Puis, après avoir indiqué qu'il ne possédait pas d'élément de réponse sur les ENN, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a ajouté que la question des risques d'OPA devait être posée, selon son organisation, dans le contexte plus large de la politique européenne de la concurrence, qu'il a estimée inadaptée aux conditions actuelles de la mondialisation. Regrettant par exemple l'absence d'homogénéité fiscale entre les Etats membres, qui conduit des groupes français à établir leur siège social aux Pays-Bas ou en Suisse exclusivement pour des raisons d'opportunité fiscale et sans aucune logique industrielle, il a considéré que la politique communautaire en matière de concurrence devrait désormais moins s'attacher à l'achèvement du marché intérieur, qui est au demeurant en voie de réalisation, qu'au renforcement de la place de l'Europe dans les échanges économiques et commerciaux mondiaux.
Il a indiqué que l'analyse de la CFDT à l'égard de la mondialisation s'appuyait sur deux éléments considérés comme fondamentaux, à l'origine de l'essentiel des difficultés rencontrées par les économies européennes dans la compétition économique internationale :
- la segmentation des outils de production et la parcellisation juridique des entreprises (« entreprises-légos »), qui accroissent la concurrence ;
- la financiarisation de l'économie, qui modifie très profondément l'équilibre du partage de la valeur ajoutée entre les salariés, les actionnaires et les clients.
a vivement regretté les nombreux raccourcis, omissions et approximations qui émaillent le discours public en matière économique, en particulier en matière de délocalisations, observant qu'ils empêchaient une correcte analyse macroéconomique de la mondialisation et, par conséquent, la mise en oeuvre de réponses adaptées et efficaces aux difficultés qui, a-t-il précisé, prenaient la forme d'un accroissement des inégalités entre les travailleurs, au plan tant national que mondial. A cet égard, il a considéré que les trois problèmes les plus redoutables étaient :
- la question environnementale, d'autant plus qu'en la matière, l'Europe n'était pas seule maîtresse des solutions ;
- le bouleversement des équilibres régionaux, avec l'apparition, en Asie, d'un certain esprit de revanche économique sur la période coloniale ;
- l'inadaptation croissante, tant dans leurs objectifs que dans leur fonctionnement, des dispositifs de protection sociale, rendus plus fragiles encore par le défi financier.
Au regard de cette situation, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a estimé nécessaire d'agir conjointement dans deux directions :
- le développement par la puissance publique d'outils de régulation adaptés et favorisant la reconstruction d'une véritable démocratie ; à cet égard, il a relevé que s'il ne pouvait être garanti qu'une Union européenne dynamique serait en mesure d'imposer son modèle et ses objectifs au plan mondial, il était en revanche certain qu'en l'absence d'Europe, rien ne serait obtenu ;
- le renforcement des responsabilités sociales des entreprises, dont le caractère essentiel est démontré tant, en creux, par les expériences malheureuses de Metaleurop ou d'AZF, que, de manière positive, par l'exemple de la directive REACH, dont l'efficacité réelle ne sera toutefois garantie que si les exigences internes à l'Europe qu'elle édicte dans le domaine de la chimie sont également et rapidement appliquées au plan mondial (ou, tout au moins, que l'Union européenne prenne en compte cette situation particulière dans sa politiques d'échanges commerciaux).
Puis, considérant que, pour lutter contre la schizophrénie du salarié, également consommateur et épargnant, la vigueur du dialogue social était essentielle, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a souligné l'importance de réintégrer, dans ce dialogue, la question des rapports entre les entreprises donneur d'ordres et les entreprises sous-traitantes, la séparation juridique ne pouvant durablement signifier l'absence de prise en compte par les premières des effets de leurs décisions sur les secondes. Il a cependant estimé que, même dans les situations où l'Etat n'était pas ou plus en mesure d'agir de manière totalement efficace en matière de régulation économique et sociale globale, des exemples d'accords collectifs novateurs démontraient une prise en compte positive de ces problèmes. Il a ainsi observé que des accords cadres internationaux imposaient expressément le respect des droits fondamentaux dans les relations tant entre donneurs d'ordres et sous-traitants qu'entre clients et fournisseurs.
En conclusion, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, est revenu sur l'assimilation, dans le débat public, entre mondialisation et délocalisations, pour la contester : il a en effet relevé qu'elle ne correspondait à aucune réalité puisque les études démontraient que seulement 4 à 5 % des pertes d'emplois résultaient des délocalisations et qu'à l'inverse, l'ouverture internationale des économies avait de multiples effets macroéconomiques positifs pour les entreprises, les salariés et les consommateurs. Mais il a surtout regretté la rémanence de ce type de contre-vérité, considérant qu'il ne saurait y avoir de progrès de la démocratie tant que le discours tenu au citoyen ne sera pas pédagogique.