Sans porter un jugement d'opportunité politique, je vais tenter de compléter ma présentation liminaire, en fournissant un éclairage technique sur les fondamentaux justifiant la réforme, dans la perspective du débat parlementaire. En premier lieu, il convient d'insister sur le caractère réformateur et innovant du projet de texte qui vise à organiser différemment les prélèvements sur l'épargne. Une réflexion approfondie a porté sur la nature des impositions. Convient-il de taxer le flux ou le stock, le revenu ou le patrimoine, les mutations à titre onéreux ou celles à titre gratuit ?
En second lieu, trois choix structurent cette réforme. Ils concernent le champ d'application, l'assiette et le taux. Le premier choix consiste à maintenir l'existence d'un impôt sur le revenu et d'un impôt sur la détention du patrimoine afin de tenir compte correctement de la faculté contributive de chacun. Ce choix conduit à une logique de financement. La création d'une nouvelle tranche n'est ainsi pas apparue pertinente au regard du ciblage et des problèmes qu'elle soulèverait. En effet, le sens profond de la réforme consiste à imposer, d'une part, le flux, et de financer, d'autre part, les pertes de recettes par une modification des droits de succession.
Quant au choix de l'assiette, la théorie fiscale plaide pour son élargissement ainsi qu'une réduction du taux. Or, la réforme sur ces points précis n'est pas le fruit du hasard, mais celui d'une longue réflexion stratégique. Il a été procédé à un calibrage de cette assiette et du taux, de façon à trouver un équilibre tout en garantissant les deux objectifs primordiaux de la réforme que sont la simplification du dispositif et sa viabilité économique.
Ainsi, l'exonération d'ISF des oeuvres d'art est justifiée, comme l'a rappelé le rapporteur général. Quant à l'exemption des biens professionnels, elle obéit à des raisons économiques.
Enfin, en ce qui concerne le choix du barème, la réforme proposée repose sur un certain consensus puisqu'elle vise à établir ce barème à une valeur économiquement supportable. En réponse à la proposition de Jean-Pierre Fourcade de fixer le seuil d'entrée à un million d'euros, je souhaite indiquer que la réforme tend à simplifier de manière substantielle le dispositif en vigueur. Des six tranches existantes, il n'en sera conservé que deux. De surcroît, il est proposé de recourir à un taux moyen plutôt qu'à un taux marginal dont le fonctionnement est difficilement compréhensible.
Si le choix de n'avoir que deux taux avec un seuil d'imposition à 1,3 million d'euros peut être contesté, le caractère lisible et simple de la réforme n'est pas discutable. Elle témoigne d'une volonté affirmée d'équilibre et de « reprofilage » du taux et du barème. Les effets de seuil et les possibles décotes ne doivent pas détourner l'attention du coeur de la réforme.
Après le rappel des choix stratégiques opérés par le Gouvernement, je souhaite répondre maintenant aux interrogations plus précises des commissaires. S'agissant de la déclaration, ses modalités sont simplifiées ainsi que celles du paiement, pour le contribuable imposé au taux de 0,25 %. Ce dernier ne sera soumis qu'à une estimation de son patrimoine et non à une obligation de le détailler. Cette déclaration sera effectuée par le biais du renseignement d'une case supplémentaire dans la déclaration de l'impôt sur le revenu. Le paiement de l'ISF interviendra avec ce dernier. La gestion de l'impôt sur le revenu, qui concerne 36 millions de contribuables, exclut que soit transmis un chèque de paiement de l'ISF accompagnant la déclaration.
Quant aux patrimoines dont la valeur excède trois millions d'euros, il est proposé de maintenir la déclaration détaillée.
En réponse au président Arthuis, il est possible de résoudre les difficultés relatives aux contribuables situés à la limite des deux tranches grâce à la convergence des exercices déclaratifs de l'impôt sur le revenu et de l'ISF.
S'agissant des mesures de financement, dès lors que la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat dite « TEPA » a porté les abattements à 160 000 euros par parts, il convient de souligner que les donations qui profitent de ce dispositif concernent des patrimoines importants entrant dans le champ de l'ISF. La réforme doit donc être appréciée au regard de l'ensemble des dispositions globales qui concernent les successions et les donations. Elle est ciblée sur les patrimoines dont la valeur est importante en raison du jeu des abattements qui sont préservés à un niveau élevé et du délai de dix ans au-delà duquel on ne rapporte plus les donations antérieures.
Quant à l'équation budgétaire, le reste à financer estimé approximativement à 900 millions d'euros correspond au coût de l'ensemble de la réforme, en régime de croisière et apprécié en valeur 2011. L'équilibre proposé répond à vos préoccupations puisque le rendement de la mesure relative au retour à la période de dix ans au lieu de six ans est évalué à 450 millions d'euros en valeur 2011, celui concernant le barème à 200 millions d'euros et celui relatif aux droits de donation à 290 millions d'euros.
Ce chiffre est déjà supérieur à 900 millions. Il faut y ajouter les deux mesures relatives à l'exil fiscal et aux non-résidents, qui représentent des ressources supplémentaires par rapport à la seule compensation du coût de la réforme.