Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 2 décembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'état

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont particulièrement importants, puisqu’ils avoisinent les 50 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 48, 7 milliards d’euros au seul titre du service de la dette publique.

Cela fait plusieurs mois que cette dernière s’est invitée dans toutes les conversations, et la plupart des grands medias en font régulièrement leur « une ».

La véritable surenchère médiatique qui a eu lieu cet été sur le sujet vient de montrer sa raison d’être : justifier, aux yeux de l’opinion publique, la mise en œuvre d’un nouveau plan d’austérité ; imposer de nouveaux sacrifices au monde du travail et de la création, à ceux qui produisent les richesses de la France.

L’alarmisme a été de mise et seul compterait aujourd’hui la conservation de notre triple A, véritable diktat des agences de notation à qui on a laissé les mains libres.

L’utilisation de cette notation par les marchés financiers pour augmenter le coût des emprunts pèse lourd. Le moindre relèvement des taux longs provoquerait une progression des crédits de la mission, et le peu d’intérêt qu’il y a à mener une politique de révision des politiques publiques serait ainsi rapidement annulé. L’exemple des pays qui y sont soumis en témoigne.

Le problème du débat ainsi ouvert sur la dette, pour les tenants de l’austérité sans limites, c’est qu’il a aussi, nous semble-t-il, éveillé l’intérêt de l’opinion pour disposer d’une meilleure connaissance des raisons profondes de cet endettement public et des remèdes susceptibles d’y être apportés.

Plutôt que d’un excès de dépenses publiques, c’est bel et bien d’une insuffisance de recettes fiscales et sociales que souffrent, aujourd’hui, nos finances. La première partie de notre débat budgétaire l’a bien confirmé.

Depuis 1985, les politiques de simple réduction du taux de l’impôt sur les sociétés, de réforme de la fiscalité locale s’appliquant aux entreprises et d’exonération des cotisations sociales ont fait perdre à l’État environ 800 milliards d’euros de recettes fiscales.

Comparons ces sommes avec le niveau de la dette de moyen et long terme qui pèse aujourd’hui sur l’État !

Nos compatriotes, toujours plus curieux, ont fait une autre découverte : depuis janvier 1973 et la loi Giscard sur la Banque de France, notre pays s’est privé de l’instrument de politique économique que pouvait constituer la politique monétaire, et notamment l’émission de valeurs pour le compte du Trésor.

Rappelons-nous que cette loi fut promulguée quelques jours seulement avant le lancement de l’emprunt 7 % de janvier 1973, le trop fameux « emprunt Giscard », indexé sur l’or. Ce dernier avait comme objectif de solder le coût d’une mise en œuvre retardée de la TVA dans certains secteurs d’activité et l’abandon de recettes courantes.

En 1973, on s’endettait sur le long terme pour payer ce dont on avait besoin tout de suite : le contraire même de ce qu’il faut faire ! Vous connaissez tous le résultat et le coût pour le budget de l’État.

Aujourd’hui, quand l’État a besoin d’argent, il passe par les marchés et émet un volume croissant de bons du Trésor sur formule, une sorte de « planche à billets » à titre onéreux !

C’est dans ce cadre qu’il faut nous interroger sur l’indépendance de la Banque centrale européenne. Il est temps, de notre point de vue, de mettre clairement en question le rôle de cette institution, véritable clef de voûte de l’actuelle construction européenne.

Je dois l’avouer, je trouve quelque peu surprenant que le Président de la République exprime autant de reproches à l’encontre de la BCE : il critique notamment le fait qu’elle n’agisse pas encore en prêteur en dernier ressort, qu’elle n’ouvre pas de ligne de prêts à faible taux pour financer les politiques d’investissement des États membres.

Or cette conception de la BCE figure expressément dans le traité de l’Union européenne consolidé et le fameux « mini-traité » de Lisbonne, tant promu et défendu par le Président lui-même !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, regardons l’avenir. Il va bien falloir que nous repensions effectivement le rôle de la Banque centrale européenne, car elle doit devenir l’un des moteurs de la croissance de notre continent, en apportant son concours au développement des États membres, des infrastructures, des capacités d’innovation et de recherche.

Il convient de créer les conditions d’un financement moins coûteux de l’action publique et d’un développement économique et social porteur d’un nouveau type de croissance, plus respectueux de l’environnement, des territoires et des êtres humains eux-mêmes.

Si nous ne nous opposerons pas à l’adoption des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », nous en appelons à un engagement fort pour dégager l’action publique de la contrainte des marchés. Mais nous suivrons l’avis de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, qui a préconisé le rejet des crédits prévus pour les comptes spéciaux relatifs à la gestion patrimoniale de l’État et aux opérations monétaires internationales.

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