Les exportations, quant à elles, progressent, notamment grâce à l’ouverture du marché turc. Mais comme l’a rappelé le dernier rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la France n’est pas autosuffisante en matière de viande bovine : notre pays doit en importer des volumes non négligeables alors que nous disposons du premier cheptel de l’Union européenne !
Monsieur le ministre, vous le savez mieux que personne, un long chemin reste à parcourir pour assurer la modernisation du secteur de la viande bovine et lui faire retrouver la voie de la compétitivité. Nous comptons sur vous. La France dispose de nombreux atouts : la traçabilité et la sécurité sanitaire de nos produits sont exemplaires.
La filière équine constitue, à mes yeux, un second sujet d’inquiétude. En tant que président sortant du groupe d’études sur l’élevage, section cheval, du Sénat, je suis naturellement attentif à cette activité dont dépendent au total près de 75 000 emplois et qui contribue à l’aménagement du territoire ainsi qu’à l’entretien des paysages.
Je saisis cette occasion pour me féliciter du classement de l’équitation de tradition française par l’UNESCO, au titre du patrimoine immatériel de l’humanité. Il s’agit d’un hommage rendu à l’excellence de notre filière nationale.
Vous le savez, monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, le groupe cheval s’est pleinement mobilisé au sujet des menaces pesant sur le taux réduit de TVA appliqué, en France, aux activités du secteur équin.
En effet, la Commission européenne a engagé des procédures devant la Cour de justice de l’Union européenne contre plusieurs États membres, dont la France, en raison de leur taux réduit de TVA dans ce secteur, estimant qu’il ne relevait pas des « activités agricoles ».
Les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche ayant déjà été sanctionnés par la Cour, les professionnels s’alarment d’une probable condamnation de la France au cours des prochains mois. Une telle décision porterait un rude coup à la filière, même si l’on ne peut, pour l’heure, préjuger ce que déterminera la Cour de justice, ni dans ses conclusions ni dans ses attendus.
Nous avons donc pris, dès le printemps, attache avec les différents ministres concernés, avec vous-même, monsieur le ministre, et, sur l’initiative de mon collègue Jean Bizet, alors président de la commission des affaires européennes, le Sénat a adopté une résolution précisant que le taux réduit de TVA devait « continuer à s’appliquer à l’ensemble de la filière équine, tant à la livraison des équidés qu’aux activités qui s’y rattachent ».
Toutefois, ce dossier est particulièrement complexe. En effet, si la Commission conteste que la filière dans son ensemble puisse être assimilée à une activité agricole, soumise au taux réduit de TVA, elle semble admettre qu’une partie de ses activités en bénéficie, au titre des activités sportives.
Tel est le sens d’une récente réponse apportée par la Commission à une question posée par deux députés européens, et qui indique que « les livraisons de chevaux en vue de leur utilisation dans la production agricole peuvent être soumises au taux réduit dans certaines conditions. En outre, le droit d’admission aux manifestations sportives et le droit d’utilisation d’installations sportives sont éligibles au taux réduit. Ces droits sont également éligibles au taux réduit de TVA dans le secteur équestre ».
Je me réjouis pour la filière que le Sénat ait adopté, après l’Assemblée nationale et avec le soutien du Gouvernement, l’article 5 sexies de la première partie du présent projet de loi de finances, dont M. Marini a souligné que la formulation était « eurocompatible ». Cette disposition permettra de maintenir un taux réduit de TVA pour les activités sportives.
Toutefois, je ne suis pas convaincu de l’efficacité de cet article qui, à mes yeux, soulève plusieurs difficultés. En effet, les courses hippiques, la vente de chevaux ou encore les opérations de saillie n’entrent pas dans son champ d’action. L’article 5 sexies marque donc une rupture dans l’approche de la filière, envisagée aujourd’hui d’une manière homogène, telle que l’avait instituée la loi. La position de la France pourrait s’en trouver affaiblie dans la négociation européenne relative à la TVA et dans sa volonté de voir ce secteur d’activité traité de la même manière.
De plus, une telle disposition mettrait à mal la solidarité qui s’est nouée entre les différentes spécialités de la filière.
Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour les autres secteurs de la filière, et en particulier les courses ? Vous mesurez l’importance de l’élevage de chevaux de course en France et de la concurrence fiscale européenne dans ce domaine. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux intégrer les courses dans le monde sportif – ce ne serait pas abusif – ou, à tout le moins, élaborer un mécanisme leur permettant de disposer d’un taux de TVA identique ?
Je rappelle qu’en 2003, au Haras du Pin, les ministres de l’agriculture, des sports et du budget avaient annoncé ensemble un « nouveau départ » pour la filière, en conférant au cheval un statut agricole. De fait, les chevaux de course participent des activités agricoles : ils broutent tous de l’herbe ! §
Toutes ces questions sont cruciales pour un secteur économique qui, les statistiques l’attestent, fait vivre de nombreuses familles et dont on ne dira jamais assez qu’il constitue un pan à part entière de notre agriculture, aménageur du territoire.
J’évoquerai enfin les associations de races françaises de chevaux de trait, fédérées par France-Trait, dont j’avais souligné la détresse financière l’année dernière. Cette année encore, leurs moyens subissent une baisse, ce qui ne manquera pas de poser de sérieux problèmes pour leur fonctionnement. Elles ont pourtant parfaitement répondu aux demandes successives de l’État, et comptent sur votre attention, monsieur le ministre.
À l’heure où nombre de négociations sont en cours, au niveau international avec le G20 et au niveau européen dans le cadre des réunions consacrées à la PAC, la France agricole s’interroge sur son avenir dans le contexte de la mondialisation, qu’il convient de saisir comme une chance et plus seulement comme une contrainte.
Monsieur le ministre, nous sommes conscients de votre engagement dans les enceintes internationales pour défendre les intérêts de l’agriculture française, et nous comptons naturellement sur vous.