Intervention de Jean-Michel Severino

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 octobre 2008 : 1ère réunion
Pjlf pour 2009 — Mission aide publique au développement - Audition de M. Jean-Michel Severino directeur général de l'agence française de développement afd

Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de Développement (AFD) :

S'appuyant sur un diaporama, M. Jean-Michel Severino a tout d'abord rappelé que l'Agence s'était vu assigner trois objectifs principaux : le soutien à la croissance, la lutte contre la pauvreté et les inégalités économiques et sociales, enfin la protection des biens publics mondiaux. L'examen de la répartition des engagements entre ces trois objectifs, respectivement de 42, 65 et 20 %, supérieure à 100 %, témoigne de leur étroite imbrication. Pour des raisons budgétaires, les instruments financiers sont prédominants au service de ces trois objectifs.

L'AFD est un établissement public, mais aussi une banque. Son cadre de gouvernance est clair ; il s'inscrit dans la stratégie de l'Etat au travers du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et de son cosecrétariat et de la conférence d'orientation stratégique et de programmation. Les différents ministères de tutelle ainsi que le Parlement sont représentés au sein du conseil d'administration qui valide les plans d'orientation stratégique quinquennaux, ainsi que les plans d'affaires annuels. Localement, les directeurs d'Agence sont nommés après avis de l'ambassadeur à qui sont soumis les cadres d'interventions par pays ainsi que les projets, à toutes les étapes de leur déroulement.

Le dispositif de coopération est modifié par la révision générale des politiques publiques.

L'intégration du ministère de la coopération au ministère des affaires étrangères est parachevée par la disparition de la direction générale de la coopération internationale et du développement au profit d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, nouvel organe de tutelle qui aura délégué ses activités opérationnelles à des opérateurs : notamment Cultures France, un nouvel opérateur de mobilité et l'AFD dans les domaines du développement économique et social.

Le ministère des affaires étrangères conserve la mise en oeuvre des secteurs de la gouvernance (sécurité, Etat de droit) ainsi que l'enseignement supérieur et la recherche. L'AFD achève la reprise des assistants techniques dans les secteurs qui lui sont confiés.

a précisé que les discussions se poursuivaient sur la gouvernance de l'Agence dont les statuts devraient être examinés au niveau ministériel interministériel.

Evoquant ensuite la répartition géographique et sectorielle des engagements de l'AFD, il a indiqué que la solidarité nationale s'exerçait dans les départements et territoires d'outre-mer, la solidarité internationale dans les pays en développement et la régulation globale dans les pays émergents. Dans ces derniers pays, l'Agence a un mandat exclusivement environnemental de promotion de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique et contre les grandes endémies ; elle ne traite pas de la réduction des inégalités.

L'examen de la répartition géographique des engagements fait apparaître que l'Afrique sub-saharienne représente 63 % des coûts budgétaires, 45 % des engagements et 35 % des décaissements. Pour l'outre-mer, cette répartition est de 2 %, 15 % et 30 % ; pour la Méditerranée, elle est de 20 %, 25 % et 25 % ; elle est de 5%, 8 % et 5 % dans les pays de mandat environnemental, ce qui atteste de la jeunesse de ce portefeuille d'engagements.

Le mode de fonctionnement financier de l'Agence repose sur trois types de ressources :

- des actionnaires alimentent les fonds propres de Proparco et des fonds d'investissement, ceux de l'Agence ;

- l'Etat alloue des subventions reversées sous forme de dons, finance des bonifications d'intérêt directement ou via des comptes spéciaux du Trésor et les marchés obligataires permettent de lever de l'argent pour assurer la liquidité des activités de prêts ;

- les fonds propres sont le produit de l'accumulation des résultats. Le résultat annuel alimente les subventions, ainsi que le capital de Proparco.

a observé que le développement des activités de l'Agence s'était accompagné d'une stabilisation, et même d'une diminution du coût pour l'Etat. Ainsi en 2007, l'Agence avait une activité de 3,5 milliards d'euros pour un coût pour l'Etat proche de 900 millions d'euros, en 2008, l'activité représentait 4,2 milliards d'euros pour un coût identique en autorisations d'engagement, les crédits de paiement se réduisant. En 2009, en dépit de la diminution des ressources publiques, l'activité de l'Agence devrait s'établir à 5,1 milliards d'euros.

Evoquant le mode opératoire de l'Agence, M. Jean-Michel Severino a noté que la plupart des institutions de développement « recherchaient » des problèmes adaptés aux types de solutions qu'elles proposaient. La diversité des instruments dont dispose l'Agence lui permet a contrario de travailler avec les autorités locales à l'élaboration de solutions adaptées, qui combinent différents instruments. Cet atout rencontre une limite très forte avec l'évolution du budget des subventions.

L'Agence développe son activité auprès des acteurs publics émergents que sont les collectivités locales. Les pays en développement sont marqués par la croissance démographique, l'urbanisation et la décentralisation ; ce que les institutions de développement faisaient auparavant avec les Etats, elles le feront désormais avec les collectivités locales, que ce soit au nord où elles s'impliquent de façon croissante, comme au sud.

La mobilisation du secteur privé résulte à la fois d'un choix et d'une contrainte. Il faut souligner que le monde en développement est un monde en croissance. Proparco réalise ainsi 50 % de ses activités au sud du Sahara. L'Agence a développé de nouveaux instruments à destination des PME.

Les fondations et les organisations non gouvernementales sont les acteurs montants du développement, avec qui l'Agence développe des partenariats.

Evoquant ensuite les perspectives pour la période 2009-2011, M. Jean-Michel Severino a tout d'abord rappelé la forte croissance des activités de l'Agence, dont le volume est passé d'1,5 à 4,2 milliards d'euros entre 2001 et 2008. Pour l'Afrique sub-saharienne, les volumes sont passés de 350 millions d'euros à un milliard d'euros en 2008. Sur la même période, le volume des activités a décru en outre-mer et augmenté dans les Etats émergents. Sur la prochaine période, l'Agence devrait connaître une activité moyenne de 5,1 milliards d'euros par an. L'activité de Proparco et les activités non-concessionnelles devraient croître et l'activité sur subventions, enregistrer une diminution.

a rappelé que le Parlement se prononçait sur le coût pour l'Etat, des activités de l'Agence. On observe une forte contraction des subventions en 2009 en crédits de paiement, qui a conduit à limiter d'ores et déjà les engagements de 2008 à 230 millions d'euros.

Les montants 2009 ne permettront d'engager qu'un maximum de 130 millions d'euros d'autorisations d'engagement. L'impact de cette contraction est très précis ; il doit provoquer un débat et des arbitrages géographiques. Le maintien de partenariats et la nécessité du soutien aux zones de crise (Afghanistan, Territoires palestiniens, Haïti, Comores) ne devraient pas permettre de prendre de nouveaux engagements au sud du Sahara.

Les prévisions pour les années 2010 et 2011 sont marquées par une remontée des autorisations d'engagement et des crédits de paiement, mais doivent être observées avec prudence compte tenu de leur caractère indicatif.

L'activité des prêts concessionnels devrait en revanche continuer à croître.

a ensuite évoqué l'impact des engagements de l'Agence en 2007, qui ont notamment permis l'amélioration de l'accès à l'eau de 3,1 millions de personnes, la scolarisation de 4,7 millions d'enfants dans le primaire ou encore le raccordement de 22,5 millions de personnes à un réseau de télécommunications. L'initiative Afrique, lancée en 2008, devrait permettre de soutenir 2 000 entreprises et de créer quelque 300 000 emplois.

En matière environnementale, les engagements de l'Agence ont notamment permis d'économiser 2,7 millions de tonnes de CO2 par an, soit l'équivalent du retrait de la circulation d'un million de voitures françaises.

En conclusion, M. Jean-Michel Severino a souligné que l'augmentation du volume des activités de l'Agence s'était accompagnée d'une hausse de la productivité de ses agents, avec une limitation des charges pour l'Etat, le compte d'exploitation de l'Agence dont le premier poste est la masse salariale ayant crû de façon très modique. Le dividende versé à l'Etat par l'Agence alimente l'APD.

Il a considéré que la politique française de coopération était à un tournant.

Celle-ci s'inscrit dans un paysage très éclaté : sur le continent africain, les situations de crise, au Darfour, au Tchad, au Niger contrastent avec des situations de forte croissance, comme en Ouganda ou au Burkina-Faso. La croissance économique moyenne ne devrait pas se ralentir.

En matière alimentaire, l'Afrique a de quoi se nourrir elle-même et devenir contributeur net dans les approvisionnements mondiaux, à cette condition que les prix restent rémunérateurs pour les paysans.

Ces données impliquent une modification de la stratégie : l'aide au développement ne ressortit plus à un registre compassionnel. Elle doit faire face à une grande variété de défis simultanés et doit avoir des objectifs et des instruments plus diversifiés. L'Agence s'efforce d'apporter une réponse efficace, mais il faut être conscient que la baisse des subventions ne permettra pas d'être actif sur les terrains de la santé et de l'éducation. Il s'agit d'un choix de politique à débattre. L'Agence ne peut pas servir ces objectifs par des financements alternatifs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion