Monsieur le ministre, en vous exprimant devant les députés, vous vous êtes déclaré « profondément convaincu que l’avenir de l’agriculture ne se jouera pas sur l’augmentation ou la baisse du budget du ministère de l’agriculture. » Vous avez même ajouté ceci : « Ne laissons pas croire aux paysans français que c’est sur les crédits du ministère que se joueront leur compétitivité et leur capacité à réussir demain ! ».
S’il est vrai que la politique agricole commune pèse bien plus que le budget national de l’agriculture, cela ne doit pas pour autant permettre de justifier le coup de rabot de 22 millions d’euros sur le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », qui fait suite à ceux des années précédentes et à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, que nous n’avons de cesse de condamner.
La politique agricole nationale doit, certes, permettre le maintien des grands dispositifs nationaux de solidarité et d’aménagement du territoire que sont la prime à la vache allaitante, l’indemnité compensatrice de handicap naturel et la prime herbagère agro-environnementale.
Au-delà, des questions aussi essentielles que le revenu agricole, la formation, l’agronomie, la transmission, la diversification des modes de production ou le volet sanitaire relèvent, pour beaucoup, de l’impulsion que peut donner le budget de l’agriculture.
L’urgence d’une nouvelle loi d’orientation agricole se fait sentir, au regard de l’évolution actuelle de l’agriculture française. Nous formons donc le vœu que les conditions soient réunies au mois de juin 2012 pour proposer autre chose à la « ferme France » et pour infléchir la PAC 2014-2020 dans un sens plus équitable.
Monsieur le ministre, vous avez longuement évoqué la question de la compétitivité. La réduction du coût du travail n’est pas une option que nous partageons. Pour réduire d’un euro le coût du travail des plus bas salaires des travailleurs agricoles, d’une part, vous reprenez de l’argent dans la poche de tous les agriculteurs, y compris ceux qui n’emploient pas de salariés, et ce par le relèvement de la taxe intérieure de consommation sur le nouveau gazole, et, d’autre part, vous taxez doublement les boissons sucrées, ce qui pénalisera les jeunes et être contre-productif en matière de lutte contre l’alcoolisme.
Avouez que ce tour de passe-passe à 220 millions d’euros ne convainc personne, pas même ses prétendus bénéficiaires. La dégressivité du système, au-delà de 1, 1 fois le SMIC est une « machine à perdre », pour reprendre la formule employée par Angélique Delahaye, présidente des Producteurs de légumes de France, qui ajoute : « Mieux nous payons nos salariés, moins nous recevons d’allégements. »
La productivité, autre volet de la compétitivité, trouve également ses limites quand une truie atteint les 28 porcelets à l’année, quand une vache dépasse les 15 000 litres de lait ou quand un hectare de maïs ou de blé peut produire entre 80 et 120 quintaux. Ces objectifs insensés épuisent les sols et les animaux.
Les pistes qui consisteraient à rogner sur le volet social et le volet environnemental pour améliorer productivité et compétitivité n’ont pas d’avenir. Vous avez raison quand vous dites qu’on ne peut pas systématiquement tordre le cou des paysans ou faire du dumping social. Mais, de grâce, passons aux actes !
Les outils que vous avez mis en place restent insuffisants à nos yeux. Je veux évoquer, d’une part, la contractualisation, et, d’autre part, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
L’exemple des négociations entre les producteurs de lait et Lactalis montre toutes les difficultés d’une contractualisation qui se voudrait équilibrée.