La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze heures quarante, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.
La séance est reprise.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 2 décembre 2011, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011-200, 2011-201, 2011-202 et 2011-203 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l'Assemblée nationale.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Eu égard au retard que nous avons déjà pris dans l’examen des crédits qui figurent au programme de cette journée, j’invite chacun à respecter les temps de parole qui ont été fixés par la conférence des présidents, d’autant que nos travaux ne pourront certainement s’achever que dans la nuit.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits prévus pour 2012 au titre de la mission « Immigration, asile et intégration » connaissent une forte hausse par rapport à ceux qui figuraient dans la loi de finances initiale pour 2011 : elle est de 12, 1 % pour les autorisations d’engagement, portées à 561 millions d’euros, et de 12, 6 % pour les crédits de paiement, portés à 632 millions d’euros.
Du fait de cette hausse, la mission dépasse significativement, de 15 % environ, les plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
Les crédits de la mission sont répartis comme suit : 65 % pour l’accueil des demandeurs d’asile et le traitement de leurs dossiers ; 11, 5 % pour l’intégration des étrangers et l’accès à la nationalité française ; 13, 5 % – seulement pourrait-on dire ! – pour le financement des actions « répressives », essentiellement dans les CRA, les centres de rétention administrative ; les 10 % restants sont destinés au fonctionnement du SGII, le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration.
Toutefois, je constate que l’augmentation des crédits de la mission vise à répondre aux critiques récurrentes quant à la sous-budgétisation des dotations destinées à financer l’hébergement des demandeurs d’asile et le versement, à leur profit, de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA. Ces crédits augmentent de 81 millions d’euros – environ 36 millions pour l’ATA et 45 millions pour l’hébergement d’urgence –, soit une hausse de près de 25 % pour le programme « Immigration et asile ».
Toutefois, en raison de la hausse constante du nombre de demandes d’asile – le nombre de dossiers a augmenté de 9, 5 % environ au cours des six premiers mois de l’année 2011 – et du coût marginal croissant de l’hébergement des demandeurs, on peut craindre que la majoration de ces crédits ne suffise pas encore à couvrir les besoins en 2012.
À cet égard, l’évolution des délais moyens de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, est une autre source d’inquiétude.
En effet, malgré un renfort significatif de trente officiers de protection depuis le début de l’année 2011, le délai moyen de traitement des dossiers est passé de 118 jours en 2009 à 150 jours en 2011. Cela représente une charge considérable pour le budget l’État puisque, selon le chiffrage réalisé par la commission des finances, le coût d’un mois supplémentaire de traitement des demandes d’asile s’élève à plus de 15, 5 millions d’euros.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé une réforme du droit d’asile. Pouvez-vous nous donner quelques éléments d’information supplémentaires à ce sujet ?
L’examen de l’origine des demandeurs d’asile au cours des premiers mois de l’année 2011 montre qu’il y a de plus en plus confusion entre demande d’asile et immigration à motif économique : le Rwanda figure au premier rang, suivi du Bangladesh, puis du Kosovo. Sommes-nous toujours bien là dans le cadre de la demande d’asile ?
Vous avez, monsieur le ministre, évoqué ce problème à plusieurs reprises. C’est pourquoi nous aimerions en savoir davantage sur la réforme du droit d’asile que vous souhaitez mettre en place.
S’agissant du second programme de la mission, le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », doté de 71, 6 millions d’euros de crédits de paiement en 2012, ma principale remarque portera sur l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, qui met en œuvre les actions d’intégration au profit des étrangers.
L’OFII enregistre une baisse « faciale » de 7, 6 % de la subvention pour charge de service public versée par l’État. Mais cette diminution apparente est largement compensée par la hausse des recettes fiscales propres de l’Office, dont la réforme se poursuit dans le présent projet de loi de finances. Il nous faudra veiller à ce que ces recettes fiscales soient évidemment adaptées aux besoins de l’OFII.
Je tiens à préciser que, concernant les recettes fiscales perçues par l’Office, les engagements du ministère ont été largement tenus puisqu’elles passent à 154 millions d’euros en 2012 quand elles étaient de 108 millions d’euros en 2009 ; la progression aura donc été de 42 % sur cette période, ce qui devrait faciliter le travail de l’Office et suffire à ses besoins.
Pour respecter mon temps de parole de cinq minutes, je conclus en disant que, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances du Sénat a adopté les crédits de la mission « Immigration » du budget. Je ne puis qu’inviter l’ensemble du Sénat à en faire autant cet après-midi, mais peut-être m’avançai-je beaucoup !
Sourires. – Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, vous me permettrez de commencer cette intervention en énonçant un proverbe chinois : « Dis-moi comment tu traites tes étrangers, je te dirai qui tu es »…
La politique de l’immigration doit reposer, nous semble-t-il, sur deux principes.
Le premier est que tout étranger en situation régulière doit être accueilli dans des conditions permettant un parcours d’intégration jusqu’à l’accès à la nationalité : c’est le programme 104.
Le second principe est que tout étranger en situation irrégulière doit être reconduit à la frontière : c’est le programme 303.
Il faut y ajouter la politique de codéveloppement, qui est essentielle et qui relève, elle, du programme 301.
Or on peut se demander si nous n’assistons pas, en ce moment, à un changement de paradigme.
Pour 2012, l’objectif principal du Gouvernement en matière d’immigration est, s’agissant des non-francophones ayant signé un contrat d’intégration, l’obtention du diplôme initial de langue française, le DILF, pour lequel le taux de réussite, qui était, rappelons-le, de 60 % en 2010, doit être de 68 % en 2012 ; cela ne concerne que 23, 7 % des entrants.
Par ailleurs, pour la naturalisation, du niveau A1 de maîtrise de la langue on est passé au niveau B1. Nous nous interrogeons sur les effets de cette mesure, tout particulièrement pour des femmes qui seraient arrivées sans instruction.
La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est en cours d’application. Le niveau linguistique est désormais traité à l’extérieur des préfectures, ce qui peut présenter des avantages. Mais nous voulons attirer l’attention sur l’éventuelle « marchandisation » qui permettrait à des officines de prospérer et qui ferait l’affaire des plus fortunés.
J’en viens à l’OFII, dont les emplois passent de 820 à 835 équivalents temps plein – ETP. Il convient toutefois de noter que le service des naturalisations, avec le transfert en préfecture, est passé de 156 ETP en 2009 à 136 cette année ; il est prévu de réduire encore l’effectif en 2012 avec 126 ETP. Nous nous interrogeons sur ce désengagement de l’État. Ce nouveau traitement des naturalisations ne sera-t-il pas source d’injustices et d’un double filtrage ?
Signalons enfin que l’État réduit sensiblement sa dotation à l’OFII et que, outre les fonds européens, ce sont les étrangers qui payent, avec une forte augmentation de divers tarifs.
Monsieur le ministre, l’immigration légale a déjà augmenté de 4 % cette année. Or vous avez déclaré dans la presse : « Mais, moi aussi, je dis que c’est trop. D’ailleurs, j’ai fixé l’objectif de diminuer en un an de 10 %. » Parliez-vous de l’immigration légale ? J’aimerais que vous précisiez votre pensée, afin que nous sachions si votre objectif est bien de passer à 180 000 étrangers en situation régulière l’année prochaine. Dans l’affirmative, comment comptez-vous y parvenir ?
Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’affaire dite « des étudiants étrangers », qui a suscité un grand émoi en France comme par delà notre frontière, et qui cause des dommages irréparables en termes d’image de notre pays. On nous dit que la moitié des 462 cas dont a eu à connaître la Conférence des grandes écoles serait résolue. Ne pensez-vous pas qu’il y a là un préjudice majeur et que, pour tous ceux qui sont repartis alors qu’une première expérience professionnelle était possible, l’image de la France est à jamais écornée ?
Malgré l’immense bonne volonté et le professionnalisme des personnels qui travaillent en préfecture, l’accueil est souvent difficile, parfois indigne. Comment pourrez-vous réellement, avec le budget de cette année, améliorer l’accueil en préfecture des personnes immigrées ?
Je n’évoquerai pas la question des centres de rétention administrative, dont parlera vraisemblablement le président Sueur.
Enfin, monsieur le ministre, hier, sur France Inter, notre collègue M. Jean-Claude Gaudin a atténué la portée de certains de vos propos. Je les aurai sûrement mal compris ! Mais vous aurez à cœur, je l’espère, de nous apporter des précisions, car nous nous interrogeons sur le sens des mots que vous avez employés.
Sans aucun angélisme, nous souhaitons une autre politique, fondée sur les valeurs de la République française.
Au vu de ce chiffrage et de ces mots, monsieur le ministre, la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces crédits pour 2012.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner que la commission des lois a choisi de faire un avis budgétaire spécifique sur les crédits consacrés à la politique de l’asile.
Monsieur le ministre, il ne serait pas justifié que l’asile fût considéré comme une sorte de codicille de la politique d’immigration. Cette dernière est fixée par le Gouvernement. L’asile, lui, est un droit : c’est le droit accordé à des personnes de bénéficier, parce qu’elles sont persécutées dans leur pays, de l’asile en France.
Au passage, permettez-moi de remercier les services du secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, qui nous ont beaucoup aidés et qui ont répondu à toutes nos questions dans des délais tout à fait remarquables ; cela mérite d’être salué.
Quelle est la situation telle qu’elle peut être perçue en chiffres ? On observe une augmentation significative du nombre des demandeurs d’asile depuis 2008 et l’on a enregistré près de 53 000 demandes en 2010. Selon vous, monsieur le ministre, c’est sans précédent. Or ce n’est pas vrai ! En effet, vous ne pouvez l’ignorer, entre 2003 et 2005, le nombre de demandes a été supérieur ; ainsi, il y en a eu, selon vos services, plus de 65 000 en 2004. Par conséquent, nous nous situons actuellement en dessous de ce nombre fourni par vos services pour cette année-là.
Face à cette réalité chiffrée, les éléments budgétaires nous posent problème, monsieur le ministre, car les crédits prévus pour 2012 sont manifestement sous-évalués. Vous ne manquerez pas de me répondre – mais, après m’avoir entendu, je pense que vous y renoncerez ! – que les crédits augmentent par rapport à l’année dernière puisqu’ils atteignent 409 millions d’euros pour le programme 303.
Toutefois, monsieur le ministre, quand on sait que le montant des crédits réellement exécutés en 2011 pour le même programme a excédé 522 millions d’euros, on comprend que cette augmentation est totalement fictive et qu’elle traduit tout simplement la sous-dotation des années précédentes.
Nous sommes donc en droit de nous interroger sur la conformité au principe de sincérité, inscrit dans la LOLF, d’un budget que vous nous présentez comme étant en augmentation puisqu’il ne l’est pas. En effet, les sommes indiquées, inférieures à ce que vous avez dépensé l’année dernière, seront fatalement insuffisantes !
La commission des lois a deux inquiétudes majeures.
La première concerne le recours excessif à la procédure prioritaire, qui peut être décidée lorsque le requérant est ressortissant d’un pays d’origine dit « sûr » ou lorsque sa demande apparaît comme « abusive ». Cela conduit à priver environ un quart des demandeurs d’asile d’un certain nombre de droits essentiels : droit au séjour, droit à un hébergement d’urgence, droit à l’allocation temporaire d’attente, après la notification de rejet de l’OFPRA.
J’insiste d’autant plus sur ce point qu’il est très difficile pour le préfet de présumer que la demande est abusive. En effet, de quels éléments dispose-t-il pour cela ?
De plus, dans un nombre non négligeable de cas de demandes jugées a priori abusives par le préfet, l’OFPRA et surtout la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, qui sont compétents pour se prononcer sur le bien-fondé de la demande, donnent finalement droit aux demandeurs.
J’insiste aussi sur le caractère non suspensif du recours devant la CNDA, qui pose un problème de droit sur lequel la Cour européenne des droits de l’homme doit prochainement statuer.
La seconde inquiétude majeure de la commission des lois concerne la saturation du dispositif des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA.
Moins de 40 % des personnes éligibles y ont accès, alors que le Gouvernement pourrait, sans dommage pour les finances publiques, accroître le nombre de places dans ces centres. En effet, le coût d’une place en CADA – un peu moins de 25 euros par jour – est légèrement inférieur à la somme du coût de l’allocation temporaire d’attente – 11 euros par jour – et de celui d’une place d’hébergement d’urgence – 15 euros par jour, en moyenne.
Il semble donc y avoir une volonté d’organiser la pénurie de l’hébergement dans ces centres, alors que nous devons y accueillir un nombre non négligeable de personnes.
Monsieur le ministre, je terminerai par la réforme du droit d’asile que vous avez annoncée vendredi dernier et qui alimente aussi notre inquiétude.
Celle-ci tient d’abord à l’extension de la liste des pays d’origine dits « sûrs ». Selon nous, les critères d’établissement de cette liste sont sujets à caution, comme le montrent, d’une part, un taux d’accords significatif devant l’OFPRA et la CNDA pour des personnes venant des pays en question et, d’autre part, l’annulation de la liste à deux reprises par le Conseil d’État, en 2009, puis en 2010.
Notre inquiétude tient en outre à votre souhait de diminuer ou de voir diminuer le nombre de demandeurs d’asile. Car cela ne dépend pas de vous ! Ni de nous ! Les demandeurs d’asile sont des personnes qui sont persécutées et qui ont droit à l’asile. Ce droit est reconnu par la convention de 1951 dont la France est signataire ; elle interdit de renvoyer un étranger…
… vers un pays dans lequel il risquerait d’être exposé à des persécutions ou à des traitements inhumains ou dégradants.
Monsieur le ministre, nous pensons que vous avez toute légitimité à défendre une politique d’immigration. Mais, s’agissant du droit d’asile, il est nécessaire qu’ensemble nous défendions ce qui est un droit, un droit pour des personnes, je le redis, persécutées ou gravement menacées dans les pays d’où elles proviennent.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas le présent budget.
rapporteur pour avis. Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir bien entendu mes propos, et je loue votre attention ! (Sourires.)
, rapporteur pour avis. Eh bien, en guise de conclusion, je citerai un grand auteur que vous connaissez, monsieur le ministre. Il s’agit de Grotius, qui publia en 1625 un ouvrage intitulé Droit de la guerre et de la paix. Mme Benbassa, que je sais très attachée à la littérature, sera sûrement sensible au passage que voici : « On ne doit pas refuser une demeure fixe à des étrangers qui, chassés de leur patrie, cherchent une retraite, pourvu qu’ils se soumettent au gouvernement établi et qu’ils observent toutes les prescriptions nécessaires pour prévenir les séditions. […] C’est le propre des Barbares de repousser les étrangers. »
Cette dernière phrase, mes chers collègues, invite à la méditation !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Immigration, asile et intégration », en particulier son action 2, Garantie de l’exercice du droit d’asile, a pour objectif de garantir aux demandeurs d’asile un traitement optimal et humain de leur demande, ainsi qu’une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles, d’accueil et d’accès aux soins pendant la durée d’instruction de leur dossier.
L’OFPRA, puis, en cas de recours, la CNDA, qui relève du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », instruisent les demandes d’asile.
La France est, selon vous, monsieur le ministre, le deuxième pays destinataire de demandes d’asile, après les États-Unis. Cette réalité s’inscrit dans le droit-fil de la tradition d’accueil de la République et de la défense par notre pays des droits de l’homme partout dans le monde. C’est l’honneur de la France !
En 2010, ce sont plus de 52 000 demandes qui ont été enregistrées auprès de l’OFPRA, et les estimations pour 2011 sont de l’ordre de 60 000 demandes, ce qui représente une augmentation de plus de 14 %.
Sur le papier, le projet de budget pour 2012 semble répondre à cette croissance des demandes.
Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission « Immigration, asile et intégration » avec 87, 5 % du total. Les autorisations d’engagement – 553 millions d’euros en 2012, contre 490 millions d’euros en 2011 – sont en augmentation de 12, 78 % et les crédits de paiement – 560 millions d’euros en 2012, contre 488 millions d’euros en 2011 – progressent de 14, 67 %. L’action 2 passe d’une dotation de 327, 75 millions d’euros en 2011 à 408, 91 millions d’euros en 2012, soit une hausse de 24, 76 %.
L’accueil des demandeurs d’asile voit aussi son enveloppe augmenter. Pour l’hébergement d’urgence, les crédits engagés en loi de finances initiale pour 2011 étaient de 40 millions d’euros ; ils passent à 90 millions d’euros. Il en va de même pour l’allocation temporaire d’attente, pour laquelle les crédits engagés l’an passé en loi de finances initiale se montaient seulement à 54 millions d’euros, contre près de 90 millions d’euros cette année.
Si cet effort peut être souligné, force est de constater que les crédits inscrits restent notoirement insuffisants pour apporter une réponse positive aux problèmes prioritaires que sont les délais trop longs de l’instruction des dossiers des demandeurs d’asile, qui varient de 130 à 150 jours à l’OFPRA et atteignent plus de deux ans s’il y a un recours auprès de la CNDA.
Les mesures prises lors des années précédentes, en particulier le recrutement d’agents supplémentaires, n’ont pas encore porté leurs fruits, en raison de l’augmentation parallèle du nombre de dossiers.
La CNDA est confrontée aux mêmes problèmes, le nombre de recours déposés auprès d’elle s’étant élevé à plus de 15 000 au cours du premier semestre 2011, en hausse de plus 10 % par rapport à la même période de 2010. Cette croissance des entrées a rapidement affecté les délais de jugement. Le délai prévisible moyen de jugement a dépassé quinze mois à la fin de 2009, contre un peu plus de dix mois à la fin de 2008.
Ces délais sont totalement inacceptables ! Laisser un demandeur d’asile aussi longtemps dans l’incertitude est inhumain et retarde son intégration dans la société française. En outre, monsieur le ministre, cela pèse aussi sur les finances publiques !
L’hébergement en CADA reste insuffisant. Un effort a, certes, été accompli ces dernières années puisque plus de 21 000 places sont disponibles dans les CADA en 2011, mais ce nombre reste malheureusement bien en deçà des besoins réels. Les hébergements d’urgence se multiplient, posant de graves problèmes financiers aux communes et départements concernés.
Quant à l’allocation temporaire d’attente, elle est sous-budgétisée, comme c’est le cas depuis plusieurs années. Les crédits prévus pour 2012 restent largement inférieurs à ceux qui ont été ajoutés en gestion au titre de l’exercice de 2011 : près de 90 millions d’euros sont inscrits au présent projet de loi de finances, alors que 151 millions d’euros devraient être consommés en 2011.
Monsieur le ministre, il faut croire que, chaque année, vous sous-estimez volontairement les dépenses puisque vous savez très bien que la dotation initiale sera très rapidement insuffisante. L’établissement d’un budget sincère suppose d’inscrire les crédits correspondant aux besoins prévisibles !
Dès lors, on ne peut qu’être scandalisé quand votre nouvelle réponse à ce douloureux problème est une remise en cause du droit d’asile : c’est un véritable recul, une régression au regard de l’humanisme.
Monsieur le ministre, votre proposition porte atteinte à un droit fondamental, d’ailleurs largement et régulièrement malmené par ce gouvernement.
En évoquant une extension de la liste des pays classés « sûrs », vous rendez quasiment automatiques les reconduites à la frontière et vous niez les nombreuses atteintes aux droits humains, régulièrement dénoncées par les organisations humanitaires.
En imaginant de refuser le droit d’asile à des réfugiés parce que leur demande a été déposée en retard, vous faites fi des protections inscrites dans notre Constitution !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Le droit d’asile et le statut de réfugié ont un caractère intangible. Dès lors, ils ne peuvent constituer une variable de la politique migratoire de la France, et encore moins une cible dans le cadre d’une tactique électorale !
Les engagements internationaux de notre pays, le respect que nous devons à des êtres humains désemparés, persécutés, en souffrance et en danger, ne peuvent être effacés sous couvert d’ajustements budgétaires qui ne font que masquer des visées misérablement électorales !
Les crédits soumis à notre approbation cette année sont, certes, supérieurs à ceux des années précédentes, mais ils restent bien en deçà des crédits effectivement consommés annuellement. C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose de les rejeter.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai le privilège de connaître de près la question que nous évoquons ici, car je préside une structure support d’un CADA.
Mon collègue Alain Néri a plus particulièrement relevé dans ce budget des points qui lui semblaient critiquables. Pour ma part, je voudrais souligner quelques éléments qui me paraissent extrêmement positifs malgré les difficultés budgétaires que connaît actuellement notre pays.
Les chiffres du programme 303 ont déjà été mentionnés, mais je ne résiste pas au plaisir de les répéter, car la hausse des crédits va permettre la pleine expression de ce programme. Ce sont 553 millions d’euros qui sont inscrits en autorisations d’engagement, soit une augmentation de plus de 12 % et 560 millions d’euros qui le sont en crédits de paiement, soit une hausse de plus de 14 % par rapport à l’année précédente.
Je ne suis pas sûr que beaucoup de rapporteurs d’autres budgets aient eu, cette année, le plaisir d’annoncer des chiffres et des pourcentages de cet ordre !
C’est un véritable élan qui est donné cette année, d’autant que, lors de l’exercice précédent, l’enveloppe des crédits était restée stable.
Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, les parlementaires avaient pointé la sous-évaluation des crédits du programme 303. Nous ne pouvons donc que nous réjouir d’avoir été entendus puisque les crédits concernés enregistrent une augmentation très sensible.
S’agissant de l’action 2, 327, 75 millions d’euros étaient inscrits en loi de finances initiale pour 2011. Pour 2012, le chiffre passe à 408, 91 millions d’euros, soit une augmentation de 24, 76 %. Là aussi, l’an passé, la sous-budgétisation avait été signalée. Il semblerait que, cette année, la pleine conscience de la nécessité de faire un réel effort ait été prise.
Les dotations liées à l’accueil des demandeurs d’asile augmentent de façon significative et permettront de répondre de façon plus adéquate à la demande. L’enveloppe devrait ainsi permettre de financer 9 000 places supplémentaires en hébergement d’urgence et l’allocation temporaire d’attente devrait être perçue par plus de 21 000 bénéficiaires en 2012.
Certes, ces dotations restent inférieures à ce qui sera sans doute effectivement consommé en 2011. Pourtant, l’effort consenti est réel et doit être souligné.
Indicateur essentiel du programme 303, le délai de traitement des dossiers par l’OFPRA et la CNDA est fortement dégradé. La procédure dure au minimum deux ans si l’on prend le cas d’un demandeur qui verrait sa demande déboutée par l’OFPRA et déposerait un recours auprès de la CNDA. Régulièrement, les parlementaires tirent la sonnette d’alarme sur cette question. Je salue les moyens mis en place et pérennisés, je l’espère, pour essayer de revenir à des délais décents.
En matière de recrutement, les effectifs de l’OFPRA devraient être consolidés et quinze nouveaux emplois, gagés sur les effectifs du ministère de l’intérieur, devraient être ouverts en 2012. L’objectif est de réduire le délai global de traitement des dossiers de moitié, pour atteindre un an à l’horizon 2013.
Plus globalement, sur la question, sensible, de la répartition géographique des demandeurs d’asile, un pilotage régional de l’hébergement d’urgence a été mis en place. Il s’agit d’homogénéiser les pratiques, d’organiser la répartition des demandeurs d’asile et de rationaliser les dépenses. Un suivi précis et trimestriel de l’activité d’hébergement d’urgence est ainsi mis en œuvre, permettant un rééquilibrage au profit de zones moins sollicitées.
Enfin, vous avez, monsieur le ministre, annoncé vendredi dernier une réforme du droit d’asile en inscrivant l’Arménie, le Bangladesh, la Moldavie et le Monténégro sur la liste des pays sûrs, afin que certains candidats à l’immigration économique ne se cachent plus derrière la demande de protection internationale.
Parce que le droit d’asile est trop important pour être galvaudé et parce qu’un tel comportement porte préjudice aux véritables candidats au droit d’asile, cette réforme est une bonne réforme !
En conclusion, il s’agit certainement du programme dont il est le plus facile de défendre les crédits.
Certes, on a l’impression que la cible s’éloigne au fur et à mesure que l’on s’en rapproche et que les efforts très importants qui sont consentis ne suffisent pas à faire face à l’évolution de la situation : l’accroissement du nombre de candidats à l’asile pourrait faire oublier que les budgets consacrés à ce programme sont en forte augmentation.
Cependant, c’est tout à l’honneur de la France d’accroître ainsi ses efforts pour respecter sa tradition d’accueil !
C’est pourquoi, si la commission a décidé de rejeter le programme 303, à titre personnel, je voterai ces crédits.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes et que l’intervention générale vaut explication de vote sur les crédits.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, évoquer les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sans les rattacher à la politique mise en œuvre par le Gouvernement n’aurait aucun sens. Pour autant, débattre à nouveau sur le fond de cette politique ne ferait qu’alourdir un débat que je voudrais constructif.
Je rappellerai seulement, pour mémoire, que les cinq dernières lois sur le sujet votées depuis 2002 obéissent toutes à la même philosophie : mieux contrôler les entrées et les séjours des étrangers sur notre territoire ; améliorer les conditions d’intégration des étrangers régulièrement admis ; sanctionner avec une plus grande efficacité, en même temps qu’avec sévérité, tous les détournements de la loi.
Les dispositions retenues pour atteindre ces objectifs n’ont pas fait et ne font toujours pas l’objet d’un consensus, les uns considérant que la loi est insuffisamment répressive, les autres, qu’elle l’est trop.
Je n’entrerai pas dans ce débat, mais j’évoquerai les conséquences financières qu’emportent ces dispositions.
Cela a été rappelé, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012 connaissent une forte hausse, de plus de 12 %, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, supérieure à celle que prévoit par la loi triennale de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014.
Cette hausse s’explique par l’augmentation des dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile, notamment l’allocation temporaire d’attente et l’hébergement d’urgence, dépenses qui étaient jusqu’à présent sous-évaluées. Elle vient réduire l’effet de sous-budgétisation chronique de cette action, relevée chaque année depuis 2008 par la commission des finances, alors que l’on pouvait observer, corrélativement, la forte augmentation du nombre des demandeurs d’asile. Ainsi, pour 2012, le projet de budget est établi sur la base de 60 000 demandes, tandis que des projections crédibles situent cet effectif autour de 63 300.
Les conséquences de cet écart d’appréciation sont lourdes, à plusieurs égards, sans même parler de celles, pourtant non négligeables, qui sont relatives à la charge administrative indirectement induite et au coût budgétaire du contentieux.
En 2011, en effet, il aura fallu augmenter les crédits destinés à l’hébergement d’urgence de 127 %, ceux dévolus aux centres d’accueil des demandeurs d’asile de 2, 6 % et ceux consacrés à l’allocation temporaire d’attente de 66 %.
Nous constatons, d’ores et déjà, les nécessaires régulations budgétaires apportées au budget 2011, indispensables pour couvrir les dépenses d’hébergement et d’allocation temporaire d’attente. Ces mesures devront être amplifiées pour répondre au devoir qui est le nôtre d’accueillir dignement ces demandeurs d’asile, lesquels doivent bénéficier d’un accompagnement digne de ce nom pour préparer, dans le respect de leurs droits, leur dossier de demande. Or leur accueil dans les CADA devient, compte tenu de leur nombre, de plus en plus problématique, et le taux de places accordées, qui était de 31, 4 % au 31 décembre 2010, ne paraît pas devoir s’améliorer en 2012.
Il est de la responsabilité de l’État, monsieur le ministre, d’offrir à tous les demandeurs d’asile des chances égales d’obtenir le statut de réfugié, comme le préconisait en novembre 2010 un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et du contrôle général économique et financier.
Cette égalité des chances passe aussi par les conditions matérielles de leur accueil, qui diffèrent aujourd’hui selon les associations auxquelles sont confiés ces demandeurs d’asile.
Un autre problème récurrent est celui du budget de l’OFPRA, cet organisme chargé de traiter toutes les formes de demande d’asile. Les contraintes de délai auxquelles il est soumis pour examiner les recours formés devant la CNDA ont pour conséquence d’alourdir son budget de façon substantielle. La commission des finances du Sénat a évalué à 15, 7 millions d’euros l’économie que représenterait la réduction d’un seul mois du délai de traitement des dossiers. Or ce délai tend à s’allonger ; il a ainsi augmenté de 32 jours entre 2009 et 2011, ce qui induit un maintien prolongé, donc coûteux, en CADA ou en centre d’hébergement d’urgence.
Même s’il est prévu, dans le projet de budget pour 2012 de prolonger de près de six mois l’emploi de trente officiers de protection supplémentaires, on est en droit de se demander si cette ressource supplémentaire permettra de « déstocker » les 14 000 demandes encore en instance.
On ne peut que se féliciter du nombre supplémentaire de places offertes dans les centres de rétention administrative, les CRA : leur nombre est en effet passé de 1 071 en 2005 à 1 826 en 2011. Cependant, on est encore bien loin de l’objectif gouvernemental de 2 700 places qui devait être atteint en 2008 !
Outre le nombre de places manquantes, je voudrais relever le problème de la capacité de ces centres. Les différentes études conduites, à plusieurs reprises, par l’Inspection générale de l’administration, ainsi que les analyses de la commission des finances du Sénat, ont montré que les centres offrant les plus grandes capacités d’accueil sont aussi ceux où se posent les plus importants problèmes de tension sociale. La question de la réduction de la taille maximale des CRA et, par contrecoup, de leur nombre, se pose donc avec une particulière acuité, d’autant qu’elle a un impact sur le respect du droit : accès aux soins, assistance d’un traducteur, chambres d’isolement, etc.
Je ne manquerai pas de souligner, sur ce point, qu’il est urgent de créer, à Mayotte, un centre adapté aux besoins de ce département, qui connaît les chiffres les plus lourds de France en matière d’immigration irrégulière et de reconduite à la frontière.
Je n’ai abordé, monsieur le ministre, que quelques points, auxquels je suis particulièrement attachée. Bien d’autres mériteraient un long développement.
Je veux croire que votre administration saura trouver les voies indispensables pour que la France reste bien ce pays des droits de l’homme qui fait notre force et notre fierté.
Vous avez souligné hier, en réponse à une autre intervention, les efforts accomplis pour améliorer l’accueil des étrangers en préfecture ; je ne les nie pas. Il ne nous reste plus qu’à être exemplaires en matière d’accueil des personnes humainement fragilisées.
Au vu des éléments contenus dans les différents rapports, la majorité du groupe RDSE votera contre les crédits de cette mission. Ses autres membres s’abstiendront ou voteront pour.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers propos pourront paraître surprenants. Il s’agit en fait d’une question, très simple : pourquoi ?
Pourquoi devons-nous débattre de cette mission budgétaire, alors même que le ministère de l’immigration n’existe plus et que les crédits qu’elle recouvre, soit un peu plus de 630 millions d’euros, ne représentent, selon le rapport de la commission des finances, que 15 % environ des crédits consacrés par l’État aux problématiques et politiques liées à l’accueil de la population étrangère dans notre pays ?
À mon sens, la réponse est : pour pouvoir stigmatiser cette population en prétendant qu’elle « coûte ».
Vos récents propos sont révélateurs de cette intention de stigmatisation. Les travailleurs immigrés, accusé de fraudes « spécifiques » aux prestations sociales, détourneraient les cotisations sociales. Vous avez poursuivi crescendo, vous en prenant aux enfants d’immigrés, accusés, pour leur part, d’avoir de mauvaises notes à l’école : selon vos dires, les deux tiers des échecs scolaires sont le fait d’enfants d’immigrés.
Ces propos ne servent qu’à attiser les peurs, à susciter la polémique et à détourner l’attention. Car le véritable échec, monsieur le ministre, n’est pas celui des enfants d’immigrés, c’est celui de votre politique ! Elle est incapable de lutter contre les inégalités sociales et de supprimer l’impact du milieu socio-économique sur la réussite des élèves, qu’ils soient enfants d’immigrés ou non, d’ailleurs.
Vous avez évoqué, dans une dernière déclaration infamante, le risque de voir des étrangers élus maires en Seine-Saint-Denis... Voilà votre ultime argument brandi contre le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers !
Pour vous, le droit de vote des étrangers est un point de crispation ; pour nous, c’est une exigence démocratique. Cette question, qui fait l’objet d’une proposition de loi que nous examinerons très prochainement, trouvera tôt ou tard une issue positive. Plusieurs enquêtes d’opinions confirment en effet qu’une majorité de nos citoyens y est favorable.
Ce débat sera pour nous l’occasion de réaffirmer que les étrangers, à l’instar des ressortissants de la Communauté européenne, doivent obtenir le droit de vote aux élections locales : ils vivent ici, ils travaillent ici, ils paient leurs impôts ici, ils doivent pouvoir voter ici !
En résumé, depuis que vous avez pris vos fonctions, votre rhétorique n’a pas changé d’un iota. Vous faites toujours le même amalgame : « moins de travailleurs étrangers » égale « moins de chômage et moins de fraudes ».
Vous en rajoutez à l’occasion de ce budget. La solution aux problèmes des Français résiderait dans la restriction du regroupement familial et du recrutement des étrangers, notamment des étudiants en fin de cycle, ainsi que dans la réforme du droit d’asile, selon vous « détourné par des migrants économiques ».
Pour restreindre le droit d’asile, vous arguez de nouveau de la « fraude à la procédure ». Voilà votre réponse aux besoins de protection des demandeurs d’asile... S’ensuit une dotation qui reste très insuffisante des crédits prévus par le programme 303 « Immigration et asile ».
La conséquence de cette sous-dotation à répétition va se traduire concrètement par un nombre toujours plus important de femmes, d’hommes et d’enfants plongés dans la précarité, au mépris de leur dignité et en violation des obligations de la France.
Seules 31, 4 % des demandes d’hébergement en CADA ont été satisfaites. Pour les autres, les « non-solutions » vont de l’hébergement d’urgence à la rue. Pour ces personnes qui n’ont pas le droit d’occuper un emploi et vivent avec 10, 83 euros par jour, le quotidien devient une course à la survie !
Non content de taper sur les demandeurs d’asile en situation de faiblesse, vous vous attaquez spécifiquement aux étudiants étrangers. Votre circulaire du 31 mai 2011 donne ainsi pour instruction aux préfectures de mettre un frein à la pratique des autorisations provisoires de séjour accordées en vertu de la loi du 24 juillet 2006. Cette circulaire inquiète étudiants et universitaires, qui craignent la non-reconduction des conventions passées avec les universités étrangères.
De même, les employeurs, pour lesquels ces directives auront un coût économique, expriment leur inquiétude : les étudiants qu’ils auront formés et auxquels ils auront confié des projets, lors de stages de fin d’étude, seront priés de quitter le territoire du jour au lendemain. Tandis que 2 milliards d’euros de crédits sont consacrés à l’accueil et à la formation des étudiants étrangers dans le projet de loi de finances pour 2012, cette circulaire rend cet investissement d’emblée inefficace et place le Gouvernement en porte-à-faux par rapport marché du travail.
Tous les moyens semblent bons pour mener, coûte que coûte, votre politique hostile à l’immigration. Depuis la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011, la énième sur ce sujet, nous assistons à une effrayante politique du chiffre, qui conduit à décider, sans discernement, de mesures d’enfermement, d’interdiction de séjour, voire d’expulsion, visant des étrangers malades – tout cela pour entretenir le mythe de la migration pour soins –, qui justifie le renvoi sans ménagement de parents d’enfants français, d’hommes et de femmes ayant toutes leurs attaches en France.
Les premiers visés par ces atteintes répétées aux droits de l’homme sont les Roms, qui quittent leurs pays d’origine pour fuir la discrimination raciale et la misère. Le statut discriminant envers ces ressortissants a été officialisé : 80 % des personnes expulsées de France avec une aide au retour sont des Roms !
Coûte que coûte, disais-je ! Car votre politique anti-immigration coûte très cher à nos concitoyens. Elle se chiffre à 232 millions d’euros, ce qui représente environ 12 000 euros pour chaque reconduite à la frontière.
Les grands bénéficiaires des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » devraient être, pourtant, ces immigrés que vous stigmatisez. Ils sont en effet six fois plus nombreux que les Français à vivre dans les zones urbaines sensibles, et 24 % d’entre eux sont touchés par le chômage, contre 8 % de la population française vivant hors de ces quartiers.
Chômage, précarité, démantèlement des écoles : les moyens qui leur sont accordés sont très insuffisants, à l’image des crédits de paiement du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui ont diminué de moitié en quatre ans.
Les véritables bénéficiaires de cette politique sont, sans doute, les prestataires qui construisent et gèrent les centres de rétention administrative : ceux-ci comptaient 773 places en 2003 ; ils en compteront 2 063 en 2012.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, le groupe CRC votera contre ce budget.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grandeur de la France réside, pour une large part, dans la tradition d’accueil fort ancienne qu’elle a toujours observée à l’endroit des victimes de violence et de persécutions, en raison de leur croyance, de leurs idées politiques ou de leur race. Aussi, quelles que soient les difficultés que nous éprouvions à gérer l’explosion des demandes d’asile auquel notre pays doit faire face aujourd’hui, il est essentiel de résister à la tentation qui consisterait à faire du droit d’asile une variable d’ajustement de notre politique d’immigration.
Faut-il pour autant renoncer à canaliser cet afflux massif de demandeurs d’asile, qui font de notre pays, précisément en raison de cette tradition d’accueil, de la générosité de nos prestations et de la longueur des délais de traitement des dossiers, le deuxième pays d’accueil au monde derrière les États-Unis, ainsi que le premier d’Europe, alors que la demande d’asile tend à baisser au plan mondial ?
En d’autres termes, pouvons-nous nous résigner à ce qu’un détournement trop fréquent de notre droit d’asile transforme cette procédure en un nouveau canal d’émigration ? Non évidemment, et ce pour deux raisons.
La première raison est la plus essentielle. L’afflux des demandes et la longueur des délais de traitement qui en résulte pénalisent d’abord les demandeurs de bonne foi, c’est-à-dire tous ceux qui ont de vraies raisons de se prévaloir du droit d’asile et qu’une décision rapide pourrait placer sous la protection de l’État, alors qu’ils devront patienter en moyenne près de deux ans. En effet, un tel appel d’air a pour conséquence de stimuler l’ingéniosité des passeurs, voire des filières de toutes sortes qui exploitent la détresse de pauvres gens. À terme, c’est l’existence même du droit d’asile qui est menacée.
La deuxième raison est de pur bon sens. En raison de la logique même du processus, la poursuite d’un tel afflux sera créatrice de nouveaux délais, donc de coûts de prise en charge supplémentaires, ce que notre situation budgétaire contrainte ne nous permet plus d’accepter.
Je le rappelle, au mois d’octobre 2010, la commission des finances a adopté un rapport d’information sur les conséquences budgétaires des délais de traitement du contentieux de l’asile par la Cour nationale du droit d’asile qui a permis d’évaluer à plus de 15 millions d’euros le coût pour les finances publiques d’un mois de délai supplémentaire de traitement des demandes d’asile.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je salue la construction du budget de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012, en ce qu’elle témoigne de votre volonté de briser ce cercle vicieux, la croissance des moyens affectés visant en priorité à la réduction des délais, qui est clairement identifiée comme l’une des clés du problème. Chacun le sait, il est en effet beaucoup plus compliqué de reconduire dans leur pays d’origine des personnes qui vivent en France depuis un an et demi, voire plus…
La lutte contre les filières d’immigration aux fins de démanteler les réseaux criminels constitue aussi l’une des conditions essentielles qui permettront de sauvegarder l’intégrité du droit d’asile. Ce sont des filières doublement criminelles, d’abord parce qu’elles introduisent clandestinement des personnes sur le territoire, ensuite en raison des traitements souvent indignes qu’elles leur imposent. Je sais que vous en avez fait l’une de vos priorités, sans laquelle aucune amélioration des procédures en vigueur ne saurait se traduire dans les faits. Je relève qu’en un an, les interpellations de passeurs et le démantèlement de filières ont augmenté de 10 % : ainsi, 5 800 passeurs ont été interpellés et 183 filières ont été démantelées.
La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a aussi prévu de dissuader les demandes non fondées au travers d’une procédure particulière appliquée aux demandeurs qui fournissent sciemment des informations fausses et tronquées.
Par ailleurs, le Sénat a introduit l’article 162 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui dispose que le bénéfice de l’aide juridictionnelle devant la CNDA doit être demandé au plus tard dans le mois suivant la réception, par le demandeur, de l’accusé de réception de son recours. Sans priver les requérants du droit d’asile à l’aide juridictionnelle ou en limiter l’accès, cette disposition nouvelle devrait éviter que les demandes d’aide juridictionnelle ne soient formulées au dernier moment, lors de l’audience publique.
Est-ce pour autant suffisant ? Je crains que non ! C’est tout le sens de cette analyse qui vous a conduit à annoncer la semaine passée une réforme prochaine du droit d’asile visant à rendre plus sélectives les conditions d’accès à la procédure comme à en réduire le coût budgétaire.
Désormais, un seuil de quatre-vingt-dix jours sera retenu pour faire une demande de statut de réfugié, alors qu’une directive européenne datant de 2005 instaurait la notion plus subjective de « délai raisonnable ». C’est dans cette perspective que s’inscrit également la suspension des prestations sociales accordées aux demandeurs qui fraudent ou qui ne coopèrent pas loyalement avec l’administration. Vous avez également annoncé l’extension de la liste des pays d’origine « sûrs » à certains États dont émanent nombre de demandeurs d’asile alors même que l’évolution politique ne le justifie plus. Un pays est en effet considéré comme « sûr » s’il veille « au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Il n’en reste pas moins, dans l’attente du plein effet de ces mesures, que notre pays risque de rester attrayant, eu égard aux divergences encore persistantes entre les politiques d’accueil et de traitement des demandeurs d’asile et les législations des pays d’Europe.
J’aimerais, monsieur le ministre, que vous m’éclairiez sur l’évolution de la politique européenne en matière d’immigration, amorcée par l’adoption en 2008 du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, et qui me semble être est le corollaire indispensable des efforts que vous déployez.
En janvier 2010, Jacques Barrot, alors commissaire européen à la justice, la liberté et la sécurité se fixait pour objectif de disposer d’une procédure unique d’instruction des demandes d’asile à l’échéance de 2012. Nous en sommes encore bien loin aujourd’hui, alors même que l’arrêt du 21 janvier dernier de la Cour européenne des droits de l’homme a sérieusement remis en cause le règlement de Dublin II, qui responsabilisait nos partenaires européens en faisant de tout pays placé en première ligne le gardien de sa part de frontière européenne. Vous conviendrez avec moi, cette étape, qui a coïncidé avec les déplacements de population que l’on connait résultant du printemps arabe, rend plus que jamais indispensable une coordination entre les pays de l’espace Schengen.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ensemble des moyens consacrés à la politique de l’immigration et du droit d’asile sont six fois supérieurs au bleu budgétaire sur lequel nous nous prononçons maintenant.
Dans le programme 303 « Immigration et asile », 32 millions d’euros sont utilisés pour reconduire les étrangers en situation irrégulière. Mais lorsque l’on sait qu’il y a parmi eux des enfants scolarisés et que l’on connaît les déchirements et les traumatismes que ces reconduites provoquent, on doit constater que l’usage de ces moyens est aujourd’hui parfois contestable.
Mais c’est votre politique du chiffre, monsieur le ministre. Les Français payent, les étrangers trinquent, et la France est humiliée par son propre comportement !
Le programme 301, prétendument de « Développement solidaire et migrations », est un outil du ministère de l’intérieur, qui n’a aucune vocation d’aide publique au développement. C’est pourtant ainsi qu’il est présenté dans le projet de loi de finances, et nous ne nous prononcerons donc pas sur celui-ci cet après-midi. Ses moyens sont pourtant mis en œuvre par le ministère chargé de l’immigration, sous votre responsabilité.
Le ministère de l’intérieur dispose de ces financements pour « acheter » les accords de gestion concertée des flux migratoires avec les gouvernements des pays d’origine. Ces 28 millions d’euros devraient être par principe réintégrés dans le programme 303 et leurs emplois plus précisément explicités.
L’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, principal opérateur du ministère chargé de l’immigration, au budget de 175 millions d’euros, voit le montant de ses ressources fiscales plafonnées à 122 millions d’euros. Mais, dans le même temps, le Gouvernement a souhaité augmenter fortement les taxes dont doivent s’acquitter les étrangers pour leur séjour en France ! Ces taxes, dont le produit sera très significativement en hausse, financeront donc le budget général, sans aucune perspective d’amélioration des conditions d’accueil des étrangers dans les préfectures, qui sont aujourd’hui tout simplement indignes d’un État de droit.
Je me réjouis que l’amendement adopté par la majorité sénatoriale ait permis de limiter le processus scandaleux consistant à augmenter les taxes payées par les plus démunis, notamment les étudiants.
Je rappelle – je ne me fais malheureusement guère d’illusion sur le texte qui sera in fine adopté, une fois le projet de loi de finances réexaminé à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire – que les dispositions voulues par le Gouvernement faisaient porter la taxe applicable aux étudiants étrangers devenant salariés de 85 euros à 340 euros !
Une telle disposition confortera les effets de votre circulaire du 31 mai 2011, que nous récusons fermement et qui durcit les conditions d’attribution de visa pour les étudiants souhaitant accéder à un statut professionnel en France.
Cette circulaire doit être abrogée, car elle constitue un détournement de l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle fait d’ailleurs l’objet d’une requête en annulation devant la section du contentieux du Conseil d’État.
Plus de 6 000 étudiants étrangers se sont trouvés dans l’incapacité de bénéficier d’un titre de séjour pour tirer profit du savoir acquis dans nos établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux et le mettre en pratique en France, ce qui constitue pourtant un complément indispensable à leur enseignement. Cette perte immense pour notre pays, ses entreprises, ses universités et grandes écoles porte atteinte à la place de celles-ci dans le classement de Shanghai.
L’année 2011 est l’année Curie ; nous célébrons les cent ans du premier prix Nobel de Maria Sklodowska-Curie. Votre politique consiste à reconduire Maria Sklodowska, tout juste diplômée, à la frontière, l’empêchant d’apporter sa contribution immense à la science et à l’humanisme de notre pays !
C’est toujours votre politique du chiffre, monsieur le ministre. Les Français payent, les étrangers trinquent, et la France est humiliée par son propre comportement.
Monsieur le ministre, nous ne voterons pas votre budget, car nous désapprouvons totalement les choix politiques qu’il autorise. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2012 est à l’image de la politique désastreuse en la matière menée par le Gouvernement depuis des années.
Les chiffres « parlent » d’eux-mêmes : on consacre 85 millions d’euros à la lutte contre l’immigration clandestine, contre seulement 41 millions d’euros à l’intégration. Les sénatrices et sénateurs écologistes ne peuvent que dénoncer l’acharnement du Gouvernement à faire primer les expulsions, à hauteur de 32 millions d’euros, sur le vivre-ensemble, ainsi que le coût exorbitant de cette politique d’éloignement, tristement révélateur de l’attitude adoptée par la France face à ses étrangers. Je souligne, par ailleurs, comme ma collègue Corinne Bouchoux dans son rapport pour avis, à quel point il est regrettable que la politique d’accueil des étrangers elle-même soit de plus en plus financée par ceux-ci.
De surcroît, cet accueil est de qualité médiocre, à en juger par les files d’attentes interminables qui se créent devant les préfectures et sous-préfectures françaises, en particulier en Île-de-France. Comment la France, terre des Lumières, peut- elle tolérer que des personnes, parfois accompagnées d’enfants en bas âge, soient contraintes de passer la nuit dans la rue pour faire partie des quelques « privilégiés », si j’ose dire, qui, au matin, bénéficieront d’un ticket pour être reçus par un bureau des étrangers ?
Monsieur le ministre, le Gouvernement et vous-même avez tourné le dos à l’idéal de fraternité de notre République. Faute d’un projet crédible de lutte contre le chômage, les inégalités et la crise, vous avez opté pour la voie dangereuse d’une idéologie « anti-étrangers », « anti-immigrés » et antimusulmane distillée jour après jour.
Pour ma part, je ne puis me résoudre à avoir la mémoire courte. Je me rappelle les années trente. C’était aussi une époque de crise, le lendemain d’un krach dévastateur. Le bouc émissaire, alors, était le Juif. Chacun sait comment cette histoire s’est terminée.
M. Simon Sutour applaudit.
Mme Esther Benbassa. Et l’Histoire ne se répète pas, certes, mais les comportements xénophobes, eux, peuvent se reproduire.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Voilà quelques jours, conscients que derrière la froideur des chiffres, il y a des êtres de chair et de sang, cinq collègues et moi-même avons décidé de parrainer six travailleurs étrangers sans papiers. Leurs dossiers vous seront adressés après la séance.
Devant cette Haute Assemblée, je vous demande solennellement, monsieur le ministre, de leur porter toute l’attention qu’ils méritent.
Les sénatrices et sénateurs écologistes s’alarment de même des effets de la politique du Gouvernement relative aux étudiants étrangers. Reviendrez-vous sur votre circulaire du 31 mai dernier, monsieur le ministre ? Tandis que les États-Unis sont devenus une puissance de l’intelligence en achetant des cerveaux, nous excellons, nous, à brader les nôtres, après même les avoir formés. Et c’est un professeur d’université qui vous parle !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Nous, les sénatrices et sénateurs écologistes, ne voterons pas les crédits consacrés à cette mission « Immigration, asile et intégration », parce que leur répartition, aussi bien que les principes qui la justifient, heurtent de front notre conception d’une société juste et démocratique !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite pour ma part revenir sur l’allongement des délais de traitement des demandes d’asile, qui est passé de 100 jours en 2008 à 118 jours en 2009, puis à 145 jours en 2010. Au début de l’année 2011, le délai moyen constaté pour l’examen d’une demande par l’OFPRA s’élevait à 159 jours, soit 14 jours de plus que l’année précédente, mais il était de 184 jours s’agissant des premières demandes, soit 18 jours de plus qu’au début de l’année 2010.
Cet allongement pourrait notamment s’expliquer par l’accroissement du nombre des demandeurs d’asile. En effet, nous constatons que 52 762 étrangers, dont 11 143 mineurs accompagnants, ont sollicité la protection de la France au titre de l’asile en 2010. Si la tendance observée au cours du premier semestre 2011 se maintient, le nombre de demandes de protection, mineurs accompagnants inclus, pourrait s’élever à 58 000 en 2011 et à 64 000 en 2012.
Malheureusement, depuis 2004, les crédits votés en loi de finances initiale ont été systématiquement sous-évalués par le Gouvernement, et ils seront très insuffisants pour permettre à notre pays de respecter ses obligations.
Monsieur le ministre de l’intérieur, dans votre déclaration du 25 novembre sur la réforme du droit d’asile, vous proposez l’instauration d’un « seuil de 90 jours » comme « délai raisonnable » pour le dépôt d’une demande d’asile. Outre que cette mesure n’est pas conforme aux directives européennes, elle n’est pas décidée au hasard : elle vise en réalité à empêcher les migrants de déposer une demande d’asile lorsqu’ils sont placés en rétention en vue de leur éloignement. Vous considérez qu’une part croissante des demandes d’asile sont abusives et émanent d’étrangers dont les motivations seraient d’abord « économiques », et non liées à des inquiétudes pour leur sécurité dans leur pays. Or, selon la Cimade, les chiffres du Gouvernement sont inexacts, car le nombre de décisions accordant l’asile varie, mais il représente toujours en moyenne entre 20 % et 35 % du total des demandes depuis 1993.
Comment le Gouvernement compte-t-il s’y prendre pour réduire les délais d’instruction des dossiers de demande d’asile ? Comme toujours, il propose une restriction des droits, à seule fin électoraliste. Monsieur le ministre, vous avez en réalité décidé de dissuader la demande d’asile en France.
À la veille d’une élection présidentielle, je regrette que vous apportiez une fois de plus des réponses simples à des questions complexes, chassant ainsi sur les terres du Front national !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le cinquième orateur socialiste à intervenir sur les crédits de cette mission.
M. Richard Yung. Je peux donc comprendre qu’une certaine lassitude s’installe sur certaines travées de cet hémicycle !
Sourires.
Monsieur le ministre, vous vous en rappelez sans doute, au mois de juin dernier, les différents groupes politiques de gauche avaient combattu, aussi énergiquement que possible, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, anciennement projet de loi « Besson ». Nous nous sommes élevés contre l’extension des motifs de déchéance de la nationalité française, l’invention des « mariages gris », la remise en cause des droits des étrangers atteints de pathologies graves et l’allongement de la durée maximale de la rétention administrative à 45 jours, associé à l’inversion des interventions du juge administratif et du juge judiciaire.
Aussi, et cela ne vous étonnera pas, nous ne sommes pas favorables à l’adoption de ce budget, qui est la simple traduction de la politique que nous avons récusée.
Vous prônez la réduction de l’immigration professionnelle. Or, selon nous, la France a besoin de main-d’œuvre. Il se trouve que j’ai en main un article de presse.
M. Richard Yung brandit un journal.
Il s’intitule L’immigration peut être une aubaine pour les pays industrialisés, et il n’a pas été publié par un organe anarchiste ou bolchevik, si tant est qu’il en existe encore !
Mme Éliane Assassi s’esclaffe.
L’article émane en fait du journal des milieux d’affaires : La Tribune !
Selon La Tribune, l’immigration professionnelle est une aubaine pour les pays industrialisés. J’en déduis donc que votre orientation n’est pas la bonne.
Il suffit d’examiner votre projet de budget. Le montant des crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière, qui s’élève à 85, 4 millions d’euros, est deux fois supérieur à celui des crédits alloués à l’intégration des étrangers en situation régulière, d’un montant de 41, 8 millions d’euros. Vos choix sont clairs.
M. Klarsfeld, qui préside l’OFII, se répand dans les journaux, et plus encore sur les plateaux de télévision, pour s’opposer au droit de vote des étrangers aux élections locales, en invoquant des problèmes d’intégration. Selon lui, la politique d’intégration en France serait un échec. Cette affirmation est assez surprenante, puisque M. Klarsfeld dirige précisément l’office chargé de mener cette politique ! On est donc en droit de s’interroger sur l’efficacité de son action…
Or, dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » baissent de plus d’un million d’euros, passant de 14, 40 millions d’euros en 2011 à 13, 34 millions d’euros en 2012. Cette diminution est associée – d’autres l’ont souligné avant moi – à la très forte augmentation d’un certain nombre de droits et de redevances dont les intéressés doivent s’acquitter. Cette politique est donc totalement incompréhensible.
Beaucoup d’autres objections mériteraient d’être soulevées. Je pense en particulier au fait que les budgets de l’immigration sont le plus souvent insincères. En effet, le Gouvernement est amené, une ou deux fois par an, à prendre des décrets d’avance pour abonder ces budgets à hauteur de 40 millions d’euros ou de 50 millions d’euros. Les taux de croissance apparemment forts de ces crédits correspondent en fait à des remises à niveau, afin de s’aligner sur la réalité observée.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir entendu les rapporteurs et les différents intervenants, je souhaite répondre en abordant successivement les thèmes qui ont été développés, en espérant n’oublier aucun des arguments qui ont pu être avancés.
Un certain nombre d’entre vous, notamment M. Raymond Couderc et Mme Anne-Marie Escoffier, ont disséqué la présentation budgétaire de la mission « Immigration, asile et intégration ». Ils ont mis en évidence quelques éléments sur lesquels je voudrais revenir.
J’évoquerai d’abord la création d’emplois. Le projet de loi de finances tend à consolider et créer soixante emplois au profit de l’OFPRA et de la CNDA. Cette mesure est très importante. Elle fait suite à la création de trente emplois dans le cadre de la précédente loi de finances. Elle permettra de partager l’instruction des dossiers entre un plus grand nombre de personnes et, par conséquent, d’accélérer les délais de traitement des demandes d’asile.
Je mentionne également l’augmentation des moyens affectés à la politique d’intégration. Si l’on cumule les crédits inscrits dans ce texte et les recettes propres de l’OFII, la progression est substantielle.
Je rappelle en outre que les crédits consacrés à l’hébergement des demandeurs d’asile augmentent de 80 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Je ne pense pas, monsieur Sueur, que cela témoigne d’une volonté d’insincérité budgétaire...
J’ai bien noté votre argument, et je vais y répondre. Nous pensons qu’il y aura besoin de moins de crédits en 2012, parce que la demande d’asile sera mieux maîtrisée…
Comme l’ont indiqué MM. Roger Karoutchi et Raymond Couderc, la réduction d’un mois des délais d’instruction des demandes représente une économie de 15 millions d’euros.
Par ailleurs, selon le vice-président du Conseil d’État, qui a la charge de la gestion administrative de la demande d’asile, nous reviendrons en 2012 à un délai d’instruction moyen d’un an, contre deux ans voilà quelques mois. J’estime donc que des économies sont réalisables.
Mme Anne-Marie Escoffier a évoqué l’augmentation du nombre de places dans les centres de rétention administrative. En réponse à la question opportune qu’elle a soulevée, je précise que le centre de rétention administrative de Mayotte ouvrira en 2014.
MM. Karoutchi, Sueur, Néri, Trillard, Couderc, Roger et Mme Assassi ont abordé la question du droit d’asile. Je réaffirme très solennellement que le Gouvernement, comme nombre des orateurs qui se sont exprimés, est évidemment fidèle à ce qui fait l’honneur de notre pays, c’est-à-dire la préservation du droit d’asile politique.
La France a toujours accueilli tous les réfugiés du monde entier, tous les persécutés, tous ceux dont la liberté ou la vie sont menacées ! Le Gouvernement entend bien maintenir cette politique.
Cela étant, monsieur Sueur, ce n’est pas parce que l’on demande le bénéfice de l’asile politique que l’on est forcément persécuté…
Vous avez affirmé que les demandeurs étaient des persécutés ! Mais c’était certainement un lapsus...
En revanche, lorsqu’une personne se voit accorder le bénéfice de l’asile politique, c’est que la réalité des menaces dont elle fait l’objet dans son pays d’origine est reconnue.
Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, nous observons une augmentation importante du nombre de demandeurs d’asile, de plus de 55 % en trois ans. Le nombre des demandeurs s’est élevé à 53 000 en 2010, et il s’établira vraisemblablement entre 58 000 et 60 000 en 2011. Dans le même temps, le nombre de décisions octroyant le statut de réfugié politique, émanant d’instances indépendantes, est en légère baisse. Force est de constater qu’un certain nombre de personnes, que l’on peut évaluer à la différence entre ces deux chiffres, présentent des demandes qui ne comportent pas d’éléments suffisamment probants aux yeux de la juridiction spécialisée chargée d’en apprécier le bien-fondé. Ce problème n’est pas spécifique à la France ; les pays voisins le constatent également. Il est clair que la demande d’asile est utilisée comme un moyen d’entrer sur le territoire de notre pays, puisqu’il suffit de formuler cette demande pour être immédiatement admis au séjour – c’est bien naturel, compte tenu du motif invoqué –, et pour y demeurer.
Plus les délais d’instruction sont longs, plus le problème est lourd, et plus l’« attractivité » de notre pays grandit. En effet, comme nous le savons très bien, s’il est relativement facile de renvoyer dans son pays d’origine une personne qui n’a passé que quelques semaines ou quelques mois dans notre pays, il est beaucoup plus difficile de renvoyer une personne qui y a passé deux ans ou trois ans, même si elle est déboutée de sa demande d’asile et se trouve donc en situation irrégulière.
C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé un certain nombre de mesures destinées à réguler la demande d’asile, sans rien retrancher, bien évidemment, sur le droit à l’asile politique. J’ai d’ailleurs rappelé l’attachement du Gouvernement à la défense de ce droit.
La première de ces mesures porte sur l’amélioration des délais d’instruction.
La deuxième mesure consiste à engager une procédure accélérée, l’« examen prioritaire des dossiers », notamment pour les demandeurs provenant d’un pays d’origine « sûr ». Effectivement, monsieur Trillard, nous pensons qu’il y a lieu de compléter la liste de ces pays « sûrs ». Cet après-midi même, l’OFPRA, puisque ce n’est pas l’administration qui prend cette décision, devait examiner le principe de l’inscription de quatre nouveaux pays sur la liste des pays « sûrs ».
Nous avons également considéré qu’en cas de fraude manifeste ou de refus de coopération avec l’administration, la procédure accélérée pouvait être engagée.
La notion de demande abusive pose un problème de définition. Qui décide qu’une demande est abusive ? Le préfet ?
C’est l’OFPRA qui décide ; ce n’est pas l’administration ! Contrairement à ce que vous affirmiez tout à l’heure, monsieur Sueur, les préfectures n’ont pas à intervenir dans ces procédures.
Pas du tout ! Les dossiers passent par les préfectures, mais c’est l’OFPRA qui décide si la demande relève de l’examen prioritaire. L’administration n’a pas à se mêler de cette procédure !
Je vais maintenant aborder un autre thème évoqué par les différents orateurs, notamment par Mme Bouchoux, l’immigration légale.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Je viens de procéder à une vérification rapide : ce sont bien les préfectures qui décident si l’examen de la demande est prioritaire, pas l’OFPRA !
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Je vous dis que ce n’est pas le cas, monsieur Sueur !
L’immigration légale concerne chaque année 200 000 personnes, ce qui équivaut, par exemple, à la population de la ville de Rennes.
J’ai effectivement déclaré que nous souhaitions réduire l’immigration légale. En effet, pour nous – voilà qui illustre les différences entre notre conception de la société et celle qui a été exprimée sur les travées de gauche de cet hémicycle –, les étrangers qui viennent s’installer chez nous doivent être bien accueillis ; nous voulons qu’ils s’intègrent à notre population, qu’ils adoptent nos lois et nos modes de vie, qu’ils se sentent bien chez nous et que nous nous sentions bien avec eux.
Pour cela, nous devons avoir la capacité de les intégrer chez nous. L’intégration constitue un mouvement à double sens, du pays d’accueil vers les étrangers et des étrangers, qui doivent faire l’effort de s’intégrer, vers le pays d’accueil. Chacun le comprendra, il est plus facile de bien intégrer les étrangers quand ils sont un peu moins nombreux.
Certains d’entre vous ont évoqué l’éventualité d’un échec de l’intégration. De fait, s’il y a bien entendu de magnifiques réussites, il y a aussi des échecs. Lorsque j’ai mentionné les problèmes d’échec scolaire, ce n’était évidemment pas – faites-moi la grâce de le croire ! – pour distinguer ou stigmatiser une catégorie de population.
C’était pour souligner l’existence d’un problème. Des enfants qui échouent à l’école n’ont aucune chance de réussir dans leur vie professionnelle ! Il faut mettre un terme à une telle situation !
Nous pouvons notamment mettre en place des modules d’enseignement spécialisé pour que les enfants réussissent mieux à l’école. Au titre de la politique d’intégration, le ministère de l’intérieur dispose de crédits spécifiques employés à cette fin.
Comme je l’ai précisé, mon objectif est de réduire de 10 % chaque année l’immigration légale. Je pense notamment à l’immigration de travail.
Ainsi, Xavier Bertrand et moi-même avons réduit de trente à quatorze le nombre de secteurs dits « en tension ». En effet, l’étude réalisée sur le sujet a montré qu’il n’y avait pas trente secteurs en tension dans notre pays. Par exemple, on affirme généralement que le secteur du bâtiment a besoin de faire venir des travailleurs étrangers ; mais, lorsqu’on regarde de plus près, on s’aperçoit que ce n’est pas vrai.
M. Claude Guéant, ministre. Je rappelle que notre pays compte 2, 8 millions demandeurs d’emploi, que 110 000 actifs supplémentaires entrent chaque année sur le marché du travail et que notre appareil de formation et de reconversion professionnelle est particulièrement performant. Nous avons donc la possibilité de faire d'abord appel à la population installée en France, qu’elle soit française ou étrangère.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
En outre, et je crois que cela a déjà été dit, le taux de chômage des étrangers non ressortissants de l’Union européenne s’élève à 24 %. Voilà qui ne traduit pas non plus un succès de l’intégration !
Les questions d’intégration ont également été soulevées. Comme je viens d’en parler, il me semble inutile d’y revenir.
En revanche, je m’attarderai davantage sur la question des étudiants étrangers. Je le rappelle, la politique du Gouvernement vise à favoriser l’accueil des étudiants étrangers dans notre pays. Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que nos universités et grandes écoles soient attractives ! En 2007, nous avons accueilli 46 000 nouveaux étudiants étrangers. Cette année, nous en accueillons environ 60 000. Il n’y a donc aucune politique de réduction du nombre d’étudiants étrangers en France.
En outre, la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui a été évoquée tout à l'heure, est appliquée de manière très stricte. La circulaire que Xavier Bertrand et moi-même avons signée ne fait que rappeler le droit – j’y insiste ; il s'agit bien d’un droit – qui est accordé aux étudiants titulaires d’un master ou d’un doctorat. Pendant les six mois qui suivent l’obtention de leur diplôme, ils peuvent signer un contrat avec une entreprise, afin d’acquérir une première expérience professionnelle dans leur domaine de compétence. La circulaire, je le répète, ne retranche, ni n’ajoute rien à ce droit.
Certains chefs d’établissement m’ont fait part de leur émotion. J’ai donc ouvert un canal spécial pour examiner leurs préoccupations.
Toutefois, je tiens à rappeler qu’il ne suffit pas d’avoir fait des études en France dans le cadre d’un séjour régulier pour bénéficier d’un droit au séjour définitif dans notre pays. Qu’elles soient ou non formulées par étudiant, les demandes de carte de séjour autorisant à exercer une activité professionnelle sont examinées au regard de la situation du secteur concerné.
Nous avons un double souci. D’une part, madame Assassi, le recrutement de personnels étrangers ne doit pas favoriser le dumping social. Malheureusement, c’est un phénomène que nous observons parfois. D'autre part, nous devons éviter de piller les élites d’un certain nombre de pays …
M. Claude Guéant, ministre. Quand j’entends le président du Bénin me décrire la situation dramatique des hôpitaux de son pays – les deux tiers des médecins béninois exercent à Paris, alors qu’il y a seulement cinq cardiologues au Bénin –, je ne peux m’empêcher de penser que, même si nous avons besoin de médecins, nous faisons une mauvaise action à l’égard de ce pays.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.
J’en viens à la question de la lutte contre les irrégularités.
Bien entendu, nous luttons d'abord contre les séjours irréguliers. À cet égard, je peux affirmer devant la Haute Assemblée que l’objectif de 30 000 reconduites à la frontière fixé après l’adoption de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, sera atteint, et sans doute même dépassé.
Nous luttons également contre l’irrégularité que constitue l’emploi d’une main-d’œuvre étrangère séjournant de manière illégale sur notre territoire. Un décret d’application de la loi du 16 juin 2011 vient de paraître. Il permet de fermer, pendant une durée pouvant atteindre trois mois, les établissements des chefs d’entreprise employant une telle main-d’œuvre, et renforce leurs obligations financières envers ces salariés.
Monsieur Yung, les mariages gris sont une réalité, qui est d’ailleurs socialement et humainement très douloureuse. Bon an mal an, nos tribunaux annulent environ un millier de mariages de ce type. Je sais, pour avoir consulté un certain nombre de nos ambassadeurs, que beaucoup de mariages de complaisance méritent d’être examinés de plus près. J’ai bien l’intention de lutter également contre ces irrégularités.
M. Claude Guéant, ministre. Vous n’avez pas été assez attentif à ce que j’ai dit, monsieur le sénateur. Ce sont les tribunaux qui en jugent.
M. Jean-Yves Leconte proteste.
Ce n’est ni le Gouvernement ni l’administration qui en décide !
Monsieur Trillard, vous m’avez interrogé sur la politique européenne d’immigration, notamment sur l’asile. Vous le savez, durant la présidence française de l’Union européenne, en 2008, un pacte européen sur l’immigration et l’asile a été signé par les États membres. Aujourd'hui, on peut dire que tous les pays partagent la même volonté de maîtriser les flux migratoires, afin de favoriser l’intégration des étrangers. Ainsi, l’Espagne, qui avait régularisé beaucoup de personnes, l’a ensuite fortement regretté et partage désormais la ligne fixée par le pacte européen.
En matière d’asile, l’Union européenne a prévu d’adopter deux directives en 2012 : la directive « accueil » et la directive « procédure ». Les accords de Dublin seront bien entendu respectés. Tous les pays s’accordent à ce sujet. Pour faciliter le dialogue avec le Parlement européen, la présidence polonaise a trouvé une formule très intéressante de détection précoce des situations fragiles que certains pays pourraient rencontrer en matière d’asile. Une réunion regroupant les six pays européens les plus concernés et la Commission européenne s’est déroulée hier et ce matin.
L’objectif est d’harmoniser au maximum les pratiques en matière d’asile politique, afin d’éviter que certains pays ne deviennent plus attractifs et de garantir une réponse rapide aux demandes.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je souhaite simplement vous donner lecture de l’article L. 741-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’un étranger, se trouvant à l’intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l’asile, l’examen de sa demande d’admission au séjour relève de l’autorité administrative compétente. » L’autorité administrative compétence, c’est le préfet !
La procédure prioritaire est prévue à l’alinéa 4 de l’article L. 741-4 du même code, lorsque la demande d’asile « repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif ». Cette condition est distincte de celle qui tient au pays d’origine « sûr ».
En clair, l’autorité qui décide si la demande est abusive, c’est le préfet. Certes, il est possible que l’OFPRA ou la CNDA prennent ensuite une décision différente. Mais c’est bien le préfet qui décide du caractère prioritaire de la procédure. Or cela a beaucoup d’importance pour les personnes concernées.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur Sueur, je ne pense pas que nos positions soient contradictoires.
J’ai indiqué tout à l'heure que les dossiers étaient déposés à la préfecture en cas de fraude ou de demande abusive. La procédure est donc effectivement engagée par le préfet, mais c’est l’OFPRA qui décide si cette procédure doit être menée à son terme. Et, pour les pays d’origine « sûrs », l’OFPRA décide seul.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Immigration, asile et intégration
Immigration et asile
Dont titre 2
38 268 823
38 268 823
Intégration et accès à la nationalité française
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits ne sont pas adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (et articles 48, 48 bis et 48 ter) et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de centrer mon intervention sur nos principales observations relatives à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », dite APAFAR, et aux trois articles qui lui sont rattachés. En outre, Joël Bourdin présentera, en tant que co-rapporteur, notre analyse de deux des quatre programmes de la mission, ainsi que des dépenses fiscales et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », le CASDAR.
Je ferai une première remarque générale sur les crédits de la mission. Il nous était initialement proposé de fixer les autorisations d’engagement de 3, 56 milliards d’euros et les crédits de paiement à 3, 59 milliards d’euros pour 2012. Je souligne que ces montants sont loin de couvrir l’ensemble des dotations budgétaires consacrées à l’agriculture ; ils ne représentent qu’un peu plus de 20 % de l’ensemble des concours publics annuels à l’agriculture, tandis que l’Union européenne en fournit plus de la moitié !
La répartition des crédits manifeste la vocation de ministère d’intervention du ministère de l’agriculture, puisque 53 % des crédits de la mission APAFAR sont en effet dédiés à des dépenses de titre 6, concentrées sur le programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Un quart est consacré aux dépenses de personnel et 21 % aux dépenses de fonctionnement.
Je formule une deuxième remarque, qui porte sur l’évolution des crédits. La mission devait enregistrer une réduction de ses crédits en 2012 par rapport à 2011, puisque les autorisations d’engagement et les crédits de paiement étaient respectivement en baisse de 0, 5 % et de 2 % avant le vote de l’Assemblée nationale. Les crédits pour 2012 devaient donc se caractériser par de moindres écarts par rapport aux plafonds définis par la programmation pluriannuelle.
Ces évolutions doivent être nuancées, puisque l’Assemblée nationale a majoré de 174 millions d’euros les crédits de la mission, afin de financer une mesure d’allégement du coût du travail agricole, fondée sur des exonérations de cotisations sociales des employeurs.
Cette mesure, sur laquelle je reviendrai lors de notre analyse des articles rattachés, aurait un coût de 210 millions d’euros, mais un « coup de rabot » de près de 36 millions d’euros a par ailleurs été porté sur les crédits de la mission en vue de contribuer aux plans d’économies demandés sur l’ensemble des dépenses du présent projet de loi de finances, comme l’avait annoncé le Premier ministre les 24 août et 7 novembre 2011.
Ces deux mouvements en sens inverse majorent donc globalement les crédits de 174 millions d’euros, de sorte que les crédits de la mission s’établissent à 3, 74 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et à 3, 77 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse purement optique de 4, 5 % en autorisations d’engagement et de 2, 7 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances du 29 décembre 2010 pour 2011.
J’en viens à mes observations sur deux des quatre programmes de la mission.
Premièrement, le programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires », avec plus de la moitié des crédits de la mission, est le support privilégié de la politique d’intervention du ministère.
La gestion des aléas n’est dotée que de 2 % des crédits du programme, ce qui constitue une véritable atteinte au principe de sincérité budgétaire, monsieur le ministre.
Il y a en effet un profond paradoxe. Les aléas climatiques, sanitaires ou économiques, qui bouleversent profondément l’exécution budgétaire de la mission chaque année, sont pris en charge par l’action la moins dotée du programme. Les moyens consacrés à l’assurance récolte sont même en baisse de 25 % en 2012, avec 25 millions d’euros prévus, contre 33, 3 millions d’euros en 2011.
Une telle sous-budgétisation nous confirme que le chantier de la couverture des risques agricoles par les mécanismes de marché doit être relancé. Voilà qui appelle à une réflexion sur la problématique de la réassurance publique pouvant faciliter la diffusion des assurances privées.
Je note que l’obligation, imposée au Gouvernement par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, d’engager une réflexion sur les modalités de ce mécanisme avant le mois de février 2011 n’a pas été respectée. Quoi qu’il en soit, la réassurance publique devra être appréhendée prudemment, au regard de son coût budgétaire.
Par ailleurs, la réforme des principaux opérateurs du programme doit conduire à réaliser des économies significatives en 2012. Je pense par exemple au regroupement des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation au sein de l’Institut français du cheval et de l’équitation. Je pense aussi à la création de l’Agence de services et de paiement, l’ASP, ainsi qu’à la fusion des principaux offices agricoles au sein de FranceAgriMer.
Je remarque que l’enquête demandée par notre commission à la Cour des comptes sur cette fusion des offices et sur l’ASP a permis de faire le point sur les enjeux, sur la cohérence et sur les limites de ces restructurations.
D’un point de vue strictement budgétaire, ces réformes semblent commencer à produire des effets. À cet égard, l’évolution du montant des subventions allouées aux opérateurs du programme 154 dans le présent projet de loi de finances est assez éloquente. Il s’agirait de 16 millions d’euros d’économies. De tels résultats doivent toutefois être encore confirmés en exécution. Ils ne doivent surtout pas se traduire par une détérioration des prestations offertes par ces établissements.
Deuxièmement, je voudrais attirer l’attention sur la réduction continue des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui laisse planer une incertitude sur la capacité de notre pays à répondre aux fortes exigences en matière de sécurité sanitaire, surtout dans l’hypothèse où une crise d’ampleur inhabituelle se déclencherait.
Monsieur le ministre, on ne peut que déplorer les suppressions de postes intervenues. Selon certains syndicats, des missions de contrôle ne seraient plus assurées ou le seraient de manière très incomplète. Je juge nécessaire de rappeler que le Gouvernement doit veiller à conserver des moyens de contrôle sanitaire adaptés et qu’il ne doit pas trop se laisser tenter par le recours aux contrôles délégués et aux autocontrôles par les professionnels eux-mêmes.
J’en viens enfin aux trois articles rattachés à la mission.
L’article 48 a pour objet de rééquilibrer le financement du régime forestier des forêts par les collectivités territoriales, en instaurant une contribution supplémentaire annuelle de deux euros par hectare, dont le produit serait de 5, 6 millions d’euros en 2012. Cela correspond à une recommandation récurrente de notre commission, en particulier de notre collègue Joël Bourdin, qui demandait voilà un peu plus d’un an, dans son rapport sur l’Office national des forêts, l’ONF, de réexaminer le partage du coût du régime forestier. La démarche engagée dans cet article 48 va dans le bon sens, mais elle reste timide.
L’article 48 bis est issu de l’adoption d’amendements déposés par nos collègues députés, alors qu’il traduit un engagement pris à l’origine par le Gouvernement, tout particulièrement par le Premier ministre, lors du soixante-cinquième congrès de la Fédération nationale des syndicats et exploitants agricoles, la FNSEA, qui s’est tenu à Saint-Malo le 31 mars 2011.
Il nous est donc proposé d’exonérer de cotisations sociales les employeurs relevant du régime de protection sociale agricole, dans la limite de vingt salariés en contrat à durée indéterminée par entreprise. L’exonération serait totale jusqu’à 1, 1 SMIC, puis dégressive jusqu’à 1, 4 SMIC.
Je m’interroge sur l’efficacité d’un tel dispositif, qui doit conduire à réduire d’un euro le coût horaire des salariés agricoles. Pour éviter les phénomènes de « trappes à bas salaires » que les exonérations de charges favorisent, il reste nécessaire d’avancer sur la voie de la convergence fiscale et sociale en Europe.
De même, je déplore l’absence de ciblage fin de la mesure, même s’il est vrai qu’un tel ciblage nous ferait courir le risque de nous heurter à un problème de conformité au droit communautaire.
En outre, je reste circonspect sur le coût budgétaire de 210 millions d’euros par an avancé par le Gouvernement, à comparer aux 490 millions de dégrèvements sur les travailleurs saisonniers. Ce coût pourrait atteindre rapidement des niveaux plus importants.
Toutefois, et en dépit de ces nombreuses réserves, nous ne pouvons pas ignorer les attentes fortes émanant de la profession agricole. La mesure ne saurait donc être rejetée.
L’article 48 ter soulève moins de problèmes. Il fixe à 1, 5 % pour 2012 le taux d’augmentation de la taxe pour frais de chambres d’agriculture, de manière à permettre à ce réseau consulaire de faire face à l’organisation de ses élections au début de l’année 2013 et au transfert des associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose de rejeter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et d’adopter sans modification les crédits du CASDAR, ainsi que les trois articles rattachés 48, 48 bis et 48 ter.
Je laisse à mon collègue Joël Bourdin le soin de poursuivre la présentation des crédits de la mission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mon co-rapporteur Yannick Botrel de l’exposé qu’il vient de faire au nom de la commission des finances. Pour ma part, je formulerai également en conclusion quelques observations à titre personnel.
Je voudrais d’abord faire une remarque sur les dépenses fiscales rattachées à la mission en 2012. Vous trouverez tous les éléments chiffrés dans notre rapport. Je ne m’attarderai donc pas sur leur détail.
Je relève avec une grande satisfaction que le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, dit « rapport Guillaume », affiche des résultats satisfaisants pour la mission APAFAR. En effet, la grande majorité des mesures rattachées à la mission sont jugées efficaces. Sur trente-sept dispositions évaluées, représentant près de 2, 2 milliards d’euros, vingt-huit sont jugées assez ou très efficaces et couvrent la quasi-totalité des 2, 2 milliards d’euros de dépenses.
Les neuf niches fiscales inefficaces ne coûteraient en effet que 2 millions d’euros, soit moins de 0, 1 % des dépenses fiscales rattachées à la mission.
Nous demandons qu’un tel effort dans l’évaluation des dépenses fiscales soit poursuivi régulièrement.
Pour l’heure, monsieur le ministre, pourrions-nous au moins disposer dans le projet annuel de performances de la mission APAFAR d’un récapitulatif global à l’échelle de la mission de ces mesures ?
J’en viens à mes observations sur chacun des deux programmes de la mission dont je suis chargé, ainsi qu’au compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Je me félicite tout d’abord que le programme 149 « Forêt » dispose à partir d’une nouvelle nomenclature, dont l’objectif est d’offrir une présentation par dispositif permettant un meilleur suivi de l’exécution des crédits.
Je retiens surtout que le principal opérateur du programme, l’Office national des forêts, sur lequel j’ai rédigé un rapport au début de l’année 2010, voit sa subvention augmenter légèrement depuis trois ans. Sa situation financière reste en effet difficile.
L’article 48 du présent projet de loi de finances va bien dans le sens d’une clarification des relations financières de l’office avec l’État et les collectivités territoriales, mais ce ne sera malheureusement pas suffisant.
Les nombreuses suppressions de postes intervenues à l’ONF doivent être relevées. Avec 9 500 salariés aujourd’hui, l’Office a perdu plus du tiers de ses effectifs en vingt-cinq ans. Il en découle évidemment un climat social dégradé, sur lequel on peut s’interroger.
Les dépenses fiscales qui relèvent du programme 149 « Forêt » doivent incarner les priorités stratégiques de la politique forestière, centrée notamment sur une meilleure valorisation de la ressource bois.
La mise en place du compte d’épargne d’assurance pour la forêt doit contribuer plus particulièrement à relever ce défi, mais sous réserve de sa diffusion auprès des sylviculteurs. Où en est-on à ce sujet, monsieur le ministre ?
J’en arrive maintenant au quatrième programme de la mission, le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture », qui est en fait le programme support de la mission. Il se caractérise par un suivi scrupuleux de la démarche de suppressions d’emplois, au moment où des efforts de plus en plus importants sont exigés de la part de nos administrations.
Le plafond d’emplois baisse ainsi de 381 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, en 2012, après avoir été réduit de 375 ETPT en 2011, de 613 ETPT en 2010 et de 1 124 ETPT en 2009.
Nous préconisons une ventilation des dépenses de personnel entre les différents programmes de la mission pour la présentation du projet de loi de finances pour 2013, dans la mesure où la concentration des crédits de titre 2 de la mission au sein d’un unique programme support, le programme 215, n’est plus aujourd’hui justifiée par les adaptations liées à la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ou par la réorganisation du ministère. Monsieur le ministre, pouvez-vous prendre aujourd’hui l’engagement de procéder à cette ventilation l’année prochaine ?
Par ailleurs, le recensement général agricole, opération rendue obligatoire pour tous les États membres de l’Union européenne, s’est terminé cette année. Pouvez-vous nous en dresser un rapide bilan ?
J’en viens au CASDAR.
Ses recettes sont constituées de 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles. Elles sont évaluées à 110, 5 millions d’euros pour 2012, étant précisé que, s’agissant d’un compte d’affectation spéciale, le montant des engagements est ajusté tout au long de l’année au niveau de la recette constatée.
Alors que les recettes du CASDAR ont été sous-évaluées plusieurs années consécutives et que les crédits ont été relativement sous-consommés, cela n’a pas été le cas en 2010. La fin de l’écart positif entre les ressources et les dépenses du compte ne plaide donc plus pour une baisse de la fraction du produit de la taxe affectée au CASDAR. En revanche, une utilisation plus optimale des crédits est toujours requise.
Or le paradoxe veut que ce soit pendant cette période plus difficile pour le compte que de nouvelles compétences lui aient été dévolues. Je pense par exemple au financement des actions de génétique animale depuis cette année.
Je relève surtout que le recours à des comités scientifiques au cours des procédures d’appel à projets représente une avancée notable, de même que la multiplication des contrôles et des évaluations des projets de développement agricole et rural.
Ce souhait résulte notamment du constat, déjà formulé, sur la justification insuffisante des crédits. Cette insuffisance ne permet pas de s’assurer que les crédits « fléchés » vers les chambres ou les instituts vont aux projets de développement, et non aux structures elles-mêmes.
Dans son rapport public annuel pour 2008, la Cour des comptes a ainsi relevé que, en matière d’aides au développement agricole, « la répartition des aides a toujours été fondée, de fait, non sur la nature des projets, mais sur la reconduction des subventions dans une logique de financement pérenne des structures ». Je souligne qu’une telle « logique d’abonnement aux aides » est aux antipodes d’une démarche de performance.
À titre personnel, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », même si la commission des finances a fait le choix de demander à la Haute Assemblée le rejet des crédits.
En revanche, je partage totalement les propositions qui nous ont été faites sur l’adoption des crédits du CASDAR, sous le bénéfice des observations que j’ai formulées, ainsi que des trois articles rattachés.
Comme l’a rappelé notre collègue Yannick Botrel, j’ai effectivement demandé, voilà un peu plus de deux ans, dans un rapport d’information sur l’enquête de la Cour des comptes sur l’Office national des forêts, le réexamen du partage du coût du régime forestier, car le calcul des frais de garderie manque d’équité. L’article 48 du projet de loi de finances pour 2012 va dans ce sens ; je m’en félicite.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » constitue l’occasion de nous pencher sur la politique menée par le Gouvernement en faveur de l’agriculture. Le budget de l’État y contribue, mais ce n’est pas le seul outil dont le Gouvernement dispose. Mon propos ira donc au-delà de la seule analyse des crédits, qui viennent d’ailleurs de nous être présentés par mes collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances.
La situation de l’agriculture s’améliore globalement depuis l’année 2009, durant laquelle la crise a touché quasiment toutes les filières. Néanmoins, tous les agriculteurs vous le diront : une hirondelle ne fait pas le printemps. Quatre phénomènes doivent nous inquiéter.
Premièrement, s’il est vrai que la diversité des territoires et des productions constitue une richesse, il n’en demeure pas moins que les agriculteurs ne s’en sortent pas de la même manière et que les inégalités se creusent. Par exemple, le revenu courant avant impôt par actif agricole est de 40 000 euros à 45 000 euros dans les grandes cultures, contre 15 000 euros en viande bovine. La sécheresse a encore pénalisé les éleveurs en 2011, même si la situation semble meilleure depuis l’automne. Le système des subventions européennes reste lui-même très inégalitaire.
Deuxièmement, les relations entre l’amont et l’aval restent déséquilibrées, ainsi que l’a mis en évidence l’Observatoire des prix et des marges. Hélas ! Ce dernier ne fait qu’observer le phénomène, sans le contrarier. La contractualisation, rendue obligatoire cette année pour les fruits et légumes et pour le lait, ne modifie nullement le rapport de force entre producteurs, industriels et grande distribution.
Troisièmement, les agriculteurs sont et seront exposés de plus en plus aux risques non seulement climatiques, mais aussi économiques, du fait de la volatilité des prix agricoles. De ce point de vue, les résultats du G20 agricole du mois de juin 2011 sont décevants. Les seules décisions concrètes ont été de mettre en place à l’échelon mondial un système d’information sur les marchés agricoles, pour mieux connaître l’état des stocks, et de favoriser le dialogue avant toute décision, comme la fermeture des frontières, ainsi que l’a fait la Russie l’année dernière, en interdisant les exportations de blé pour privilégier son approvisionnement intérieur. Rien sur la régulation des marchés financiers, rien sur la régulation des marchés agricoles ! Nous restons prisonniers de la vision libérale, qui a cours également à l’OMC.
Quatrièmement, la réforme de la politique agricole commune, la PAC, pour la période 2014-2020 ouvre une ère d’inquiétudes. Certes, le projet de cadre financier pluriannuel préserve le budget de la PAC en euros constants, à 371, 7 milliards d'euros, mais les négociations conduiront peut-être à réduire cette enveloppe. La réforme des aides et de l’organisation des marchés, qui a été dévoilée au mois d’octobre dernier, ne constitue pas une révolution pour la PAC. Celle-ci reste orientée vers les marchés, avec très peu de régulation, et même le démantèlement des quotas de sucre. Le verdissement de 30 % des aides vise à répondre à l’enjeu environnemental, qui est fondamental, mais qui doit être explicité.
Pour en revenir aux crédits de la mission, qui s’élèvent à un peu plus de 3, 5 milliards d’euros, je souhaite apporter trois commentaires rapides.
Tout d’abord, le budget de l’agriculture n’échappe pas à la rigueur, affichant une baisse initiale des moyens de 2, 1 % en crédits de paiement par rapport à 2011. En application du plan d’économies de 1 milliard d'euros supplémentaires annoncé par le Premier ministre, 22 millions d'euros ont encore été retirés lors de la discussion de la mission à l’Assemblée nationale. La contrainte pèse sur l’emploi, avec près de 450 emplois supprimés au total sur les programmes 206 et 215, et des réductions prévues également pour la quasi-totalité des opérateurs de la politique agricole : FranceAgriMer, Agence de services et de paiements. Enfin, les gels de crédits en cours d’exercice vont encore amputer les moyens réels du ministère. La rallonge de 210 millions d'euros votée à l’Assemblée pour financer l’allégement de charges sur le travail permanent en agriculture ne doit pas faire illusion.
Ensuite, monsieur le ministre, ce budget est très fortement contraint et vos choix ont surtout consisté à reconduire les crédits qui interviennent en complément de crédits européens – je pense à l’indemnité compensatoire de handicap naturel ou à la prime vache allaitante – ou ceux qui servent à compenser les exonérations de charge. Les 500 millions d’euros qui étaient initialement prévus sont désormais portés à 710 millions d'euros, soit un tiers du programme 154. Bref, c’est un budget de dépenses obligatoires.
Enfin, monsieur le ministre, vos marges de manœuvre face aux crises sont bien maigres. Le Fonds national de gestion des risques en agriculture n’est pas doté, le dispositif « agriculteurs en difficultés », ou AGRIDIFF, et le Fonds d’allégement des charges reviennent à leur étiage. Nous devons espérer ne pas connaître d’imprévu en 2012.
La baisse des charges sociales dans le travail agricole permanent, qui constitue votre axe majeur pour 2012, ne répond pas aux véritables enjeux actuels, même si elle soulage momentanément les agriculteurs.
Je voudrais aussi évoquer brièvement l’agriculture ultra-marine. Le conseil interministériel de l’outre-mer a proposé de développer l’agriculture outre-mer en s’appuyant sur les cultures traditionnelles, banane et canne à sucre, mais aussi en appuyant de nouvelles productions destinées au marché local.
Le rapport que mes collègues et moi-même avons élaboré souligne l’importance de l’agriculture outre-mer et appelle à la soutenir fortement. En effet, ces territoires ultramarins disposent d’un énorme potentiel de développement, que la future PAC ne devra pas non plus oublier.
Telles étaient les remarques que je souhaitais formuler. Les critiques adressées à la politique agricole ont conduit la commission de l’économie à émettre un avis défavorable sur l’adoption des crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me contenterai d’aborder trois points sur ce projet de budget : l’installation, la sécurité sanitaire et la pêche.
Premièrement, l’installation des jeunes agriculteurs est un enjeu essentiel. La population des exploitants agricoles vieillit. Plus de 40 % des exploitants ont plus de cinquante ans et la part des jeunes de moins de trente-cinq ans est tombée à 13 %, alors qu’elle était encore de 18 % au début des années deux mille.
Cette réalité est encore plus forte dans certains secteurs, comme l’élevage allaitant ou les productions animales spécialisées, comme la production porcine. C’est donc la question de la survie des filières qui est posée. Sans installation, aucune continuité des exploitations n’est possible, mais cela signifie aussi moins de progrès technique dans les domaines agronomique, économique et environnemental.
Certes, l’enveloppe est reconduite à l’identique par rapport à 2011 dans ce projet de budget, avec 55 millions d’euros pour la part nationale de la dotation jeunes agriculteurs, cofinancée à 50 % par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, 53 millions d’euros pour les prêts jeunes agriculteurs et 11, 5 millions d’euros sur le Fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture, le FICIA. À ces aides budgétaires s’ajoutent des aides fiscales dont le coût est estimé à 42 millions d’euros, ainsi que l’exonération de la taxe foncière.
Au total, l’installation est soutenue économiquement par l’État et par l’Union européenne, pour environ 350 millions d’euros par an. Cependant, les résultats ne sont pas au rendez-vous : on dénombre seulement 13 300 installations en 2009 et autant, semble-t-il, en 2010. Ces chiffres sont insuffisants pour assurer le renouvellement des générations. En outre, à peine 45 % des installations sont aidées.
Mon inquiétude vient essentiellement des coupes qui affectent les crédits d’accompagnement à l’installation : on a confié les missions des ADASEA aux chambres d’agriculture sans leur transférer les crédits. À elles de se débrouiller pour faire mieux avec une dotation passée de 14 millions d'euros voilà deux ans à 2 millions d'euros en 2012 et à rien du tout en 2013.
Deuxièmement, l’année 2011 est venue une nouvelle fois nous rappeler le très haut niveau d’exigence des consommateurs en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les enjeux de santé publique et les enjeux économiques sont totalement imbriqués. Le programme 206 vise à répondre à ce défi. Paradoxalement, alors que ce programme est toujours affiché comme une priorité de l’État, les crédits qui y sont consacrés baissent pour la troisième année consécutive, pour passer en-dessous des 500 millions d’euros.
Je constate ainsi une réduction de 3 % des moyens consacrés à la lutte contre les maladies végétales et animales. Monsieur le ministre, vous faites le pari de la maîtrise totale du risque en 2012, alors qu’aujourd’hui, tant sur le végétal que sur le secteur animal, de nouvelles menaces peuvent apparaître.
Enfin, l’enveloppe consacrée au fonctionnement, notamment au financement des services vétérinaires, connaît un taux de progression zéro.
En termes d’effectifs, le programme 206 enregistre une nouvelle baisse de 66 équivalents temps plein travaillé pour 2012, après une baisse de 117 équivalents temps plein travaillé en 2011. Cette évolution est inquiétante au moment où les missions sont de plus en plus nombreuses.
Le syndicat national des inspecteurs de santé publique vétérinaire s’inquiète d’une telle situation, qui constitue un véritable désarmement progressif de notre arsenal de sécurité sanitaire, alors que celui-ci est actuellement un point fort de notre agriculture et de notre secteur agroalimentaire.
De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l’ANSES, reçoit une dotation de 66, 5 millions d’euros du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui est, lui aussi, en baisse par rapport à 2011.
Pourtant, il est rentable d’investir dans la sécurité sanitaire, car cela permet d’éviter de devoir demain dépenser des centaines de millions d’euros pour régler les conséquences des crises.
Troisièmement, la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, est en marche, mais les propositions de la commission européenne sont lourdes de menaces : marchandisation des quotas, au travers des quotas individuels transférables, et réduction drastique de ceux-ci pour certaines pêcheries, avec la fixation de l’objectif d’atteindre le rendement maximum durable, le RMD, dès 2015, pour toutes les espèces.
Du point de vue budgétaire, je tiens à saluer la poursuite, au-delà de la fin du plan pour une pêche durable et responsable, le PPDR, des contrats bleus en 2012.
Mais, à nos yeux, depuis la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP, on ne s’est pas attaqué à l’enjeu majeur que constitue la modernisation des équipements. Les navires restent vieillissants et les conditions de sécurité à bord doivent encore être améliorées.
Les crédits pour la pêche et l’aquaculture sont à peu près maintenus pour 2012, aux alentours de 60 millions d’euros, mais ils sont largement absorbés par les plans de sortie de flotte, à hauteur de 13 millions d’euros, et la contribution de l’État à l’assurance chômage intempéries, pour 6, 8 millions d’euros.
Or il faudrait avoir une vision plus offensive de la pêche, libérer davantage les crédits pour développer de nouveaux navires et soutenir des projets aquacoles innovants. À cet égard, monsieur le ministre, il nous semble que le compte n’y est pas.
Pour toutes ces raisons, mes conclusions rejoignent celles de ma collègue Renée Nicoux et de la commission de l’économie, saisie pour avis, qui recommande de ne pas adopter les crédits de la mission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout rappeler que l’agriculture a une vocation de production. Pour nourrir 7 milliards d’êtres humains aujourd’hui, et 9 milliards en 2050, il faut produire.
La France, avec 30 millions d’hectares de surface agricole utilisée, est bien placée en Europe pour jouer un rôle éminent. Remarquons que l’agriculture et l’agroalimentaire contribuent, à hauteur de 8 milliards d’euros, à améliorer le solde de notre balance commerciale.
Cependant, on ne continuera à produire en France que si l’agriculteur gagne sa vie, s’il n’est pas écrasé sous le poids des contraintes et des charges. Je salue donc la politique de baisse de charges mise en œuvre par le Gouvernement, sur l’initiative de M. le ministre Bruno Le Maire
Après ces propos liminaires, je souhaite évoquer trois points importants : la forêt, les assurances agricoles et la viticulture.
Premier sujet, la forêt fait l’objet du programme 149. Ses crédits sont en légère décrue de 2 %, à 362, 5 millions d’euros. N’en tirons cependant pas la conclusion que l’État abandonne la forêt, bien au contraire.
D’abord, une partie de la baisse correspond à une mesure de transfert de la subvention pour charge de service public de l’Inventaire forestier national, l’IFN, vers le programme 159 « Information géographique et cartographique », conséquence de sa fusion avec l’Institut géographique national, l’IGN.
Ensuite, le budget continue à être mobilisé pour faire face aux conséquences de la tempête Klaus du mois de janvier 2009. Les crédits du plan de restauration des chablis demeurent à un niveau élevé, 95 millions d’euros pour 2012.
Enfin, je me félicite de l’effort de l’État pour participer au redressement des finances de l’ONF dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de moyens signé au mois de juillet dernier pour la période 2012-2016.
La dotation de l’ONF s’élève à 185, 4 millions d’euros, dont 46 millions d’euros de contribution exceptionnelle. Ses ressources seront également accrues par la création d’une contribution calculée à la surface aux frais de garderie de l’ONF versés par les communes forestières, prévue à l’article 48 du projet de loi de finances pour 2012, rattaché à la présente mission.
Deuxième sujet, le rythme de progression des assurances agricoles n’est pas rapide, en tout cas pas à la hauteur de nos attentes, exprimées lors de la discussion de la LMAP.
L’enveloppe budgétaire destinée à subventionner les contrats d’assurance a baissé, passant de 133 millions d’euros à 100 millions d’euros au total, soit de 33 millions d’euros à 25 millions d’euros au niveau du budget de l’État, l’Europe prenant en charge 75 % de ces sommes.
Cette situation nous amène à demander une réflexion plus globale sur les freins à l’assurance. Certes, celle-ci est subventionnée jusqu’à 65 %. Mais la combinaison d’une exigence de perte de 30 % pour déclencher l’assurance, fixée dans la réglementation européenne, et d’une franchise de 25 % minimum conduit l’agriculteur à penser légitimement que l’assurance n’apporte pas une garantie suffisante.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si, dans le cadre de la réforme de la PAC, nous pourrons assouplir les règles relatives aux franchises et aux seuils de perte à partir desquels l’assurance subventionnée peut être déclenchée ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer où en est la réflexion du Gouvernement sur la mise en place d’une réassurance publique, chère à notre collègue Jean-Paul Emorine, qui constituait l’un des engagements pris durant la discussion de la LMAP ?
Troisième sujet, la viticulture. Peu de crédits y sont spécifiquement consacrés dans le projet de budget pour 2012, même si on peut penser que l’exonération des charges sur le travail permanent sera susceptible de bénéficier aussi aux viticulteurs.
Actions de promotion, arrachage et restructuration de vignobles relèvent essentiellement de crédits européens, à hauteur de plus de 250 millions d’euros.
Je rappelle que la production de vin est essentielle au sein de la « ferme France ». En 2011, nous retrouvons d’ailleurs, devant l’Italie, la première place européenne, donc mondiale, grâce à une récolte estimée à 50 millions d’hectolitres. Avec 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires et un excédent extérieur de 6 milliards d’euros, les vins et spiritueux français sont un maillon fort de l’agriculture.
La politique d’amélioration de la qualité commence à porter ses fruits, mais une menace pointe : la réforme de l’organisation commune de marché unique de 2008 a accouché d’une catastrophe dont nous n’avons pas encore réussi à nous débarrasser : la fin des droits de plantation.
Instaurés pour contingenter la production, limiter les surproductions, garantir la qualité, protéger les terroirs traditionnels de la viticulture et éviter l’industrialisation de la vigne, les droits de plantation sont voués à disparaître, au plus tôt en 2016, au plus tard en 2018.
Le 4 avril dernier, le Sénat avait organisé un grand colloque pour soutenir le maintien de ces droits de plantation, en présence de M. le ministre et de parlementaires européens nous ayant apporté leur concours.
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont appelé au rétablissement de ces droits. Aujourd’hui, quatorze États s’opposent à une telle suppression. Cette mobilisation n’a pas suffi à infléchir la position de la Commission européenne, qui, dans la nouvelle proposition de règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, après 2013, a maintenu la suppression des droits de plantation. Je le rappelle que les textes de la future PAC sont soumis à codécision, impliquant un accord du Parlement européen, qui nous soutient et s’oppose à la libéralisation des droits.
Monsieur le ministre, nous avons l’impression que nous faisons du surplace sur ce dossier depuis l’été. Où en est la bataille diplomatique à Bruxelles pour abroger la décision, sachant qu’il manque encore soixante-six voix, provenant d’au moins deux États membres différents, pour parvenir à une majorité qualifiée au Conseil ?
La commission de l’économie a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Pour ma part, j’émets, à titre personnel, un avis favorable à leur adoption, ce qui n’étonnera personne.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. - M. Raymond Vall applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que je suis rapporteur pour avis du budget de l’agriculture ; je constate la grande continuité des choix budgétaires du Gouvernement au cours de ces dernières années.
Tout d’abord, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont globalement préservés pour 2012, ce dont nous pouvons nous réjouir en ces temps de disette budgétaire.
Ces crédits, qui s’élèvent à un peu plus de 3, 5 milliards d’euros, sont loin de représenter l’essentiel des soutiens publics à l’agriculture. Il existe en effet près de 2 milliards d’euros d’allégements fiscaux complétant les aides au secteur agricole. Je me réjouis au passage, avec mes collègues de la commission des finances, que ces niches fiscales aient été jugées plutôt positivement par le « rapport Guillaume » du mois de juin dernier.
Il faut en avoir conscience, l’Europe reste le principal contributeur des politiques agricoles, la PAC représentant près de 9, 5 milliards d’euros par an pour la France : 8, 7 milliards d’euros sur le premier pilier et 750 millions d’euros sur le second, qui est consacré au développement agricole et rural.
Enfin, les collectivités territoriales apportent leur contribution, à hauteur de 1 milliard d’euros environ.
Dans le délai très court qui m’est imparti, je voudrais aborder deux sujets devant vous : la question des charges, en lien avec la situation de la filière fruits et légumes, et le problème de la ressource en eau.
Premier sujet, la baisse des charges. À cet égard, mon point de vue sera plus positif que celui de Mme Nicoux. Face à la baisse tendancielle des parts de marché de la France en fruits et en légumes, tant sur le territoire national qu’à l’export, il fallait réagir. La baisse de charges de un euro sur les salariés permanents va donner une bouffée d’air à ce secteur, qui en avait bien besoin.
L’année 2011 a été marquée par une crise majeure sur le concombre et la tomate, résultant de l’épidémie d'escherichia coli du mois de mai dernier, et sur la pêche nectarine. Un plan de sortie de crise a été présenté au mois de septembre par le ministre, combinant mesures conjoncturelles et structurelles, pour un montant de 25 millions d’euros.
Saluons cette initiative, mais il fallait aller plus loin, en proposant une amélioration durable de la compétitivité de l’ensemble de la filière, qui est soumise à très forte concurrence. C’est ce qu’ont fait nos collègues députés Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson, en proposant à l’Assemblée nationale un amendement tendant à alléger les charges patronales, dans la limite de vingt salariés par exploitation.
Un débat plus large doit maintenant être engagé sur les moyens de faire peser sur une autre assiette que la production nationale le financement de notre protection sociale. La TVA sociale est réclamée par le monde agricole. Il s’agirait de changer radicalement de logique et de faire contribuer nos fournisseurs internationaux, dont nous consommons des produits non grevés par les charges sociales, à l’inverse de ceux qui sont fournis par nos agriculteurs. Cette piste mérite d’être étudiée avec sérieux et débattue, et pas d’être balayée d’un revers de main.
M. Charles Revet acquiesce.
Je le souligne, il n’y a pas que les charges sociales qui pénalisent notre agriculture. Les charges administratives et la lourdeur des procédures constituent également un fardeau qui fait perdre en productivité et en compétitivité.
La simplification est un combat quotidien et sera également un des enjeux forts de la future réforme de la PAC.
Deuxième sujet, la question de la ressource en eau. L’épisode de sécheresse du printemps dernier a montré la fragilité de notre agriculture devant le manque temporaire d’eau, posant la question de la gestion de la ressource, afin de garantir les productions et les politiques contractuelles associées.
Le projet de budget qui nous est présenté s’inscrit dans la droite ligne du choix fait en 2008 de désengager le ministère de l’agriculture du financement de l’hydraulique agricole. Seuls 2, 8 millions d’euros restent prévus pour l’entretien des ouvrages qui sont du domaine de l’État.
Il faut donc trouver d’autres financeurs. Les investissements collectifs d’hydraulique agricole, tels que ceux qui sont nécessaires à la construction de retenues collinaires, bénéficient d’une enveloppe dans le cadre du programme de développement rural hexagonal, le PDRH, qui décrit la mise en œuvre du deuxième pilier de la PAC.
Par ailleurs, les agences de bassin ont pris le relais de l’État et peuvent subventionner les opérations qui leur sont présentées. Certaines collectivités locales complètent ces financements.
Les difficultés des projets tiennent moins à l’absence de financement qu’à des contraintes administratives et techniques, trop lourdes et difficilement compréhensibles sur le terrain. Après sa visite en Lot-et-Garonne, le Président de la République a annoncé, au mois de juin dernier, un plan sur cinq ans tendant à la création de retenues d’eau, des modifications législatives et réglementaires pour limiter les recours abusifs contre les projets des agriculteurs et un renforcement des compétences des chambres d’agriculture.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est ce plan ? Quand la création de retenues collinaires sera-t-elle facilitée ? Ces retenues, qui pourraient également améliorer l’état écologique des cours d’eau, vont vite devenir vitales.
Enfin, je souhaiterais que le ministère de l’agriculture ne laisse pas au seul ministère de l’écologie la gestion de ce dossier, car l’intérêt des producteurs doit aussi être défendu dans la gestion de l’eau. J’ai peur que nos agriculteurs ne se sentent un peu seuls face aux agences de bassin.
Pour conclure, je signale que, si la commission de l’économie a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », je me prononce, à titre personnel, pour leur adoption.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, partageant un grand nombre des propos qui viennent d’être tenus, je me bornerai à aborder trois points : les réponses à la crise de l’élevage, l’importance de l’enjeu alimentaire pour l’agriculture et, enfin, la problématique cruciale du développement rural pour les territoires enclavés.
J’évoquerai donc tout d’abord la crise de l’élevage, dont les effets se sont fait ressentir au printemps, la sécheresse ayant conduit les éleveurs en bovins allaitants à décapitaliser, de peur de ne plus pouvoir nourrir leur bétail.
Je ne m’appesantirai pas sur l’état de la filière, vous renvoyant à l’excellent rapport d’information réalisé par notre collègue Gérard Bailly au nom de la commission de l’économie, dans lequel il tirait la sonnette d’alarme sur les difficultés rencontrés, situation que confirme l’Institut de l’élevage dans une étude publiée au mois de septembre dernier. À ce stade, je me permettrai simplement de formuler trois remarques.
Premièrement, si la demande mondiale progresse, quantitativement et qualitativement, elle ne profite pas au marché national. Les éleveurs français, en raison d’une organisation peut-être insuffisante, ne semblent en effet pas être en mesure d’y répondre.
La mise en place d’un groupement d’intérêt économique chargé de l’exportation de la viande bovine française, dit GIE export, qui avait été envisagée, a rencontré l’opposition des industriels et n’a pas pu se concrétiser. Une solution va éventuellement pouvoir être trouvée au travers d’un groupement du même type, mais doté d’une structure plus souple.
Toutefois, je note une réduction des crédits budgétaires en faveur du soutien à l’export. Je pense que cela représente un risque.
Deuxièmement, l’ensemble des éleveurs s’inquiètent du contexte qui se dessine au niveau européen pour l’après-2014.
Les quotas laitiers disparaîtront. L’embellie des prix constatée en 2010 et 2011 se poursuivra-t-elle ou fera-t-elle place à une nouvelle crise du lait ? Vous le savez aussi bien que moi, 14 300 producteurs viennent de recevoir une nouvelle proposition de contrat de la part de Lactalis, jugée inacceptable et déséquilibrée par la Fédération nationale des producteurs de lait et l’ensemble des organisations agricoles. Dès lors, une question se pose : le « paquet lait » européen pourra-t-il être finalisé avant la fin de l’année, comme cela était prévu ?
Concernant l’élevage allaitant, les revenus restent faibles, mais la prime à la vache allaitante joue un rôle important pour équilibrer les trésoreries. Le montant correspondant à la part nationale est inscrit dans le budget 2012. Il s’agit d’une des dernières grandes primes couplées. Pourra-t-on la maintenir dans la future PAC ?
Troisièmement, pour le lait comme pour l’élevage allaitant, l’enjeu de la modernisation de la gestion des exploitations reste entier.
Plusieurs dispositifs sont inscrits au budget 2012, notamment le plan de modernisation des bâtiments d’élevage et le plan de performance énergétique. En outre, FranceAgriMer met à disposition des crédits de modernisation, issus de la dotation d’intervention provenant du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Ces dispositifs ont fait leurs preuves, mais ils restent, compte tenu de la situation, d’ampleur modeste et les résultats ne sont pas visibles.
En matière d’énergies renouvelables, par exemple, nous n’avons pas rattrapé notre retard. Ainsi, pour la méthanisation, la France ne compte que quelques dizaines d’unités de production, contre plus de 4 000 en Allemagne. Dans ces domaines, il faut le rappeler, le retard pris est dû à des problèmes, non pas seulement financiers, mais aussi de réglementation et d’administration.
Nous devrons absolument trouver une solution pour répondre à ce besoin de simplification.
J’évoquerai ensuite le lien entre l’agriculture et l’alimentation, rappelant que nous avions unanimement salué les avancées qu’avait permises la LMAP sur ce thème.
Les crédits consacrés au programme national pour l’alimentation progressent, ce que je salue, même si le montant de l’enveloppe, environ 3, 2 millions d’euros, reste modeste.
Le lien entre agriculture et alimentation doit être renforcé, pour faire du consommateur un allié de l’agriculteur, prêt à payer le juste prix d’une production de qualité. Ce lien passe aussi par les circuits courts. À ce titre, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir modifié l’article 53 du code des marchés publics, ce qui permet dorénavant aux collectivités de faciliter l’accès des filières de production locale à la restauration collective.
Un autre aspect du lien entre agriculture et alimentation réside dans le développement du bio. Les crédits qui lui sont consacrés sont maintenus en 2012, à hauteur d’environ 6 millions d’euros. Toutefois, en divisant par deux l’avantage fiscal pour le maintien des surfaces cultivées en bio en 2011, le Gouvernement a, me semble-t-il, envoyé un mauvais signal.
La cible de 6 % de surfaces bio en 2013 est d’ores et déjà inatteignable.
Sur le bio comme sur les circuits courts, je salue l’engagement des collectivités locales, qui apportent leur soutien financier à des projets locaux souvent innovants.
J’aborderai enfin, comme je l’avais fait l’an dernier à l’occasion de l’examen des crédits de cette même mission, le problème des territoires ruraux enclavés.
Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu tout récemment dans le Gers, et nous nous sommes entretenus à cette occasion avec les forces vives agricoles du département. Vous avez d’ailleurs pu avoir confirmation de ce que nous vous indiquions. Vous êtes également ministre de l’aménagement du territoire, et je salue les efforts que vous faites à la tête de ce ministère, depuis déjà un certain temps, ainsi que les mesures que vous y avez prises.
Si nous n’y prenons garde, tous ces efforts seront à mon avis annihilés par la situation catastrophique que connaissent certains territoires ruraux.
Je mentionnerai simplement les difficultés rencontrées pour assurer le transport des productions, qui sont telles que l’on voit poindre à l’horizon la menace d’une délocalisation. Les capacités de stockage devront être augmentées de 10 % pour constituer des stocks tampons. Aujourd’hui, certains territoires ruraux ne possèdent ni voies ferrées ni routes dignes de ce nom : les stockages seront donc délocalisés près des ports ou des grands axes, ce qui est évidemment pénalisant.
Monsieur le ministre, le maintien de l’effort budgétaire en faveur de cette mission est, dans une conjoncture aussi difficile, tout à votre honneur. Pour autant, j’estime que, globalement, compte tenu de la diversité du territoire français, une stratégie trop tournée vers la compétitivité, qui répond certes aux exigences du marché mondial, fragilise le modèle français d’une agriculture diversifiée.
Par ailleurs, le soutien aux mesures agro-environnementales est trop faible, l’hydraulique agricole n’est plus financé, le plan de modernisation des bâtiments d’élevage et le plan de performance énergétique sont maintenus, mais se révèlent insuffisants pour rattraper notre retard, en particulier par rapport à l’Allemagne.
Pour toutes ces raisons, je me situe dans la même ligne de pensée que la commission. Si j’émets un avis favorable sur le CASDAR, je suis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.
Dans la mesure où il est d’ores et déjà acté que nous devrons siéger cette nuit, j’invite chacune et chacun à respecter le temps de parole qui lui est imparti.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Mireille Schurch.
Monsieur le ministre, en vous exprimant devant les députés, vous vous êtes déclaré « profondément convaincu que l’avenir de l’agriculture ne se jouera pas sur l’augmentation ou la baisse du budget du ministère de l’agriculture. » Vous avez même ajouté ceci : « Ne laissons pas croire aux paysans français que c’est sur les crédits du ministère que se joueront leur compétitivité et leur capacité à réussir demain ! ».
S’il est vrai que la politique agricole commune pèse bien plus que le budget national de l’agriculture, cela ne doit pas pour autant permettre de justifier le coup de rabot de 22 millions d’euros sur le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », qui fait suite à ceux des années précédentes et à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, que nous n’avons de cesse de condamner.
La politique agricole nationale doit, certes, permettre le maintien des grands dispositifs nationaux de solidarité et d’aménagement du territoire que sont la prime à la vache allaitante, l’indemnité compensatrice de handicap naturel et la prime herbagère agro-environnementale.
Au-delà, des questions aussi essentielles que le revenu agricole, la formation, l’agronomie, la transmission, la diversification des modes de production ou le volet sanitaire relèvent, pour beaucoup, de l’impulsion que peut donner le budget de l’agriculture.
L’urgence d’une nouvelle loi d’orientation agricole se fait sentir, au regard de l’évolution actuelle de l’agriculture française. Nous formons donc le vœu que les conditions soient réunies au mois de juin 2012 pour proposer autre chose à la « ferme France » et pour infléchir la PAC 2014-2020 dans un sens plus équitable.
Monsieur le ministre, vous avez longuement évoqué la question de la compétitivité. La réduction du coût du travail n’est pas une option que nous partageons. Pour réduire d’un euro le coût du travail des plus bas salaires des travailleurs agricoles, d’une part, vous reprenez de l’argent dans la poche de tous les agriculteurs, y compris ceux qui n’emploient pas de salariés, et ce par le relèvement de la taxe intérieure de consommation sur le nouveau gazole, et, d’autre part, vous taxez doublement les boissons sucrées, ce qui pénalisera les jeunes et être contre-productif en matière de lutte contre l’alcoolisme.
Avouez que ce tour de passe-passe à 220 millions d’euros ne convainc personne, pas même ses prétendus bénéficiaires. La dégressivité du système, au-delà de 1, 1 fois le SMIC est une « machine à perdre », pour reprendre la formule employée par Angélique Delahaye, présidente des Producteurs de légumes de France, qui ajoute : « Mieux nous payons nos salariés, moins nous recevons d’allégements. »
La productivité, autre volet de la compétitivité, trouve également ses limites quand une truie atteint les 28 porcelets à l’année, quand une vache dépasse les 15 000 litres de lait ou quand un hectare de maïs ou de blé peut produire entre 80 et 120 quintaux. Ces objectifs insensés épuisent les sols et les animaux.
Les pistes qui consisteraient à rogner sur le volet social et le volet environnemental pour améliorer productivité et compétitivité n’ont pas d’avenir. Vous avez raison quand vous dites qu’on ne peut pas systématiquement tordre le cou des paysans ou faire du dumping social. Mais, de grâce, passons aux actes !
Les outils que vous avez mis en place restent insuffisants à nos yeux. Je veux évoquer, d’une part, la contractualisation, et, d’autre part, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
L’exemple des négociations entre les producteurs de lait et Lactalis montre toutes les difficultés d’une contractualisation qui se voudrait équilibrée.
Monsieur le ministre, quand comptez-vous publier le décret portant création des organisations de producteurs, que ces derniers attendent ? J’espère obtenir une réponse de votre part. Les producteurs tentent d’imposer un accord tripartite, ce que refuse Lactalis, qui les pousse à signer des contrats individuels et à accepter des conditions à son avantage, notamment en matière de rupture contractuelle.
Par ailleurs, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a publié son premier rapport le 27 juin dernier.
Il en ressort des données intéressantes. La marge commerciale représente en moyenne entre 35 % et 59 % du prix au détail selon les fruits et légumes, 35 % pour l’emmental, 30 % pour le yaourt. Pour la viande porcine, la marge brute des grandes et moyennes surfaces représente plus de 50 % du prix au détail de la longe et 45 % de celui du jambon cuit.
Tous cela montre que la part restant au producteur peut être modulée en sa faveur, afin d’assurer un revenu agricole décent, de pérenniser nos exploitations et de renforcer nos capacités productives. Il reste à faire preuve d’imagination, à avoir la volonté politique d’intervenir dans la répartition des marges, avec, pour point de départ, la fourchette incompressible de la marge indispensable au premier maillon de la chaîne, celui de la production.
Monsieur le ministre, il n’est pas dans nos habitudes de ne pas souligner ce qui nous paraît positif. Aussi, nous vous remercions d’avoir modifié par décret l’article du code des marchés publics relatif aux circuits courts dans la restauration scolaire, qu’évoquait Raymond Vall à l’instant. Nous espérons que ce dispositif ne sera pas remis en cause et qu’il permettra de faciliter l’achat de produits locaux pour nos collectivités. Cela devrait également contribuer à une amélioration qualitative et diététique, objectif, que nous partagions dès l’origine, inscrit au titre Ier de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Bien d’autres sujets ont émaillé cette année 2011. Je pense notamment à la sécheresse.
L’acompte de 100 millions d’euros, l’anticipation du versement des aides PAC et la facilitation des transports de fourrage ne sont, certes, pas des mesures négligeables pour atténuer les effets de la sécheresse.
Mais, dans mon département de l’Allier, la règle fondée sur un taux de 13 % de perte de revenus a privé un certain nombre d’éleveurs de ces aides. Pour cette raison, l’enveloppe de 12, 5 millions d'euros que vous avez mise à la disposition du département ne serait pas entièrement consommée.
Monsieur le ministre, je me permets donc de relayer auprès de vous une demande des agriculteurs des exploitations tout en herbe : ceux-ci souhaitent un système de calcul plus favorable, qui pourrait fonctionner, par exemple, sur la base de 45 % de fourrage perdu. Je vous saurais gré de bien vouloir m’apporter une réponse aujourd'hui.
Les propositions du Président de la République concernant le stockage de l’eau appellent un véritable engagement financier pour ne pas se réduire à un affichage supplémentaire. Le stockage de l’eau concerne essentiellement le dépannage des cultures d’irrigation. Il conviendrait de lever les intérêts divergents entre EDF et le pompage de l’eau, notamment l’été. D’autres mesures de réduction des cultures gourmandes en eau, d’assolement et de rotation des cultures, de stockages régionaux de fourrages mériteraient d’être étudiées et réalisées.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement la PAC 2014-2020, dont l’avenir reste incertain dans le contexte actuel de crise et de dette des États.
Le maintien du budget de la PAC, le plafonnement des aides et le verdissement sont a priori des mesures qui vont dans le bon sens. Cependant, il faudra rester prudent et examiner avec attention les conditions d’attribution. Par exemple, il est très inquiétant de voir que la première région agricole de France, la Bretagne, perdrait 120 millions d’euros après 2013, soit une perte moyenne de 70 euros par hectare.
L’abandon des quotas laitiers et la suppression du régime des droits de plantation sont des mesures obtenues par les pays les plus ultralibéraux, mesures qui contribueront à déréguler encore davantage le marché.
Au sein de cette nouvelle PAC, le traité de Lisbonne et les règles de la concurrence libre et non faussée continuent de s’appliquer. Dans le cadre de l’OMC, l’abaissement des droits de douane, ainsi que le troc entre notre agriculture et les produits manufacturés se poursuivent. Nos priorités devraient être ailleurs : il s’agit de nourrir les 500 millions d’Européens, de faire bénéficier de notre coopération les pays les plus démunis, d’assurer des revenus décents aux producteurs et de mettre au point l’agriculture de demain, à la fois productive et durable.
À cette fin, l’obligation de trois cultures irait dans le bon sens. Monsieur le ministre, les précédentes réformes de la PAC ont été désastreuses, et celle qui nous arrive est plus qu’imparfaite. Un débat sur les résultats du dernier recensement général agricole devrait permettre une analyse plus fine des dégâts entraînés par les politiques agricoles mises en œuvre. Dans ce contexte, les mesures d’aide en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs pourraient-elles s’appliquer, comme cela est demandé dans mon département, avec une rétroactivité de cinq ans ? J’attends aussi votre réponse à cette question.
Les sénateurs communistes ont proposé, lors de l’examen des différents textes, les mesures qu’ils jugent indispensables pour assurer des revenus agricoles aux travailleurs du secteur permettant de vivre dignement, pour rompre le cercle vicieux du déséquilibre dans les rapports commerciaux, qui pèse à la fois sur les agriculteurs et sur les consommateurs, dont le pouvoir d’achat est au plus mal.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous défendons une agriculture durable, dans notre pays comme dans le monde. Ce projet de budget n’est pas à la hauteur du changement radical de politique agricole qu’il convient d’engager, le Gouvernement ne paraissant pas en avoir la volonté. Vous le comprendrez donc, les sénateurs de mon groupe voteront contre les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire a pris sa part de responsabilité dans la lutte contre les déficits. Son budget a, en effet, été élaboré dans le strict respect des plafonds de crédits arrêtés par le Parlement dans le cadre de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Il a également le mérite de tenir les engagements pris au cours des années précédentes. C’est notamment le cas des crédits dédiés aux mesures concourant au revenu des exploitants agricoles.
En effet, vous avez souhaité retenir, monsieur le ministre, un certain nombre de priorités pour 2012, en réponse, dans la plupart des cas, à une situation conjoncturelle particulièrement difficile.
Ces priorités répondent à la nécessité soit d’apporter des solutions à la situation économique dégradée de nombreuses filières, soit de renforcer la compétitivité de l’agriculture française.
J’évoquerai les plans stratégiques de développement des filières, la reconduction des compléments nationaux aux soutiens communautaires, avec le maintien d’une enveloppe constante pour les indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, ou les primes herbagères agro-environnementales, les PHAE, prorogées jusqu’en 2014, ou encore d’une politique en faveur d’un développement équilibré de la forêt.
L’installation des jeunes agriculteurs reste un axe important de ce budget, et il faut s’en féliciter. L’enveloppe budgétaire consacrée à la politique d’installation avait enregistré en 2009 une augmentation importante de 13, 3 %, pour accompagner la réforme des parcours à l’installation. Depuis lors, elle est reconduite à l’identique, et ce sera encore le cas pour 2012.
Il s’agit donc d’un budget qui permet de contribuer à la compétitivité de l’agriculture française, celle-ci passant par la maîtrise des coûts de production, la dotation au titre des charges patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels étant stabilisée.
Parallèlement, un allégement de charges de 210 millions d’euros pour le travail permanent est venu en complément, et il faut s’en réjouir. En effet, nos collègues députés ont adopté un amendement visant à mettre en œuvre un dispositif d’abaissement du coût du travail des salariés permanents dans l’agriculture. Nous le savons, l’emploi salarié permanent ne représente malheureusement que 15 % des emplois du secteur de la production agricole, et il a tendance à diminuer depuis quelques années.
Cette mesure vise à enrayer la précarisation des emplois agricoles et à favoriser l’embauche de salariés permanents. Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’y avoir été favorable. Bien évidemment, ce dispositif d’exonération des cotisations doit être soumis à l’examen de la Commission européenne.
Une telle disposition marque une avancée dans la prise en compte de la problématique relative à l’emploi permanent, bien qu’elle ne permette pas de ramener le coût du travail en France aux niveaux observés dans d’autres pays de l’Union européenne.
En Allemagne, par exemple, le coût du travail n’est pas le même. Nous savons que les emplois agricoles y sont massivement occupés par des intérimaires étrangers, mis à disposition par des sociétés prestataires de service dont le siège est situé hors d’Allemagne. Même s’il existe une rotation des personnes, cette main-d’œuvre n’est pas occasionnelle, et fait partie intégrante du process de production. Les conséquences sont des coûts sensiblement plus faibles.
On assiste de plus en Allemagne à la prédominance d’installations modernes dans près de 85 % des fermes, permettant aux agriculteurs d’utiliser l’énergie créée dans le cadre de leurs propres productions agricoles. C’est ainsi qu’il existe aujourd’hui 4 000 installations de biogaz, pour une capacité totale de production d’énergie de 1 400 mégawatts. Au niveau européen, l’Allemagne se place en tête en matière de biogaz, avec une part de 50, 5 % de la production.
Le développement des installations de méthanisation dans ce pays, notamment pour l’élevage du porc, a bien entendu une incidence sur le prix de revient de la viande porcine et sur la compétitivité des ateliers de production porcine.
Dans le secteur du porc, l’ensemble des deux facteurs, coût du travail et développement de la méthanisation, crée pour notre pays une source de distorsion de concurrence qui ne nous est pas favorable, et nos élevages de porcs ont bien du mal à faire face.
Par ailleurs, la Commission européenne a annoncé les grandes lignes de la PAC pour 2013, à l’occasion de la présentation du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Elle met en avant une convergence européenne des soutiens, une convergence nationale, un verdissement qui s’ajoute à la conditionnalité, ainsi que des mesures de renforcement du pouvoir de marché des agriculteurs et des mesures de gestion de marché, de crise et d’urgence.
La convergence européenne devra tenir compte des différences de coûts de production et de la parité du pouvoir d’achat entre États membres. Elle ne devra pas se traduire par une remise en cause profonde des économies agricoles des pays membres.
Au-delà des soutiens, il faudra aussi disposer des moyens de régulation à même de limiter les effets de la volatilité des marchés résultant de problèmes climatiques, sanitaires ou de marché, et permettre aux producteurs de tirer leur revenu de l’activité qu’ils exercent.
Enfin, les agriculteurs devront pouvoir disposer d’outils individuels de gestion de leurs risques.
Je souhaite maintenant évoquer les mesures prises en faveur de la pêche et de l’aquaculture. Ayant été rapporteur du volet « pêche et aquaculture » du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche en 2010, il s’agit là d’un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur.
Il est important de le rappeler, ce volet de la LMAP a constitué le complément indispensable de la concertation organisée dans le cadre des Assises de la pêche, qui a notamment permis à notre pays d’être le premier à présenter, à la fin de l’année 2009, des propositions pour une réforme ambitieuse de la politique commune des pêches en 2012. Bien entendu, tout le mérite vous en revient, monsieur le ministre.
Toutes les mesures du plan pour une pêche durable et responsable, annoncé au mois de janvier 2008, ont été engagées et leur mise en œuvre a bien progressé. Ce plan avait été annoncé dans le contexte d’une hausse du prix du gazole, mais allait au-delà de ce seul aspect économique.
Il visait en effet à apporter une réponse durable aux défis écologique, social et économique auxquels la pêche française est aujourd’hui confrontée.
Parmi ses mesures, on retiendra la réforme de l’organisation professionnelle, évolution attendue de tous depuis de nombreuses années et organisée dans le cadre de la LMAP. Les pêcheurs sont désormais représentés au niveau local par un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, directement élu par les marins et les chefs d’entreprise, et, dans les départements qui en ont manifesté le souhait, par un comité départemental.
J’évoquerai également l’apport d’un soutien financier exceptionnel à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, pour renforcer son expertise halieutique et favoriser les partenariats entre les scientifiques et les pêcheurs.
La LMAP a eu pour ambition de mettre en place une véritable coopération entre pêcheurs et scientifiques – vous savez que j’avais beaucoup insisté sur ce point – concernant l’évaluation des stocks, coopération déterminante pour la fixation des quotas de pêche.
Ainsi, le Comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l’aquaculture, créé par la LMAP, a été installé au mois de juillet dernier et s’est réuni une seconde fois cet automne. Il est désormais le lieu de rencontre qui permet des échanges fructueux entre scientifiques et pêcheurs et la prise en compte de l’expertise propre à chacun. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il faudrait élargir la mission de ce comité à l’ensemble des zones économiques maritimes, au-delà du niveau européen, c’est-à-dire au niveau du globe ?
Des organismes internationaux d’expertise participent au dispositif, comme le Conseil international pour l’exploration de la mer, le CIEM, ou encore la Commission générale des pêches pour la Méditerranée, la CGPM, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, l’ICCAT, la Commission des pêches pour l’Atlantique Centre-Ouest, la WECAFC, ou l’Organisation des pêcheries du Nord-Ouest Atlantique, la NAFO.
S’agissant du secteur des élevages marins, la LMAP a créé les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine, dont l’objectif est de permettre d’identifier et de réserver les espaces propices au développement de cette activité. Ces schémas sont actuellement en cours d’élaboration. Les premiers devraient être adoptés à la fin de cette année. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ? Combien sont déjà finalisés et dans quels délais l’ensemble des schémas sera-t-il établi ?
Le plan pour une pêche durable et responsable prévoyait aussi les contrats bleus, démarche très innovante dans la filière pêche, validée par la Commission européenne.
Compte tenu du grand intérêt de la démarche pour la filière, vous avez décidé, monsieur le ministre, de reconduire ces contrats jusqu’en 2013. Nous nous en félicitons. Ainsi, 630 navires se sont portés candidats.
Le bilan des mesures de la LMAP pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture, déjà très positif, est encore en progression. En tant que rapporteur, mais aussi à titre personnel, je m’en réjouis.
Je vous poserai une dernière question, monsieur le ministre. L’an dernier, lors de l’examen de ce même budget, j’avais évoqué la question de l’allongement des périodes de pêche à la coquille Saint-Jacques, notamment pour Dieppe et Fécamp, que vous connaissez bien et qui sont directement concernés. Vous m’aviez indiqué que ce sujet faisait l’objet de discussions et que les pêcheurs devaient s’entendre sur ce sujet. Qu’en est-il aujourd’hui, monsieur le ministre ?
Je vous remercie des réponses que vous pourrez m’apporter et j’apporte évidemment, avec le groupe UMP, mon soutien au projet de budget que vous nous présentez.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le ministre, lors de votre déplacement dans le Gers mardi dernier avec le Président de la République, vous avez pu mesurer, comme dans toutes les exploitations françaises que vous avez visitées, les difficultés des agriculteurs. Mais vous constatez également leur courage, leur pugnacité et leur passion. Être agriculteur, ce n’est pas seulement un métier, c’est aussi une philosophie de vie. Les agriculteurs méritent que nous fassions mentir Voltaire, qui déclarait : « On a trouvé en bonne politique le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres. »
La stabilité de leurs revenus est une priorité que vous avez mise en œuvre, dans la LMAP, par la contractualisation des filières et la lutte contre la volatilité des prix, par ailleurs traitée dans le cadre du G20 et de l’ONU.
Si la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » participe à l’effort de maîtrise de la dépense publique grâce à la stabilité de ses crédits, ses concepteurs n’en revendiquent pas moins de mener une politique agricole forte.
Le programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » vise à renforcer les filières agricoles et à les adapter aux défis actuels, qui sont nombreux.
Améliorer la compétitivité en reconnaissant pleinement aux agriculteurs le statut d’entrepreneur est une évidence. À juste titre, vous l’avez proposé dans la LMAP.
Les agriculteurs recherchent non pas les rendements, mais les marges. Ils attendent moins de l’État des subventions que des actions structurantes et des instruments d’intervention sur les marchés qui leur permettent de vivre de leur travail.
Améliorer la compétitivité suppose aussi d’exonérer les agriculteurs de charges sociales. Le programme 154 le prévoit, à hauteur de 491 millions d’euros, pour les exploitants qui emploient des salariés occasionnels.
Cette mesure, dont l’agriculture allemande bénéficie de longue date, lui a permis de dépasser la nôtre. Elle est nécessaire, mais insuffisante : il faudra évidemment l’étendre aux agriculteurs qui emploient des salariés permanents.
Ayons conscience que la compétitivité de la « ferme France » dépend beaucoup de la fiscalité agricole. La compétitivité ne se soutient pas artificiellement à coup de subventions, voire de mise sous perfusion des filières. Elle se développe encore moins dans un environnement réglementaire toujours plus contraignant, qui confine parfois à l’absurde.
Les agriculteurs-entrepreneurs, monsieur le ministre, ont besoin de liberté ; ils attendent de l’État que la transposition de la réglementation communautaire leur laisse plus de souplesse.
Vous reconnaîtrez que cette réglementation frise parfois l’aberration, surtout lorsqu’elle est appliquée par une administration française à la limite de l’autisme…
J’ajoute que la complexité des formulaires alimente l’hostilité à l’Europe.
Le développement de la télédéclaration a-t-il permis, monsieur le ministre, de simplifier les formalités ?
À juste titre, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » vise à encourager un usage raisonné et économe des intrants.
Mais la manière dont cet objectif est poursuivi confine parfois à l’absurde, ce qu’illustre, par exemple, l’interdiction communautaire d’épandre de l’azote avant le 15 janvier. Pourquoi ne pas laisser les agriculteurs décider ? En professionnels responsables, ils savent déterminer le moment opportun pour un épandage optimal des engrais.
C’est ainsi que, dans le Gers, les semis ont deux mois d’avance cette année. Faut-il attendre le 15 janvier pour pratiquer l’épandage ? Qui est le plus compétent pour fixer la meilleure date : l’agriculteur ou Bruxelles ?
La préservation des ressources en eau prévue par l’action n° 14, Gestion équilibrée et durable des territoires, est une question majeure, notamment dans ma région.
Monsieur le ministre, le 1er juin dernier, vous avez déclaré ceci : « il est indispensable de développer les investissements pour avoir davantage de retenues d’eau et davantage de retenues collinaires, c’est du bon sens que de stocker l’eau lorsqu’elle tombe en hiver pour pouvoir en disposer pendant l’été lorsque la sécheresse commence à arriver ». Vous ne pouviez mieux dire !
Je vous demande donc quelle est votre position au sujet du projet de barrage de Charlas, en Haute-Garonne, qui permettrait l’assainissement des villes traversées et l’irrigation des exploitations.
Ce projet, d’un coût estimé autrefois à 260 millions d’euros, a fait l’objet d’études qui ont duré douze ans et d’un débat public en 2003. Le Président de la République, alors ministre de l’intérieur, et Mme Olin, ministre de l’écologie et du développement durable, avaient confirmé l’intérêt majeur de la retenue de Charlas. Soutiendrez-vous ce projet essentiel pour la région, dont les infrastructures d’eau datent du Second Empire ?
Face à des aléas climatiques de plus en plus puissants, fréquents et ravageurs, il nous faut des outils pour répondre aux crises. Parmi eux, il y a le système d’assurance et de réassurance publique. Malheureusement, aucun accord n’a pu être trouvé pour le mettre en place et le généraliser.
Aussi, je regrette vivement que le budget 2012 prévoie une baisse de 33 à 25 millions d’euros des moyens consacrés à la prise en charge des primes d’assurance. Il faudrait, au contraire, favoriser la généralisation de l’assurance agricole !
Les risques de la monoculture étant élevés, les agriculteurs n’ont pas d’autre choix que de se diversifier. Ils se doivent d’être créatifs et innovants dans plusieurs secteurs. Plusieurs options sont possibles : combinaison de la culture des céréales et de l’élevage de bovins, de volailles ou de palmipèdes, développement du tourisme à la ferme, vente directe au moyen des circuits courts intelligemment mis en place par la LMAP. La biprofessionnalisation d’un couple d’agriculteurs devrait permettre de stabiliser leurs ressources.
Mais, dans tous les cas, un facteur est toujours vital : la couverture des zones rurales par le haut débit. À ce propos, monsieur le ministre, je réitère mon souhait de voir le Gers devenir un territoire d’expérimentation pour la technologie 4G.
Si la couverture numérique du territoire est un enjeu, c’est aussi parce qu’elle doit limiter l’hémorragie de l’exode rural en permettant, grâce aux implantations de micro-entreprises ou de PME, la création d’emplois pour ceux qui peinent à conserver un travail dans l’agriculture.
Je souligne que le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » préserve les crédits destinés à favoriser l’installation de sept mille jeunes agriculteurs – une mesure que je soutiens chaque année.
La PAC est indispensable : elle offre un marché et des prix à l’agriculture française. Néanmoins, ne pourrait-on pas prévoir, au nom du principe de subsidiarité, un prix garanti des céréales pour un volume donné de production à l’hectare ?
Cette mesure donnerait aux agriculteurs des régions moins fertiles la possibilité de vivre décemment. Et au-delà du plafond, la production se négocierait au prix du marché. De cette façon, notre agriculture pourrait être maintenue dans tous les territoires ruraux. Il s’agirait, en somme, de garantir un juste prix en rémunérant le travail de façon juste.
Le réseau rural français, cofinancé par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, est dynamique et innovant.
La taxe frappant les plus-values réalisées lors de la vente de terres rendues constructibles contribuera à la préservation des surfaces agricoles, alors que 93 000 hectares sont urbanisés chaque année.
Les exportations agricoles affichent un solde positif de 8, 2 milliards d’euros. Mais la France, premier exportateur mondial il y a peu dans le secteur agroalimentaire, a régressé au troisième rang européen.
Cette année, cependant, nous constatons avec satisfaction que nos exportations sont en forte croissance.
Les raisons en sont que nos signes officiels de qualité sont reconnus, que l’agriculture biologique se développe, que les producteurs se regroupent et que les opérateurs tournés vers l’international sont efficaces.
Mais qu’en est-il de l’idée, évoquée l’an dernier, d’une bannière unique « France » ?
Vous devez, monsieur le ministre, concevoir une stratégie pour notre agriculture. Donnez à nos paysans et à toute la filière agricole et agroalimentaire française les moyens de conquérir une part du gigantesque marché que représenteront, en 2050, les neuf milliards d’êtres humains !
Le monde fait face au défi, colossal, d’augmenter la production agricole de 70 %. Nous devons contribuer fortement à le relever.
La crise financière, économique et alimentaire frappe plus durement les pays pauvres et 20 % de la population mondiale est sous-alimentée. C’est d’autant plus inacceptable que les spéculations sur les matières premières agricoles aggravent dramatiquement la situation.
Sous l’impulsion du Président de la République, vous avez réuni, cette année pour la première fois, le G20 agricole. La négociation que vous avez menée était difficile, parce que les organisations internationales et, surtout, les pays avaient des intérêts divergents. Mais elle a abouti parce que, selon votre propre expression, « elle avait une âme ».
L’agriculture du XXIe siècle, sous l’égide des Nations unies, refuse de laisser des humains mourir de faim ; elle devra être responsable, solidaire et généreuse.
Monsieur le ministre, vous avez donné une âme à la négociation agricole internationale ; vous saurez lui donner un cœur si vous lui donnez une stratégie à la dimension de ses espoirs !
Les membres du groupe UCR voteront les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation forêt et affaires rurales », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP – M. Yvon Collin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage les analyses et les commentaires de mes collègues Yannick Botrel, Renée Nicoux et Odette Herviaux ; ils ont souligné les points faibles de ce budget de l’agriculture, dont les crédits diminuent.
Pour ma part, je vais vous présenter quelques observations au sujet des programmes de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
La principale sera pour dénoncer la faiblesse du dispositif budgétaire de gestion des crises sanitaires ou climatiques. En 2011, pourtant, nous avons successivement dû faire face à la crise sanitaire de l’escherichia coli, attribuée à tort aux producteurs de concombres, et la sécheresse du printemps qui, se prolongeant au seuil même de l’hiver, a contraint les éleveurs à décapitaliser une partie de leur troupeau.
Le système assurantiel mis en place par la LMAP n’est pas opérationnel, malgré l’incitation financière communautaire qui représente 75 % du financement public. Surtout, la question se pose de la réassurance publique, que vous n’avez pas voulu inscrire dans la loi.
À ce propos, monsieur le ministre, le Gouvernement devait nous remettre un rapport avant la fin du mois de décembre 2010. Nous l’attendons toujours…
Par ailleurs, la dotation des actions n° 11, Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, et n° 12, Développement économique de la filière et gestion durable, n’est pas à la hauteur des enjeux : la nécessaire mobilisation de la ressource en bois, la surexploitation de certains sites forestiers et, surtout, l’impérieuse nécessité de reboiser pour assurer, dans une démarche de développement durable, la pérennité de la ressource à long terme.
Surtout, la situation de l’Office national des forêts, l’ONF, demeure préoccupante, même si une nouvelle source de financement a été trouvée. La contribution des communes forestières à hauteur de 2 euros par hectare sur la période 2012–2016 et la subvention exceptionnelle de l’État en 2012 suffiront-elles pour que cet organisme public puisse assurer ses missions ?
Sept cents nouvelles suppressions d’emplois sont prévues pour la période 2012-2016. Cette nouvelle coupe dans les effectifs aggrave le malaise interne préjudiciable au bon fonctionnement de la structure. Celui-ci se traduit, monsieur le ministre, par de trop nombreux suicides parmi les personnels, qui regrettent qu’« on ne parle plus de forêt » à l’ONF, mais seulement de productivité et de compétitivité.
Ce constat rejoint nos observations sur le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » : la poursuite programmée des suppressions d’emplois désorganise les services de FranceAgriMer, de l’Agence de services et de paiement, l’ASP, ou de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.
Pourtant, la baisse des effectifs finira bien par atteindre ses limites… D’autant que certains services se voient attribuer des missions supplémentaires ! C’est notamment le cas de l’établissement FranceAgriMer, désormais chargé d’assurer des missions d’intermédiaire pour la transmission des données des opérateurs à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
Surtout, je veux dénoncer la suppression inadmissible de deux cent quatre-vingts postes dans l’enseignement agricole public et privé, prévue dans la mission « Enseignement scolaire » que nous avons examinée hier.
Prolongeant la saignée pratiquée depuis des années, ces suppressions menacent gravement la formation des nouvelles générations d’agriculteurs. Celles-ci devront pourtant relever le défi de la future PAC et celui d’une agriculture à la fois productive et respectueuse de son environnement : une agriculture qui devra concilier la performance économique et la performance écologique.
Je souhaite maintenant évoquer trois problèmes pesant, de manière spécifique, sur l’avenir de l’agriculture française. Ils ont été mis en évidence par le recensement général de l’agriculture, le RGA, mené en 2010.
Le RGA a fait apparaître une restructuration inquiétante pour le modèle agricole français : en dix ans, l’agriculture française a perdu un quart de ses exploitations ; elle ne compte plus désormais que cinq cent mille exploitations et près de 1 million d’emplois.
L’évolution de la superficie moyenne des exploitations confirme ce processus de concentration et d’agrandissement : elle gagne treize hectares pour atteindre cinquante-cinq hectares.
Le nombre des petites et moyennes exploitations diminue fortement, surtout dans les secteurs de l’élevage et de la polyculture-élevage. Au contraire, le nombre des grandes exploitations est stable et, pour la première fois, le secteur céréalier et oléagineux représente plus d’exploitations que l’élevage.
Je vous en parle avec d’autant plus d’inquiétude que la région Limousin, dont l’agriculture est principalement orientée vers l’élevage, connaît une évolution comparable : le nombre des exploitations est en baisse de 25 %, les filières ovine et bovine rencontrent des difficultés consécutives à la baisse des cours intervenue depuis 2008 et les charges augmentent, en raison notamment de la hausse du prix de l’alimentation du bétail. Et le tout est aggravé par la sécheresse qui perdure depuis quasiment le printemps.
Que la modeste embellie des cours de l’automne et l’augmentation des subventions liées au bilan de santé de la PAC ne fassent pas illusion ! Elles ne compensent même pas la hausse des charges et la situation financière des exploitations est gravissime.
Or, dans un rapport récent, l’Institut de l’élevage envisage un nouvel agrandissement des exploitations. C’est donc une nouvelle restructuration qui se profile et elle est d’autant plus inquiétante que la transmission des exploitations n’est pas assurée.
En effet, le RGA révèle que, en Limousin, 80 % des chefs d’exploitation ont plus de quarante ans et que 190 000 hectares – soit 10 % de la surface agricole utile de la région – sont valorisés par des exploitants d’au moins cinquante-cinq ans, dont les trois quarts déclarent ne pas savoir ce que vont devenir leurs terres agricoles à leur cessation d’activité.
C’est dire, monsieur le ministre, s’il est urgent de mettre en œuvre une politique volontariste d’installation de nouveaux agriculteurs.
Or votre proposition de budget ne tient pas suffisamment compte de ce défi puisqu’il est réduit de 1, 7 million d’euros. C’est pourquoi nous présenterons un amendement visant à doubler la taxe sur les plus-values foncières lors de la vente de terrains nus rendus constructibles du fait de leur classement en zone urbaine et dont le produit est affecté à l’installation de jeunes agriculteurs.
J’en viens au deuxième problème que je souhaitais évoquer.
Face aux difficultés de l’agriculture française, vous proposez une stratégie d’exonération de charges patronales pour le travail permanent dans le secteur agricole. La mesure porterait sur 1 euro par heure, pour un coût total de 210 millions d’euros, financés pour partie par la taxe sur les boissons sucrées et pour le reste par la détaxe du fioul.
D’un côté, on baisse les charges patronales, mais, de l’autre, on augmente les charges liées au fioul. Ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre. En outre, nous ne disposons d’aucune étude d’impact de ces mesures dans la profession agricole.
Le secteur céréalier, par exemple, est très mécanisé, mais emploie peu de main-d’œuvre. En revanche, pour les serristes, qui emploient beaucoup de main-d’œuvre, le prix du fioul représente 30 % des charges.
Cela va être très dur pour eux et je m’interroge sur l’efficacité du dispositif proposé, car il ne cible pas les secteurs les plus fortement employeurs de main-d’œuvre, dont celui des fruits et légumes, qui déclare ne pas pouvoir en bénéficier, les salaires dépassant le seuil de 1, 4 SMIC.
De fait, cette mesure risque même de constituer « une trappe à bas salaires ». En somme, puisqu’on n’a pas réussi à imposer dans notre pays un plafonnement des hauts salaires, on plafonne les bas salaires !
Toutefois, et malgré nos nombreuses réserves, nous ne pouvons ignorer les attentes fortes émanant de la profession agricole, mais nous ne sommes pas dupes du moment choisi pour l’annonce de cette mesure et nous ne sommes pas convaincus que cela suffira à réduire les différences de compétitivité.
En effet, quels bénéfices peut-on attendre d’une telle mesure sur les ventes de produits agricoles ? Je souhaite rappeler ici que, si les parts de marché de la France à l’export baissent, les prix agricoles, quant à eux, stagnent depuis des années à un niveau assez bas, alors que, sur la même période, les prix à la consommation augmentent.
En conséquence, cette baisse des charges aura vraisemblablement peu d’influence sur les prix des produits agricoles, sans compter qu’elle peut être considérée comme « euro-incompatible ».
Par ailleurs, cette stratégie d’exonération est coûteuse puisque, en 2012, elle absorbera près de 700 millions d’euros, somme qui aurait pu être utilisée pour des mesures plus structurantes pour l’avenir des filières, comme la recherche et l’innovation, la modernisation des bâtiments, etc.
S’il y a une véritable distorsion de concurrence entre les pays européens sur le coût du travail, c’est d’abord au niveau européen que cette question doit se régler via une politique d’harmonisation fiscale et sociale.
D’ailleurs, un accord entre le parti socialiste et le SPD allemand a été signé sur un salaire minimum dans l’agriculture.
Nous devons lutter contre le dumping social et non nous aligner !
Les pratiques d’exploitation de la main-d’œuvre étrangère, notamment roumaine, qui se développent dans le secteur agricole allemand doivent être dénoncées. Le niveau de rémunération et les conditions de vie de ces travailleurs étrangers sont scandaleux.
D’ailleurs, le coût du travail en France est-il si lourd ?
La part des charges salariales en France dans les charges totales est même plus faible qu’en Allemagne : 7, 8 % contre 8, 8 %.
En revanche, il est vrai que l’écart se creuse dans les secteurs les plus employeurs de main-d’œuvre : dans le maraîchage et l’horticulture, leur poids est de 24, 1 % en France contre 23 % en Allemagne et dans le secteur de l’arboriculture fruitière, il est de 32, 3 % contre 21, 4 %.
Ce sont donc essentiellement ces filières agricoles qui devraient être aidées.
Nous serons particulièrement attentifs aux propositions du commissaire européen Dacian Cioloş sur le plafonnement des aides dans le cadre de la réforme de la PAC, pour que les secteurs employant beaucoup de main-d’œuvre soient mieux traités.
J’aborde, enfin, le troisième problème que je voulais évoquer. Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes à la veille d’une grande réforme de la PAC pour la période 2014–2020.
Dans les premières discussions du cadre financier pluriannuel pour 2014–2020, les États membres se sont mis d’accord pour maintenir le budget global de la PAC en euros courants sur base 2013, ce qui est plutôt rassurant par comparaison avec les premières propositions.
Mais il faudra rester vigilant, car les négociations sur le cadre financier pluriannuel ne font que commencer et le contexte de crise que traverse l’Europe peut conduire à des coupes budgétaires, comme lors de la fixation des perspectives financières 2007–2013, le second pilier, qui n’était pas sanctuarisé, s’étant vu taillé de 35 %.
Nous souscrivons aux objectifs de la réforme de la PAC, mais nous sommes beaucoup plus réservés sur les moyens qui sont proposés. Nous attendons du débat que des améliorations soient proposées.
Nous regrettons la disparition programmée des instruments de gestion de la production – quotas laitiers, droits de plantations pour la vigne, par exemple – et l’absence totale d’outils de régulation des marchés agricoles.
À ce propos, nous aimerions avoir un peu plus d’informations sur les résultats du G20 agricole.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Ma chère collègue, il convient de respecter les temps de parole tels qu’ils ont été fixés par la conférence des présidents. Je vous rappelle que vous ne disposiez, pour votre intervention, que de dix minutes.
La parole est à M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture, faut-il le souligner, est un secteur économique majeur pour notre pays.
Trois missions lui incombent : nourrir nos concitoyens, préserver nos paysages et contribuer à la spécificité de notre identité au sein de l’Europe.
À ce titre, elle mérite un soutien appuyé et volontaire des pouvoirs publics.
J’ajouterai que notre agriculture, par sa diversité et sa compétitivité, aura un rôle clé à jouer pour répondre, demain, au défi alimentaire mondial.
Vous le savez, mes chers collègues, la demande de nourriture va inéluctablement et fortement augmenter au fil des décennies à venir. Aussi, il faut préparer les grandes nations agricoles, dont nous sommes, à produire plus, beaucoup plus, mais aussi mieux, bien mieux que nous ne l’avons fait auparavant quand les exigences de qualité et de sécurité sanitaire étaient moindres.
Chaque jour, on compte sur terre 200 000 personnes de plus à nourrir. Selon les projections démographiques de l’ONU, nous serons au moins 9 milliards d’individus à l’horizon 2050.
Nous sommes là face à un véritable défi, qui s’inscrit de surcroît dans le contexte d’un dérèglement climatique de plus en plus avéré. C’est pourquoi, pour parvenir à assumer l’expansion de la demande alimentaire, la production agricole devra augmenter entre 70 % et 100 %.
Dans ces conditions, parce que la mondialisation est dans notre assiette, la France doit conserver son potentiel agricole.
L’agriculture française doit absolument rester dynamique afin d’être en mesure de contribuer à relever le défi alimentaire mondial et ainsi tirer parti de cette perspective sur le plan économique, avec l’appui de la PAC, naturellement, une PAC sachant concilier les impératifs de compétitivité avec les particularités nationales.
Je souhaite, monsieur le ministre, qu’elle soit discutée dans ce sens avec fermeté à Bruxelles avant d’être finalisée pour la période 2014–2020.
Car il s’agit aussi de faire vivre les agriculteurs français, qui, toujours disposés à s’adapter aux grandes mutations, ne sont pas pour autant récompensés à la hauteur de leur investissement.
Développer la production agricole, c’est d’abord et avant tout encourager les exploitants. Nous savons que les agriculteurs n’exercent pas un métier simple ; beaucoup d’entre eux doivent affronter des aléas qui remettent parfois en cause toute une vie de travail.
À cet égard, il est donc essentiel de maintenir les outils qui permettent de lutter contre la déprise agricole, de former les jeunes exploitants, de pallier les crises conjoncturelles ou les accidents climatiques, d’offrir des débouchés vraiment rémunérateurs.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, je regrette vivement que les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » enregistrent une baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2011.
Nos collègues rapporteurs l’ont souligné : les autorisations d’engagement ont diminué de 0, 47 % et les crédits de paiement, de 1, 93 %. Malgré l’abondement de la mission lors de son examen à l’Assemblée nationale, l’agriculture n’est pas soutenue à la hauteur des enjeux que je viens d’évoquer à l’instant.
Naturellement, les finances publiques sont contraintes, mais prenons garde de laisser l’agriculture rater le train de la mondialisation, comme ce fut le cas pour des pans entiers de notre industrie.
Je vous donne acte, monsieur le ministre, de votre souci de reconduire, au même niveau qu’en 2011, les principaux dispositifs de soutien au maintien de l’activité agricole, notamment dans les zones difficiles. Je pense notamment à la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante, qui bénéficiera de 165 millions d’euros, à la prime herbagère agroenvironnementale, dont les contrats seront prolongés jusqu’en 2014, à la poursuite des plans de développement des filières initiés cette année ainsi qu’aux exonérations de charges sociales, particulièrement pertinentes pour un secteur riche en main-d’œuvre.
Je voudrais d’ailleurs rebondir sur ce dernier point pour signaler, après notre collègue Joël Bourdin, que le rapport Guillaume, qui mesure la performance des niches fiscales, juge efficaces la majorité de celles qui concernent l’agriculture. C’est une bonne nouvelle qui doit inciter le Gouvernement, monsieur le ministre, à aller chercher des économies ailleurs, dans les secteurs où les effets d’aubaine sont légion.
J’ai toutefois aussi beaucoup de regrets, car certains instruments me semblent sous-dotés.
La gestion des crises et des aléas climatiques ne concentre que 2 % des crédits du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Ils ont été rabotés au titre du plan d’économies supplémentaires du 24 août 2011.
Est-ce bien raisonnable, alors que nous savons malheureusement que, chaque année, l’agriculture sera fatalement confrontée à une crise sanitaire, économique ou climatique ?
Je suis d’autant plus inquiet que le dispositif d’assurance récolte tel qu’il a été redéfini par la loi de modernisation agricole n’est toujours pas suffisamment incitatif pour les agriculteurs. Je comprends bien les difficultés liées à la question de la réassurance publique, mais, au nom du principe de solidarité, il me semble possible de parvenir un à système satisfaisant à la fois pour les agriculteurs, pour les assureurs et pour les contribuables.
Enfin, mes chers collègues, n’oublions pas les agriculteurs d’hier, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour apporter leur pierre au modèle agricole français.
Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes nombreux sur ces travées à attendre un geste en faveur des retraites agricoles, dont le niveau est encore très faible pour la plupart des pensionnés, qui ont consacré toute une vie de travail au difficile et noble métier de paysan.
Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire sur ce budget, que la majorité des membres du RDSE ne soutiendront pas.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, j’avais souligné, l’année dernière, les problèmes du secteur de la viande bovine pour m’inquiéter de la situation des producteurs, dont les charges et les contraintes ont fortement progressé sans que leur rémunération suive.
En effet, la flambée du prix des intrants et des céréales, par exemple, a réduit à néant la valeur ajoutée produite dans de nombreuses exploitations. Les producteurs se sont appauvris, précarisés, et la crise mondiale n’a fait qu’aggraver les choses. Notre collègue Gérard Bailly a parfaitement décrit la situation dans son rapport d’information présenté au Sénat cet été.
Aujourd’hui, la situation perdure. Les trésoreries sont éprouvées par des années « noires » et, dans les zones d’élevage, comme dans mon département du Calvados, certains professionnels s’interrogent sur la poursuite de leur activité tant elle est devenue aléatoire.
À l’autre extrémité de la chaîne, les consommateurs trouvent la viande rouge de plus en plus chère et s’en détournent au profit d’autres modèles de consommation ou encore de viandes importées de l’autre bout du monde. C’est aussi cela les conséquences de la globalisation.
Certes, monsieur le ministre, vous n’êtes pas resté sans agir. Vous êtes intervenu pour soutenir la filière, et je l’ai apprécié. Vous avez souvent rappelé votre engagement au côté des éleveurs et réaffirmé votre volonté de faire « remonter les prix de la viande ».
Lorsque j’évoque votre action, je songe notamment aux avances versées au titre des aides directes de la PAC ou des indemnisations liées à la sécheresse, ainsi qu’aux démarches accomplies auprès des banques pour l’aménagement des emprunts. Je connais par ailleurs votre attachement à l’essor de la contractualisation, destinée à donner une visibilité économique aux éleveurs.
Depuis peu, il semblerait que les cours de la viande bovine remontent. L’année dernière, les producteurs bloquaient les abattoirs pour manifester leur malaise : aujourd’hui, ils veulent reprendre espoir, croire à l’embellie. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. En effet, s’agissant des prix, les éleveurs ont besoin d’une longue période de prix stables pour reconstituer leur trésorerie. Les cycles de l’élevage sont longs !
Les exportations, quant à elles, progressent, notamment grâce à l’ouverture du marché turc. Mais comme l’a rappelé le dernier rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la France n’est pas autosuffisante en matière de viande bovine : notre pays doit en importer des volumes non négligeables alors que nous disposons du premier cheptel de l’Union européenne !
Monsieur le ministre, vous le savez mieux que personne, un long chemin reste à parcourir pour assurer la modernisation du secteur de la viande bovine et lui faire retrouver la voie de la compétitivité. Nous comptons sur vous. La France dispose de nombreux atouts : la traçabilité et la sécurité sanitaire de nos produits sont exemplaires.
La filière équine constitue, à mes yeux, un second sujet d’inquiétude. En tant que président sortant du groupe d’études sur l’élevage, section cheval, du Sénat, je suis naturellement attentif à cette activité dont dépendent au total près de 75 000 emplois et qui contribue à l’aménagement du territoire ainsi qu’à l’entretien des paysages.
Je saisis cette occasion pour me féliciter du classement de l’équitation de tradition française par l’UNESCO, au titre du patrimoine immatériel de l’humanité. Il s’agit d’un hommage rendu à l’excellence de notre filière nationale.
Vous le savez, monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, le groupe cheval s’est pleinement mobilisé au sujet des menaces pesant sur le taux réduit de TVA appliqué, en France, aux activités du secteur équin.
En effet, la Commission européenne a engagé des procédures devant la Cour de justice de l’Union européenne contre plusieurs États membres, dont la France, en raison de leur taux réduit de TVA dans ce secteur, estimant qu’il ne relevait pas des « activités agricoles ».
Les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche ayant déjà été sanctionnés par la Cour, les professionnels s’alarment d’une probable condamnation de la France au cours des prochains mois. Une telle décision porterait un rude coup à la filière, même si l’on ne peut, pour l’heure, préjuger ce que déterminera la Cour de justice, ni dans ses conclusions ni dans ses attendus.
Nous avons donc pris, dès le printemps, attache avec les différents ministres concernés, avec vous-même, monsieur le ministre, et, sur l’initiative de mon collègue Jean Bizet, alors président de la commission des affaires européennes, le Sénat a adopté une résolution précisant que le taux réduit de TVA devait « continuer à s’appliquer à l’ensemble de la filière équine, tant à la livraison des équidés qu’aux activités qui s’y rattachent ».
Toutefois, ce dossier est particulièrement complexe. En effet, si la Commission conteste que la filière dans son ensemble puisse être assimilée à une activité agricole, soumise au taux réduit de TVA, elle semble admettre qu’une partie de ses activités en bénéficie, au titre des activités sportives.
Tel est le sens d’une récente réponse apportée par la Commission à une question posée par deux députés européens, et qui indique que « les livraisons de chevaux en vue de leur utilisation dans la production agricole peuvent être soumises au taux réduit dans certaines conditions. En outre, le droit d’admission aux manifestations sportives et le droit d’utilisation d’installations sportives sont éligibles au taux réduit. Ces droits sont également éligibles au taux réduit de TVA dans le secteur équestre ».
Je me réjouis pour la filière que le Sénat ait adopté, après l’Assemblée nationale et avec le soutien du Gouvernement, l’article 5 sexies de la première partie du présent projet de loi de finances, dont M. Marini a souligné que la formulation était « eurocompatible ». Cette disposition permettra de maintenir un taux réduit de TVA pour les activités sportives.
Toutefois, je ne suis pas convaincu de l’efficacité de cet article qui, à mes yeux, soulève plusieurs difficultés. En effet, les courses hippiques, la vente de chevaux ou encore les opérations de saillie n’entrent pas dans son champ d’action. L’article 5 sexies marque donc une rupture dans l’approche de la filière, envisagée aujourd’hui d’une manière homogène, telle que l’avait instituée la loi. La position de la France pourrait s’en trouver affaiblie dans la négociation européenne relative à la TVA et dans sa volonté de voir ce secteur d’activité traité de la même manière.
De plus, une telle disposition mettrait à mal la solidarité qui s’est nouée entre les différentes spécialités de la filière.
Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour les autres secteurs de la filière, et en particulier les courses ? Vous mesurez l’importance de l’élevage de chevaux de course en France et de la concurrence fiscale européenne dans ce domaine. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux intégrer les courses dans le monde sportif – ce ne serait pas abusif – ou, à tout le moins, élaborer un mécanisme leur permettant de disposer d’un taux de TVA identique ?
Je rappelle qu’en 2003, au Haras du Pin, les ministres de l’agriculture, des sports et du budget avaient annoncé ensemble un « nouveau départ » pour la filière, en conférant au cheval un statut agricole. De fait, les chevaux de course participent des activités agricoles : ils broutent tous de l’herbe ! §
Toutes ces questions sont cruciales pour un secteur économique qui, les statistiques l’attestent, fait vivre de nombreuses familles et dont on ne dira jamais assez qu’il constitue un pan à part entière de notre agriculture, aménageur du territoire.
J’évoquerai enfin les associations de races françaises de chevaux de trait, fédérées par France-Trait, dont j’avais souligné la détresse financière l’année dernière. Cette année encore, leurs moyens subissent une baisse, ce qui ne manquera pas de poser de sérieux problèmes pour leur fonctionnement. Elles ont pourtant parfaitement répondu aux demandes successives de l’État, et comptent sur votre attention, monsieur le ministre.
À l’heure où nombre de négociations sont en cours, au niveau international avec le G20 et au niveau européen dans le cadre des réunions consacrées à la PAC, la France agricole s’interroge sur son avenir dans le contexte de la mondialisation, qu’il convient de saisir comme une chance et plus seulement comme une contrainte.
Monsieur le ministre, nous sommes conscients de votre engagement dans les enceintes internationales pour défendre les intérêts de l’agriculture française, et nous comptons naturellement sur vous.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce qu’on a pu affirmer ces derniers temps, je ne suis pas « sectaire ». Quant aux membres de notre groupe, ils ne s’attachent nullement à opposer les agriculteurs à l’environnement, bien au contraire !
M. Alain Bertrand s’exclame
Je ne suis ni intégriste ni passéiste, pour employer les qualificatifs dont on nous affuble. En revanche, je suis utopiste, j’en conviens, car l’utopie est devenue nécessaire par les temps qui courent.
Mes chers collègues, nous devons assumer nos responsabilités en tant que politiques, en faisant preuve de lucidité face à la situation présente.
En effet, la société dans son ensemble subit de nombreuses évolutions, qui touchent particulièrement l’agriculture. Or, personnellement, je ne crois plus au modèle agricole actuel, comme beaucoup de Françaises et de Français, en particulier parmi les jeunes.
Face à la pensée encore dominante, une résistance active s’organise peu à peu pour défendre le droit de vivre autrement, de penser autrement, de produire autrement. Nous ne pouvons que nous réjouir qu’elle soit désormais représentée et que sa voix puisse être entendue dans cette assemblée.
Mes chers collègues, je vous exprime mes convictions profondes, avec ces armes pacifiques dont Léo Ferré disait qu’elles savent « mettre de la poésie dans les discours ».
On évoque souvent les neuf milliards d’êtres humains que le monde comptera bientôt. Affirmer que la productivité française devra augmenter, en conséquence, de 70 % à 100 % nous semble toutefois impensable ; de fait, alors que nous continuons d’appauvrir les pays tiers, la France ne peut pas indéfiniment augmenter ses exportations ! Le cas du Brésil l’illustre : au sein de ce grand pays exportateur, douze millions de paysans sont contraints de vivre dans les favelas.
Monsieur le ministre, vous soulignez que ce budget apporte des réponses structurelles aux besoins de l’agriculture française pour « relever le défi agricole mondial ». Vos ambitions sont claires : l’augmentation de la production et la compétitivité sur les marchés mondiaux.
Des conceptions différentes de l’agriculture et de sa place dans la société s’affrontent aujourd’hui, dont l’une, véritablement dominante, dans laquelle la part consacrée à une agriculture ultra-spécialisée, prête à conquérir les marchés mondiaux, est de plus en plus importante.
En 2010, le revenu moyen de la profession agricole s’élevait à 24 300 euros par an. Néanmoins, ce chiffre cache de grandes disparités entre les filières et entre les régions.
Mes chers collègues, le monde agricole va mal, très mal, à l’exception d’une minorité qui vit très bien. À l’heure actuelle, 25 % des paysans perçoivent un revenu inférieur au RMI, 40 % d’entre eux ne gagnent pas même le SMIC. De fait, le secteur agricole n’a pas vu ses revenus progresser depuis le début des années quatre-vingt.
Le système agricole qui reste le nôtre est à bout de souffle et les agriculteurs en sont les premières victimes. Les précédents orateurs l’ont déjà souligné : le nombre d’exploitations agricoles a encore chuté de 26 % ces dix dernières années. Plus d’un quart d’entre elles !
Les petites et moyennes exploitations de polyculture et élevage sont les grandes victimes de ce système productiviste qui fournit des aliments de qualité très moyenne et sacrifie l’emploi dans les campagnes. Ce processus est inquiétant car, contrairement à la monoculture, la polyculture garantit la rotation des terres et donc leur fertilité pérenne, préservant ainsi la biodiversité agricole.
Face à la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effets de serre, c’est bien le développement de petites et moyennes exploitations de proximité – destinées à nourrir les hommes là où ils vivent – qui fera sens.
Certes, il faut préserver notre souveraineté alimentaire, mais en défendant une agriculture paysanne d’avenir, moderne et mécanisée sans excès. Cet objectif induit le développement de circuits courts de commercialisation – ce mouvement est d’ores et déjà engagé, il doit encore prendre de l’ampleur –, la protection des semences paysannes, l’accès à la terre et à l’eau. Il faut constituer des réserves alimentaires physiques et diversifiées pour stabiliser les prix et gérer les risques en cas d’urgence et de catastrophes naturelles ; il faut aussi, bien sûr, prendre des mesures pour interdire la spéculation sur les aliments.
À ce titre, l’adoption conforme par l’Assemblée nationale, lundi dernier, de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale qui crée un nouveau type de brevetage du vivant, le « droit de propriété intellectuelle original », est inadmissible : de fait, ce texte porte une atteinte grave aux droits fondamentaux des agriculteurs, celui de prendre part à la protection de la biodiversité. Il porte également atteinte à leur indépendance, pourtant si nécessaire face aux lobbies des semenciers.
Mes chers collègues, j’espère que, dans un avenir proche, l’abrogation de cette loi scélérate deviendra une priorité nationale.
Pour sortir le secteur agricole de la crise où il est plongé, la principale stratégie du Gouvernement consiste à réduire le coût du travail. Ainsi, des coupes drastiques ont été opérées, à hauteur de 11 % pour la modernisation des exploitations, et de 39 % pour l’action Gestion des crises et des aléas de production.
Par ailleurs, le présent projet de loi de finances ne met pas l’accent sur la qualité sanitaire des aliments. Je citerai deux exemples à ce propos.
Premièrement, qu’a fait l’actuelle majorité gouvernementale contre les pesticides qui empoisonnent non seulement les agriculteurs mais aussi notre alimentation ? Le Sénat a logiquement voté une hausse de la TVA pour les produits phytosanitaires, portée de 5, 5 % à 19, 60 %. J’ose espérer qu’on ne reviendra pas sur cette mesure.
Monsieur le ministre, un récent rapport du Centre d’analyse stratégique, rédigé à la demande du ministère, plaide en faveur de l’arrêt des aides publiques dommageables à la biodiversité. Vous feriez bien de vous en inspirer !
Deuxièmement, le Gouvernement persiste à subventionner de fait les agro-carburants, alors que leurs effets néfastes sont connus. Ainsi, en juin 2011, sept banques se sont regroupées pour cultiver 10 000 hectares de terres en Sierra Leone et produire, d’ici à 2014, près de 90 000 mètres cubes d’éthanol carburant.
Cette production nécessite de vastes monocultures qui s’étendent au détriment des productions vivrières. Elle est destinée aux pays riches, qui font face à des difficultés énergétiques depuis la fin du pétrole bon marché et qui ont à cœur de « verdir » leur image. L’alimentation des populations locales est donc mise en péril, les dégâts sont importants : on évoque souvent neuf milliards d’êtres humains à nourrir, commençons par cela et cessons de les piller !
La surface globale mondiale consacrée aux agro-carburants est passée de 13, 8 millions d’hectares en 2004 à 37, 5 millions d’hectares en 2008, soit deux fois la surface cultivable de la France.
Le Sénat a voté la suppression de l’exonération de la taxe intérieure de consommation pour les agro-carburants, et j’espère que l’on n’osera pas revenir sur cette décision.
Monsieur le ministre, résisterez-vous aux arguments de M. Beulin, par hasard président de la FNSEA, mais également P-DG du groupe industriel Sofiproteol, spécialisé dans la production d’agro-carburants et dans l’importation de soja transgénique, via sa filiale Glon-Sanders ?
Comment justifier aussi la baisse de 7, 5 % du budget de l’administration et des établissements publics, notamment de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ?
Le sort fait à l’agriculture biologique dans ce budget est également révélateur : le crédit d’impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique est divisé par deux pour 2012.
À la fin du mois de juillet 2010, seulement 2, 46 % de la surface agricole utile était en agriculture biologique. À ce rythme, l’objectif de passer à 6 % de la surface agricole utile en 2012 et à 20 % en 2020 ne sera pas atteint. Pourtant, à condition de s’en donner les moyens, on peut – et on doit ! – atteindre cet objectif, d’autant qu’un récent rapport scientifique international atteste qu’une agriculture biologique moderne, mécanisée sans l’être à l’excès, peut très bien nourrir la planète.
Il est vraiment temps de mettre un terme à certaines incohérences et à certains dysfonctionnements.
En ce qui concerne la gestion des pêches et de l’aquaculture, cette action ne représente que 3 % du budget de la mission. C’est principalement l’agence FranceAgriMer qui met en œuvre les engagements budgétaires, un organisme dont le budget avait sévèrement été amputé lors de la précédente loi de finances. Selon la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, les quotas individuels attribués à chaque navire par les gouvernements nationaux sont supérieurs à la capacité de capture de ces navires, ce qui encourage de fait la surpêche, alors même que 88 % des stocks de poissons sont surexploités en Europe. En la matière, la France n’est pas exemplaire.
À l’heure actuelle, les permis de pêcher sont attribués en fonction des volumes capturés antérieurement : cela épuise les ressources halieutiques et avantage les plus grosses compagnies, qui n’ont pas nécessairement pour objectif l’intérêt général, et qui s’accaparent les ressources. Pour nous, écologistes, le droit de pêcher devrait être conditionné au respect de critères environnementaux et sociaux.
En conclusion, nous ne voterons pas le budget de cette mission. Nous ne nous résignerons pas face à cette mort annoncée et programmée d’une certaine agriculture française et de ceux qui la font vivre.
Nous défendons au contraire le droit des agriculteurs à faire une agriculture de qualité et à pouvoir vivre de leur production. La terre nourricière doit être de nouveau considérée comme un bien commun, et le métier de paysan comme un métier d’utilité publique.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprimerai sur le programme 149 « Forêt ».
Cette année internationale de la forêt aura été marquée en France par la difficile renégociation du contrat de plan État-ONF pour la période 2012–2016 et par un certain nombre de modifications structurelles affectant le programme 149.
Je tiens d’abord à rappeler un certain nombre de principes qui, je crois, devraient guider toute réflexion en matière forestière.
Au fond, qu’est-ce qui est important lorsqu’on parle de forêt ? Il convient de ne jamais perdre de vue la forêt comme écosystème, la forêt comme garantie d’une eau de qualité, la forêt comme processus de fixation du carbone atmosphérique, la forêt comme lieu d’accueil du public et donc comme espace de convivialité où s’exercent des droits obtenus à la Révolution.
La forêt s’inscrit par ailleurs dans un temps long et symbolise en cela, mieux que toute autre chose, ce que peut être le développement durable, concept de plus en plus galvaudé. C’est pourquoi elle nécessite la préservation des savoir-faire des forestiers ainsi qu’un engagement continu et une vision de long terme, que seul l’État, au moyen d’un service public, peut garantir. Et je rappelle ici deux principes de ce service public : la continuité du service et l’égalité devant celui-ci.
Avec l’affichage par le Président de la République d’une ambition forte pour la forêt française, on pouvait donc s’attendre à ce que la période qui s’ouvre soit marquée par un nouvel engagement fort de l’État dans ce domaine.
Or qu’observe-t-on ? Le Gouvernement veut accroître la part de l’effort qui incombe aux collectivités – 9 % en 2010, 11 % en 2011 et plus de 15 % en 2012 – pour réduire celle de l’État. Ainsi, il a proposé à l’Assemblée nationale d’augmenter les frais de garderie en en élargissant l’assiette et en proposant une contribution forfaitaire à l’hectare de deux euros, qui n’est pas compensée par une baisse du taux de 12 % et qui impactera donc toutes les communes forestières, en particulier les communes propriétaires de forêts peu productives, notamment dans le sud de la France.
Cette nouvelle version des frais de garderie est-elle compatible avec la philosophie du régime forestier, qui a toujours constitué un outil de péréquation et permis une même qualité de gestion en tous points du territoire ? Nous en doutons et nous reviendrons sur ce point lors de l’examen de l’article 48.
Toutefois, comme je l’ai indiqué, cette hausse des frais de garderie est aussi un bon moyen pour l’État de se désengager. Monsieur le ministre, vous nous aviez dit vouloir maintenir le versement compensateur et, de fait, il est maintenu au même niveau en valeur nominale. Mais, en euros constants, cela veut dire la poursuite de la baisse continue amorcée depuis de nombreuses années. Par ailleurs, l’apport de l’État s’inscrit en augmentation grâce à la contribution exceptionnelle de 46 millions d’euros pour ce contrat et à la hausse de la dotation pour les missions d’intérêt général. C’est une bonne chose.
Cependant, la question reste posée de savoir si ces nouveaux moyens financiers seront pérennisés. En outre, seront-ils suffisants, sachant qu’une partie sera consacrée à l’augmentation de la contribution aux retraites des fonctionnaires ? Enfin, pourquoi prévoir la suppression de 693 postes de fonctionnaires équivalents temps plein, dont 77 en Lorraine, ma région, pour autoriser dans le même temps le recrutement de 80 équivalents temps plein adossés à des contrats de droit privé ? À quand une gestion des ressources humaines et des compétences digne de ce nom ?
Pour en revenir aux objectifs en termes d’exploitation, la répartition de l’effort demeure insatisfaisante. On veut toujours demander plus à la forêt publique, quand l’essentiel des gisements est en forêt privée. Or, il suffit de regarder les dotations du Centre national de la propriété forestière, le CNPF, pour constater les hésitations de l’État en la matière.
La restructuration de l’ancien centre national et des dix-huit centres régionaux est a priori louable, car elle permet une mutualisation pertinente des moyens sans pour autant remettre en cause l’autonomie de gestion des anciens centres régionaux.
Malheureusement, le compte n’y est pas sur le plan des crédits de fonctionnement, puisqu’ils ont été réduits de près de 22 % en 2011, pour n’être augmentés que de 18 % pour l’année à venir, alors même que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 a généralisé l’obligation faite aux propriétés forestières de plus de 25 hectares de se doter d’un plan simple de gestion, que celles-ci soient ou non d’un seul tenant, ce qui multiplie généralement par deux le nombre de plans simples de gestion à instruire pour les centres régionaux.
En dépit de toutes les assurances que vous avez pu nous donner à l’occasion du débat de mai dernier sur la politique forestière et la filière bois, permettez-moi, monsieur le ministre, d’émettre des doutes quant à l’adéquation des moyens avec les objectifs poursuivis, et des craintes à l’égard de l’avenir de l’ONF et du régime forestier.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je vous annonce d’emblée que, à l’instar de la grande majorité de mes collègues du groupe du RDSE, je ne voterai pas ce budget.
Pour un ministre d’envergure comme vous, monsieur Le Maire, qui conseille le premier personnage de l’État sur son futur programme de campagne
Sourires.
Au regard de l’importance de l’agriculture pour notre pays – l’élevage est présent sur 60 % de notre territoire, l’agriculture sur 100 % de celui-ci –, je dirais même qu’il manque d’âme.
Dans une période difficile, il manque aussi d’agressivité. Vous avez parlé de 5, 6, 7, 8 ou 9 milliards de personnes à nourrir : nous sommes déjà excédentaires à l’exportation, mais pourquoi ne pas envisager demain de produire et d’exporter davantage, si on le fait dans de bonnes conditions ?
Il est vrai que les agriculteurs sont des gens vaillants, durs au mal. Mais j’ai assisté récemment aux congrès des différents syndicats qui composent notre monde agricole, et je trouve que ce budget n’envoie pas de signes assez forts à la profession.
La légère baisse des crédits que l’on observe n’est pas un bon signal. Je ferai pour ma part des propositions pour augmenter ces derniers, mais, au préalable, il faut oser dire que cette diminution est le fruit d’un arbitrage. Le Gouvernement a fait le choix de réduire les déficits publics, mais aussi de se priver de nombreuses recettes qui auraient permis de financer certaines actions. Le rétablissement de la progressivité de l’impôt sur tous les revenus rapporterait ainsi de 10 à 20 milliards d’euros supplémentaires par an.
On compte un quart d’exploitations de moins qu’en 2000, et de nombreux agriculteurs rencontrent des difficultés financières, alors que la grande distribution ou les filières situées en aval accumulent les bénéfices.
Les prix des produits agricoles sont élevés et il ne fait pas de doute que nos concitoyens mangeraient beaucoup plus de viande, de fruits ou fromages si ces produits étaient plus abordables.
Les syndicalistes ont dû également attirer votre attention sur le maquis administratif auquel les agriculteurs sont confrontés, monsieur le ministre. Nous devons continuer à agir dans le sens d’une simplification.
Les problèmes ne manquent pas : un agriculteur retraité du bas de l’échelle touche 680 euros par mois pour une carrière complète, tandis que certains actifs ont des revenus inférieurs au SMIC ; le système d’assurances ne fonctionne pas très bien et le Fonds de garantie des risques s’avère inadapté ; les mesures de régulation des marchés sont homéopathiques…
La sécheresse du printemps dernier a également été terrible pour l’élevage. Vous avez certes fait des efforts, monsieur le ministre, en faisant le choix de privilégier la recherche de solutions structurelles d’avenir plutôt que le versement d’un deuxième acompte. Il n’en demeure pas moins que certaines trésoreries sont exsangues : dans le Massif central, nous redoutons des catastrophes humaines. Les préfets et les directions des territoires sont là pour accompagner les éleveurs, mais le ministère de l’agriculture reconnaît que certaines exploitations ont subi jusqu’à 70 % de pertes – autant dire une catastrophe.
Il me semble d’ailleurs que ce budget ne réserve pas une place suffisante à l’élevage, ni plus d’ailleurs qu’à l’aménagement du territoire. Lors des travaux en commission de l’économie, nous n’avons pas suffisamment insisté sur le rôle d’aménageur du territoire de l’agriculteur et sur le fait que le fonds commun de la République, c’est la mairie, l’Église pour certains, mais aussi l’agriculture. Elle occupe notre espace et fait vivre nos campagnes !
La plus grande ville de France, ce n’est pas Paris, monsieur le ministre, c’est l’ensemble des villages de notre pays, qui tous sont attachés à l’agriculture.
En ce qui concerne les aides, je suis pour la paix syndicale, mais je ne comprends pas qu’un gouvernement qui compte un homme de votre qualité et de votre poids ne prenne pas la responsabilité de commencer à rebattre les cartes, monsieur le ministre, notamment entre les céréaliers et les autres producteurs. Tout le monde sait que 10 % des exploitations touchent 50 % des aides, et qu’un autre groupe de 30 % des agriculteurs touchent 2, 5 % des aides.
Se pose aussi le problème du fossé entre les très grandes exploitations et les petites. Tout à l’heure, des chiffres ont été donnés par notre collègue Mme Bourzai. La réalité est bien plus dramatique que cela. En milieu très rural, on voit des exploitations d’élevage de 500, 700 ou 1000 hectares dont les agriculteurs ne peuvent plus faire le métier d’entretenir l’espace. Là aussi, vous avez manqué d’ambition, monsieur le ministre. Mais peut-être allez-vous faire preuve d’ambition, puisque tout peut changer.
Sur le dumping social, l’euro que vous retirez au coût horaire de la main-d’œuvre, c’est bien, c’est un signe, mais il faut trouver d’autres modalités : on ne peut pas laisser crever nos producteurs de pêches ou d’abricots face à la concurrence des produits qui viennent d’Espagne et sont vendus à des prix contre lesquels on ne peut pas lutter.
La question de l’hydraulique est importante. Nous savons tous que des programmes massifs vont être mis en œuvre. Dans la région Languedoc-Roussillon, nous avons un grand projet Aqua Domitia, avec conduite d’eau enterrée, pour 50 millions d’euros. Dans ce domaine, le budget prévoit 2 millions d’euros. Donc, je souhaite que nous fassions des efforts.
S’agissant du chiffre d’affaires, tout à l’heure un sénateur de cette partie de l’hémicycle
L’orateur montre les travées de la droite.
Mais pour certains territoires, on pourrait, me semble-t-il, monsieur le ministre, substituer à la notion de compétitivité économique, à laquelle nous sommes tous attachés et qui reste le cœur du problème et le cœur de l’agriculture, la notion de compétitivité territoriale. Elle est certes beaucoup plus complexe, mais elle permettrait de prendre en compte le principe républicain d’aménagement du territoire et de solidarité territoriale, elle vise notamment la montagne.
Afin de respecter le temps de parole qui m’est imparti, je vais abréger mon propos.
En matière d’actualité, je trouve scandaleuse – quoi que l’on m’explique – cette loi par laquelle les semenciers privent les agriculteurs du réemploi de leurs semences alors que c’est quelque chose d’historique, de culturel, de patrimonial.
Les agriculteurs qui ont fait ce pays doivent se retourner dans leur tombe !
Monsieur le ministre, faites quelque chose ! Revoyez également la copie sur le fioul, notamment la hausse de 1, 54 euro de la taxe intérieure de consommation sur ce produit !
Monsieur le ministre, prenez en compte les parcours herbacés pour la montagne et pour l’élevage – cela va être fait dans le cadre de la PAC –, de telle manière que même les pâturages en sous-bois, qui ne sont pas exactement des prairies naturelles ou des prairies artificielles mais qui sont le cœur de l’élevage dans les zones de montagne, puissent être éligibles.
Un dernier mot pour vous dire qu’une mission sur la ruralité a été initiée par le Président de la République, au sein de laquelle siègent des députés, notamment celui de la Lozère. À cette mission, on dira que l’égalité doit être respectée entre les territoires. Or, les territoires ruraux ne connaissent pas cette égalité puisqu’ils sont en permanence l’objet d’une discrimination négative. Ainsi, nous n’avons pas d’université, pas de Zénith, pas d’opéra, pas de TGV, pas d’aéroport.
Monsieur Le Maire, vous qui êtes un ministre influent du Gouvernement, faites en sorte que l’égalité entre les territoires ne nous soit pas opposée et que cette discrimination devienne une discrimination positive pour la ruralité !
Mmes Odette Herviaux et Renée Nicoux ainsi que M. Yvon Collin applaudissent.
Monsieur le ministre, je vais essayer d’être un peu plus positif que les collègues qui m’ont précédé car, dans un contexte budgétaire rigoureux, vous avez réussi à maintenir vos crédits à un montant identique à 2010 – 5, 5 milliards d’euros –, ce qui est déjà bien.
Je me réjouis, tout d’abord, de la pérennisation des dépenses d’intervention telles que – c’est important pour nous, vous le savez – l’installation des jeunes agriculteurs – 167 millions d’euros –, du développement des filières – 60 millions d’euros – et, surtout, des efforts faits pour l’élevage de montagne avec les 248 millions d’euros pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN – on sait que cela est capital – et la prime herbagère. Cela n’allait pas de soi dans le contexte actuel, on le sait bien.
Autre motif de satisfaction, la diminution de 1 euro par heure du coût du travail des salariés payés au SMIC. Selon moi, cette mesure est positive. J’ai entendu le contraire tout à l’heure, j’en suis surpris car je voulais demander que cet euro soit donné aux services de remplacement dans nos élevages, services qui réalisent un travail important. Je suis donc étonné de voir qu’une partie de l’hémicycle n’est pas favorable à la mise en œuvre d’une telle mesure.
Préserver notre compétitivité dans la concurrence européenne et mondiale est un vrai défi, surtout à l’heure où il va falloir nourrir – cela a été dit par nombre de collègues – déjà aujourd'hui 7 milliards d’hommes et où il va falloir rester productifs tout en préservant davantage notre environnement. Nourrir l’humanité, – cela a été dit également – c’est la belle mission des agriculteurs. Mais après avoir, pendant les années soixante et quatre-vingt, poussé les agriculteurs à une production intensive, l’enjeu est maintenant de conjuguer compétitivité économique et écologie en préservant les ressources naturelles, et en même temps de garantir, bien sûr, la sécurité alimentaire.
Monsieur le ministre, que pensez-vous du volet environnement de la PAC d’après 2013 où 30 % des aides aux agriculteurs seraient conditionnées à de bonnes pratiques, impliquant la mise en espace environnemental de 7 % de la surface totale des terres ? Ces pourcentages me paraissent excessifs. Quand on dit qu’il faudra de la terre pour nourrir l’humanité, que pensez-vous de ce chiffre de 7 % ?
Le fameux « verdissement » de la PAC, déjà bien compliqué, ne doit pas pour autant devenir la quadrature du cercle pour les agriculteurs et je peux vous dire que beaucoup d’entre eux sont inquiets. Soyez vigilant, monsieur le ministre, pour tous nos labels, nos AOC, qui sont souvent les productions de régions particulièrement difficiles et qui ne pourraient être compétitives avec d’autres productions. Il faut aussi que la PAC accepte que ces productions soient l’équivalence des possibilités de commercialisation de ces produits de qualité.
J’en viens, bien sûr, à la question de l’élevage, sujet que je suis de près, comme vous le savez.
J’ai noté avec satisfaction l’augmentation du prix du lait et de la viande bovine ces derniers mois et je m’en réjouis car 2009 et 2010 ont été des années très difficiles. Il n’empêche que nous nous interrogions l’an dernier, monsieur le ministre, – vous vous en souvenez peut-être – sur la formation du prix du steak : acheté 3 euros le kilogramme à l’éleveur et revendu 17 euros le kilogramme au consommateur... Les choses ont-elles beaucoup évolué depuis ? L’Observatoire des prix et des marges a-t-il facilité la transparence au niveau de la distribution et des grandes et moyennes surfaces ? Les grandes et moyennes surfaces, les GMS, ont-elles enfin produit les éléments d’information qu’on leur demande ? La grande distribution respecte-t-elle l’accord sur la répercussion de l’augmentation des coûts de production ?
Voilà quelques instants, un orateur affirmait que les prix alimentaires étaient élevés. Cela m’ennuie de le contredire, mais quand on sait que, aujourd'hui, les gens ne dépensent plus que 12 % de leur budget pour l’alimentation et que 4 % seulement du produit va chez les agriculteurs, cela me fait mal d’entendre de tels propos à cette tribune. En effet, ce n’est quand même pas l’alimentation qui coûte cher. Sinon, il ne faut pas dire qu’il faut donner aux agriculteurs la possibilité d’augmenter leurs prix.
L’augmentation des prix agricoles est en partie due à vos nombreux efforts, monsieur le ministre, et notamment ceux qui ont facilité les actions en faveur de l’exportation. Je me réjouis de votre annonce de la constitution d’un groupement d’exportation de viande bovine française. C’est un instrument indispensable qui permettra une meilleure organisation de nos exportations, digne de notre pays qui est le premier exportateur de viande bovine en Europe. Nous avons là une filière d’excellence reconnue, où la demande est en forte augmentation hors d’Europe, et il n’y a aucune raison pour que nous nous laissions prendre ces marchés notamment par l’Argentine ou le Brésil !
Je souscris donc totalement à votre vision, monsieur le ministre, de conquête de parts de marché à l’exportation – je sais que vous y avez déjà beaucoup contribué. C’est comme cela que nous préserverons l’avenir de nos filières françaises.
Je ne veux pas achever mon propos sur le chapitre de l’élevage sans vous demander, monsieur le ministre, de la vigilance – c’est un dossier qui m’est cher – sur le niveau des aides aux bâtiments d’élevage, c’est important pour les éleveurs. Il faut également faire attention à toutes ces parcelles d’herbe qui sont retournées pour faire des céréales.
Je dirai quelques mots sur la forêt et la filière bois : c’est une filière importante pour notre pays, source d’emplois et de création de richesses, mais pas encore assez exploitée. Parmi nos handicaps, il y a le manque de dessertes forestières, surtout dans les massifs de montagne, et un morcellement trop important des parcelles qui nuit à une gestion et une exploitation rationnelle des bois.
J’avais présenté dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP, un amendement visant à instituer une obligation d’information du propriétaire de la parcelle – moins de 4 hectares – à ses voisins immédiats en cas de vente, afin de favoriser le regroupement foncier, car je ne doute pas que, à l’instar des remembrements fonciers, on va faire des remembrements dans nos forêts. Cette obligation d’information a été transformée en « droit de préférence » à l’Assemblée nationale, ce qui a entraîné un certain nombre d’incompréhensions et de difficultés, notamment pour les notaires. Ces derniers ont, semble-t-il, augmenté d’une façon significative leur rémunération pour les petites parcelles, autorisés en cela par un décret du 17 janvier 2011. C’est dommage car les prix des transactions chez les notaires vont être dissuasifs pour les acquéreurs et l’objectif de pouvoir acheter les petites parcelles contiguës risque d’être mis en cause. Monsieur le ministre, c’est un point qu’il faut absolument revoir car c’est important.
Quant à l’instauration de la cotisation de 2 euros à l’hectare pour les communes forestières, contrairement à la collègue qui s’est exprimée tout à l’heure, je ne suis pas choqué que l’on sollicite une cotisation à l’hectare car il faut aussi une certaine péréquation et l’État, cette année, a fait des efforts en augmentant sa participation au financement de l’ONF.
Je ne terminerai pas sans évoquer – cela a été dit par M. Collin voilà quelques instants – les retraites agricoles, qui sont bien en dessous des retraites des autres professions, en particulier pour les femmes d’exploitant, et dont le montant est souvent misérable après plus de quarante années de cotisations... Je suis bien conscient que des efforts ont été réalisés en matière de revalorisation des pensions, avec surtout, en 2009, la création d’un minimum de pension pour les retraités du régime non salarié agricole. Mais qui, en France, accepterait de partir, après une carrière complète, avec une retraite aussi dérisoire ? À titre d’exemple, en Franche-Comté, selon les chiffres qui viennent de m’être fournis, c’est 735 euros en moyenne pour les chefs d’exploitation retraités. Combien de couples qui ont travaillé toute leur vie dans leur ferme ont encore moins de 1 200 euros par mois ? La loi de 2010 portant réforme des retraites prévoyait une étude sur la faisabilité de l’application de la règle des vingt-cinq meilleures années, comme cela se fait pour les salariés du régime général. Avez-vous, monsieur le ministre, les conclusions de cette étude, qui pourrait nous faire espérer atteindre 85 % du SMIC, comme l’avait souhaité le Président de la République ? Pensez-vous que les retraités agricoles peuvent avoir quelques espoirs d’amélioration pour l’avenir, malgré les grandes difficultés financières de notre pays ?
Je dirai enfin un mot sur l’enseignement supérieur agricole, mon collègue Jean-Claude Carle ayant appelé mon attention sur ce sujet.
Les crédits qui lui sont consacrés relèvent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais je souhaite profiter de votre attachement à ces filières, monsieur le ministre, pour connaître votre sentiment.
Sept écoles sont concernées, qui forment actuellement 50 % des ingénieurs français en agriculture. Dès 2003, l’État les a encouragées à développer leur activité de recherche, mais n’a pas intégralement versé les fonds nécessaires. Malgré l’adoption d’un décret le 23 juin 2009 concernant leur financement, les établissements sont encore aujourd'hui sous-dotés de 6, 5 millions d’euros.
Considérant l’importance de l’enseignement supérieur, mon collègue Jean-Claude Carle et moi-même souhaitons avoir une réponse.
Je vous redis toute ma confiance, monsieur le ministre, pour tout ce que vous avez déjà entrepris et je voterai, bien sûr, ce budget.
MM. Jean-Claude Lenoir et Jean-Claude Carle applaudissent.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà des données chiffrées, qui démontrent la dégradation des dotations budgétaires de cette mission, il convient à ce stade d’en relever l’application quasi mécanique exigée au titre du plan de rigueur gouvernemental, qui fait courir le risque de régressions majeures, notamment dans le secteur agricole.
L’enjeu en est une restructuration particulièrement inquiétante, focalisée de fait sur les objectifs du territoire hexagonal et qui, d’ores et déjà, relègue les outre-mer et la Guyane, que je représente, au rang de priorités de second plan.
L’argument de la restructuration, celui des restrictions présumées indispensables à la compétitivité sur les marchés commerciaux, s’impose aux outre-mer souvent en dépit du bon sens.
En Guyane en particulier, les enjeux se situent encore au niveau de la structuration élémentaire des filières de production et d’activité.
Ainsi, l’agriculture dans une région immense mais aux terres cultivables difficilement accessibles est attachée non pas à des problématiques de compétitivité, mais avant tout à des questions d’accès au foncier et, en même temps, à une autosuffisance alimentaire.
Lorsque la métropole réalisait ses principales réformes agraires, la Guyane voyait, au contraire, l’essentiel de ses terres cultivables confisquées pour le domaine privé de l’État.
C’est pourquoi il faut à tout prix conforter les outils d’accès au foncier viabilisé, en renforçant les missions confiées à l’Établissement public d’aménagement en Guyane.
Les dispositifs budgétaires de l’État, adaptés à des objectifs principaux d’autoproduction alimentaire, enjeux urgents pour les outre-mer avec une aide concrète à la diversification et à la commercialisation, auraient ainsi tout leur sens.
Comment développer autrement ce secteur agricole, sinon en le considérant comme un élément porteur du développement endogène pour l’ensemble des outre-mer ? C’est là que l’on observe des coûts de production locale souvent supérieurs à ceux de nombre de produits importés.
Les mesures facilitant l’approvisionnement des producteurs en matières premières sont donc cruciales, mais elles se situent manifestement aux antipodes des préoccupations actuelles du Gouvernement, alors que la viabilité de ces mesures repose tout de même sur un marché de plus de 2 millions de consommateurs.
En vérité, les avantages fiscaux sur les bénéfices envisagés en faveur des producteurs ont peu de pertinence pour des volumes de production et de vente encore insuffisants.
Les attentes de nos concitoyens se situent à dire vrai précisément au cœur des mesures de restriction gouvernementales, telles que l’aide à l’installation ou le renforcement des aides directes au fret, à l’import et à l’export, alors que actuellement, au contraire, le monopole du transport aérien entraîne des hausses insupportables pour les professionnels des outre-mer.
En Guyane encore, tous les facteurs liés aux enjeux de production alimentaire doivent être soutenus, y compris les facteurs constitutifs des prix des matières premières et des sources d’approvisionnement.
À l’heure où se dégradent les moyens du contrôle qualité en métropole, on nous oppose une stricte réglementation. Pourtant, des mesures sanitaires ainsi qu’une politique douanière et commerciale énoncées depuis de longs mois, comme le prévoit le traité de Lisbonne, devraient nous ouvrir des portes en matière de coopération régionale. Ce serait là, monsieur le ministre, une perspective considérable de production, de consommation des ménages ou d’intérêt collectif particulièrement encadrée et, enfin, de commercialisation, plus conformes aux réalités et aux besoins alimentaires.
S’agissant de l’aménagement du territoire, à l’époque, vous aviez, monsieur le ministre, évoqué l’existence d’une mission visant à réformer les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, qui étudierait simultanément le fonctionnement et la gouvernance de l’EPAG. Où en est-on, monsieur le ministre ?
La pêche, davantage encore en Guyane, est loin d’être une filière structurée, dont les besoins restent et ne pourront que rester en marge des dotations budgétaires de l’État dont la timide hausse conjoncturelle ne saurait masquer la chute brutale des dotations observées de manière pluriannuelle.
Au regard du projet de loi de finances, la Guyane restera effectivement à l’écart des objectifs fixés pour la détermination des crédits nationaux, dont la grille vise des objectifs incertains de modernisation face à la concurrence internationale.
Il y a là manifestement matière à réflexion quant à l’incapacité aussi marquée de définir une stratégie à partir de la zone économique exclusive de plus de 11 millions de kilomètres carrés que procurent les outre-mer à la France.
La pêche outre-mer est, nous le savons, artisanale ; elle est pratiquée par des pêcheurs sans formation, peu armés pour faire face aux normes et pratiques du commerce international, et qui sont, surtout, exclus des emplois relevant des accords entre l’Europe et les pays tiers.
À ce titre, l’organisation professionnelle de la filière est l’un des objectifs premiers, afin d’être entendu jusqu’au niveau du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins pour que, au-delà du rôle consultatif de celui-ci, on puisse faire valoir les réalités ultramarines.
La Guyane reste le seul département ultramarin à ne pas avoir de centre permanent de formation aux métiers maritimes, portuaires et fluviaux. Pourtant n’est-ce pas là le préalable à toute politique de développement, qui s’appuie sur des équipements et la valorisation de la production ?
D’ailleurs, la commission de l’économie vous avait, à l’époque, interpellé, monsieur le ministre, sur les mesures que le Gouvernement comptait prendre pour développer la formation aux métiers de la mer en Guyane et dans les outre-mer en général. Quid de ces mesures ?
Enfin, je voudrais évoquer la question du régime forestier, à propos duquel demeurent les plus fortes inquiétudes quant à la question de la contribution des communes forestières et à la pérennité de la gestion de ce patrimoine, qui a perdu en vingt ans près de la moitié de ses agents.
Nul n’ignore le capital constitué par la forêt primaire de Guyane, et surtout son potentiel carbone, qui dote la France d’un argument de poids dans les négociations internationales en matière de préservation de l’environnement et de développement durable. Mon interrogation principale porte sur la mise sous cloche, de fait, de toute valorisation de la biodiversité guyanaise avec un juteux marché international de CO2, et qui ne trouve, en retour, aucun projet de dotation compensatoire.
Non seulement ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux nationaux et mondiaux – produire plus et mieux–, mais il n’est pas adapté aux outre-mer et ne s’accompagne pas de mesures qui auraient pu rendre les restrictions supportables : une véritable démarche de structuration de filière, des dispositions pour diminuer le coût du fret aérien, pour un accès plus facile au foncier et à l’installation des dispositifs, pour l’assouplissement des marchés publics afin de permettre aux petits producteurs de trouver des débouchés pour leurs produits, un véritable dispositif de formation permanent, tenant compte des débouchés réels et des perspectives de développement des secteurs.
Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, comment l’analyse rapide de filières essentielles du secteur primaire nous conduit inéluctablement à la logique selon laquelle le budget de l’État ne peut faire avec et pour les outre-mer, et ne peut se résoudre à en faciliter le développement endogène.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de poursuivre nos travaux afin d’achever l’examen des crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale avant le dîner, c'est-à-dire à vingt et une heures, chacun s’engageant alors à faire en sorte que ce délai soit tenu.
Assentiment.
Monsieur le ministre, je veux vous dire d’emblée combien nous apprécions votre action et la façon dont vous traitez, à bras-le-corps, les dossiers, défendant, au niveau européen, les intérêts de l’agriculture française. Nous avons un excellent ministre de l’agriculture.
C'est la raison pour laquelle je voterai, avec mes collègues de l’UMP et de l’UCR, les crédits qui nous sont proposés.
La discussion budgétaire donne aux parlementaires l’occasion d’ouvrir une sorte de catalogue, qui leur permet de poser des questions sur des sujets qui méritent d’être examinés et auxquelles vous apporterez sans doute des réponses.
Premièrement, j’évoquerai la question du lait, un sujet que vous connaissez bien.
Il y a quelques semaines, vous avez accompagné le Premier ministre lors d’un déplacement dans mon département. Vous avez pu voir des producteurs de lait particulièrement dynamiques, qui procèdent eux-mêmes à la phase de transformation pour vendre leurs produits sur la place parisienne. Mais la grande majorité des producteurs de lait sont inscrits dans un processus de collecte via les laiteries.
Cette filière rencontre aujourd'hui un vrai problème, et permettez-moi ici de vous apporter mon témoignage, car les producteurs de lait ont besoin d’avoir des éclaircissements ; je pense que vous avez des réponses à leur apporter, monsieur le ministre.
Il ne m’appartient pas de refaire la genèse des quotas laitiers. En 2003, a été prise la décision de mettre fin au système des quotas laitiers en mars 2015. Le Gouvernement a anticipé sur cette mesure et, dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, vous avez proposé, et nous vous avons soutenu, le principe de la contractualisation entre les producteurs et les acheteurs.
Un calendrier a été prévu : en principe, les laiteries devaient proposer aux producteurs laitiers un projet de contrat avant le 1er avril. Dans votre réponse à une question écrite publiée à la fin du mois d’octobre dernier au Journal officiel, vous suggériez de poursuivre la discussion, car un certain nombre de problèmes restaient à régler. Mais le temps passe, monsieur le ministre, et, pour organiser cette rencontre entre les producteurs et les acheteurs, il faut des bases juridiques. En effet, il faut organiser la profession des producteurs laitiers de telle façon que ces derniers pèsent dans les négociations avec les acheteurs, aussi bien avec les transformateurs qu’avec les collecteurs de lait.
Je sais que vous pensez qu’il nous faut attendre encore un peu parce qu’une directive européenne est en préparation, qui sera de nature à autoriser l’organisation que vous souhaitez mettre en place, afin que celle-ci ne se heurte pas aux règles de la concurrence. De même, un décret visant à organiser de façon formelle les groupements de producteurs est en préparation. Mais le problème, c’est que certains producteurs ont été obligés de lâcher prise avant dans les discussions avec certaines laiteries, et ce pour une raison simple, que j’ai apprise il y a quelques jours seulement. En effet, une laiterie importante, que je ne citerai pas ici, a lancé aux producteurs laitiers un ultimatum : si au 1er décembre le contrat n’est pas signé, la prime « saisonnalité » ne sera pas versée.
Or, cette prime représente une part importante de leurs revenus.
Monsieur le ministre, quelle réponse rapide pouvez-vous aujourd'hui apporter aux producteurs de lait, qui se rencontrent et organisent des réunions, lesquelles rassemblent de nombreux participants, tant l’angoisse est forte ?
Deuxièmement, j’aborderai la question des zones défavorisées simples.
Une grande partie de mon département appartient à une zone défavorisée simple ; nous savons qu’une discussion est engagée pour réduire les périmètres de ces zones. On entend dire que l’on veut rapprocher les critères retenus de ceux des zones de montagne. Mais quels que soient les efforts des élus, ma région n’est pas prête de ressembler à une zone de montagne ! §
Monsieur le ministre, vous connaissez bien ce problème, vous qui êtes élu d’un département voisin de l’Orne, celui de l’Eure. J’aimerais être sûr que vous preniez en compte ce problème.
Troisièmement, je parlerai des contraintes environnementales.
On a toujours un peu l’impression que les Français font volontairement plus, car ils croient devoir faire mieux que les autres. Les règles environnementales qui s’appliquent au niveau européen doivent ensuite être traduites par des mesures franco-françaises. À cet égard, je citerai deux exemples, et vous me contredirez si j’ai tort.
Le premier concerne les surfaces en herbe, les prairies.
Aujourd'hui, les critères français obligent un exploitant agricole possédant des prairies à afficher les mêmes surfaces que sa surface de référence ; on examine ces surfaces exploitation par exploitation et non pas sur un plan général.
Or on sait que les prairies ne sont pas la source des plus revenus les plus importants. À cet égard, permettez-moi de prendre un cas précis : on a obligé un propriétaire de prairies, qui a décidé de monter un atelier de volailles, à supprimer une partie de ses surfaces céréalières pour compenser. Cette décision frise l’absurdité quand on sait qu’il avait précisément besoin de ces surfaces en céréales pour nourrir ses volailles.
Second exemple : est-il vraiment nécessaire de maintenir la couverture hivernale des sols, alors que l’herbe ne pousse pas vraiment en hiver ?
Monsieur le ministre, j’aimerais avoir une réponse sur ces deux points, quand bien même celle-ci ne serait pas immédiate.
Quatrièmement, j’en viens à la procédure des calamités agricoles pour sécheresse, un sujet sur lequel nous avons entretenu une correspondance pendant des mois, monsieur le ministre.
Mon département a été, comme d’autres, victime de la sécheresse. Or lorsqu’on vient déposer un dossier de demande d’indemnisation au titre des calamités « sécheresse », il nous est répondu, y compris par des voix autorisées du ministère de l’agriculture : ce n’est pas le moment car on est en pleine période d’évaluation ; nous verrons lorsque cette période sera terminée. Soit ! Mais quand cette période s’achève-t-elle ? En effet, on m’a fait le coup deux années de suite. Il faudrait tout de même qu’à un moment on sache quand les cartes sont rebattues et que l’on peut éventuellement réexaminer les territoires où il est possible de faire jouer la procédure dite des calamités agricoles.
Enfin, monsieur le ministre, même si les quelques secondes qui me restent ne seront pas suffisantes pour bouleverser le dossier, je veux néanmoins ajouter ma voix à celles qui se sont élevées dans cet hémicycle pour dire combien les retraités du monde agricole sont aujourd’hui dans une situation des plus difficiles.
Ce sont des gens qui ont travaillé toute leur vie et ont une carrière pleine. Mais, quand on affiche dans votre permanence les revenus qui leur sont octroyés par rapport aux cotisations qu’ils ont versées, on constate qu’il leur est impossible de vivre !
L’affirmer à cette tribune, ce n’est pas m’exposer à être pris pour un démagogue ; c’est simplement témoigner de ma solidarité avec ceux qui ont largement nourri la France et bâti notre société.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pardonnez-moi de reprendre la parole, mais il me semblait que ce budget consacré à la pêche, petit de par le montant de ses crédits, mais aux grandes conséquences sur nos territoires littoraux, méritait bien quelques minutes supplémentaires.
Voilà quelques semaines a eu lieu à l’Assemblée nationale une réunion entre les parlementaires français et Mme Maria Damanaki, commissaire européenne en charge des affaires maritimes et de la pêche, à qui j’ai pu faire part de ma totale opposition à la logique libérale de privatisation de la ressource qui semble guider cette réforme, et cela sous l’apparence du seul souci environnemental !
Ses objectifs tels les quotas individuels transférables annoncent une politique de dérégulation qui conduira inexorablement à un processus de concentration et de financiarisation de la filière, entraînant la disparition de la diversité de nos modes de pêche.
En revanche, la Commission semble ignorer les objectifs sociaux et économiques : drôle de conception du développement durable !
D’ailleurs, dans ce qui ressemblait un peu à un dialogue de sourds, Mme la commissaire a reproché aux parlementaires français de soutenir et de défendre les pêcheurs, alors que la Commission devait défendre la pêche !
Mais de quelle sorte de pêche s’agira-t-il s’il n’y a plus de pêcheurs ? Une pêche minotière exclusivement destinée à nourrir les poissons d’élevage ? Ce n’est pas notre vision !
Pour notre part, nous défendons ardemment la gestion collective de la ressource halieutique, qui a démontré son efficacité et accompagné utilement l’évolution des comportements des professionnels.
Faut-il rappeler que, sur la façade atlantique, le pourcentage de stocks dits « surexploités » a diminué de 25 % en quelques années ? Monsieur le ministre, les Français, eux, ne s’y sont pas trompés si l’on en croit un récent sondage qui a été publié dans un grand quotidien régional et selon lequel plus de 80 % d’entre eux ont une bonne image du secteur de la pêche et des pêcheurs, et reconnaissent à 68 % leurs efforts en faveur de l’environnement.
De même que nous refusons les quotas individuels transférables, QUIT, nous refusons le « zéro rejet », qui n’est ni écologiquement souhaitable, ni techniquement applicable. Cette vision stricte et réductrice condamne à court terme l’existence de la filière et, surtout, risque de réduire à néant tous les efforts réalisés par nos pêcheurs et nos chercheurs sur les matériels de pêche plus sélectifs, notamment dans ma région où le slogan : « trier sur le fond, pas sur le pont ! » n’est pas un vain mot.
Quant au rendement maximal durable, RMD, si nous sommes conscients que la préservation de la ressource est un objectif stratégique et une nécessité, nous nous interrogeons sur les conséquences, à court terme et à moyen terme, pour les professionnels, de cette précipitation soudaine de l’Europe à vouloir l’imposer dès 2015, alors que depuis le Sommet mondial sur le développement durable, qui s’est tenu à Johannesburg en 2002, et jusqu’en 2010 aucune mesure n’a été prise pour le mettre en œuvre. Pourra-t-on, en cinq ans, revenir sous la barre de ce RMD ?
Nous avons besoin d’un calendrier raisonnable, établi, si possible, en concertation avec les professionnels et les représentants de la filière.
L’Association des régions de France, ARF, la Conférence des régions périphériques et maritimes d’Europe, la CRPM, et les organisations de producteurs, tout en reconnaissant la nécessité d’introduire un système d’écoconditionnalité au sein du futur Fonds européen pour la pêche, le FEP, demandent unanimement une mise en œuvre progressive, avec des études d’impact qui tiennent compte de la spécificité des pêcheries.
Avant de terminer mon propos, je souhaite saluer tous ceux qui, pêcheurs ou scientifiques, avec un sens exemplaire des responsabilités, ont travaillé en étroite collaboration pour développer de nouvelles pratiques écoresponsables et faire comprendre la nécessité d’appliquer au secteur de la pêche l’idée de développement durable, dans toutes ses dimensions, environnementales certes, mais aussi sociales et économiques. C’est l’esprit des contrats bleus, qui reconnaissent et valorisent les services environnementaux rendus par les pêcheurs.
En revanche, je regrette la baisse des crédits consacrés aux recueils des données et à tout ce qui pourrait affaiblir les capacités de recherche et d’innovation hébergées par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, dont le rôle décisif dans ce domaine n’est plus à démontrer.
Je regrette également, et cela depuis plusieurs années, les conséquences parfois négatives des plans de sortie de flotte, qui représentent plus de 20% des crédits nationaux dédiés à la pêche : renchérissement du prix des navires d’occasion, fragilisation du renouvellement des générations en dissuadant des installations pourtant vitales.
Cela menace d’autant plus gravement la pérennité de la filière que les moyens déployés en faveur de la modernisation des navires sont faibles et que les perspectives européennes sont particulièrement sombres en la matière.
Par ailleurs, le prix du gazole continue à peser lourdement sur le coût d’exploitation, d’où la nécessité de bateaux récents, plus économes, mais aussi plus sûrs et mieux adaptés aux conditions de travail.
Je conclurai avec le projet annuel de performances, dans lequel sont reconnus les efforts des collectivités dans ce domaine pour leurs financements complémentaires. Mais la reconnaissance est trop timide, alors que ces collectivités se battent quotidiennement pour préserver les infrastructures, le dynamisme de leurs espaces portuaires ainsi que des filières d’enseignement efficaces et innovantes, sans parler des secteurs en crise, comme l’ostréiculture.
Je souhaite très sincèrement que, sur tous ces secteurs liés à la mer – pêche, conchyliculture, aquaculture –, nous prenions toutes nos responsabilités et que le Gouvernement déploie des moyens à la hauteur du destin maritime qui devrait être celui de notre pays.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de l’agriculture nous pousse à nous interroger sur l’avenir de notre modèle agricole dans une conjoncture de plus en plus incertaine au vu des mutations économiques, sociales et désormais environnementales auxquelles nous devons faire face. Les diverses interventions de cet après-midi l’ont bien démontré, ce n’est pas dans un esprit très serein que nous appréhendons cet avenir.
À cette inquiétude justifiée vient s’ajouter un scepticisme qui l’est également quant à l’adaptation des mesures qui nous sont proposées actuellement pour apporter une réponse durable à la crise traversée par nos agriculteurs.
Nous savons tous que l’avenir de notre agriculture ne pourra malheureusement pas se régler uniquement à l’échelon national. L’Europe a un rôle central à jouer, tout comme l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. Or, pour l’instant, les décisions prises sont décevantes, car elles restent très largement orientées vers les marchés, au détriment des hommes et des territoires.
La mondialisation et l’évolution des pratiques agricoles font que nous ne pouvons plus voir notre agriculture comme il y a quarante ans ; c’est une évidence. Mais, dans le même temps, cette mondialisation ne doit pas se faire sans garde-fou, et l’ouverture de nos économies doit inévitablement s’accompagner de véritables outils de régulation et d’harmonisation des pratiques aux niveaux européen et mondial. Ce constat est vrai en agriculture comme ailleurs.
Dans ce cadre, les réflexions menées actuellement sur la nouvelle PAC sont cruciales. J’espère qu’elles donneront lieu à une véritable prise de conscience collective, celle de la nécessité de repenser notre modèle agricole dans son ensemble, afin qu’il soit en phase avec nos besoins et nos attentes, que ce soit en termes non seulement économique, mais aussi social, environnemental et sanitaire !
En effet, il est impensable de continuer d’appréhender l’agriculture sous le seul prisme de la compétitivité, telle qu’elle s’entend sur les marchés financiers. En agriculture, plus encore qu’ailleurs, il faut redéfinir la compétitivité. Si cela ne s’entend que par une recherche du moindre coût, l’agriculture française telle que nous la voulons est condamnée à disparaître.
En revanche, si, par compétitivité, nous entendons qualité des produits, respect des normes environnementales ou sanitaires, développement des circuits courts, création d’activités dans les territoires, alors les agriculteurs français ont toutes leurs chances, car ils ont dans ce domaine de véritables atouts. Mais encore faut-il vouloir s’engager vers un système qui valorise et rémunère ces pratiques !
Malheureusement, aujourd’hui, nous ne sommes pas dans cette optique, le budget de cette année en est une illustration. Ainsi, l’axe majeur du présent budget, sa mesure phare tout au moins, repose sur une exonération des cotisations patronales sur le travail permanent pour les plus bas salaires, permettant de baisser de 1 euro par heure le coût du travail rémunéré au SMIC.
Comme l’année dernière, c’est ainsi que le Gouvernement semble percevoir la compétitivité de notre agriculture : par une recherche des plus bas coûts de main-d’œuvre. Or, à ce jeu-là, nous serons inévitablement perdants, car nous trouverons toujours moins cher que nous dans le monde.
Même si ces mesures peuvent soulager momentanément les agriculteurs, force est de constater qu’elles ne répondent pas aux problèmes de fond en ne s’inscrivant pas dans une politique de soutien et de développement à long terme de notre agriculture.
Nous en avons tous conscience, le contexte économique actuel est difficile, mais il faut absolument substituer à ces mesures conjoncturelles des mesures structurelles.
Certes, je ne le conteste pas, les salaires et les charges peuvent peser lourd dans les comptes d’exploitation des maraîchers, arboriculteurs ou viticulteurs, secteurs qui nécessitent beaucoup de main-d’œuvre.
Il est vrai aussi que certains États membres de l’Union européenne, parmi lesquels l’Allemagne et l’Espagne, pratiquent un véritable dumping social avec des salaires très bas et des charges faibles, voire inexistantes, sur le travail salarié agricole. Ma collègue en a parlé tout à l’heure et nous sommes tous à le regretter.
Toutefois, la méthode que vous avez choisie n’est pas sans soulever de nombreuses interrogations. Tout d’abord, le financement de cette exonération par une augmentation de la taxe sur le gazole non routier revient à faire payer aux agriculteurs une aide en leur direction.
Ensuite, ce choix apparaît bien coûteux pour les finances publiques, car il faut compenser la moindre recette auprès de la mutualité sociale agricole, la MSA. Ne peut-on craindre des effets d’aubaine ?
Autre question qui se pose, celle de l’eurocompatibilité. Ces exonérations ne risquent-elles pas d’être considérées comme une aide sectorielle ?
Enfin, quelle sera l’efficacité réelle de cette mesure en matière de compétitivité ? Rien ne nous assure que le gain de 1 euro de l’heure sera répercuté sur le prix de vente des produits. Or, en limitant cet allégement aux bas salaires, ne risquez-vous pas d’entretenir la précarité et les faibles rémunérations ? En effet, pour bénéficier entièrement de cette mesure d’exonération de charges, les exploitants agricoles seront incités à payer leurs salariés moins de 1, 1 SMIC, au risque de paupériser toute une profession.
Monsieur le ministre, lutter contre le dumping social en Europe doit être un objectif majeur, mais l’objectif ne doit pas être de nous aligner sur ceux qui pratiquent le dumping social ! Tant que nous n’assurerons pas à nos agriculteurs un revenu décent, notamment par un contrôle assidu de la « construction » des prix, nous ne résoudrons pas le problème.
J’en profite ici pour dire quelques mots sur l’état d’application de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dite LMAP, qui devait justement donner de nouveaux outils à notre agriculture pour qu’elle sorte de la crise. Monsieur le ministre, un an et demi après son adoption, son bilan est plus que mitigé.
La contractualisation, recette miracle de la LMAP, peine à se mettre en place. Les contrats proposés sont majoritairement individuels, et non collectifs. De ce fait, les rapports de force entre producteurs agricoles et acheteurs continuent d’être très largement au détriment des premiers. Le conflit entre Lactalis et ses producteurs, qui refusent de signer le contrat très déséquilibré qui leur est proposé, montre bien que la contractualisation n’est pas la solution miracle. La contractualisation est quasi inexistante dans le domaine de l’élevage bovin.
De son côté, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ne fait qu’observer les déséquilibres persistants entre l’amont et l’aval de la chaîne de production. Cet organisme n’ayant pas vocation à les corriger, qu’est-il envisagé pour y remédier ?
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré une conjoncture économique difficile et un budget inévitablement contraint, je ne peux me résoudre à voter les crédits de cette mission, qui manque d’ambition pour le monde agricole.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de vous présenter cette mission du budget 2012 du ministère de l’agriculture.
J’entrerai d’emblée dans le vif du sujet pour dire qu’il m’arrive parfois de penser que nous ne vivons pas tous dans le même monde.
M. Bruno Le Maire, ministre. En effet, à écouter Mme Renée Nicoux, on a le sentiment que l’agriculture va mal, que la loi ne porte pas ses effets, que les prix ne se relèvent pas et que tous les agriculteurs sont plongés dans une dépression profonde. Pardonnez-moi, mais je ne partage pas ce misérabilisme sur le monde agricole.
Mme Bernadette Bourzai s’exclame.
Je connais les difficultés du monde agricole, je vais dans les exploitations deux fois par semaine. Je rencontre des paysans qui souffrent, en particulier, ceux qui touchent des retraites encore trop faibles. Dans le Massif central, par exemple, je vois bien les difficultés soulignées par Alain Bertrand. Je sais que beaucoup d’éleveurs n’ont pas des revenus suffisants, mais, enfin tout de même, un peu d’optimisme, un peu de réalisme !
Mme Michèle André s’exclame.
Quelle filière a repris aujourd’hui la première place en matière de viticulture mondiale ? C’est la viticulture française ! Quelle est la seule filière économique aujourd’hui productrice de richesses en matière d’exportations, celle dont les excédents commerciaux extérieurs ont augmenté de 20 % ? C’est la filière agricole ! Quels sont les seuls prix qui ont réellement remonté dans les filières animales ? Ce sont ceux de la filière bovine, qui vient d’enregistrer plus de 30 centimes d’augmentation du kilogramme de viande ! C’est la plus forte augmentation depuis huit ans ! Regardez la réalité en face, regardez les résultats que nous avons obtenus !
M. Jean-Claude Lenoir applaudit.
Je refuse catégoriquement qu’on cède au misérabilisme sur le monde paysan français. Il a fait des réformes, il a su changer, il a su s’adapter et il réussit mieux que beaucoup d’autres filières économiques ! Vous ne convaincrez pas les paysans français en leur mettant la tête sous l’eau, en leur expliquant que tout va mal, alors que, grâce à leurs efforts et à leur détermination, ils ont relevé la tête et sont aujourd’hui à la tête de l’agriculture européenne !
Ce budget est à l’image de ce que nous voulons faire pour les paysans français. Nous l’avons maintenu à 5, 5 milliards d’euros. Nous avons voulu, comme Yannick Botrel l’a d’ailleurs rappelé, faire en sorte que l’agriculture française puisse disposer des moyens dont elle a besoin. Et, là encore, quand on regarde, filière par filière, on s’aperçoit que les choses progressent.
Depuis trois ans, l’agriculture française a relevé la tête. Et on ne peut pas, chaque année, servir le même discours, qui consiste à dire : tout va mal, les prix s’effondrent, la crise frappe partout et les paysans français n’arrivent pas à réussir aussi bien qu’ils le devraient. Car ce n’est pas rendre justice aux efforts qu’ils ont faits. S’il est une filière économique qui a su se moderniser, un secteur de l’économie qui a su prendre à bras-le-corps la mondialisation et les réformes européennes, s’il est un secteur qui a compris la nécessité de s’adapter à la demande mondiale, de changer et de faire preuve, en matière de respect de l’environnement, de plus d’attention et de changement, c’est le secteur agricole !
Défendre les paysans français, ce n’est pas leur dire : tout va mal ! Défendre les paysans français, c’est leur dire : vous réussissez, vous y arriverez et vous réussirez encore mieux demain !
Mme Renée Nicoux s’exclame.
Examinons les filières les unes après les autres. Dans l’élevage, la stratégie que nous avons suivie est la seule qui donne des résultats. L’élu du Massif central qu’est Alain Bertrand ne me contredira pas sur ce sujet. Les éleveurs français ont terriblement souffert au cours des dernières années.
Pour la première fois, ils ont le sentiment que leur ministre a compris quelle est la bonne stratégie à adopter : assez de subventions, assez d’allocations, assez de prix soutenus artificiellement, assez de promesses que l’État ne peut plus tenir, assez d’argent public qu’on n’a plus les moyens de donner ! En revanche, de l’organisation des filières, la création d’un groupement à l’exportation – qu’ils attendaient depuis des années et qu’aucun de mes prédécesseurs n’avait eu le courage de faire –, l’ouverture des marchés – qu’ils demandaient depuis des années et qu’aucun de mes prédécesseurs n’avait réussi à obtenir, qu’il s’agisse du marché turc, du marché russe ou des marchés d’Afrique du Nord. Ces marchés, aujourd’hui, sont ouverts parce qu’on a fait les démarches nécessaires ! Et les prix remontent !
Vous savez tous que les éleveurs veulent vivre décemment de leur travail. Ils veulent des prix, et non des primes. Et ce relèvement des prix, vous le savez aussi, ne sera pas le résultat d’une augmentation de la consommation en France. Les prix évolueront au rythme de notre capacité à prendre des parts de marché en Russie, au Kazakhstan, en Afrique du Nord, en Turquie, au Japon, dans tous ces pays qui consomment de plus en plus de viande bovine.
Voilà la réalité et voilà pourquoi je continuerai à me battre. Une augmentation de trente centimes d’euro au kilogramme pour la viande bovine, c’est le meilleur résultat depuis huit ans, qu’on le veuille ou non !
J’en viens à la filière laitière. Bien sûr, des difficultés demeurent, et je ne les nie pas, notamment sur la signature des contrats. Mais nous sommes en passe de les surmonter. Les producteurs de lait vont saisir le Médiateur, qui est là pour éviter que, comme Jean-Claude Lenoir le signalait, un certain nombre d’industriels n’abusent d’eux et ne leur fixent des ultimatums. Aucun ultimatum n’est acceptable !
J’ai tout fait pour renforcer le pouvoir des producteurs de lait. Nous sommes en train d’y arriver. Le 15 décembre prochain, pour la première fois depuis douze ans, l’Union européenne va modifier son droit de la concurrence grâce au « paquet lait » que nous avons fait adopter, grâce aux mesures prises sous notre impulsion, grâce à l’appel de Paris lancé en 2009 dans lequel nous réclamions une meilleure organisation des producteurs de lait pour une négociation équitable avec les industriels. Voilà la réalité !
Le 15 décembre prochain, nous adopterons, au Conseil des ministres de l’agriculture, une modification du droit de la concurrence européen qui permettra aux producteurs de lait de se regrouper non plus à 300 ou 400 comme ils le font aujourd’hui, mais à 3 000 ou 4 000. Et, permettez-moi de vous le dire, à 3 000 ou 4 000, ils seront tout de même un peu plus puissants qu’auparavant pour négocier leurs contrats, un peu plus puissants pour négocier leurs prix
M. Jean-Claude Lenoir opine.
Le contrat fonctionnera parce que les producteurs seront plus nombreux pour négocier un prix équitable avec les industriels. Et si dans l’intervalle, un certain nombre d’industriels abusent, je le dis une fois encore, le Médiateur est là pour rétablir l’équilibre entre les parties.
S’agissant des crises traversées par un certain nombre de secteurs, il reste en effet des difficultés. Je vois bien que, dans la filière des fruits et légumes, l’organisation fait encore défaut. Je vois bien que les prix sont encore trop bas. Je vois bien que les mesures que nous avons prises, même si elles restent indispensables, ne suffiront pas à relever suffisamment les revenus des producteurs de fruits et légumes, des arboriculteurs, des maraîchers, de tous ceux qui font un travail formidable, mais qui se heurtent à de vraies difficultés structurelles. Nous avons fait un certain nombre de choix qui me paraissent nécessaires.
J’ai entendu les critiques de Mme Renée Nicoux, les remarques plus positives de M. Henri Tandonnet et les observations de M. Aymeri de Montesquiou sur le coût du travail. Qu’on le veuille ou non, il faut réduire le coût du travail pour l’agriculture française, en particulier pour les producteurs de fruits et légumes, les maraîchers, les arboriculteurs. Nous n’avons pas le choix ! Je vous le dis sans aucune agressivité, avec simplement une volonté de conviction.
Vous ne pouvez pas, quand vous êtes producteur d’asperges en Alsace, à deux ou trois kilomètres de la frontière avec l’Allemagne, produire des asperges à 12 ou 13 euros de l’heure, alors que vos voisins allemands produisent exactement les mêmes asperges, de la même variété, sur le même sol, avec un coût du travail à 6 ou 7 euros de l’heure !
Mme Odette Herviaux s’exclame.
Oui, il est indispensable de réduire le coût du travail en France pour l’agriculture, quand il représente 60 % du coût final de la production.
Là aussi, je veux me faire bien comprendre. Nous avons eu l’occasion d’en discuter souvent ensemble. Il ne s’agit absolument pas de céder à un dumping social en Europe. Je suis le premier à dire que des coûts du travail à 5 ou 6 euros de l’heure, ce n’est pas acceptable. Je suis le premier à dire qu’il faut refuser que, dans les abattoirs allemands, 90 % des salariés, venus des pays de l’Est, en particulier de Pologne, soient rémunérés à 6 euros de l’heure pour un travail dont chacun sait, s’il est allé dans un abattoir, qu’il est probablement l’un des plus difficiles et pénibles qu’on puisse imaginer aujourd’hui dans l’industrie agroalimentaire !
Et je ne me contente pas de discours ! Voilà des mois que je suis allé en Allemagne discuter de ces questions de salaire horaire avec les représentants de la CDU.
Mme Bernadette Bourzai s’exclame.
Et pour la première fois dans son histoire, cette dernière a inscrit dans son programme pour 2013 la création d’un salaire minimum dans un certain nombre de branches, notamment les branches de l’industrie agroalimentaire.
Mme Bernadette Bourzai s’exclame de nouveau.
J’essaie juste d’être cohérent par rapport à mes convictions.
Mes convictions, c’est que la France doit gagner en compétitivité. Mes convictions, c’est que l’agriculture française et les paysans français ne peuvent pas supporter un coût du travail durablement plus élevé que celui de ses grands voisins européens que sont l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie. Mais mes convictions, c’est aussi que gagner en compétitivité ne peut pas signifier dumping social. Gagner en compétitivité ne veut pas dire s’aligner sur les plus mauvaises pratiques en Europe. Gagner en compétitivité veut dire améliorer nos produits, réduire nos coûts de production et faire en sorte que tous les autres pays européens partagent une volonté d’harmonisation en matière de coût du travail.
Je veux maintenant répondre aux remarques de Joël Labbé, d’Yvon Collin et d’un certain nombre d’entre vous sur les questions environnementales. Nous voulons une agriculture durable, et nous avons maintenu un certain nombre de crédits pour cette agriculture ; je le dis d’ailleurs à l’intention de Joël Labbé, qui critique le crédit impôt bio. Je rappelle qu’il a été relevé de 2 000 euros à 2 500 euros et que son coût atteint plusieurs millions d’euros. Nous sommes donc respectueux de l’agriculture biologique. Nous sommes les premiers à avoir posé des règles imposant d’introduire 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective. C’est dire que nous croyons à ce développement de l’agriculture biologique.
Mais sur l’environnement, soyons très clairs. Nous devons faire en sorte que les règles environnementales respectent un certain nombre de principes que j’ai fixés en 2009, auxquels je suis attaché et que je continuerai à défendre. J’ai en effet la conviction que les paysans français ont besoin qu’on respecte ces règles et ces principes afin de faire de l’environnement non pas un handicap, mais un atout pour l’agriculture française.
Première de ces règles, il faut que les choix environnementaux soient compatibles avec la situation économique des exploitations.
Vous ne pouvez pas demander à des paysans français de payer trop cher des règles environnementales qui n’auraient pas été étudiées en fonction de ce qui est supportable sur le plan économique.
Dans une situation de crise, comme celle de 2009, où certains des paysans français perdent 54 % de leur revenu, vous ne pouvez pas leur dire : les règles environnementales, les obligations sur les parcelles et la diversité, on n’y touche pas, tant pis pour vous, vous payez nonobstant votre baisse de revenu. C’est tout simplement intenable !
Il faut savoir faire preuve de souplesse et de compréhension par rapport à la situation économique des paysans.
Deuxième principe tout simple et de bon sens, les règles environnementales doivent être des règles européennes. On ne peut pas laisser subsister des règles différentes selon les États de l’Union, …
… car ceux qui en souffrent le plus sont ceux qui ont les règles les plus dures à respecter. L’harmonisation européenne est une condition d’acceptabilité de la règle environnementale.
Enfin, j’en viens au troisième élément et troisième principe que je défends. À l’évidence, vous ne pouvez pas dire au producteur de porcs de Normandie ou du Nord – Pas-de-Calais qu’il va devoir reconstruire totalement son exploitation car au nom du bien-être animal, chacune de ses truies allaitantes doit disposer de 2, 5 mètres carrés pour s’épanouir à son aise, qu’il doit donc retirer les cages en fer, détruire son exploitation et la reconstruire de A à Z, qu’il devra au passage réduire les antibiotiques – je crois profondément à la nécessité de réduire les antibiotiques dans l’élevage porcin français ; c’est l’intérêt des éleveurs comme des consommateurs – et qu’il devra respecter encore d’autres règles environnementales – tout cela est très bien – si, dans le même temps, vous signez l’accord entre l’Union européenne et le MERCOSUR et vous faites entrer libres de droits des tonnes et des tonnes de viande porcine en Europe.
Les règles environnementales doivent être fondées sur un principe de réciprocité commerciale internationale.
C’est la clé aussi de l’acceptabilité de ces règles.
Je dirai maintenant quelques mots sur la pêche et la PAC. Odette Herviaux, je pourrais vous embaucher à mes côtés pour défendre la politique commune de la pêche telle que nous la concevons, …
… dans la mesure où je partage entièrement ce qui a été dit. D’ailleurs, lors de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous l’avons vu, en matière d’agriculture, beaucoup de sujets dépassaient les clivages partisans. Et s’il y a bien un sujet qui peut, à mon sens, nous rassembler, c’est le fait que les propositions de réforme de la politique commune de la pêche avancées par Mme Maria Damanaki sont tout simplement inacceptables !
Elles se solderaient par la mort des 15 000 pêcheurs restants en France. Je le dis aussi simplement et aussi crûment que cela. Vous ne pouvez pas demander aux pêcheurs français de mettre en place des quotas individuels transférables et, en même temps, leur dire avec des trémolos dans la voix que vous êtes favorable au maintien de la pêche artisanale sur toutes les côtes françaises, du Nord jusqu’au Sud-ouest et à l’Aquitaine en passant par la Bretagne.
Je ne me vois pas dire aux pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz, que je connais bien, ou aux pêcheurs de Fécamp, que je connais bien également, que nous allons maintenir une pêche artisanale et, dans le même temps, accepter des quotas individuels transférables en Europe. Si nous acceptons à Bruxelles des quotas individuels transférables, cela veut dire la mort de la pêche artisanale française au profit de la seule pêche industrielle. Jamais je ne m’y résoudrai !
De la même façon, vous ne pouvez pas leur dire zéro rejet. Il faut n’être jamais monté sur un bateau de pêche pour dire zéro rejet ! Il faut n’avoir jamais participé à une campagne de pêche pour penser que zéro rejet, c’est possible immédiatement sans donner le temps aux pêcheurs. Or c’est ce que propose Mme Damanaki et sur ce point, comme sur les autres, elle a tort.
Enfin, vous ne pouvez pas dire aux pêcheurs français que nous respectons et suivons les avis émis par les scientifiques lors des conférences internationales mais en essayant de trouver un bon équilibre entre les positions des uns et des autres, et, alors que ces scientifiques préconisent d’atteindre le rendement maximum durable en 2020, imposer la date de 2015 par une décision autoritaire, strictement politique et strictement idéologique. Allez donc dire aux pêcheurs que nous, les Européens, nous qui lavons toujours plus blanc que blanc, nous avançons l’échéance à 2015, comme cela, ils mourront cinq ans plus tôt !
Ce n’est pas acceptable !
S’agissant de la politique agricole commune, vous m’avez interrogé sur plusieurs points, que je vais reprendre.
Premièrement, il nous faut sauver le budget, sans quoi vous ne pourrez rien faire. Je rappelle que la proposition de la Commission était de baisser le budget de la PAC de 30 % en 2009, et que, à l’issue de deux ans de négociations, nous en avons obtenu le maintien, à l’euro près.
Deuxièmement, je suis favorable au « verdissement » de la PAC, mais encore faut-il qu’il soit plus simple, plus lisible, et surtout positif pour les paysans français et européens. Il ne s’agit pas de verdir la PAC pour les stigmatiser, mais il faut les encourager à adopter ces bonnes pratiques, notamment celles qui touchent aux prairies permanentes et au retournement de prairies, et en faisant preuve du minimum de pragmatisme dont a parlé Aymeri de Montesquiou.
Troisièmement, enfin, la PAC à laquelle je crois doit certes avoir un budget fort et prévoir un verdissement qui soit simple, mais elle doit aussi défendre une vraie régulation des marchés. Je me suis opposé, depuis le début, à la libéralisation des marchés agricoles. Quelles que soient les filières, nous avons besoin d’instruments de régulation et d’intervention sur les marchés. Dans le secteur viticole, par exemple, le jour où l’on aura supprimé les droits de plantation en Europe et que l’on verra pousser n’importe quel type de vignoble sur n’importe quel type de territoire, on aura mis fin à l’identité agricole européenne !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
La parole est à Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis, pour un rappel au règlement.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 bis relatif à la tenue des séances.
Nous avons appris hier que l’amendement n° II-188 que nous avions proposé, avec Mme Renée Nicoux, en tant que rapporteures pour avis de la commission de l’économie, ne serait pas examiné aujourd’hui en même temps que les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Nous sommes tout à fait conscientes du calendrier strict que nous devons respecter pour l’examen du projet de loi de finances, mais nous tenons à souligner, tout d’abord, que notre proposition de renforcement de la taxe sur les plus-values financières lors de la vente d’un terrain agricole a été guidée par la volonté d’en faire un outil vraiment dissuasif permettant de protéger le foncier agricole, ensuite, que cette proposition est tout à fait liée aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », car elle répond aux difficultés d’installation des agriculteurs en permettant d’abonder financièrement la politique d’installation, enfin, que cette proposition a été adoptée à la quasi-unanimité de la commission de l’économie et n’aurait pris que quelques instants dans notre discussion.
Renvoyer l’examen de nos propositions à la discussion des articles non rattachés du projet de loi de finances, c’est risquer de faire perdre à nos débats de leur cohérence et de leur pertinence, ce qui est regrettable. C’est surtout difficile à comprendre pour les acteurs concernés, qui attendaient cette mesure.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.
Madame Herviaux, l’explication de ce report est d’ordre réglementaire. Il s’agit en effet d’une disposition fiscale, qui relève de la compétence de la rapporteure générale du budget. Nous ne pouvons donc en débattre dans le cadre de l’examen des crédits de la présente mission.
Je ne doute pas que vous défendrez cet amendement, au début de la semaine prochaine, avec la conviction et la compétence que le ministre a soulignées tout à l’heure.
Très bien ! sur plusieurs travées.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires
Forêt
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
Dont titre 2
270 723 483
270 723 483
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
Dont titre 2
648 886 196
648 886 196
J’ai déjà indiqué l’avis de la commission des finances dans mon intervention liminaire.
M. le ministre m’ayant fait l’honneur de me citer, je précise que je me réjouis, comme chacun ici, de l’amélioration intervenue dans un certain nombre de filières agricoles.
Il est vrai qu’il y a deux ans, et l’année dernière encore, les filières laitière, bovine et porcine traversaient une crise extrêmement grave ; la situation est meilleure aujourd’hui.
On peut dire, sans mésestimer l’action des uns et des autres, que cette amélioration – exportations de porcs vers le Japon et de viande bovine vers d’autres pays, reprise de la consommation de viandes blanches en France ... – tient aussi à la conjoncture ; je me réjouis qu’il en soit ainsi.
Cela étant dit, votre budget, monsieur le ministre, comporte manifestement des lacunes. Ainsi les crédits de cette mission sont-ils en diminution, et ce malgré la « rallonge » de 144 millions d’euros introduite à l’Assemblée nationale, au titre d’une mesure de dégrèvement partiel des cotisations patronales dans l’agriculture.
Force est de constater que, à périmètre égal, les crédits de la mission sont en baisse par rapport à l’an dernier.
Nous constatons également qu’un certain nombre de moyens, en particulier humains, sont en diminution. Ainsi, dans le domaine stratégique de la qualité sanitaire et de la sécurité de l’alimentation, le compte n’y est pas.
C’est pourquoi la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de rejeter ces crédits.
Mais permettez-moi de revenir, en conclusion, sur un problème qui, comme d’autres ici, m’a interpellé, je veux parler de la situation de la contractualisation laitière, que vous aviez présentée comme l’un des points forts de la loi de modernisation de l’agriculture. Si tout se passe bien avec la plupart des entreprises, l’une d’entre elles, que je n’hésite pas à citer ici, Lactalis, exerce des pressions inacceptables sur les agriculteurs. Il est de votre devoir, monsieur le ministre, et du devoir des pouvoirs publics de se saisir de ce dossier et de s’impliquer fortement.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Ces crédits ne sont pas adoptés.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Développement agricole et rural
Développement et transfert en agriculture
Recherche appliquée et innovation en agriculture
Je rappelle que la commission des finances est favorable à l’adoption des crédits non modifiés du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion les articles 48, 48 bis et 48 ter ainsi que les amendements qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
L’article 92 de la loi de finances pour 1979 (n° 78-1239 du 29 décembre 1978) est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa :
a) Le mot : « locales » est remplacé par le mot : « territoriales » ;
b) Après le mot : « montant », sont insérés les mots : « hors taxe » ;
c) Les mots : «, déduction faite des frais d’abattage et de façonnage des bois » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les produits des forêts mentionnés au premier alinéa sont tous les produits des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l’utilisation ou à l’occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l’exploitation du sous-sol. Pour les produits de ventes de bois, le montant est diminué des ristournes consenties aux acheteurs dans le cas de paiement comptant et, lorsqu’il s’agit de bois vendus façonnés, des frais d’abattage et de façonnage hors taxe.
« À compter du 1er janvier 2012, les personnes morales mentionnées au premier alinéa acquittent en outre au bénéfice de l’Office national des forêts une contribution annuelle de 2 € par hectare de terrains relevant du régime forestier et dotés d’un document de gestion au sens de l’article L. 4 du code forestier ou pour lesquels l’office a proposé à la personne morale propriétaire un tel document. »
Monsieur le ministre, je sais que la Fédération nationale des communes forestières, la FNCOFOR, a accepté de signer le contrat de plan entre l’État et l’Office national des forêts, qui entre en vigueur le 1er janvier prochain, et qu’elle avait notamment accepté le principe de cette contribution forfaitaire à l’hectare. Je m’interroge cependant sur l’opportunité et le sens de cet article 48.
Tout d’abord, la rédaction initiale prévoyait une contribution de 2 à 4 euros par hectare. Elle a, fort heureusement, été fixée à 2 euros au final. Pour autant, cette contribution vient s’ajouter au taux de 12 %, ou de 10 % pour les communes de montagne, et l’assiette a été légèrement élargie, de sorte qu’elle impactera toutes les communes.
Certes, l’idée du Gouvernement est d’inciter les communes dont les forêts sont peu productives à les exploiter davantage. Mais s’est-on intéressé aux causes, peut-être climatiques, pédologiques, mais probablement aussi historiques, de ce différentiel entre forêts du Nord-Est et forêts du Sud ? Sommes-nous certains que ce dispositif atteindra son objectif ? Si tel n’est pas le cas, c’est la péréquation qui sera remise en cause.
Du reste, le diable est dans les détails : vous augmentez les frais de garderie mais, en plus, je remarque que vous supprimez la mention « déduction faite des frais d’abattage et de façonnage des bois » au premier alinéa. Vous faites ainsi de ce qui était jusqu’alors une taxe sur des bénéfices une charge, et risquez de décourager des communes qui exploitaient, notamment au nord-est de la France.
Peut-être parviendrez-vous à une convergence dans l’exploitation des forêts françaises, monsieur le ministre, mais je ne suis pas convaincue que vous réussirez à inciter les communes qui sortent peu de bois à en sortir davantage. Dans le même temps, vous prenez le risque de décourager d’autres communes qui, elles, exploitaient beaucoup et fort bien leurs forêts. Où est l’étude d’impact ? Il nous faudrait vraiment connaître les raisons pour lesquelles le bois est exploité ou non.
En vérité, ce devrait être à l’État d’assumer la solidarité entre les communes forestières. La FNCOFOR a signé parce qu’elle a bien compris qu’elle n’obtiendrait rien de plus dans la négociation, et parce qu’elle ne voulait sans doute pas prendre en otage le contrat État-ONF. Je reste toutefois convaincue que l’État ne prend pas toutes ses responsabilités en matière de politique forestière ; je pense même que les idées saugrenues de privatisation des activités rentables de l’ONF, évoquées dans la fameuse note de Bercy, n’ont pas été définitivement enterrées.
L’amendement n° II-389, présenté par M. Piras, Mmes Nicoux, Bourzai, Herviaux et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
à l’exception de ceux provenant d’une installation relevant d’une activité de service public.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Les pertes de recettes résultant, pour l’Office national des forêts, du I sont compensées à due concurrence par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Nous voterons cet article 48, pour les raisons développées par Mme Didier.
Je ne reviendrai pas sur le débat relatif à l’Office national des forêts, que nous avons déjà eu au début de la discussion.
Le présent amendement vise à attirer l’attention sur la modification de la définition de l’assiette des frais de garderie.
Monsieur le ministre, l’amendement du Gouvernement adopté à l’Assemblée nationale tend à préciser que sont désormais pris en compte, dans l’assiette des frais de garderie au titre des produits des forêts, les produits issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l’utilisation ou à l’occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l’exploitation du sous-sol.
Cette dernière précision a suscité quelques interrogations et l’inquiétude de certains élus locaux.
Vous n’êtes pas sans savoir que la définition de l’assiette des frais de garderie a déjà généré plusieurs contentieux, car certaines communes ne sont pas d’accord pour intégrer dans cette assiette des produits issus d’installation relevant d’une activité de service public.
Notre collègue Bernard Piras a été saisi de ce problème par quatre communes qui avaient accepté l’installation d’un centre d’enfouissement technique d’ordures ménagères sur leur territoire forestier. Pendant trente ans, l’ONF n’a pas demandé de frais de garderie aux communes, jusqu’à l’extension de l’installation, ce qui a incité les communes concernées à ouvrir une procédure contentieuse devant le tribunal administratif.
Vous savez, monsieur le ministre, qu’il n’est pas aisé de trouver un terrain pour des installations de traitement ou de stockage des déchets. Certains terrains nus inclus dans le zonage de parcelles forestières peuvent être utilisés à cette fin.
Vous en conviendrez, les communes qui acceptent ces installations sur leur territoire font déjà preuve d’une indéniable solidarité territoriale.
N’est-il pas possible d’exclure explicitement de l’assiette des frais de garderie les produits issus d’installations relevant d’une activité de service public et, au-delà, les antennes, les pylônes, voire les stations d’épuration qui peuvent se trouver sur ces territoires ?
Dans l’hypothèse d’une réponse négative, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des clarifications sur la charge financière nouvelle qui pèsera sur les communes du fait de cette extension de l’assiette des frais de garderie ?
Cet amendement tend à exclure de l’assiette des frais de garderie versés à l’ONF, qui constituent, malgré leur dénomination, une ressource pour l’Office, les produits issus d’une installation relevant d’une activité de service public.
Les auteurs de l’amendement souhaitent régler ainsi des cas particuliers qui ont pu susciter des difficultés d’interprétation. La commission comprend leurs motivations, mais elle imagine qu’il existe d’autres cas litigieux que ceux cités par Mme Bourzai, au-delà des installations d’enfouissement des déchets ménagers.
Je souhaiterais donc que M. le ministre nous communique une estimation de l’impact financier de cet amendement et une typologie des cas concernés.
Dans l’attente de ces éléments, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
L’avis du Gouvernement est défavorable, dans la mesure où l’adoption de cet amendement risquerait de compliquer excessivement un dispositif qui vise à assurer la pérennité des ressources de l’ONF.
Cette contribution de 2 euros par hectare, qui semble raisonnable, devrait permettre de mieux gérer la forêt. Si je comprends la logique de la distinction proposée par les auteurs de l’amendement, celle-ci me paraît cependant difficile à mettre en œuvre. Je rappelle également que le produit de cette taxe est estimé à 5, 6 millions d’euros environ : il s’agit donc d’une ressource importante pour l’ONF.
Enfin, je réaffirme mon opposition farouche, en tant que ministre de l’agriculture, à toute perspective de privatisation de l’ONF.
L’amendement est adopté.
L’article 48 est adopté.
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 741-4-1 est abrogé ;
2° L’article L. 741-15-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 741 -15 -1. – I. – Les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés du paiement de la part patronale des cotisations et contributions mentionnées au II dans la limite de vingt salariés agricoles employés en contrat à durée indéterminée par entreprise.
« Pour les employeurs appartenant à un groupe tenu de constituer un comité de groupe en application du I de l’article L. 2331-1 du code du travail, la limite de vingt salariés s’apprécie au niveau du groupe.
« II. – Les cotisations exonérées en application du I du présent article sont les suivantes :
« 1° La contribution prévue au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles ;
« 2° La cotisation due au titre du fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail prévue au deuxième alinéa de l’article L. 717-2 du présent code ;
« 3° La cotisation de la retraite complémentaire obligatoire des salariés versée aux institutions de retraite complémentaire mentionnées au I de l’article L. 727-2 ;
« 4° La cotisation due au titre du fonds national d’aide au logement prévue au 1° de l’article L. 834-1 du code de la sécurité sociale ;
« 5° La cotisation versée à l’Association pour la gestion du fonds de financement rendue obligatoire, en application des articles L. 911-3 et L. 911-4 du même code, par l’arrêté du 14 mars 2011 portant extension et élargissement de l’accord national interprofessionnel du 25 novembre 2010 portant prorogation de l’accord du 23 mars 2009 sur les régimes complémentaires de retraite AGIRC et ARRCO ;
« 6° La cotisation due au titre de l’assurance contre le risque de non-paiement des salaires prévue à l’article L. 3253-18 du code du travail ;
« 7° La contribution due au titre de l’assurance chômage prévue à l’article L. 5422-9 du même code ;
« 8° La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue prévue à l’article L. 6331-1 du même code ;
« 9° La cotisation versée à l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture rendue obligatoire, en application de l’article L. 2261-15 du même code, par l’arrêté du 15 septembre 2006 portant extension d’un avenant à l’accord collectif national de travail sur l’emploi dans les exploitations et entreprises agricoles ;
« 10° La cotisation versée au conseil des études, recherches et prospectives pour la gestion prévisionnelle des emplois en agriculture et son développement, dénommé PROVEA, rendue obligatoire, en application du même article L. 2261-15 du même code, par l’arrêté du 28 octobre 2002 portant extension d’un accord collectif national de travail sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l’organisation de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture ;
« 11° La cotisation versée à l’Association pour le financement de la négociation collective en agriculture rendue obligatoire, en application du même article L. 2261-15, par l’arrêté du 26 mars 1992 portant extension d’un accord national relatif à l’organisation de la négociation collective en agriculture.
« III. – L’exonération mentionnée au I du présent article est calculée chaque année civile, pour chaque salarié dans la limite d’effectifs mentionnée au même I. Son montant est égal au produit de la rémunération annuelle, telle que définie à l’article L. 741-10 du présent code, par un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d’une formule fixée par décret. Il est fonction du rapport entre la rémunération du salarié et le salaire minimum de croissance, lesquels sont appréciés selon les modalités prévues au III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Ce coefficient est maximal pour les rémunérations inférieures ou égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 10 %. Il est dégressif à compter de ce niveau de rémunération puis devient nul pour les rémunérations égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 40 %.
« IV. – Cette exonération est cumulable avec le bénéfice de la réduction dégressive de cotisations prévue au même article L. 241-13 ainsi qu’avec la déduction forfaitaire prévue à l’article L. 241-18 du même code.
« V. – Les caisses de mutualité sociale agricole versent à leurs attributaires, pour le compte de l’État, les sommes correspondant aux cotisations et contributions exonérées en application des I à III du présent article.
« VI. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. »
II. – Le premier alinéa du VI de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et avec l’exonération prévue à l’article L. 741-15-1 du code rural et de la pêche maritime ».
III. – Le présent article s’applique aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2012.
IV. – Le présent article s’applique dès lors que la Commission européenne a confirmé que cette mesure est compatible avec le 1 de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
L’amendement n° II-223, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Lors de la discussion de la première partie de ce projet de loi de finances, et notamment des articles 5 ter, 5 octies et 5 nonies, nous avons eu l’occasion de dénoncer la vision à court terme du Gouvernement, qui consiste à taxer certains produits pour ensuite gager et financer des exonérations fiscales ou sociales.
En ce qui concerne le secteur agricole, le projet de loi de finances initial prévoyait de financer les exonérations de charges sociales par des taxes sur certaines boissons. Il prévoyait également de diminuer la réduction de la taxe intérieure de consommation applicable au fioul domestique utilisé comme carburant diesel à usage professionnel, réduction dont bénéficient le secteur du bâtiment et des travaux publics ainsi que l’agriculture. Une fois, on taxe le carburant, l’autre, les produits alimentaires !
Nous considérons surtout que les exonérations de charges sur le travail des salariés permanents ne sont pas suffisantes pour répondre à la crise profonde que traverse le secteur agricole, d’autant moins qu’elles ne bénéficieront pas à tous les professionnels ; je pense en particulier à ceux qui emploient plus de vingt salariés ou ceux qui versent des salaires supérieurs au SMIC.
La présidente des Producteurs de légumes de France déclarait à ce sujet que la méthode de la dégressivité « est une machine à perdre » et que la tentation serait forte de diminuer les salaires.
À l’inverse, nous demandons une régulation de l’offre et de la demande, une garantie de prix rémunérateurs – également évoquée par M. le ministre – et, dans le cas présent, une harmonisation « par le haut » des statuts des travailleurs agricoles, car nous craignons le dumping social européen.
C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 48 bis, qui est loin de répondre aux exigences des professionnels du secteur agricole.
La commission des finances comprend bien les motivations des auteurs de cet amendement, car elles font écho à ses propres préoccupations. Les membres de la commission se sont donc longuement interrogés à ce sujet.
Cependant, la commission des finances, en dépit des réserves exprimées, a souhaité adopter l’article 48 bis, en raison des attentes fortes de la profession agricole. Je vous demande donc de retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, la commission des finances émettrait un avis défavorable.
Je trouve absolument formidable que le groupe communiste défende les grands groupes et les grands exploitants agricoles en refusant d’adopter une mesure qui ne bénéficie qu’aux petits exploitants agricoles, ceux qui emploient moins de vingt salariés !
Partout en France, où que vous alliez, dans n’importe quelle exploitation agricole, arboricole ou maraîchère, on réclame à cor et à cri la réduction du coût du travail en France !
Je noterai avec attention qui votera cet amendement et je me ferai un plaisir d’aller expliquer aux paysans français que certains, dans cette assemblée, qui se réclament de la justice sociale, estiment qu’il ne faut pas réduire les charges des petits exploitants agricoles, ceux qui emploient deux ou trois salariés, ont du mal à les payer et se tuent à la tâche pour assurer la survie de leur exploitation !
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° II-387 rectifié bis, présenté par MM. G. Bailly, Bécot, Revet, Pointereau, P. Leroy, César, Doublet, Huré, Laurent et B. Fournier, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La limite de vingt salariés agricoles ne s’applique pas aux services de remplacement.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 48 bis.
L’article 48 bis est adopté.
L’augmentation maximale du produit global de la taxe additionnelle perçue par l’ensemble des chambres départementales d’agriculture, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime, est fixée pour 2012 à 1, 5 %.
La question de la taxe pour frais de chambres d’agriculture est devenue un véritable feuilleton parlementaire, puisque son taux d’augmentation maximal est fixé chaque année par le Parlement, grâce à une modification de l’article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime votée lors de l’examen de la loi de finances. Si je me souviens bien, ce taux avait été fixé à 1, 8 % en 2007, à 1, 7 % en 2009 et à 1, 5 % en 2010.
L’année dernière, une augmentation maximale du produit de la taxe de 1, 5 % a été décidée, ainsi que l’institution d’un taux pivot qui laisse la possibilité à certaines chambres de bénéficier d’une augmentation pouvant aller à jusqu’à 3 %.
Pour l’année prochaine, le projet de loi de finances initial ne prévoyait rien. Finalement, dans la perspective des frais occasionnés par l’organisation des élections aux chambres d’agriculture qui auront lieu l’année prochaine, et afin que ces chambres assument la mission d’aide à l’installation qui leur a été déléguée, l’Assemblée nationale a adopté un amendement fixant ce taux à 1, 5 %.
Notre groupe va voter cet article. En revanche, il souhaite exprimer ses regrets quant au désengagement de l’État de la politique d’aide à l’installation.
En effet, le Gouvernement a fait disparaître la ligne budgétaire finançant les associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, en nous disant que les chambres d’agriculture allaient assumer ces missions d’accompagnement à l’installation.
À l’époque, nous nous étions vivement opposés à l’adoption de cette mesure. Maintenant, nous sommes dans l’obligation d’augmenter le taux de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti pour que les chambres d’agriculture puissent assumer leurs nouvelles missions. Or cette taxe pèse sur les propriétaires de terres et donc, en grande partie, sur les exploitants agricoles.
Cette charge a donc été transférée du budget de l’État sur les professionnels, ce qui nous paraît tout à fait regrettable.
L’article 48 ter est adopté.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinquante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.