Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est évidemment une gageure que de vouloir traiter dans le peu de temps qui nous est imparti de questions aussi importantes que l’assiette et le recouvrement de nos impôts et taxes ainsi que la situation générale des fonctionnaires de l’État, aujourd’hui confrontés à la poursuite d’une politique de réduction des effectifs et de gel des rémunérations qui ne peut recevoir notre approbation.
Mais nous pouvons fort bien trouver ce qui fait lien entre l’activité de la Direction générale des finances publiques et la fonction publique en général. Ce qui fait lien, c’est l’un des avatars de la loi organique relative aux lois de finances et du management public version anglo-saxonne, c’est-à-dire la fameuse – trop fameuse – révision générale des politiques publiques, une RGPP que l’on devrait plutôt intituler « réduction générale de la présence publique », du point de vue de l’usager, lequel devrait pourtant compter avant toute autre considération !
La DGFiP, à sa manière, est d’ailleurs l’un des exemples les plus patents de la RGPP.
De façon systématique et exemplaire, les personnels des services fiscaux ont connu depuis plus de dix ans un mouvement continu de réduction des effectifs employés qui a affecté autant les services d’assiette que ceux de recouvrement, mais aussi les services économiques extérieurs, ceux qui sont mis à la disposition du public et des consommateurs.
Quel bilan peut-on tirer de la RGPP à la DGFiP ? Des dizaines de milliers d’emplois supprimés, sans économies réelles, puisque la structure de l’administration fiscale a en partie changé du fait de la croissance des postes à responsabilité dans les grades et cadres les plus élevés ; des services fiscaux fonctionnant à flux tendu, soumis à des difficultés récurrentes d’accueil du public en période de déclarations fiscales et aux ajustements continuels et souvent complexes de la législation ; enfin, une montée évidente du stress au travail, attestée par tous les rapports officiels sur le sujet, avec des personnels aux prises avec les nouvelles procédures dont la durée de vie est bien souvent très courte et la qualité opérationnelle peu aboutie.
Je pense qu’il est inutile de rappeler ici les errements du programme Chorus, l’un des exemples les plus spectaculaires d’une mauvaise conception générale du service public et de l’influence des nouvelles technologies sur ce service public quand elles ne sont pas mises en œuvre correctement.
Il est traditionnel que le Gouvernement se félicite des résultats de la lutte contre la fraude fiscale, et nous en trouvons d’ailleurs la trace dans les documents qui nous sont fournis à ce propos.
Pour autant, les « retours » qui nous parviennent du terrain sont de plus en plus préoccupants. Les fraudeurs font jouer des dispositifs de plus en plus complexes, et les agents et cadres de l’administration fiscale n’ont pas toujours les moyens et le temps nécessaires à une bonne instruction et mise en œuvre des procédures de redressement. Ce qu’a dit notre collègue Philippe Dallier tout à l’heure sur la baisse d’un certain nombre de vérifications fiscales ne peut que nous inquiéter.
Les résultats de la lutte contre la fraude fiscale, s’ils ne sont pas à négliger, montrent tout de même, de notre point de vue, les limites de la RGPP.
Il y a des savoir-faire, des expériences, des potentiels qui se délitent et qui manquent pour l’accomplissement des missions de service public.
La remarque vaut d’ailleurs également pour l’ensemble de la fonction publique, confrontée au dogme du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite qui montre, au fond, une conception étroite et pour tout dire méprisante du service public.
Cela est d’autant plus vrai que les prétendues économies réalisées grâce à la RGPP ne pèsent finalement que de peu de poids. Que vaut en effet le coût salarial de 30 000 emplois budgétaires supprimés face au coût social de 30 000 chômeurs qui n’ont pas l’emploi public pour trouver du travail ?
Pour toutes ces raisons et pour d’autres motifs que je ne peux pas aujourd’hui détailler, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.