Peut-être faut-il chercher les raisons du manque de lisibilité politique que j’évoquais tout à l’heure dans le nombre des acteurs concernés ou la multiplicité des niveaux d’intervention. Dans ce cas, la responsabilité du capitaine du navire – je veux parler du ministre aujourd’hui absent – serait engagée.
Je pense très sincèrement, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l’État a choisi de se cantonner délibérément dans le rôle d’un actionnaire, gérant ses participations en fonction de l’évolution de la crise, c’est-à-dire avec une approche comptable, qui s’apparente parfois à celle d’un rentier.
Pourtant, de notre point de vue, c’est bien parce que la crise est là qu’il aurait dû choisir une option plus offensive en opérant des choix au service d’une véritable stratégie industrielle, crédible, courageuse, ancrée sur les territoires et en lien avec les régions. L’État aurait dû se comporter tout à la fois en actionnaire avisé et en stratège pariant sur l’avenir. Ce n’est pas l’option qui a prévalu !
Je serais tenté de vous dire, monsieur le ministre, qu’il n’est pas trop tard pour redresser la situation et regarder l’avenir en préservant une industrie enracinée dans les territoires et tournée vers les technologies de pointe. Cela suppose de la part de l’État un changement de politique réel et rapide, qui passe non seulement par l’abandon de la cession de ses actions, mais aussi par le renforcement de sa participation dans les secteurs stratégiques porteurs d’avenir. S’il avait agi ainsi pour Renault, nous aurions pu éviter des délocalisations intempestives et, surtout, le mauvais traitement réservé aux sous-traitants hexagonaux. Cela aurait dispensé aussi notre collègue Jean-Pierre Raffarin d’interpeller hier, ici même, le ministre chargé de l’industrie – il était là ! – pour lui demander d’intervenir auprès du P-DG de Renault afin que la fonderie du Poitou puisse continuer à livrer des culasses et assurer ainsi sa survie.
Dans un autre domaine qui me tient à cœur, j’évoquerai le groupe EADS. Il n’est pas nécessaire de rappeler son importance cruciale pour notre pays, tant par ses potentialités industrielles que par le rôle stratégique qu’il joue. Toutefois, force est de constater que son devenir a un peu été laissé à l’abandon. Quid en effet du suspense tout à fait déplacé concernant les parts de l’étonnant M. Lagardère fils ? L’État français doit, d’une manière ou d’une autre, reprendre la main dans ce dossier ; j’en profite pour rappeler que le groupe Daimler est en train de céder ses parts d’EADS à l’État allemand. On est en droit de se demander, dans la mesure où le rapport de force en termes d’actionnariat évoluera sans doute dans le mauvais sens, avec les Allemands d’un côté et les Français de l’autre, comment cette affaire va évoluer. Il est inadmissible, monsieur le ministre, que les parlementaires que nous sommes ne soient pas tenus au courant au jour le jour de l’évolution de l’actionnariat d’une grande entreprise, fleuron de l’aviation, et à laquelle je suis très attaché en tant que sénateur de Haute-Garonne.
Il est temps de revenir à une véritable politique des participations de l’État et, partant, à une véritable politique économique, à laquelle les parlementaires doivent être associés bien plus étroitement et régulièrement, notamment par rapport au tableau de bord que j’évoquais tout à l’heure et qui repose sur la compétence du ministre de l’industrie et de ses collaborateurs.
Il importe avant tout, je le répète, de cesser de vendre – je ne dirais pas « brader » ! – les actifs de l’État et de s’engager dans une logique d’investissement et de reconquête, par la puissance publique, de ses moyens d’action.
Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles, vous l’avez compris, le groupe socialiste n’est pas favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui manque non seulement d’ambition, mais aussi de sincérité