Au regard de l’importance de l’agriculture pour notre pays – l’élevage est présent sur 60 % de notre territoire, l’agriculture sur 100 % de celui-ci –, je dirais même qu’il manque d’âme.
Dans une période difficile, il manque aussi d’agressivité. Vous avez parlé de 5, 6, 7, 8 ou 9 milliards de personnes à nourrir : nous sommes déjà excédentaires à l’exportation, mais pourquoi ne pas envisager demain de produire et d’exporter davantage, si on le fait dans de bonnes conditions ?
Il est vrai que les agriculteurs sont des gens vaillants, durs au mal. Mais j’ai assisté récemment aux congrès des différents syndicats qui composent notre monde agricole, et je trouve que ce budget n’envoie pas de signes assez forts à la profession.
La légère baisse des crédits que l’on observe n’est pas un bon signal. Je ferai pour ma part des propositions pour augmenter ces derniers, mais, au préalable, il faut oser dire que cette diminution est le fruit d’un arbitrage. Le Gouvernement a fait le choix de réduire les déficits publics, mais aussi de se priver de nombreuses recettes qui auraient permis de financer certaines actions. Le rétablissement de la progressivité de l’impôt sur tous les revenus rapporterait ainsi de 10 à 20 milliards d’euros supplémentaires par an.
On compte un quart d’exploitations de moins qu’en 2000, et de nombreux agriculteurs rencontrent des difficultés financières, alors que la grande distribution ou les filières situées en aval accumulent les bénéfices.
Les prix des produits agricoles sont élevés et il ne fait pas de doute que nos concitoyens mangeraient beaucoup plus de viande, de fruits ou fromages si ces produits étaient plus abordables.
Les syndicalistes ont dû également attirer votre attention sur le maquis administratif auquel les agriculteurs sont confrontés, monsieur le ministre. Nous devons continuer à agir dans le sens d’une simplification.
Les problèmes ne manquent pas : un agriculteur retraité du bas de l’échelle touche 680 euros par mois pour une carrière complète, tandis que certains actifs ont des revenus inférieurs au SMIC ; le système d’assurances ne fonctionne pas très bien et le Fonds de garantie des risques s’avère inadapté ; les mesures de régulation des marchés sont homéopathiques…
La sécheresse du printemps dernier a également été terrible pour l’élevage. Vous avez certes fait des efforts, monsieur le ministre, en faisant le choix de privilégier la recherche de solutions structurelles d’avenir plutôt que le versement d’un deuxième acompte. Il n’en demeure pas moins que certaines trésoreries sont exsangues : dans le Massif central, nous redoutons des catastrophes humaines. Les préfets et les directions des territoires sont là pour accompagner les éleveurs, mais le ministère de l’agriculture reconnaît que certaines exploitations ont subi jusqu’à 70 % de pertes – autant dire une catastrophe.
Il me semble d’ailleurs que ce budget ne réserve pas une place suffisante à l’élevage, ni plus d’ailleurs qu’à l’aménagement du territoire. Lors des travaux en commission de l’économie, nous n’avons pas suffisamment insisté sur le rôle d’aménageur du territoire de l’agriculteur et sur le fait que le fonds commun de la République, c’est la mairie, l’Église pour certains, mais aussi l’agriculture. Elle occupe notre espace et fait vivre nos campagnes !
La plus grande ville de France, ce n’est pas Paris, monsieur le ministre, c’est l’ensemble des villages de notre pays, qui tous sont attachés à l’agriculture.
En ce qui concerne les aides, je suis pour la paix syndicale, mais je ne comprends pas qu’un gouvernement qui compte un homme de votre qualité et de votre poids ne prenne pas la responsabilité de commencer à rebattre les cartes, monsieur le ministre, notamment entre les céréaliers et les autres producteurs. Tout le monde sait que 10 % des exploitations touchent 50 % des aides, et qu’un autre groupe de 30 % des agriculteurs touchent 2, 5 % des aides.
Se pose aussi le problème du fossé entre les très grandes exploitations et les petites. Tout à l’heure, des chiffres ont été donnés par notre collègue Mme Bourzai. La réalité est bien plus dramatique que cela. En milieu très rural, on voit des exploitations d’élevage de 500, 700 ou 1000 hectares dont les agriculteurs ne peuvent plus faire le métier d’entretenir l’espace. Là aussi, vous avez manqué d’ambition, monsieur le ministre. Mais peut-être allez-vous faire preuve d’ambition, puisque tout peut changer.
Sur le dumping social, l’euro que vous retirez au coût horaire de la main-d’œuvre, c’est bien, c’est un signe, mais il faut trouver d’autres modalités : on ne peut pas laisser crever nos producteurs de pêches ou d’abricots face à la concurrence des produits qui viennent d’Espagne et sont vendus à des prix contre lesquels on ne peut pas lutter.
La question de l’hydraulique est importante. Nous savons tous que des programmes massifs vont être mis en œuvre. Dans la région Languedoc-Roussillon, nous avons un grand projet Aqua Domitia, avec conduite d’eau enterrée, pour 50 millions d’euros. Dans ce domaine, le budget prévoit 2 millions d’euros. Donc, je souhaite que nous fassions des efforts.
S’agissant du chiffre d’affaires, tout à l’heure un sénateur de cette partie de l’hémicycle