Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser notre collègue Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial, qui ne peut être présent aujourd’hui.
La mission « Engagements financiers de l’État » voit ses crédits progresser de 6 % entre 2011 et 2012. Cette évolution traduit l’augmentation inexorable de la charge de la dette. En 2012, celle-ci devrait s’établir à 48, 8 milliards d’euros. Je précise pour la clarté de nos débats qu’il s’agit uniquement des intérêts de la dette. Nous savons que, l’année prochaine, nous allons émettre 182 milliards d'euros pour renégocier notre dette auprès des marchés.
Nous discutons de ce budget dans un contexte de crise financière, économique et politique dans la zone euro.
Le spread franco-allemand atteint un niveau record depuis la création de la monnaie unique. Ne croyons pas que cela n’intéresse que les initiés. Au contraire, ce type d’information est largement intégré par l’opinion publique, qui a compris que la France avait un problème particulièrement prégnant de financement. C’est évidemment avec nos partenaires allemands que l’affaire se noue et pourrait se dénouer. Le tout est de savoir si ce dénouement se fera dans le bon sens !
La détérioration relative de nos conditions de financement résulte des incertitudes qui planent sur l’avenir de la zone euro, mais elle reflète aussi l’effritement de la confiance des marchés à l’égard de la signature de la France. Lorsqu’on parle des marchés, il s’agit non pas d’un être abstrait, mais des investisseurs, et les doutes qu’ils nourrissent sur notre capacité à tenir notre trajectoire budgétaire et nos engagements européens se font pressants.
Je me garderai de faire un pronostic sur l’avenir de notre notation triple A. Rappelons simplement qu’un choc de taux de 1 % se traduirait par une charge d’intérêts supplémentaire de 2 milliards d’euros la première année, puis de 14 milliards d’euros au bout de neuf ans. Dans un contexte de maîtrise des dépenses de l’État, je vous laisse imaginer à quel point le financement des politiques publiques serait entravé ! Mais il l’est déjà considérablement.
J’en viens aux garanties. Avec la crise, l’État garant est sollicité comme jamais. L’octroi de ces garanties est budgétairement indolore, voire lucratif, puisqu’elles sont rémunérées, mais elles n’en sont pas moins autant d’épées de Damoclès suspendues au-dessus de la tête des Français.
Les garanties sont comptabilisées en engagements hors bilan de l’État et, dans ce domaine, monsieur le ministre, nous aimerions y voir plus clair. Le compte général de l’État fourmille d’informations, mais elles sont bien difficiles à consolider et à recouper avec le contenu des bleus budgétaires. Dans ces conditions, j’informe le Sénat que la commission des finances confiera à la Cour des comptes, en 2012, une enquête sur le recensement et la comptabilisation des engagements hors bilan de l’État. Ses conclusions nous permettront de statuer de manière plus éclairée sur d’éventuelles garanties futures.
La forte baisse des crédits du programme 145 « Épargne » traduit le reflux important des primes d’épargne logement. Nous veillerons à ce que cette baisse n’aboutisse pas à reconstituer la dette contractée par l’État à l’égard du Crédit foncier de France, opportunément résorbée en 2011.
J’en viens au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », retraçant les opérations financières de l’État actionnaire.
Les documents budgétaires n’apportent que des informations limitées. En effet, du côté des recettes, le Gouvernement inscrit, comme chaque année, 5 milliards d’euros. Je comprends les raisons objectives qui incitent l’État à ne pas dévoiler sa stratégie de cession. Nous pouvons néanmoins prévoir que, du fait de la situation économique, il ne réalisera que peu de cessions, voire aucune. À titre d’illustration, au 5 septembre 2011, l’État actionnaire n’avait engrangé que 181 millions d’euros de recettes. Force est de constater que la somme de 5 milliards d’euros est surestimée.
Du côté des dépenses, nous savons que l’État devra encore libérer 467 millions d’euros au titre de l’augmentation de capital de La Poste et qu’il achètera des titres Areva pour un montant d’au moins 200 millions d’euros. On peut donc d’ores et déjà tabler sur près de 700 millions d’euros de dépenses certaines.
Pour la cinquième année consécutive, aucun versement ne devrait intervenir pour réduire la dette héritée du Crédit lyonnais, qui s’élève à plus de 4, 3 milliards d’euros et doit être remboursée en 2014. Nous ne savons pas ce que compte faire le Gouvernement. L’issue est-elle déjà annoncée, à savoir une reprise de la dette par l’État ? Monsieur le ministre, permettez que nous nous y intéressions, puisqu’une telle opération alourdirait encore la dette publique.
Au-delà des aspects budgétaires, l’État actionnaire s’est engagé, depuis septembre 2010, dans une nouvelle stratégie tournée vers le développement industriel. Je n’ai pas le temps d’en parler, mais je pense que nos collègues, notamment de la commission de l’économie, y consacreront une partie de leurs interventions.
En réalité, nous ne disposons d’aucun élément tangible pour juger de la mise en œuvre de ces nouvelles orientations. Si je constate bien que les administrateurs de l’État participent aux organes de gouvernance, je n’en vois pas la traduction concrète dans la gestion des entreprises : le taux de féminisation est à peine supérieur, les rémunérations guère plus modérées et les résultats pas meilleurs que dans les entreprises dont le capital est entièrement privé. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur l’État actionnaire.
S’agissant des autres comptes spéciaux, le souci de la concision me conduit à vous renvoyer aux observations du rapport écrit.
Mes chers collègues, il est de notre devoir de nous acquitter de notre dette. La commission des finances invite donc le Sénat à adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ». Elle vous propose en outre d’adopter les crédits du compte d’affectation spéciale « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », mais, en revanche, de rejeter les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », compte tenu de ce que je viens de dire sur le comportement de l’État actionnaire.