Intervention de Renée Nicoux

Réunion du 2 décembre 2011 à 15h45
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Renée NicouxRenée Nicoux, rapporteure pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » constitue l’occasion de nous pencher sur la politique menée par le Gouvernement en faveur de l’agriculture. Le budget de l’État y contribue, mais ce n’est pas le seul outil dont le Gouvernement dispose. Mon propos ira donc au-delà de la seule analyse des crédits, qui viennent d’ailleurs de nous être présentés par mes collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

La situation de l’agriculture s’améliore globalement depuis l’année 2009, durant laquelle la crise a touché quasiment toutes les filières. Néanmoins, tous les agriculteurs vous le diront : une hirondelle ne fait pas le printemps. Quatre phénomènes doivent nous inquiéter.

Premièrement, s’il est vrai que la diversité des territoires et des productions constitue une richesse, il n’en demeure pas moins que les agriculteurs ne s’en sortent pas de la même manière et que les inégalités se creusent. Par exemple, le revenu courant avant impôt par actif agricole est de 40 000 euros à 45 000 euros dans les grandes cultures, contre 15 000 euros en viande bovine. La sécheresse a encore pénalisé les éleveurs en 2011, même si la situation semble meilleure depuis l’automne. Le système des subventions européennes reste lui-même très inégalitaire.

Deuxièmement, les relations entre l’amont et l’aval restent déséquilibrées, ainsi que l’a mis en évidence l’Observatoire des prix et des marges. Hélas ! Ce dernier ne fait qu’observer le phénomène, sans le contrarier. La contractualisation, rendue obligatoire cette année pour les fruits et légumes et pour le lait, ne modifie nullement le rapport de force entre producteurs, industriels et grande distribution.

Troisièmement, les agriculteurs sont et seront exposés de plus en plus aux risques non seulement climatiques, mais aussi économiques, du fait de la volatilité des prix agricoles. De ce point de vue, les résultats du G20 agricole du mois de juin 2011 sont décevants. Les seules décisions concrètes ont été de mettre en place à l’échelon mondial un système d’information sur les marchés agricoles, pour mieux connaître l’état des stocks, et de favoriser le dialogue avant toute décision, comme la fermeture des frontières, ainsi que l’a fait la Russie l’année dernière, en interdisant les exportations de blé pour privilégier son approvisionnement intérieur. Rien sur la régulation des marchés financiers, rien sur la régulation des marchés agricoles ! Nous restons prisonniers de la vision libérale, qui a cours également à l’OMC.

Quatrièmement, la réforme de la politique agricole commune, la PAC, pour la période 2014-2020 ouvre une ère d’inquiétudes. Certes, le projet de cadre financier pluriannuel préserve le budget de la PAC en euros constants, à 371, 7 milliards d'euros, mais les négociations conduiront peut-être à réduire cette enveloppe. La réforme des aides et de l’organisation des marchés, qui a été dévoilée au mois d’octobre dernier, ne constitue pas une révolution pour la PAC. Celle-ci reste orientée vers les marchés, avec très peu de régulation, et même le démantèlement des quotas de sucre. Le verdissement de 30 % des aides vise à répondre à l’enjeu environnemental, qui est fondamental, mais qui doit être explicité.

Pour en revenir aux crédits de la mission, qui s’élèvent à un peu plus de 3, 5 milliards d’euros, je souhaite apporter trois commentaires rapides.

Tout d’abord, le budget de l’agriculture n’échappe pas à la rigueur, affichant une baisse initiale des moyens de 2, 1 % en crédits de paiement par rapport à 2011. En application du plan d’économies de 1 milliard d'euros supplémentaires annoncé par le Premier ministre, 22 millions d'euros ont encore été retirés lors de la discussion de la mission à l’Assemblée nationale. La contrainte pèse sur l’emploi, avec près de 450 emplois supprimés au total sur les programmes 206 et 215, et des réductions prévues également pour la quasi-totalité des opérateurs de la politique agricole : FranceAgriMer, Agence de services et de paiements. Enfin, les gels de crédits en cours d’exercice vont encore amputer les moyens réels du ministère. La rallonge de 210 millions d'euros votée à l’Assemblée pour financer l’allégement de charges sur le travail permanent en agriculture ne doit pas faire illusion.

Ensuite, monsieur le ministre, ce budget est très fortement contraint et vos choix ont surtout consisté à reconduire les crédits qui interviennent en complément de crédits européens – je pense à l’indemnité compensatoire de handicap naturel ou à la prime vache allaitante – ou ceux qui servent à compenser les exonérations de charge. Les 500 millions d’euros qui étaient initialement prévus sont désormais portés à 710 millions d'euros, soit un tiers du programme 154. Bref, c’est un budget de dépenses obligatoires.

Enfin, monsieur le ministre, vos marges de manœuvre face aux crises sont bien maigres. Le Fonds national de gestion des risques en agriculture n’est pas doté, le dispositif « agriculteurs en difficultés », ou AGRIDIFF, et le Fonds d’allégement des charges reviennent à leur étiage. Nous devons espérer ne pas connaître d’imprévu en 2012.

La baisse des charges sociales dans le travail agricole permanent, qui constitue votre axe majeur pour 2012, ne répond pas aux véritables enjeux actuels, même si elle soulage momentanément les agriculteurs.

Je voudrais aussi évoquer brièvement l’agriculture ultra-marine. Le conseil interministériel de l’outre-mer a proposé de développer l’agriculture outre-mer en s’appuyant sur les cultures traditionnelles, banane et canne à sucre, mais aussi en appuyant de nouvelles productions destinées au marché local.

Le rapport que mes collègues et moi-même avons élaboré souligne l’importance de l’agriculture outre-mer et appelle à la soutenir fortement. En effet, ces territoires ultramarins disposent d’un énorme potentiel de développement, que la future PAC ne devra pas non plus oublier.

Telles étaient les remarques que je souhaitais formuler. Les critiques adressées à la politique agricole ont conduit la commission de l’économie à émettre un avis défavorable sur l’adoption des crédits de cette mission.

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