Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprimerai sur le programme 149 « Forêt ».
Cette année internationale de la forêt aura été marquée en France par la difficile renégociation du contrat de plan État-ONF pour la période 2012–2016 et par un certain nombre de modifications structurelles affectant le programme 149.
Je tiens d’abord à rappeler un certain nombre de principes qui, je crois, devraient guider toute réflexion en matière forestière.
Au fond, qu’est-ce qui est important lorsqu’on parle de forêt ? Il convient de ne jamais perdre de vue la forêt comme écosystème, la forêt comme garantie d’une eau de qualité, la forêt comme processus de fixation du carbone atmosphérique, la forêt comme lieu d’accueil du public et donc comme espace de convivialité où s’exercent des droits obtenus à la Révolution.
La forêt s’inscrit par ailleurs dans un temps long et symbolise en cela, mieux que toute autre chose, ce que peut être le développement durable, concept de plus en plus galvaudé. C’est pourquoi elle nécessite la préservation des savoir-faire des forestiers ainsi qu’un engagement continu et une vision de long terme, que seul l’État, au moyen d’un service public, peut garantir. Et je rappelle ici deux principes de ce service public : la continuité du service et l’égalité devant celui-ci.
Avec l’affichage par le Président de la République d’une ambition forte pour la forêt française, on pouvait donc s’attendre à ce que la période qui s’ouvre soit marquée par un nouvel engagement fort de l’État dans ce domaine.
Or qu’observe-t-on ? Le Gouvernement veut accroître la part de l’effort qui incombe aux collectivités – 9 % en 2010, 11 % en 2011 et plus de 15 % en 2012 – pour réduire celle de l’État. Ainsi, il a proposé à l’Assemblée nationale d’augmenter les frais de garderie en en élargissant l’assiette et en proposant une contribution forfaitaire à l’hectare de deux euros, qui n’est pas compensée par une baisse du taux de 12 % et qui impactera donc toutes les communes forestières, en particulier les communes propriétaires de forêts peu productives, notamment dans le sud de la France.
Cette nouvelle version des frais de garderie est-elle compatible avec la philosophie du régime forestier, qui a toujours constitué un outil de péréquation et permis une même qualité de gestion en tous points du territoire ? Nous en doutons et nous reviendrons sur ce point lors de l’examen de l’article 48.
Toutefois, comme je l’ai indiqué, cette hausse des frais de garderie est aussi un bon moyen pour l’État de se désengager. Monsieur le ministre, vous nous aviez dit vouloir maintenir le versement compensateur et, de fait, il est maintenu au même niveau en valeur nominale. Mais, en euros constants, cela veut dire la poursuite de la baisse continue amorcée depuis de nombreuses années. Par ailleurs, l’apport de l’État s’inscrit en augmentation grâce à la contribution exceptionnelle de 46 millions d’euros pour ce contrat et à la hausse de la dotation pour les missions d’intérêt général. C’est une bonne chose.
Cependant, la question reste posée de savoir si ces nouveaux moyens financiers seront pérennisés. En outre, seront-ils suffisants, sachant qu’une partie sera consacrée à l’augmentation de la contribution aux retraites des fonctionnaires ? Enfin, pourquoi prévoir la suppression de 693 postes de fonctionnaires équivalents temps plein, dont 77 en Lorraine, ma région, pour autoriser dans le même temps le recrutement de 80 équivalents temps plein adossés à des contrats de droit privé ? À quand une gestion des ressources humaines et des compétences digne de ce nom ?
Pour en revenir aux objectifs en termes d’exploitation, la répartition de l’effort demeure insatisfaisante. On veut toujours demander plus à la forêt publique, quand l’essentiel des gisements est en forêt privée. Or, il suffit de regarder les dotations du Centre national de la propriété forestière, le CNPF, pour constater les hésitations de l’État en la matière.
La restructuration de l’ancien centre national et des dix-huit centres régionaux est a priori louable, car elle permet une mutualisation pertinente des moyens sans pour autant remettre en cause l’autonomie de gestion des anciens centres régionaux.
Malheureusement, le compte n’y est pas sur le plan des crédits de fonctionnement, puisqu’ils ont été réduits de près de 22 % en 2011, pour n’être augmentés que de 18 % pour l’année à venir, alors même que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 a généralisé l’obligation faite aux propriétés forestières de plus de 25 hectares de se doter d’un plan simple de gestion, que celles-ci soient ou non d’un seul tenant, ce qui multiplie généralement par deux le nombre de plans simples de gestion à instruire pour les centres régionaux.
En dépit de toutes les assurances que vous avez pu nous donner à l’occasion du débat de mai dernier sur la politique forestière et la filière bois, permettez-moi, monsieur le ministre, d’émettre des doutes quant à l’adéquation des moyens avec les objectifs poursuivis, et des craintes à l’égard de l’avenir de l’ONF et du régime forestier.