Monsieur le ministre, quand comptez-vous publier le décret portant création des organisations de producteurs, que ces derniers attendent ? J’espère obtenir une réponse de votre part. Les producteurs tentent d’imposer un accord tripartite, ce que refuse Lactalis, qui les pousse à signer des contrats individuels et à accepter des conditions à son avantage, notamment en matière de rupture contractuelle.
Par ailleurs, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a publié son premier rapport le 27 juin dernier.
Il en ressort des données intéressantes. La marge commerciale représente en moyenne entre 35 % et 59 % du prix au détail selon les fruits et légumes, 35 % pour l’emmental, 30 % pour le yaourt. Pour la viande porcine, la marge brute des grandes et moyennes surfaces représente plus de 50 % du prix au détail de la longe et 45 % de celui du jambon cuit.
Tous cela montre que la part restant au producteur peut être modulée en sa faveur, afin d’assurer un revenu agricole décent, de pérenniser nos exploitations et de renforcer nos capacités productives. Il reste à faire preuve d’imagination, à avoir la volonté politique d’intervenir dans la répartition des marges, avec, pour point de départ, la fourchette incompressible de la marge indispensable au premier maillon de la chaîne, celui de la production.
Monsieur le ministre, il n’est pas dans nos habitudes de ne pas souligner ce qui nous paraît positif. Aussi, nous vous remercions d’avoir modifié par décret l’article du code des marchés publics relatif aux circuits courts dans la restauration scolaire, qu’évoquait Raymond Vall à l’instant. Nous espérons que ce dispositif ne sera pas remis en cause et qu’il permettra de faciliter l’achat de produits locaux pour nos collectivités. Cela devrait également contribuer à une amélioration qualitative et diététique, objectif, que nous partagions dès l’origine, inscrit au titre Ier de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Bien d’autres sujets ont émaillé cette année 2011. Je pense notamment à la sécheresse.
L’acompte de 100 millions d’euros, l’anticipation du versement des aides PAC et la facilitation des transports de fourrage ne sont, certes, pas des mesures négligeables pour atténuer les effets de la sécheresse.
Mais, dans mon département de l’Allier, la règle fondée sur un taux de 13 % de perte de revenus a privé un certain nombre d’éleveurs de ces aides. Pour cette raison, l’enveloppe de 12, 5 millions d'euros que vous avez mise à la disposition du département ne serait pas entièrement consommée.
Monsieur le ministre, je me permets donc de relayer auprès de vous une demande des agriculteurs des exploitations tout en herbe : ceux-ci souhaitent un système de calcul plus favorable, qui pourrait fonctionner, par exemple, sur la base de 45 % de fourrage perdu. Je vous saurais gré de bien vouloir m’apporter une réponse aujourd'hui.
Les propositions du Président de la République concernant le stockage de l’eau appellent un véritable engagement financier pour ne pas se réduire à un affichage supplémentaire. Le stockage de l’eau concerne essentiellement le dépannage des cultures d’irrigation. Il conviendrait de lever les intérêts divergents entre EDF et le pompage de l’eau, notamment l’été. D’autres mesures de réduction des cultures gourmandes en eau, d’assolement et de rotation des cultures, de stockages régionaux de fourrages mériteraient d’être étudiées et réalisées.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement la PAC 2014-2020, dont l’avenir reste incertain dans le contexte actuel de crise et de dette des États.
Le maintien du budget de la PAC, le plafonnement des aides et le verdissement sont a priori des mesures qui vont dans le bon sens. Cependant, il faudra rester prudent et examiner avec attention les conditions d’attribution. Par exemple, il est très inquiétant de voir que la première région agricole de France, la Bretagne, perdrait 120 millions d’euros après 2013, soit une perte moyenne de 70 euros par hectare.
L’abandon des quotas laitiers et la suppression du régime des droits de plantation sont des mesures obtenues par les pays les plus ultralibéraux, mesures qui contribueront à déréguler encore davantage le marché.
Au sein de cette nouvelle PAC, le traité de Lisbonne et les règles de la concurrence libre et non faussée continuent de s’appliquer. Dans le cadre de l’OMC, l’abaissement des droits de douane, ainsi que le troc entre notre agriculture et les produits manufacturés se poursuivent. Nos priorités devraient être ailleurs : il s’agit de nourrir les 500 millions d’Européens, de faire bénéficier de notre coopération les pays les plus démunis, d’assurer des revenus décents aux producteurs et de mettre au point l’agriculture de demain, à la fois productive et durable.
À cette fin, l’obligation de trois cultures irait dans le bon sens. Monsieur le ministre, les précédentes réformes de la PAC ont été désastreuses, et celle qui nous arrive est plus qu’imparfaite. Un débat sur les résultats du dernier recensement général agricole devrait permettre une analyse plus fine des dégâts entraînés par les politiques agricoles mises en œuvre. Dans ce contexte, les mesures d’aide en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs pourraient-elles s’appliquer, comme cela est demandé dans mon département, avec une rétroactivité de cinq ans ? J’attends aussi votre réponse à cette question.
Les sénateurs communistes ont proposé, lors de l’examen des différents textes, les mesures qu’ils jugent indispensables pour assurer des revenus agricoles aux travailleurs du secteur permettant de vivre dignement, pour rompre le cercle vicieux du déséquilibre dans les rapports commerciaux, qui pèse à la fois sur les agriculteurs et sur les consommateurs, dont le pouvoir d’achat est au plus mal.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous défendons une agriculture durable, dans notre pays comme dans le monde. Ce projet de budget n’est pas à la hauteur du changement radical de politique agricole qu’il convient d’engager, le Gouvernement ne paraissant pas en avoir la volonté. Vous le comprendrez donc, les sénateurs de mon groupe voteront contre les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».