Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite » du projet de loi de finances pour 2012 revêt un caractère particulier du fait de la décision du Gouvernement d’accélérer la mise en œuvre de la réforme des retraites, comme l’ont souligné les précédents orateurs.
Avant de revenir sur ce point, je présenterai brièvement les objectifs assignés à cette mission, par l’intermédiaire de laquelle l’État verse des subventions d’équilibre à certains régimes de retraite, principalement aux caisses de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines.
En 2012, les crédits dévolus à cette mission s’élèveront à 6, 6 milliards d’euros, soit une hausse de 50 % depuis 2005. La cause majeure de cette augmentation réside dans l’accroissement des déséquilibres démographiques qui déterminent mécaniquement les subventions d’équilibre versées par l’État.
Ainsi, cette mission ne peut qu’être analysée au regard de la réforme des retraites promulguée le 9 novembre 2010 et complétée par le plan de rigueur annoncé le 7 novembre dernier.
En effet, les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se verront appliquer, à partir de 2017, les mesures d’âge prévues pour les autres régimes, notamment les dispositions relatives à la décote et à la surcote.
En revanche, étant donné les spécificités du métier de marin, le régime des marins n’est pas concerné par l’accélération de la réforme des retraites, qui, je le rappelle, n’a fait l’objet d’aucune concertation digne de ce nom avec les partenaires sociaux.
Globalement, cette mesure annoncée par le Premier ministre nous semble à la fois injuste et inefficace, alors que le taux d’emploi des 60-64 ans plafonne au niveau timide de 18, 6 %. Monsieur le ministre, en prônant une telle politique, vous prenez le risque de plonger les seniors dans la logique mortifère du chômage et de l’assistanat.
Le véritable enjeu, c’est l’emploi des seniors. Dès 2005, le Conseil d’analyse économique le soulignait, expliquant que « la cessation précoce d’activité des seniors, c’est notre impossible pari, c’est notre mensonge à la jeunesse, c’est le point caché de notre consensus social ». Vu les difficultés actuelles, comment contredire cette analyse et, partant, cautionner votre réforme ?
Par ailleurs, je suis navré de constater que l’âge minimum d’entrée dans le dispositif de congé de fin d’activité pour les conducteurs routiers a été repoussé de 55 à 57 ans depuis le 1er juillet 2011. Une nouvelle fois, je ne peux que regretter les arbitrages auxquels a procédé le Gouvernement en matière de pénibilité, dans un métier où la pertinence de ce critère est incontestable.
Aussi, monsieur le ministre, je me permets de vous interpeller sur les conditions particulièrement restrictives imposées par les décrets d’application permettant de bénéficier de la retraite anticipée, qui illustrent de manière éclatante l’aspect particulièrement inique de cette réforme.
Enfin, le déséquilibre extrême entre cotisants et pensionnés au sein du régime des mines explique son extinction progressive. En 2010, le régime comptait 333 526 pensionnés pour seulement 6 091 cotisants. Le versement des cotisations ne couvrait ainsi que 2 % des prestations ; en d’autres termes, la solidarité nationale est devenue la seule source de financement possible.
Or c’est cette même solidarité, primordiale, à nos yeux, pour garantir la retraite de certains de nos concitoyens, et qui est du reste indissociable de notre modèle de protection sociale, que vous mettez à mal par le biais de vos réformes : monsieur le ministre, vous en organisez progressivement et insidieusement – voire méthodiquement – le démantèlement.
À l’heure où les effets de la crise se font de plus en plus cruellement sentir, sous l’effet conjugué de l’augmentation du chômage et de la régression du pouvoir d’achat, il eût été opportun d’assurer un financement pérenne de notre système de protection sociale, comme nous l’avons souligné lors de la discussion du PLFSS pour 2012. À notre sens, ce ne sont pas vos demi-mesures « court-termistes » qui en assureront la sauvegarde !
Comme le souligne le chef économiste adjoint de Natixis, qui ne peut être suspecté de partialité, dans un article paru dans le Monde du 22 novembre dernier, « les marchés, qui prêtent aux États, ne demandent pas du marketing – un plan tous les trois mois – mais une stratégie durable. (…) On ne distingue pas de stratégie de long terme dans les plans de rigueur actuels ».
C’est bien ce défaut de réflexion et cette absence de cap que nous critiquons avec vigueur. Pour ce qui nous concerne, nous refusons de nous engager dans cette voie qui aurait pour effet d’effriter davantage encore l’édifice de notre système de protection sociale.