Intervention de Josselin de Rohan

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 octobre 2008 : 1ère réunion
Pjlf pour 2009 — Mission défense - Audition du général jean-louis georgelin chef d'état-major des armées

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président :

a rappelé que les responsabilités budgétaires du chef d'état-major des armées concernaient les deux programmes représentant plus de 90 % des crédits de la mission « Défense », à savoir le programme 178 « Préparation et emploi des forces » et le programme 146 « Equipement des forces ». Il a ajouté que sur ce dernier programme, la responsabilité partagée entre le chef d'état-major des armées et le délégué général pour l'armement avait été maintenue pour 2009.

Soulignant que l'année 2009 marquerait la mise en oeuvre d'une réforme d'ensemble devant combiner de manière cohérente une réduction du format des forces, une réorganisation des implantations et des structures de soutien et un effort supplémentaire pour financer l'arrivée d'une nouvelle génération d'équipements, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité que le chef d'état-major des armées donne son appréciation sur l'adéquation des moyens humains et budgétaires aux missions des armées, c'est-à-dire aux contrats opérationnels et aux conditions d'engagement rencontrées quotidiennement sur les théâtres d'opérations.

Le général d'armée Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, a tout d'abord rappelé le cadre particulier dans lequel s'inscrivait, pour les armées, le projet de loi de finances 2009. Celui-ci résulte des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et des travaux de la révision générale des politiques publiques. Il coïncide avec le lancement d'une réforme complexe qui exigera des armées un effort d'adaptation considérable. Il représente la première étape d'une programmation des dépenses de l'Etat sur trois ans tout en marquant l'entrée dans une nouvelle loi de programmation militaire elle-même inscrite dans un processus de 12 années pour lequel le Président de la République a retenu une trajectoire financière de 377 milliards d'euros. Pour les armées, il traduit, en termes d'investissements, l'entrée dans un cycle de renouvellement de nos équipements majeurs. Enfin, il intervient dans un contexte marqué par la crise financière internationale et de fortes contraintes sur nos finances publiques.

Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a estimé que dans un tel contexte, le projet de budget pour 2009 traduisait de manière aussi juste que possible l'effort financier pouvant aujourd'hui être consenti par notre pays en matière de défense. Rappelant qu'il était responsable devant le Président de la République de l'efficacité opérationnelle de notre outil de défense, il a indiqué sa volonté de conduire sous l'autorité du ministre et avec détermination les réformes annoncées. Il a néanmoins souligné l'extrême complexité d'un exercice qui exigera de disposer, dans la durée, des ressources financières et humaines nécessaires.

Le chef d'état-major des armées a ensuite évoqué l'environnement dans lequel allaient s'engager ces réformes. Il a notamment mentionné l'instabilité du contexte international, soulignée par le Livre blanc et illustrée par les événements survenus cet été en Géorgie. Il a également estimé que d'un point de vue opérationnel, nos engagements se caractérisaient aujourd'hui par leur durée, leur durcissement, leur diversification et leur dispersion géographique. Indiquant que la notion de durcissement était au centre de ses préoccupations, il a observé que nos forces étaient confrontées à des adversaires plus durs, plus déterminés, qui se sont adaptés à nos méthodes de combat et qui disposent de moyens susceptibles de contrer localement notre supériorité technologique. Ce constat imposait à ses yeux de rompre avec une forme d'inhibition perceptible durant la décennie qui a suivi la première guerre du Golfe et de reprendre nos réflexes de combat, d'adapter nos conditions d'entraînement et de développer les équipements permettant de faire face à ces menaces.

Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a souligné que cette exigence d'adaptation opérationnelle s'imposait au moment où les armées engageaient une réforme structurelle sans précédent. La déflation d'effectifs programmée au cours des sept prochaines années était en effet sans commune mesure avec l'effort entrepris au lendemain de la professionnalisation. Alors qu'à l'époque, la réduction du format des armées avait essentiellement reposé sur la suspension du service national et n'avait concerné que 18 000 cadres, elle touche exclusivement aujourd'hui du personnel de carrière ou sous-contrat, ce qui la rend particulièrement sensible, notamment dans un contexte économique qui pourrait se révéler peu favorable. A cette déflation, s'ajouteront les tensions que ne manqueront pas d'entraîner la redéfinition des implantations militaires et la réorganisation des soutiens et de l'administration générale. La bonne exécution de cette réforme conditionne cependant la réalisation des marges financières indispensables au renouvellement des matériels majeurs.

Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a jugé primordial de veiller à maintenir au plus haut niveau opérationnel l'efficacité de notre outil militaire tout au long de cette période jugée particulièrement complexe. Il a estimé que l'effort d'adaptation exigé des militaires, et qui s'ajoute aux contraintes inhérentes à leur métier, devrait trouver une légitime reconnaissance. Enfin, il lui a paru indispensable que le chef d'état-major des armées dispose des moyens lui permettant d'exercer pleinement ses responsabilités.

Présentant les principales caractéristiques du projet de loi de finances, le général d'armée Jean-Louis Georgelin a considéré qu'il marquait un effort significatif du pays, puisque le budget de la mission « Défense », hors pensions, augmentera de plus de 5 % et sera porté à 32 milliards d'euros, l'effort de défense étant maintenu à 2,3 % du PIB. Il a toutefois souligné que ce niveau de ressource serait atteint grâce à la mobilisation de recettes exceptionnelles, à hauteur de 1,637 milliard d'euros, ces recettes conditionnant notamment l'effort consenti au profit des équipements.

Les crédits d'équipement progresseront de 10 %, passant de 15,4 à 17 milliards d'euros. Ils permettront de réaliser ou d'engager des commandes portant sur des équipements majeurs tels que le Rafale, l'hélicoptère Tigre, le VBCI, les Felin, les frégates européennes multi-missions (FREMM) et les frégates anti-aériennes Horizon, les sous-marins d'attaque Baraccuda et les avions de transport A400M. Des procédures accélérées d'acquisition de matériel, destinées à répondre aux besoins urgents des forces engagées dans des opérations de combat sur les théâtres d'opérations extérieurs, seront également mises en place. C'est dans ce cadre que seront livrés, dès le premier semestre 2009, 60 tourelles télé opérées pour véhicules de l'avant blindés, 50 cabines blindées pour les camions de transport, 135 brouilleurs et 250 kits d'intégration destinés à la lutte contre les engins explosifs improvisés.

Le projet de budget traduira également la priorité accordée à la préparation opérationnelle des forces. Les crédits prévus pour l'entraînement et l'entretien programmé des matériels permettront de maintenir à un niveau satisfaisant le volume des activités nécessaires à la préparation opérationnelle de nos forces, les objectifs annuels restant cohérents avec les standards OTAN. Toutefois, dans une logique d'entraînement différencié, les unités désignées pour s'engager en opérations extérieures bénéficieront d'un effort supplémentaire destiné à compléter leur préparation de base. S'agissant des carburants opérationnels, la dotation prévue pour 2009 progressera de près de 30 %, pour atteindre 456 millions d'euros. Elle permettra la couverture des objectifs d'activité sur la base d'un baril à 75 dollars. Si le coût moyen du baril atteignait 85 dollars, le surcoût financier serait de l'ordre de 90 millions d'euros et nécessiterait un complément de ressources en gestion.

La provision pour les opérations extérieures augmentera de 50 millions d'euros, pour atteindre 510 millions d'euros, soit 60 % du montant des surcoûts prévus pour 2008, estimés à 833 millions d'euros. Ces surcoûts pourraient se maintenir durablement à un niveau élevé, les dépenses augmentant avec le degré de violence et l'intensité des opérations qui sont les caractéristiques de nos engagements actuels.

Enfin, le projet de budget permettra la mise en oeuvre d'un plan d'accompagnement des restructurations et la poursuite de l'effort d'amélioration de la condition du personnel grâce à la diminution de la masse salariale qui résulte de la suppression nette de 8 250 emplois.

En conclusion, le général d'armée Jean-Louis Georgelin a insisté sur trois points méritant une attention toute particulière.

Il a mentionné en premier lieu les conditions de déroulement de la gestion 2008, en précisant que les risques pesant sur les ressources et leur emploi dépassaient 2 milliards d'euros, le ministère de la défense attendant notamment à l'occasion du collectif budgétaire de fin d'année le remboursement des surcoûts liés aux opérations extérieures et au prix des carburants, ainsi que le financement complémentaire du programme FREMM. Il a estimé que, seule, une exécution budgétaire 2008 équilibrée pouvait garantir durablement la cohérence de la programmation à venir et d'atteindre les objectifs du Livre blanc.

Il a également souligné que la mise à disposition en temps voulu et au niveau annoncé des ressources exceptionnelles provenant de cessions immobilières et de cessions de fréquences était une condition essentielle du financement de la réforme.

Enfin, il a rappelé que le budget 2009 prévoyait la suppression nette de 8 250 emplois qui conditionnait les marges financières indispensables à la conduite des réformes. Il a estimé que pour préserver notre capacité opérationnelle, il faudrait veiller à répartir cette réduction d'emplois sur l'ensemble de la pyramide des grades, grâce à des mesures adaptées d'accompagnement et de reclassement dans la fonction publique. Il a souligné le risque qu'il y aurait à réduire le flux de recrutement au-dessous du niveau programmé, qui garantit le maintien d'une armée jeune, capable de remplir son contrat opérationnel dans un contexte marqué par un engagement physique de plus en plus exigeant. Il a aussi rappelé l'importance du plan d'accompagnement des restructurations, véritable clef de voûte des réformes en cours.

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