La commission a procédé à l'audition de MM. François Chérèque, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), et Marcel Grignard, secrétaire national.
a d'abord remercié M. François Chérèque d'avoir accepté l'invitation de la commission à faire part du point de vue de la CFDT sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie et sur la mondialisation. Il a indiqué que les membres du groupe d'études sur l'énergie avaient été conviés à cette audition.
a commencé par présenter la position de la CFDT à l'égard du projet de loi aujourd'hui discuté à l'Assemblée nationale. Il a fait observer que la position de la CFDT différait de celle des autres syndicats du fait qu'elle résultait d'une analyse pragmatique de la réalité des entreprises et de la réglementation européenne. Rappelant que le marché du gaz serait complètement ouvert à la concurrence à l'été 2007, en application des décisions prises par les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de l'Union européenne, il a jugé indispensable de donner aux entreprises publiques françaises la possibilité de se mettre en ordre de bataille. A cette fin, la meilleure solution consiste à rapprocher Gaz de France (GDF) d'une autre entreprise. Après avoir analysé la possibilité d'un rapprochement de GDF avec Electricité de France (EDF), la CFDT considère qu'un tel rapprochement aboutirait à la construction d'un monopole national contredisant le projet politique des chefs d'Etat européens et qu'il est donc impossible, au regard de la réglementation communautaire, d'envisager une fusion EDF/GDF. C'est pourquoi la CFDT appuie la possibilité donnée à GDF par le projet de loi de passer une alliance avec une autre entreprise.
Abordant ensuite la question de l'identité de l'entreprise en question, il a fait observer que Suez était un groupe européen, d'origine française, offrant plusieurs services publics. Il a également souligné que les équipes syndicales de Suez envisageaient favorablement les synergies entre GDF et Suez.
a résumé son propos en déclarant que la CFDT était favorable au projet de loi et favorable au projet industriel construit entre GDF et Suez, estimant que le débat sur les modalités du rapprochement entre ces deux entreprises, par voie de fusion ou de participations croisées, débordait le projet de loi.
Il a ensuite relevé que la France n'était pas un pays producteur de gaz, ce qui devait l'inciter à adopter une démarche européenne développant des synergies entre entreprises distributrices au niveau européen pour être en mesure de faire face aux producteurs de gaz.
Enfin, il a insisté sur le fait que la décision de la CFDT à l'égard du projet de loi avait été prise en concertation avec les structures syndicales de GDF comme de Suez, dans les différents secteurs d'intervention de ce groupe : eau, travaux publics, environnement...
du projet de loi relatif au secteur de l'énergie, a salué le courage de M. François Chérèque. Ayant auditionné les divers représentants de la CFDT énergie, chez GDF et au sein du groupe Suez, il a considéré que seules deux questions restaient pour lui sans réponse de la CFDT : quelle est la position du syndicat sur le droit au retour et les tarifs régulés qui font l'objet d'un amendement compliqué de l'Assemblée nationale ? Faut-il étendre au personnel de Total, groupe exerçant marginalement une activité gazière, le statut des industries électriques et gazières (IEG) rendu applicable la veille à tous les acteurs ayant essentiellement une activité de commercialisation dans le domaine de l'énergie ?
a relevé que M. François Chérèque jugeait incompatible une fusion EDF/GDF avec les engagements communautaires de la France. Elle lui a demandé s'il disposait d'informations justifiant ce jugement.
a remercié M. François Chérèque de la position courageuse prise par le syndicat qu'il représentait. Evoquant le renchérissement des énergies fossiles, l'épuisement prochain des ressources en gaz et pétrole et la problématique de l'effet de serre, il a noté un approfondissement, depuis deux ans, du débat sur les énergies de substitution. Il a aussi estimé que, face au risque d'offre publique d'achat (OPA) du groupe italien ENEL sur Suez, le Gouvernement avait eu une attitude responsable en soumettant rapidement ce projet de loi au Parlement. L'étape suivante consisterait à développer les énergies renouvelables dans lesquelles Suez a acquis un savoir-faire reconnu, ce qui donnerait à la fusion GDF/Suez une dimension supplémentaire puisqu'elle offrirait l'opportunité de concrétiser l'abandon du principe de spécialité énergétique.
a rappelé que le coeur du projet de loi était la privatisation, ce qui signifiait la fin de la maîtrise de l'Etat sur son énergie gazière. Il a souhaité connaître la position de la CFDT sur ce point précis.
a complété la question de son collègue en interrogeant M. François Chérèque sur la nécessité ou non pour l'Etat de conserver une position dominante dans GDF et sur le fait de savoir si une participation de l'Etat à hauteur de 34 % pouvait être considérée comme lui assurant une minorité de blocage.
a confirmé l'évident soutien de la CFDT aux énergies renouvelables, ce qui ne suffisait pas à justifier pour autant une fusion entre GDF et Suez. Il a même rappelé que la CFDT s'était prononcée pour le développement des énergies renouvelables de préférence au renouvellement de centrales nucléaires. Il a donc estimé que le souci de développer les énergies de substitution devait être aussi celui d'EDF.
Concernant la compatibilité entre la construction européenne et une fusion EDF/GDF, il a nié détenir une quelconque information qui ne serait pas connue des sénateurs. L'histoire montrait que de nombreux projets de fusion d'entreprises avaient été refusés par la Commission européenne, notamment le projet portugais dans le secteur énergétique, ou acceptés sous condition de cession d'une partie de l'activité. Il a d'ailleurs noté que de telles cessions étaient aujourd'hui envisagées dans la perspective du rapprochement entre GDF et Suez et qu'inévitablement, un rapprochement GDF/EDF obligerait à des cessions plus grandes encore en raison de la position quasi monopolistique des deux entreprises sur leur marché. Or la CFDT refuse tout démantèlement d'EDF.
S'agissant de la privatisation de GDF, M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a fait état des débats internes qui avaient eu lieu à la CFDT, notamment entre les représentants des salariés de Suez et ceux de GDF. C'est pourquoi la CFDT s'est prononcée en faveur d'un système de participations croisées au service d'un projet industriel, permettant à l'Etat de conserver une position majoritaire. M. François Chérèque a reconnu que la CFDT n'était pas maître de l'évolution du projet vers la fusion GDF/Suez. Il a enfin considéré qu'une participation de l'Etat au capital de GDF à hauteur de 34 % représentait une forme de minorité de blocage dans l'entreprise, laquelle, paradoxalement, aurait d'ailleurs une situation dominante en Belgique.
a fait état d'une étude menée sur la fusion entre EDF et GDF qui évaluait à 40 % les cessions d'actifs que la réglementation européenne exigerait dans le cas d'une telle fusion. Il a ensuite noté que EDF et GDF étaient des entreprises qui n'étaient plus nationales, EDF ayant « fait son marché » en Europe au moment des privatisations dans les autres Etats membres. Il a donc appelé à adopter une démarche responsable et cohérente, déplorant notamment que le débat actuel fasse très peu de cas d'une solution européenne, alors même que la France dépend, pour sa sûreté nucléaire, de l'état des centrales de ses voisins européens (notamment à l'Est), en matière de sécurité d'approvisionnement (en particulier s'agissant de la volonté politique de la Russie d'assurer les livraisons de gaz) et en matière de recherche. L'Union européenne pourrait donc élaborer un cahier des charges imposant des obligations uniformes à toutes les entreprises énergétiques, dans la mesure où l'enjeu de l'énergie est à rattacher au développement durable et à l'intérêt commun et déborde donc le cadre national. M. Marcel Grignard, secrétaire national, a ainsi imaginé que les députés européens du parti populaire européen (PPE) et du parti socialiste européen (PSE) puissent adopter une démarche commune sur l'énergie comme ils l'avaient fait sur la directive relative aux services. Il a donc appelé à renoncer à une vision trop nationale de nos intérêts.
Au sujet des tarifs régulés, M. Marcel Grignard, secrétaire national, ne s'est pas dit convaincu par le projet de loi. Il a considéré qu'une pédagogie de l'économie de marché était à faire dans notre pays et que, si les prix de l'énergie constituaient un élément essentiel de la compétitivité des entreprises européennes, il n'était pas possible de maintenir ces prix bas si l'approvisionnement en matières premières se renchérissait. EDF et GDF, qui sont des entreprises recommandables en matière d'effet de serre, n'ont pas, selon lui, à supporter le surcoût de l'énergie fossile.
Abordant le statut des IEG, il s'est félicité de son extension récente qui assurait aux salariés du privé comme du public des protections indispensables. Il a jugé que ce statut devait s'appliquer aux entreprises ayant majoritairement une activité dans le gaz et l'électricité, ce qui écartait le groupe Total.
a souhaité évoquer également le fait que le caractère public d'un service ne tenait pas exclusivement à la propriété publique de l'entreprise mais pouvait aussi reposer sur une délégation de service public consentie par l'Etat à une entreprise privée. A l'appui de cette idée, il a cité le cas des hôpitaux privés qui ont une mission de service public.
a interrogé M. François Chérèque sur la stratégie d'entreprise de GDF. Elle a d'abord relevé qu'une éventuelle fusion avec Suez demanderait des cessions d'actifs importantes en raison du monopole qu'un tel groupe aurait sur le marché belge. Elle s'est d'ailleurs émue qu'on demande à Suez de se départir du seul intérêt que ce groupe avait dans le gaz, soulignant l'absurdité d'une telle cession au regard de la stratégie industrielle. Elle a douté que les cessions d'actifs qui seraient in fine exigées du groupe résultant de la fusion entre GDF et Suez soient moindres que celles exigées dans le cas d'une fusion EDF/GDF.
Rappelant que l'objet du projet de loi était la privatisation de GDF et non sa fusion avec une autre entreprise, elle a déploré que ne soient pas rendues possibles plusieurs stratégies, ce qui ne permettait pas d'assurer à GDF un développement sur le marché du gaz, notamment sur le segment sur lequel GDF avait le meilleur positionnement, à savoir l'amont, du fait de ses capacités de stockage, et le transport du gaz. Elle s'est d'ailleurs inquiétée de l'avenir d'un groupe comme GDF/Suez, qui ne serait jamais à l'abri des attaques d'un géant comme Gazprom, susceptible de dégager des bénéfices nets de 12 milliards de dollars en 2005.
s'est félicité de l'audition de M. François Chérèque, jugeant nécessaire d'encourager les rencontres entre les élus et les représentants syndicaux, lesquels visaient tous à une meilleure gestion de l'économie et de la société. Il a convenu qu'une politique européenne de l'énergie faisait défaut et regretté les positions hétérogènes des Etats membres, notamment sur la question nucléaire. A ce propos, il a évoqué le gazoduc construit par l'Allemagne pour s'approvisionner directement chez Gazprom en contournant la Pologne. Il a par ailleurs souligné l'importance d'encourager les alliances entre entreprises françaises, dans la mesure où la localisation d'un siège social n'était pas sans incidence sur les décisions économiques de l'entreprise. Il s'est ensuite interrogé sur les risques de conflits qu'une multiplication de statuts différents pouvait engendrer. Il a aussi exprimé ses doutes sur l'opportunité d'un contrôle des prix du gaz dans un contexte de renchérissement de l'approvisionnement, se déclarant en outre favorable à une augmentation du prix de l'énergie en cas de consommation excessive.
a souligné que la nécessité de faire grandir GDF s'imposait pour assurer son approvisionnement et que ceci ne pouvait emprunter que deux modalités : l'apport d'actions ou l'endettement, auquel France Telecom avait eu recours en son temps avec les conséquences que l'on connaît. Réagissant à l'inquiétude de ceux qui craignent qu'une diminution de la participation de l'Etat au capital de GDF empêche de garantir les prix, il a rappelé que c'était exclusivement à la commission de régulation de l'énergie (CRE) qu'incombait la mission de régulation du marché. Enfin, il a rappelé que la fusion entre GDF et Suez n'était pas faite et que les actionnaires de Suez auraient le dernier mot sur la réalisation de cette fusion, ainsi d'ailleurs que sur la constitution éventuelle d'un pôle de services.
Après avoir salué la position originale de la CFDT dans l'univers syndical, M. Roland Ries a souhaité savoir si cette organisation estimait que l'autorisation donnée à GDF, par le projet de loi, de se « marier » à une autre entreprise, qu'il s'agisse de Suez ou d'une autre, garantirait au nouveau groupe, en raison de la taille qu'il aurait atteinte :
- une protection efficace contre une éventuelle OPA ;
- une plus grande capacité à négocier avec les producteurs de gaz, tels que Gazprom, pour obtenir des prix permettant ensuite aux consommateurs de bénéficier de tarifs satisfaisants - dans l'hypothèse où les marges disponibles ne seraient pas exclusivement captées par les actionnaires.
Par ailleurs, il s'est interrogé, dans le nouveau contexte ouvert par le projet de loi, sur l'éventuelle privatisation des entreprises non nationalisées (ENN) et des distributeurs de province, tels que Gaz de Strasbourg.
s'est tout d'abord interrogé tant sur l'objectif que sur les modalités du processus législatif en cours, observant, d'une part, que la fusion entre GDF et Suez relèverait en définitive d'une décision des actionnaires de cette dernière entreprise et d'une autorisation de l'Union européenne, et, d'autre part, que les parlementaires devaient travailler sans même connaître le contenu exact de la lettre de griefs de la Commission européenne, pas plus que celui des réponses apportées par GDF et par Suez. Puis, après s'être inquiété des garanties d'activité d'un groupe qui ne pèsera, au mieux, que 12 % du marché communautaire de l'énergie, il a dit craindre que les règles imposées par l'Union européenne dans le domaine de la politique de la concurrence, telles que la limite des deux tiers dans le cadre d'un marché national, ne fragilisent les grands groupes européens face à leurs concurrents internationaux.
Soulignant que les questions évoquées par les parlementaires étaient identiques à celles que se posait son organisation syndicale, M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a tout d'abord regretté que le débat parlementaire intervienne si tardivement, et dans un contexte très contraint par la situation industrielle de GDF et de Suez, alors qu'il aurait dû se tenir il y a quelques années, lorsque les Etats membres de l'Union européenne, y compris naturellement la France, ont pris des décisions sur la stratégie énergétique communautaire. Puis, observant qu'une fusion entre EDF et GDF aurait elle-même rendu nécessaire un certain démantèlement des activités d'EDF, tout le débat portant sur la proportion de ces abandons d'actifs, il s'est étonné qu'aucune étude ni avis circonstancié n'aient été demandés aux instances communautaires sur ce projet alternatif à celui de la fusion GDF-Suez. S'agissant des risques d'une future OPA, tout en estimant que, malgré les effets de la fusion sur la taille du groupe, qui rendrait son absorption plus difficile, aucune option ne pouvait être définitivement écartée, M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a considéré que la minorité de blocage détenue par l'Etat constituait un atout indéniable. Enfin, s'agissant des statuts des personnels, il a relevé qu'il appartenait légitimement aux syndicats de se préoccuper de cette question, que le statut des salariés d'Electrabel avait été maintenu lors de la prise totale de contrôle par Suez en août 2005, et qu'en tout état de cause, le statut des salariés de Suez était lui-même très protecteur.
Sur ce dernier point, M. Aymeri de Montesquiou a précisé qu'il s'inquiétait de la multiplication des statuts après l'éventuelle fusion, s'interrogeant sur la création d'un nouveau statut, différent de ceux actuellement applicables aux personnels tant de GDF que de Suez, pour les futurs salariés du groupe.
Puis, après avoir indiqué qu'il ne possédait pas d'élément de réponse sur les ENN, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a ajouté que la question des risques d'OPA devait être posée, selon son organisation, dans le contexte plus large de la politique européenne de la concurrence, qu'il a estimée inadaptée aux conditions actuelles de la mondialisation. Regrettant par exemple l'absence d'homogénéité fiscale entre les Etats membres, qui conduit des groupes français à établir leur siège social aux Pays-Bas ou en Suisse exclusivement pour des raisons d'opportunité fiscale et sans aucune logique industrielle, il a considéré que la politique communautaire en matière de concurrence devrait désormais moins s'attacher à l'achèvement du marché intérieur, qui est au demeurant en voie de réalisation, qu'au renforcement de la place de l'Europe dans les échanges économiques et commerciaux mondiaux.
Il a indiqué que l'analyse de la CFDT à l'égard de la mondialisation s'appuyait sur deux éléments considérés comme fondamentaux, à l'origine de l'essentiel des difficultés rencontrées par les économies européennes dans la compétition économique internationale :
- la segmentation des outils de production et la parcellisation juridique des entreprises (« entreprises-légos »), qui accroissent la concurrence ;
- la financiarisation de l'économie, qui modifie très profondément l'équilibre du partage de la valeur ajoutée entre les salariés, les actionnaires et les clients.
a vivement regretté les nombreux raccourcis, omissions et approximations qui émaillent le discours public en matière économique, en particulier en matière de délocalisations, observant qu'ils empêchaient une correcte analyse macroéconomique de la mondialisation et, par conséquent, la mise en oeuvre de réponses adaptées et efficaces aux difficultés qui, a-t-il précisé, prenaient la forme d'un accroissement des inégalités entre les travailleurs, au plan tant national que mondial. A cet égard, il a considéré que les trois problèmes les plus redoutables étaient :
- la question environnementale, d'autant plus qu'en la matière, l'Europe n'était pas seule maîtresse des solutions ;
- le bouleversement des équilibres régionaux, avec l'apparition, en Asie, d'un certain esprit de revanche économique sur la période coloniale ;
- l'inadaptation croissante, tant dans leurs objectifs que dans leur fonctionnement, des dispositifs de protection sociale, rendus plus fragiles encore par le défi financier.
Au regard de cette situation, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a estimé nécessaire d'agir conjointement dans deux directions :
- le développement par la puissance publique d'outils de régulation adaptés et favorisant la reconstruction d'une véritable démocratie ; à cet égard, il a relevé que s'il ne pouvait être garanti qu'une Union européenne dynamique serait en mesure d'imposer son modèle et ses objectifs au plan mondial, il était en revanche certain qu'en l'absence d'Europe, rien ne serait obtenu ;
- le renforcement des responsabilités sociales des entreprises, dont le caractère essentiel est démontré tant, en creux, par les expériences malheureuses de Metaleurop ou d'AZF, que, de manière positive, par l'exemple de la directive REACH, dont l'efficacité réelle ne sera toutefois garantie que si les exigences internes à l'Europe qu'elle édicte dans le domaine de la chimie sont également et rapidement appliquées au plan mondial (ou, tout au moins, que l'Union européenne prenne en compte cette situation particulière dans sa politiques d'échanges commerciaux).
Puis, considérant que, pour lutter contre la schizophrénie du salarié, également consommateur et épargnant, la vigueur du dialogue social était essentielle, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a souligné l'importance de réintégrer, dans ce dialogue, la question des rapports entre les entreprises donneur d'ordres et les entreprises sous-traitantes, la séparation juridique ne pouvant durablement signifier l'absence de prise en compte par les premières des effets de leurs décisions sur les secondes. Il a cependant estimé que, même dans les situations où l'Etat n'était pas ou plus en mesure d'agir de manière totalement efficace en matière de régulation économique et sociale globale, des exemples d'accords collectifs novateurs démontraient une prise en compte positive de ces problèmes. Il a ainsi observé que des accords cadres internationaux imposaient expressément le respect des droits fondamentaux dans les relations tant entre donneurs d'ordres et sous-traitants qu'entre clients et fournisseurs.
En conclusion, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, est revenu sur l'assimilation, dans le débat public, entre mondialisation et délocalisations, pour la contester : il a en effet relevé qu'elle ne correspondait à aucune réalité puisque les études démontraient que seulement 4 à 5 % des pertes d'emplois résultaient des délocalisations et qu'à l'inverse, l'ouverture internationale des économies avait de multiples effets macroéconomiques positifs pour les entreprises, les salariés et les consommateurs. Mais il a surtout regretté la rémanence de ce type de contre-vérité, considérant qu'il ne saurait y avoir de progrès de la démocratie tant que le discours tenu au citoyen ne sera pas pédagogique.
Après avoir remercié l'orateur pour la clarté de son propos, M. Jean-Paul Emorine, président, s'appuyant sur les enseignements tirés des récentes missions menées par la commission en Chine puis en Inde, a estimé plus opportun de parler de partenariat que de délocalisations. Il a en effet relevé que, pour pouvoir vendre sur les marchés émergents des produits européens, et donc conforter, voire développer, l'activité économique et l'emploi en France, il fallait que les consommateurs locaux soient solvables, et donc que les pays en développement vendent eux-mêmes des produits sur les marchés développés, ce que l'installation d'entreprises venues des pays occidentaux permettait de favoriser.
Approuvant cette observation, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a souligné que l'implantation de multinationales européennes dans les pays en développement constituait le plus souvent un puissant facteur de progrès social au plan local, l'image « d'exploiteur » communément associée à ces entreprises étant très éloignée de la réalité et justifiée pour un faible nombre d'entre elles. En outre, il a relevé que l'extension à l'international renforçait fréquemment les capacités nationales des sociétés, comme le prouvait l'exemple de Renault en matière de recherche et développement. Il a aussi indiqué, pour appuyer son propos, que des études prouvaient que le solde des créations d'emplois entre la France et la Pologne depuis l'accession de cet Etat à l'Union était positif. Il a cependant observé que ces réalités macroéconomiques ne pouvaient être avancées comme réponse à la colère d'un salarié mis au chômage, que sa perte d'emploi soit du reste effectivement liée à une délocalisation ou, plus simplement et souvent, à des erreurs de gestion de l'entrepreneur ou à des difficultés conjoncturelles du secteur. Considérant qu'il ne saurait y avoir d'adhésion des citoyens à la résolution des difficultés collectives si aucune solution efficiente n'était donnée aux problèmes individuels des salariés, il a indiqué que la remise à plat du régime d'assurance chômage devait être entendue comme une réponse à la question des garanties nouvelles susceptibles d'être accordées pour que la perte d'emploi ne soit pas une catastrophe.
Après avoir confirmé que la sécurisation des parcours professionnels, en ce qui concerne tant l'entrée des jeunes dans l'activité que les ruptures au cours de la vie professionnelle et la gestion des fins de carrière, constituait effectivement un aspect essentiel du dialogue social pour les syndicats, M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, prenant l'exemple de la récente délocalisation au Maroc d'un centre d'appels d'AXA, a fustigé l'absence de vérité sur les motivations réelles de ce mouvement. Puis il s'est inquiété des effets d'une éventuelle généralisation, dans toutes les entreprises de services, d'une stratégie de délocalisation des emplois non qualifiés pour financer le développement en France d'emplois qualifiés : observant qu'elle conduirait à une impasse et à de graves difficultés, il a souligné que cette problématique posait aussi, en contrepoint, la question du développement des emplois dans les pays émergents, comme celles, plus larges, de l'immigration et de l'organisation mondiale du commerce. A cet égard, il a salué la prochaine création d'une confédération syndicale internationale unique comme un outil supplémentaire pour favoriser la régulation de la mondialisation.
Rappelant que le rapport du groupe de travail sur la délocalisation des industries de main-d'oeuvre, dont il avait été l'auteur en juin 2004, avait appelé à un « néo-colbertisme européen » et à une harmonisation des règles fiscales, sociales et environnementales au niveau communautaire, M. Francis Grignon a demandé si un document ou un ouvrage présentait les analyses de la CFDT sur la mondialisation. Puis, faisant état de récents déplacements personnels en Turquie et au Sénégal, il a demandé si, pour lutter dans les pays en développement contre la pauvreté, comme contre l'intégrisme religieux qui peut lui être souvent associé, il ne convenait pas de favoriser, avec des capitaux occidentaux, l'émergence d'industries locales de consommation plutôt que de chercher à développer des relations commerciales avec les pays riches.
après avoir indiqué qu'il estimait essentiel de rénover le dialogue social, a dit craindre que cette formule n'en reste au stade du poncif si les partenaires sociaux n'abordaient pas les véritables questions qu'elle pose en matière de périmètre (la France, l'Europe ou le monde ?), de rôle et d'importance des syndicats (qui sont très relatifs selon les pays), de forme de l'expression des organisations représentatives des salariés, de l'objet, du contenu et des effets des conventions, etc. Aussi s'est-il interrogé sur la manière d'assurer l'efficacité et l'utilité du dialogue social.
Souscrivant pleinement à cette dernière série d'interrogations, qu'il a complétée par la question du niveau du dialogue (dans l'entreprise, le groupe, la branche ?), M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a indiqué que son organisation cherchait à avancer dans deux directions :
- la reconnaissance que l'espace du dialogue social doit être occupé par les partenaires sociaux, la loi n'intervenant qu'à titre de régulation ;
- le soutien à la représentativité syndicale et à la validité des accords collectifs par le renforcement des pouvoirs des organisations syndicales.
S'agissant de l'harmonisation des législations au niveau communautaire, M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a regretté que si les objectifs de la stratégie de Lisbonne étaient les bons, l'Union n'avait rien construit d'opérationnel pour les mettre effectivement en oeuvre. Par ailleurs, il a souligné que la place de l'Europe dans l'histoire, comme les difficultés actuelles liées aux flux migratoires, lui conféraient un rôle particulier à l'égard des pays d'Afrique et d'Asie pour les aider à assurer leur propre développement. Enfin, il a indiqué que l'ensemble des prises de position affirmées au cours de l'audition par M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, et lui-même étaient résumées ou reprises dans la résolution du Congrès de Grenoble, approuvée par les militants de la CFDT en juin dernier et consultable sur le site Internet de la CFDT.