fiscales rattachées au programme, l'application du taux de TVA de 5,5 % aux logements en accession sociale à la propriété dans les quartiers en rénovation urbaine, prévue par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

Il a déclaré que cette dépense fiscale était évaluée à 100 millions d'euros pour 2006 et 300 millions d'euros pour 2007.

a rappelé qu'il avait émis des réserves lors de l'élargissement au Sénat de ce dispositif fiscal aux zones « situées dans les îlots, au sens du recensement, entièrement compris à une distance de moins de 500 mètres de la limite des quartiers » faisant l'objet d'une convention ANRU. Il a souhaité que la commission dispose d'un bilan d'application de cette mesure fiscale distinguant la part de dépenses liée spécifiquement à cette extension et celle résultant des opérations d'accession incluses directement dans des périmètres de convention ANRU.

Après avoir noté la diminution logique des crédits de l'action consacrée aux anciennes opérations grands projets de ville (GPV) et opérations de rénovation urbaine (ORU), M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, a présenté le bilan du décalage entre les crédits budgétaires inscrits en autorisations d'engagement et en crédits de paiement et les engagements du plan de rénovation urbaine, figurant à l'article 7 de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Précisant que la loi de programmation précitée prévoyait un minimum de 465 millions d'euros annuels, il a souligné qu'au bout de quatre années d'exécution on constatait que le total des autorisations d'engagement, tous crédits confondus, était supérieur aux objectifs de la loi de programmation, soit 1,94 milliard en autorisations d'engagement, contre un minimum de 1,86 milliard prévu par la loi de programmation, mais que la part des crédits non budgétaires dans le total du financement de l'ANRU restait à un niveau élevé, proche de 50 %. Il a indiqué qu'en 2006, pour 305 millions d'euros d'autorisations d'engagement ouvertes en loi de finances, le financement de l'ANRU avait été complété par 100 millions d'euros en provenance du FRU et 60 millions d'euros de recettes diverses. A cet égard, il a déclaré avoir reçu des assurances sur le versement à l'ANRU d'au moins 45 millions d'euros sur les 60 millions d'euros qui pourraient, en définitive, être prélevés sur des crédits non consommés de compensation d'exonération de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU). Pour 2007, le projet de loi de finances prévoit 400 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 100 millions d'euros en provenance des sociétés anonymes de crédit immobilier (SACI) et 100 millions d'euros de recettes diverses.

a estimé que ce mode de financement atteignait aujourd'hui ses limites dans la mesure où l'ANRU allait devoir faire face, à compter de la fin du 1er semestre 2007, à une forte augmentation de ses besoins financiers, qui passeraient d'un rythme de 350 à 500 millions d'euros de dépenses, à un milliard d'euros dans les trois prochaines années, cette progression résultant de la montée en charge du dispositif ainsi que de la décision d'attribuer des avances aux maîtres d'ouvrage afin d'accélérer la réalisation des projets. Rappelant les conclusions du rapport d'information n° 456 (2005-2006) sur l'ANRU qu'il avait présentées avec M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, ainsi que celles de la mission commune d'information « banlieues », il a souhaité la sanctuarisation des ressources de l'ANRU.

Il a déclaré qu'il prendrait également une initiative avec M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, pour reconstituer un fonds de rénovation urbaine au sein de la Caisse des dépôts et consignations en utilisant une partie de la plus-value exceptionnelle réalisée sur la vente de sa participation à la CNCE, ainsi que des crédits affectés à ses missions d'intérêt général.

Enfin, il a brièvement retracé le bilan de l'ANRU qui aura validé au 1er novembre 2006 plus de 25 milliards d'euros de travaux dans 383 quartiers, dont 146 quartiers prioritaires.

Il a évoqué ensuite le programme « Equité sociale et territoriale et soutien », qui regroupe les crédits destinés aux volets économique et social de la politique de la ville.

Il a rappelé que ces crédits étaient désormais principalement mis en oeuvre dans le cadre de contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) conclus entre l'Etat et les communes ou les établissements de coopération intercommunale (EPCI) et qu'au total environ 400 millions d'euros seraient ainsi contractualisés sur 2007.

Il s'est félicité, à cet égard, de l'importance des moyens mobilisés sur les CUCS et de la plus grande visibilité qu'offriraient ces contrats, qui seront conclus pour trois ans.

a indiqué que les crédits du programme représentaient 755,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 794,9 millions d'euros en crédits de paiement, ces montants étant quasiment stables par rapport au budget voté de 2006.

Il a rappelé que, compte tenu des augmentations de crédits qui avaient été votées lors de l'examen de la loi de finances pour 2006, grâce au plan d'urgence Banlieues (181 millions d'euros supplémentaires), la consolidation de ce montant de dépenses marquait clairement la priorité donnée par le gouvernement à la politique de la ville.

Il a observé que le tableau des dépenses fiscales rattachées au programme, pour 247 millions d'euros au total, faisait apparaître que les évaluations des dépenses fiscales liées aux zones franches urbaines (ZFU) avaient été révisées à la baisse, malgré les dispositions nouvelles de la loi pour l'égalité des chances, qui avait prorogé et étendu le dispositif avec la création de 15 nouvelles ZFU. Il a précisé que ce paradoxe apparent était lié à une surestimation des dépenses par la loi de finances pour 2006, que l'on retrouvait également au niveau des crédits de compensation des exonérations sociales dans les ZFU.

a rappelé que le programme « Equité sociale et territoriale et soutien » comprenait trois actions qui distinguaient le volet social et de prévention, le volet économique et, enfin, l'animation de la politique de la ville.

S'agissant de l'action n° 1 « Prévention et développement social » qui regroupe à la fois les moyens de prévention de la délinquance (34 % du total des crédits de l'action) et ceux des programmes de développement social (66 % du total des crédits de l'action), il a observé que les crédits comprenaient les crédits d'intervention déconcentrés et le financement d'actions spécifiquement identifiées : Ville vie vacances, adultes-relais et réussite éducative. Il s'est félicité de l'augmentation de 13,3 % des crédits du programme « Réussite éducative », considérant la place essentielle de l'éducation dans l'amélioration de la situation des quartiers. Il a précisé que pour cette action, 60 % de l'objectif fixé pour 2009 était d'ores et déjà atteint grâce à la mise en place de 370 projets.

a souligné que les crédits de l'action n° 2 « Revitalisation économique et emploi » comprenaient, pour l'essentiel, la compensation des exonérations de charges sociales en ZFU, estimée à 333 millions d'euros, mais aussi les dépenses liées aux plans de lutte contre les discriminations et aux dispositifs d'insertion professionnelle, équipes emploi-insertion et écoles de la deuxième chance.

S'agissant des crédits déconcentrés, il a souligné avoir constaté un certain flou dans la coordination et le suivi, notamment de la part de la DIV. Il a indiqué qu'il avait demandé, en conséquence, avec M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, que la Cour des comptes réalise une enquête en application de l'article 58-2° de la LOLF sur la gestion des crédits déconcentrés de la politique de la ville, qui ferait l'objet d'une audition publique « pour suite à donner » en 2007. Il a ainsi émis le souhait de faire établir un état des lieux des pratiques locales et de l'action de la DIV en ce domaine afin de pouvoir proposer des améliorations.

a présenté l'action n° 3 « Stratégie, ressources et évaluation » comprenant les crédits liés à l'animation de la politique de la ville et à son évaluation, soit, principalement, les crédits de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville, auxquels s'ajoutent désormais le coût de la nouvelle ANCSEC et les crédits de financement du volet « Stratégie, ressources, évaluation » des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Il a souhaité que la ministre déléguée chargée de la cohésion sociale et de la parité apporte des explications sur la forte progression des dépenses (+ 36 %) liées à la mise en place des contrats urbains de cohésion sociale.

Il a relevé que, d'une manière générale, la création des agences (ANRU, puis ANCSEC) avait soulevé certaines questions sur la coordination des différentes structures, ainsi que sur le rôle réservé à la délégation interministérielle à la ville, en particulier sur sa capacité à exercer une tutelle efficace, certains allant jusqu'à demander sa suppression.

Il a précisé que le délégué interministériel à la ville avait expliqué, lors de son audition par les rapporteurs spéciaux dans le cadre de l'examen des crédits pour 2007 de la mission « Ville et logement », sa conception du partage de responsabilités envisagé entre la DIV et l'ANCSEC, la première continuant à contrôler les procédures expérimentales, la seconde étant chargée de la mise en oeuvre des dispositifs standardisés.

Il a constaté que cette répartition était complexe quand il s'agissait notamment de la traduire en termes de gestion budgétaire, mais qu'il serait possible de juger de son efficacité avec la loi de règlement pour 2007.

Pour terminer sur la mesure de la performance, il a regretté qu'aucun indicateur relatif à l'action de l'ANCSEC n'ait été encore élaboré, alors que cette agence tenait une place majeure dans la mise en oeuvre du programme « Equité sociale et territoriale et soutien ».

En conclusion, il a mis en évidence le succès incontestable de la politique de rénovation urbaine. Le programme national, lancé en 2003, rencontre une très forte adhésion, malgré les critiques dont il a été l'objet à ses débuts, sans que le volet humain de la politique de la ville ne soit, pour autant, négligé. Il a souligné, notamment, la consolidation en 2007 des crédits réservés à l'action sociale et économique dans les quartiers, la création de nouvelles zones franches urbaines (ZFU), la mise en place de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ANCSEC) et l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine (DSU), qui atteint 48 % entre 2002 et 2006.

Considérant cependant que l'effort de l'Etat devait s'inscrire dans la durée et privilégier l'efficacité, il a rappelé l'importance de la sanctuarisation des ressources de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui lui permettrait de faire face à ses engagements.

Jugeant nécessaire que l'action de l'Etat, en faveur des quartiers, soit exemplaire en termes de transparence et de performance, il a souhaité, enfin, plus de rigueur dans la gestion et le suivi des différents dispositifs qui sont mis en oeuvre par les Agences et la DIV, autorité de tutelle.

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