Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner que la commission des lois a choisi de faire un avis budgétaire spécifique sur les crédits consacrés à la politique de l’asile.
Monsieur le ministre, il ne serait pas justifié que l’asile fût considéré comme une sorte de codicille de la politique d’immigration. Cette dernière est fixée par le Gouvernement. L’asile, lui, est un droit : c’est le droit accordé à des personnes de bénéficier, parce qu’elles sont persécutées dans leur pays, de l’asile en France.
Au passage, permettez-moi de remercier les services du secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, qui nous ont beaucoup aidés et qui ont répondu à toutes nos questions dans des délais tout à fait remarquables ; cela mérite d’être salué.
Quelle est la situation telle qu’elle peut être perçue en chiffres ? On observe une augmentation significative du nombre des demandeurs d’asile depuis 2008 et l’on a enregistré près de 53 000 demandes en 2010. Selon vous, monsieur le ministre, c’est sans précédent. Or ce n’est pas vrai ! En effet, vous ne pouvez l’ignorer, entre 2003 et 2005, le nombre de demandes a été supérieur ; ainsi, il y en a eu, selon vos services, plus de 65 000 en 2004. Par conséquent, nous nous situons actuellement en dessous de ce nombre fourni par vos services pour cette année-là.
Face à cette réalité chiffrée, les éléments budgétaires nous posent problème, monsieur le ministre, car les crédits prévus pour 2012 sont manifestement sous-évalués. Vous ne manquerez pas de me répondre – mais, après m’avoir entendu, je pense que vous y renoncerez ! – que les crédits augmentent par rapport à l’année dernière puisqu’ils atteignent 409 millions d’euros pour le programme 303.
Toutefois, monsieur le ministre, quand on sait que le montant des crédits réellement exécutés en 2011 pour le même programme a excédé 522 millions d’euros, on comprend que cette augmentation est totalement fictive et qu’elle traduit tout simplement la sous-dotation des années précédentes.
Nous sommes donc en droit de nous interroger sur la conformité au principe de sincérité, inscrit dans la LOLF, d’un budget que vous nous présentez comme étant en augmentation puisqu’il ne l’est pas. En effet, les sommes indiquées, inférieures à ce que vous avez dépensé l’année dernière, seront fatalement insuffisantes !
La commission des lois a deux inquiétudes majeures.
La première concerne le recours excessif à la procédure prioritaire, qui peut être décidée lorsque le requérant est ressortissant d’un pays d’origine dit « sûr » ou lorsque sa demande apparaît comme « abusive ». Cela conduit à priver environ un quart des demandeurs d’asile d’un certain nombre de droits essentiels : droit au séjour, droit à un hébergement d’urgence, droit à l’allocation temporaire d’attente, après la notification de rejet de l’OFPRA.
J’insiste d’autant plus sur ce point qu’il est très difficile pour le préfet de présumer que la demande est abusive. En effet, de quels éléments dispose-t-il pour cela ?
De plus, dans un nombre non négligeable de cas de demandes jugées a priori abusives par le préfet, l’OFPRA et surtout la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, qui sont compétents pour se prononcer sur le bien-fondé de la demande, donnent finalement droit aux demandeurs.
J’insiste aussi sur le caractère non suspensif du recours devant la CNDA, qui pose un problème de droit sur lequel la Cour européenne des droits de l’homme doit prochainement statuer.
La seconde inquiétude majeure de la commission des lois concerne la saturation du dispositif des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA.
Moins de 40 % des personnes éligibles y ont accès, alors que le Gouvernement pourrait, sans dommage pour les finances publiques, accroître le nombre de places dans ces centres. En effet, le coût d’une place en CADA – un peu moins de 25 euros par jour – est légèrement inférieur à la somme du coût de l’allocation temporaire d’attente – 11 euros par jour – et de celui d’une place d’hébergement d’urgence – 15 euros par jour, en moyenne.
Il semble donc y avoir une volonté d’organiser la pénurie de l’hébergement dans ces centres, alors que nous devons y accueillir un nombre non négligeable de personnes.
Monsieur le ministre, je terminerai par la réforme du droit d’asile que vous avez annoncée vendredi dernier et qui alimente aussi notre inquiétude.
Celle-ci tient d’abord à l’extension de la liste des pays d’origine dits « sûrs ». Selon nous, les critères d’établissement de cette liste sont sujets à caution, comme le montrent, d’une part, un taux d’accords significatif devant l’OFPRA et la CNDA pour des personnes venant des pays en question et, d’autre part, l’annulation de la liste à deux reprises par le Conseil d’État, en 2009, puis en 2010.
Notre inquiétude tient en outre à votre souhait de diminuer ou de voir diminuer le nombre de demandeurs d’asile. Car cela ne dépend pas de vous ! Ni de nous ! Les demandeurs d’asile sont des personnes qui sont persécutées et qui ont droit à l’asile. Ce droit est reconnu par la convention de 1951 dont la France est signataire ; elle interdit de renvoyer un étranger…