Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, vous me permettrez de commencer cette intervention en énonçant un proverbe chinois : « Dis-moi comment tu traites tes étrangers, je te dirai qui tu es »…
La politique de l’immigration doit reposer, nous semble-t-il, sur deux principes.
Le premier est que tout étranger en situation régulière doit être accueilli dans des conditions permettant un parcours d’intégration jusqu’à l’accès à la nationalité : c’est le programme 104.
Le second principe est que tout étranger en situation irrégulière doit être reconduit à la frontière : c’est le programme 303.
Il faut y ajouter la politique de codéveloppement, qui est essentielle et qui relève, elle, du programme 301.
Or on peut se demander si nous n’assistons pas, en ce moment, à un changement de paradigme.
Pour 2012, l’objectif principal du Gouvernement en matière d’immigration est, s’agissant des non-francophones ayant signé un contrat d’intégration, l’obtention du diplôme initial de langue française, le DILF, pour lequel le taux de réussite, qui était, rappelons-le, de 60 % en 2010, doit être de 68 % en 2012 ; cela ne concerne que 23, 7 % des entrants.
Par ailleurs, pour la naturalisation, du niveau A1 de maîtrise de la langue on est passé au niveau B1. Nous nous interrogeons sur les effets de cette mesure, tout particulièrement pour des femmes qui seraient arrivées sans instruction.
La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est en cours d’application. Le niveau linguistique est désormais traité à l’extérieur des préfectures, ce qui peut présenter des avantages. Mais nous voulons attirer l’attention sur l’éventuelle « marchandisation » qui permettrait à des officines de prospérer et qui ferait l’affaire des plus fortunés.
J’en viens à l’OFII, dont les emplois passent de 820 à 835 équivalents temps plein – ETP. Il convient toutefois de noter que le service des naturalisations, avec le transfert en préfecture, est passé de 156 ETP en 2009 à 136 cette année ; il est prévu de réduire encore l’effectif en 2012 avec 126 ETP. Nous nous interrogeons sur ce désengagement de l’État. Ce nouveau traitement des naturalisations ne sera-t-il pas source d’injustices et d’un double filtrage ?
Signalons enfin que l’État réduit sensiblement sa dotation à l’OFII et que, outre les fonds européens, ce sont les étrangers qui payent, avec une forte augmentation de divers tarifs.
Monsieur le ministre, l’immigration légale a déjà augmenté de 4 % cette année. Or vous avez déclaré dans la presse : « Mais, moi aussi, je dis que c’est trop. D’ailleurs, j’ai fixé l’objectif de diminuer en un an de 10 %. » Parliez-vous de l’immigration légale ? J’aimerais que vous précisiez votre pensée, afin que nous sachions si votre objectif est bien de passer à 180 000 étrangers en situation régulière l’année prochaine. Dans l’affirmative, comment comptez-vous y parvenir ?
Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’affaire dite « des étudiants étrangers », qui a suscité un grand émoi en France comme par delà notre frontière, et qui cause des dommages irréparables en termes d’image de notre pays. On nous dit que la moitié des 462 cas dont a eu à connaître la Conférence des grandes écoles serait résolue. Ne pensez-vous pas qu’il y a là un préjudice majeur et que, pour tous ceux qui sont repartis alors qu’une première expérience professionnelle était possible, l’image de la France est à jamais écornée ?
Malgré l’immense bonne volonté et le professionnalisme des personnels qui travaillent en préfecture, l’accueil est souvent difficile, parfois indigne. Comment pourrez-vous réellement, avec le budget de cette année, améliorer l’accueil en préfecture des personnes immigrées ?
Je n’évoquerai pas la question des centres de rétention administrative, dont parlera vraisemblablement le président Sueur.
Enfin, monsieur le ministre, hier, sur France Inter, notre collègue M. Jean-Claude Gaudin a atténué la portée de certains de vos propos. Je les aurai sûrement mal compris ! Mais vous aurez à cœur, je l’espère, de nous apporter des précisions, car nous nous interrogeons sur le sens des mots que vous avez employés.
Sans aucun angélisme, nous souhaitons une autre politique, fondée sur les valeurs de la République française.
Au vu de ce chiffrage et de ces mots, monsieur le ministre, la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces crédits pour 2012.