Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Godefroy sur la proposition de loi n° 364 (2005-2006), présentée par lui-même et plusieurs de ses collègues, visant à organiser le recours aux stages.
a tout d'abord indiqué que la proposition de loi a été déposée sur le bureau du Sénat dès le mois de juin 2006. La décision prise par la conférence des Présidents de donner désormais aux groupes politiques le droit de demander l'inscription d'un texte à l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée rend maintenant possible son examen en séance. Le sujet des stages est une préoccupation partagée par les responsables politiques, quel que soit leur groupe d'appartenance. Ainsi, deux propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale sur le même thème, la première par Mme Valérie Pécresse et plusieurs de ses collègues du groupe UMP, la seconde par M. Alain Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
La proposition de loi qu'il a lui même déposée a été élaborée dans le contexte du mouvement de revendication suscité par le collectif « Génération précaire ». Elle vise à mieux encadrer le recours aux stages étudiants et à apporter davantage de garanties aux stagiaires. Divers exemples révèlent, en effet, l'existence de dérives : les stages sont parfois détournés de leur vocation pédagogique pour devenir une source de main-d'oeuvre à moindre coût ; certaines entreprises fonctionnent en ayant recours en permanence à des stagiaires qui occupent de véritables postes de travail, très faiblement rémunérés ; de jeunes diplômés s'inscrivent parfois à l'université uniquement pour pouvoir conclure une convention de stage, alors qu'ils disposent de la qualification requise pour pouvoir assurer les fonctions auxquelles ils postulent ; les stages sont parfois utilisés comme outil de prérecrutement et doivent être assimilés alors à une période d'essai prolongée.
Certes, la loi pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 a posé quelques règles pour moraliser le recours aux stages : elle a prévu que tout stage en entreprise est obligatoirement précédé de la conclusion d'une convention tripartite, signée entre le stagiaire, l'établissement d'enseignement supérieur où il poursuit ses études et l'entreprise qui l'accueille ; elle a limité à six mois, en principe, la durée des stages ; elle a rendu obligatoire le versement d'une gratification au stagiaire au-delà de trois mois, gratification assujettie à cotisations sociales pour sa part qui excède un seuil fixé à 360 euros ; elle a unifié la situation des stagiaires au regard de la protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Les décrets pris pour l'application de la loi pour l'égalité des chances ont ensuite précisé le contenu de la convention de stage et ont interdit aux entreprises de recourir à un stagiaire pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l'entreprise, ainsi que pour remplacer un salarié absent, faire face à un surcroît temporaire d'activité ou occuper un emploi saisonnier.
En avril 2006, le Gouvernement, plusieurs syndicats étudiants et les représentants des établissements d'enseignement supérieur ont signé une « charte des stages étudiants en entreprise », destinée à compléter ce dispositif législatif et réglementaire. La charte insiste sur les obligations mutuelles des étudiants, des entreprises et des établissements d'enseignement supérieur. Elle prévoit en particulier le suivi de l'étudiant par un tuteur dans l'entreprise et par un enseignant référent dans son établissement d'enseignement.
Ce dispositif d'ensemble reste toutefois insuffisant, car la charte ne revêt aucun caractère contraignant et n'apporte donc pas de réelle garantie. Telle est la raison pour laquelle la présente proposition de loi a été déposée.
a indiqué qu'elle a vocation à s'appliquer à l'ensemble des stages, qu'ils soient accomplis auprès d'employeurs publics ou privés, et pas seulement en entreprise. Elle donne valeur législative à des règles posées dans la charte, ou figurant dans des décrets, et renforce les garanties apportées aux stagiaires, surtout en matière de rémunération.
Son article premier introduit un nouveau chapitre dans le code de l'éducation, selon lequel tout stage devra donner lieu à la signature d'une convention tripartite comportant des mentions obligatoires. Il précise les responsabilités respectives de l'établissement d'enseignement supérieur, de l'organisme d'accueil et du stagiaire.
Le point essentiel concerne la fixation d'un minimum légal pour la rémunération des stagiaires, soit au moins 50 % du Smic dès lors que la durée du stage est supérieure à un mois, et le principe d'une prise en charge par l'employeur des frais de transport, de logement et de restauration engagés par le stagiaire.
En outre, la durée maximale des stages effectués au cours d'une même année universitaire ne saurait excéder six mois, sauf exceptions prévues pour certaines formations. Le stagiaire bénéficiera des garanties accordées aux salariés en matière de santé et de sécurité au travail et sera protégé en cas de maladie.
a ensuite indiqué que la proposition de loi définit et réprime l'abus de stage : le stage ne doit pas être utilisé pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail, ni pour répondre à un besoin qui devrait être satisfait par l'embauche d'un salarié en contrat à durée déterminée. Un stage ne doit pas non plus être accompli par un jeune diplômé qui dispose de la formation adéquate pour occuper le poste qui lui sera confié. Dans sa version initiale, la proposition de loi prévoit, en cas d'infraction à ces dispositions, une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive. Or, le rapporteur a fait observer que cette sanction est en réalité inférieure à celle aujourd'hui encourue par les employeurs en cas de travail dissimulé et a donc proposé de modifier la proposition de loi sur ce point.
Toujours pour lutter contre les abus, le texte prévoit l'information des représentants du personnel concernant les stages et dispose que les conventions de stage devront être adressées à la direction départementale du travail, qui aurait alors un délai de quinze jours pour faire connaître son opposition motivée. Le rapporteur a considéré que cette dernière formalité serait excessivement lourde pour l'administration et a suggéré de prévoir plutôt l'inscription des stagiaires sur le registre unique du personnel, ce qui permettra de procéder plus facilement à des contrôles a posteriori.
Afin de faciliter l'accès au juge, la proposition de loi prévoit ensuite que les litiges nés de la convention de stage seront désormais portés devant le conseil de prud'hommes, mieux à même de traiter ces affaires, et non plus devant le tribunal d'instance. Enfin, le texte envisage l'hypothèse d'une embauche à l'issue du stage : dans ce cas, la durée du stage s'imputerait sur la période d'essai et serait prise en compte pour le calcul de l'ancienneté du salarié.
L'article 2 reprend les mêmes dispositions, pour les insérer cette fois dans le code du travail. Le statut de stagiaire présente un caractère hybride, à mi-chemin entre le monde de l'éducation et le monde du travail, ce qui explique cette inscription parallèle dans deux codes.
L'article 3 prévoit qu'un arrêté ministériel fixera la part de la rémunération du stagiaire qui sera assujettie à cotisations sociales. Afin de ne pas alourdir excessivement le coût d'un stagiaire pour l'entreprise, il est raisonnable de prévoir, comme tel est le cas aujourd'hui, qu'une partie de la rémunération sera exonérée de cotisations. Il est cependant important que les stagiaires accumulent des droits à retraite et à assurance chômage.
L'article 4 prévoit enfin un gage pour compenser les éventuelles charges supportées par les régimes sociaux.
Pour conclure, M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur, a souligné que la proposition de loi ne vise pas à décourager les entreprises de proposer des stages aux étudiants, mais à prévenir et combattre les abus. Il s'est déclaré favorable à une plus grande professionnalisation des formations universitaires, dont les stages constituent l'une des principales modalités et auxquels tous les étudiants devraient avoir accès. Or, ceux-ci ont parfois besoin de travailler pour financer leurs études et sont alors contraints d'accepter des « petits boulots », sans lien avec leurs études mais correctement rémunérés, plutôt que d'effectuer des stages qui compléteraient leur formation théorique, mais sans leur procurer le revenu nécessaire.
Le texte, qui ne prétend pas régler définitivement la question des stages, pourra bien sûr faire l'objet d'améliorations et de compléments au cours des débats, à condition toutefois que sa finalité ne soit pas remise ne cause.