Nous l'avons déjà examiné, ce projet de loi constitutionnelle contient trois dispositions essentielles. En premier lieu, il prévoit la création de lois-cadres d'équilibre des finances publiques, d'une durée minimale de trois ans. Elles fixeraient pour chaque année un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes, qui s'imposeraient aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne pourraient être modifiées en cours d'exécution que dans des conditions prévues par une loi organique. Les lois de finances et de financement seraient soumises ensemble au Conseil constitutionnel pour vérification de leur conformité à la loi-cadre. En deuxième lieu, le projet de loi constitutionnelle établit un monopole des lois de finances et des lois de financement pour traiter de la fiscalité et des principes fondamentaux concernant les ressources de la sécurité sociale - ce point fait l'objet d'un débat persistant entre l'Assemblée nationale et le Sénat, j'y reviendrai. En troisième lieu, le projet de programme de stabilité des finances publiques serait soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat avant sa transmission à la Commission européenne.
Si les deux assemblées ont trouvé rapidement un accord sur les lois-cadres d'équilibre et sur le programme de stabilité, il n'en est pas de même du monopole des lois financières. En première lecture, ses commissions s'étant opposées à la création du monopole, l'Assemblée nationale a maintenu celui-ci mais en le complétant par deux dispositions nouvelles : une procédure d'irrecevabilité des propositions et amendements pouvant être utilisée de manière discrétionnaire par le Gouvernement ; le contrôle et la censure obligatoires du Conseil constitutionnel.
Le Sénat a relevé les nombreux inconvénients du monopole : perte de lisibilité du débat parlementaire, atteinte au droit d'amendement et de proposition, mesures fiscales et de recettes sociales confinées dans des textes examinés dans des conditions très contraintes... Il a aussi mis en évidence une certaine hypocrisie du dispositif retenu à l'Assemblée nationale : le Gouvernement pourrait s'abstenir d'opposer l'irrecevabilité tout en tablant sur la censure par le Conseil constitutionnel.
A l'initiative de plusieurs de ses commissions, dont la nôtre, le Sénat a donc supprimé le monopole. Mais il a prévu que les dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature n'entrent en vigueur que si elles ont été approuvées au plus tard par la première loi de finances ou de financement intervenant après leur promulgation. Autrement dit, on vérifie lors de l'examen des lois financières que les mesures votées en cours d'année respectent les lois-cadres. Ce faisant, on obtient rigoureusement les mêmes résultats qu'avec le monopole, mais sans porter atteinte à l'initiative parlementaire ni à la cohérence des travaux des assemblées.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture avec l'accord du Gouvernement, qui a présenté à nouveau l'amendement relatif au contrôle par le Conseil constitutionnel. Compte tenu de l'importance de cette question pour la cohérence des travaux parlementaires, je vous propose de maintenir notre position et de redéposer des amendements tendant à rétablir notre rédaction de première lecture. En revanche, je crois inutile de revenir sur notre demande de voir confier l'examen des lois-cadres d'équilibre à une commission spéciale composée à parité de membres des commissions des finances et des affaires sociales. Le Sénat l'avait adopté mais l'Assemblée l'a supprimé et ce point n'est pas aussi important que le monopole. Mieux vaut nous concentrer sur l'essentiel, d'autant que nous pourrons solliciter de la Conférence des présidents la création d'une commission spéciale sur ces textes le moment venu.