Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, évoquer les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sans les rattacher à la politique mise en œuvre par le Gouvernement n’aurait aucun sens. Pour autant, débattre à nouveau sur le fond de cette politique ne ferait qu’alourdir un débat que je voudrais constructif.
Je rappellerai seulement, pour mémoire, que les cinq dernières lois sur le sujet votées depuis 2002 obéissent toutes à la même philosophie : mieux contrôler les entrées et les séjours des étrangers sur notre territoire ; améliorer les conditions d’intégration des étrangers régulièrement admis ; sanctionner avec une plus grande efficacité, en même temps qu’avec sévérité, tous les détournements de la loi.
Les dispositions retenues pour atteindre ces objectifs n’ont pas fait et ne font toujours pas l’objet d’un consensus, les uns considérant que la loi est insuffisamment répressive, les autres, qu’elle l’est trop.
Je n’entrerai pas dans ce débat, mais j’évoquerai les conséquences financières qu’emportent ces dispositions.
Cela a été rappelé, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012 connaissent une forte hausse, de plus de 12 %, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, supérieure à celle que prévoit par la loi triennale de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014.
Cette hausse s’explique par l’augmentation des dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile, notamment l’allocation temporaire d’attente et l’hébergement d’urgence, dépenses qui étaient jusqu’à présent sous-évaluées. Elle vient réduire l’effet de sous-budgétisation chronique de cette action, relevée chaque année depuis 2008 par la commission des finances, alors que l’on pouvait observer, corrélativement, la forte augmentation du nombre des demandeurs d’asile. Ainsi, pour 2012, le projet de budget est établi sur la base de 60 000 demandes, tandis que des projections crédibles situent cet effectif autour de 63 300.
Les conséquences de cet écart d’appréciation sont lourdes, à plusieurs égards, sans même parler de celles, pourtant non négligeables, qui sont relatives à la charge administrative indirectement induite et au coût budgétaire du contentieux.
En 2011, en effet, il aura fallu augmenter les crédits destinés à l’hébergement d’urgence de 127 %, ceux dévolus aux centres d’accueil des demandeurs d’asile de 2, 6 % et ceux consacrés à l’allocation temporaire d’attente de 66 %.
Nous constatons, d’ores et déjà, les nécessaires régulations budgétaires apportées au budget 2011, indispensables pour couvrir les dépenses d’hébergement et d’allocation temporaire d’attente. Ces mesures devront être amplifiées pour répondre au devoir qui est le nôtre d’accueillir dignement ces demandeurs d’asile, lesquels doivent bénéficier d’un accompagnement digne de ce nom pour préparer, dans le respect de leurs droits, leur dossier de demande. Or leur accueil dans les CADA devient, compte tenu de leur nombre, de plus en plus problématique, et le taux de places accordées, qui était de 31, 4 % au 31 décembre 2010, ne paraît pas devoir s’améliorer en 2012.
Il est de la responsabilité de l’État, monsieur le ministre, d’offrir à tous les demandeurs d’asile des chances égales d’obtenir le statut de réfugié, comme le préconisait en novembre 2010 un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et du contrôle général économique et financier.
Cette égalité des chances passe aussi par les conditions matérielles de leur accueil, qui diffèrent aujourd’hui selon les associations auxquelles sont confiés ces demandeurs d’asile.
Un autre problème récurrent est celui du budget de l’OFPRA, cet organisme chargé de traiter toutes les formes de demande d’asile. Les contraintes de délai auxquelles il est soumis pour examiner les recours formés devant la CNDA ont pour conséquence d’alourdir son budget de façon substantielle. La commission des finances du Sénat a évalué à 15, 7 millions d’euros l’économie que représenterait la réduction d’un seul mois du délai de traitement des dossiers. Or ce délai tend à s’allonger ; il a ainsi augmenté de 32 jours entre 2009 et 2011, ce qui induit un maintien prolongé, donc coûteux, en CADA ou en centre d’hébergement d’urgence.
Même s’il est prévu, dans le projet de budget pour 2012 de prolonger de près de six mois l’emploi de trente officiers de protection supplémentaires, on est en droit de se demander si cette ressource supplémentaire permettra de « déstocker » les 14 000 demandes encore en instance.
On ne peut que se féliciter du nombre supplémentaire de places offertes dans les centres de rétention administrative, les CRA : leur nombre est en effet passé de 1 071 en 2005 à 1 826 en 2011. Cependant, on est encore bien loin de l’objectif gouvernemental de 2 700 places qui devait être atteint en 2008 !
Outre le nombre de places manquantes, je voudrais relever le problème de la capacité de ces centres. Les différentes études conduites, à plusieurs reprises, par l’Inspection générale de l’administration, ainsi que les analyses de la commission des finances du Sénat, ont montré que les centres offrant les plus grandes capacités d’accueil sont aussi ceux où se posent les plus importants problèmes de tension sociale. La question de la réduction de la taille maximale des CRA et, par contrecoup, de leur nombre, se pose donc avec une particulière acuité, d’autant qu’elle a un impact sur le respect du droit : accès aux soins, assistance d’un traducteur, chambres d’isolement, etc.
Je ne manquerai pas de souligner, sur ce point, qu’il est urgent de créer, à Mayotte, un centre adapté aux besoins de ce département, qui connaît les chiffres les plus lourds de France en matière d’immigration irrégulière et de reconduite à la frontière.
Je n’ai abordé, monsieur le ministre, que quelques points, auxquels je suis particulièrement attachée. Bien d’autres mériteraient un long développement.
Je veux croire que votre administration saura trouver les voies indispensables pour que la France reste bien ce pays des droits de l’homme qui fait notre force et notre fierté.
Vous avez souligné hier, en réponse à une autre intervention, les efforts accomplis pour améliorer l’accueil des étrangers en préfecture ; je ne les nie pas. Il ne nous reste plus qu’à être exemplaires en matière d’accueil des personnes humainement fragilisées.
Au vu des éléments contenus dans les différents rapports, la majorité du groupe RDSE votera contre les crédits de cette mission. Ses autres membres s’abstiendront ou voteront pour.