Intervention de Gérard Bailly

Réunion du 2 décembre 2011 à 15h45
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Gérard BaillyGérard Bailly :

Monsieur le ministre, je vais essayer d’être un peu plus positif que les collègues qui m’ont précédé car, dans un contexte budgétaire rigoureux, vous avez réussi à maintenir vos crédits à un montant identique à 2010 – 5, 5 milliards d’euros –, ce qui est déjà bien.

Je me réjouis, tout d’abord, de la pérennisation des dépenses d’intervention telles que – c’est important pour nous, vous le savez – l’installation des jeunes agriculteurs – 167 millions d’euros –, du développement des filières – 60 millions d’euros – et, surtout, des efforts faits pour l’élevage de montagne avec les 248 millions d’euros pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN – on sait que cela est capital – et la prime herbagère. Cela n’allait pas de soi dans le contexte actuel, on le sait bien.

Autre motif de satisfaction, la diminution de 1 euro par heure du coût du travail des salariés payés au SMIC. Selon moi, cette mesure est positive. J’ai entendu le contraire tout à l’heure, j’en suis surpris car je voulais demander que cet euro soit donné aux services de remplacement dans nos élevages, services qui réalisent un travail important. Je suis donc étonné de voir qu’une partie de l’hémicycle n’est pas favorable à la mise en œuvre d’une telle mesure.

Préserver notre compétitivité dans la concurrence européenne et mondiale est un vrai défi, surtout à l’heure où il va falloir nourrir – cela a été dit par nombre de collègues – déjà aujourd'hui 7 milliards d’hommes et où il va falloir rester productifs tout en préservant davantage notre environnement. Nourrir l’humanité, – cela a été dit également – c’est la belle mission des agriculteurs. Mais après avoir, pendant les années soixante et quatre-vingt, poussé les agriculteurs à une production intensive, l’enjeu est maintenant de conjuguer compétitivité économique et écologie en préservant les ressources naturelles, et en même temps de garantir, bien sûr, la sécurité alimentaire.

Monsieur le ministre, que pensez-vous du volet environnement de la PAC d’après 2013 où 30 % des aides aux agriculteurs seraient conditionnées à de bonnes pratiques, impliquant la mise en espace environnemental de 7 % de la surface totale des terres ? Ces pourcentages me paraissent excessifs. Quand on dit qu’il faudra de la terre pour nourrir l’humanité, que pensez-vous de ce chiffre de 7 % ?

Le fameux « verdissement » de la PAC, déjà bien compliqué, ne doit pas pour autant devenir la quadrature du cercle pour les agriculteurs et je peux vous dire que beaucoup d’entre eux sont inquiets. Soyez vigilant, monsieur le ministre, pour tous nos labels, nos AOC, qui sont souvent les productions de régions particulièrement difficiles et qui ne pourraient être compétitives avec d’autres productions. Il faut aussi que la PAC accepte que ces productions soient l’équivalence des possibilités de commercialisation de ces produits de qualité.

J’en viens, bien sûr, à la question de l’élevage, sujet que je suis de près, comme vous le savez.

J’ai noté avec satisfaction l’augmentation du prix du lait et de la viande bovine ces derniers mois et je m’en réjouis car 2009 et 2010 ont été des années très difficiles. Il n’empêche que nous nous interrogions l’an dernier, monsieur le ministre, – vous vous en souvenez peut-être – sur la formation du prix du steak : acheté 3 euros le kilogramme à l’éleveur et revendu 17 euros le kilogramme au consommateur... Les choses ont-elles beaucoup évolué depuis ? L’Observatoire des prix et des marges a-t-il facilité la transparence au niveau de la distribution et des grandes et moyennes surfaces ? Les grandes et moyennes surfaces, les GMS, ont-elles enfin produit les éléments d’information qu’on leur demande ? La grande distribution respecte-t-elle l’accord sur la répercussion de l’augmentation des coûts de production ?

Voilà quelques instants, un orateur affirmait que les prix alimentaires étaient élevés. Cela m’ennuie de le contredire, mais quand on sait que, aujourd'hui, les gens ne dépensent plus que 12 % de leur budget pour l’alimentation et que 4 % seulement du produit va chez les agriculteurs, cela me fait mal d’entendre de tels propos à cette tribune. En effet, ce n’est quand même pas l’alimentation qui coûte cher. Sinon, il ne faut pas dire qu’il faut donner aux agriculteurs la possibilité d’augmenter leurs prix.

L’augmentation des prix agricoles est en partie due à vos nombreux efforts, monsieur le ministre, et notamment ceux qui ont facilité les actions en faveur de l’exportation. Je me réjouis de votre annonce de la constitution d’un groupement d’exportation de viande bovine française. C’est un instrument indispensable qui permettra une meilleure organisation de nos exportations, digne de notre pays qui est le premier exportateur de viande bovine en Europe. Nous avons là une filière d’excellence reconnue, où la demande est en forte augmentation hors d’Europe, et il n’y a aucune raison pour que nous nous laissions prendre ces marchés notamment par l’Argentine ou le Brésil !

Je souscris donc totalement à votre vision, monsieur le ministre, de conquête de parts de marché à l’exportation – je sais que vous y avez déjà beaucoup contribué. C’est comme cela que nous préserverons l’avenir de nos filières françaises.

Je ne veux pas achever mon propos sur le chapitre de l’élevage sans vous demander, monsieur le ministre, de la vigilance – c’est un dossier qui m’est cher – sur le niveau des aides aux bâtiments d’élevage, c’est important pour les éleveurs. Il faut également faire attention à toutes ces parcelles d’herbe qui sont retournées pour faire des céréales.

Je dirai quelques mots sur la forêt et la filière bois : c’est une filière importante pour notre pays, source d’emplois et de création de richesses, mais pas encore assez exploitée. Parmi nos handicaps, il y a le manque de dessertes forestières, surtout dans les massifs de montagne, et un morcellement trop important des parcelles qui nuit à une gestion et une exploitation rationnelle des bois.

J’avais présenté dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP, un amendement visant à instituer une obligation d’information du propriétaire de la parcelle – moins de 4 hectares – à ses voisins immédiats en cas de vente, afin de favoriser le regroupement foncier, car je ne doute pas que, à l’instar des remembrements fonciers, on va faire des remembrements dans nos forêts. Cette obligation d’information a été transformée en « droit de préférence » à l’Assemblée nationale, ce qui a entraîné un certain nombre d’incompréhensions et de difficultés, notamment pour les notaires. Ces derniers ont, semble-t-il, augmenté d’une façon significative leur rémunération pour les petites parcelles, autorisés en cela par un décret du 17 janvier 2011. C’est dommage car les prix des transactions chez les notaires vont être dissuasifs pour les acquéreurs et l’objectif de pouvoir acheter les petites parcelles contiguës risque d’être mis en cause. Monsieur le ministre, c’est un point qu’il faut absolument revoir car c’est important.

Quant à l’instauration de la cotisation de 2 euros à l’hectare pour les communes forestières, contrairement à la collègue qui s’est exprimée tout à l’heure, je ne suis pas choqué que l’on sollicite une cotisation à l’hectare car il faut aussi une certaine péréquation et l’État, cette année, a fait des efforts en augmentant sa participation au financement de l’ONF.

Je ne terminerai pas sans évoquer – cela a été dit par M. Collin voilà quelques instants – les retraites agricoles, qui sont bien en dessous des retraites des autres professions, en particulier pour les femmes d’exploitant, et dont le montant est souvent misérable après plus de quarante années de cotisations... Je suis bien conscient que des efforts ont été réalisés en matière de revalorisation des pensions, avec surtout, en 2009, la création d’un minimum de pension pour les retraités du régime non salarié agricole. Mais qui, en France, accepterait de partir, après une carrière complète, avec une retraite aussi dérisoire ? À titre d’exemple, en Franche-Comté, selon les chiffres qui viennent de m’être fournis, c’est 735 euros en moyenne pour les chefs d’exploitation retraités. Combien de couples qui ont travaillé toute leur vie dans leur ferme ont encore moins de 1 200 euros par mois ? La loi de 2010 portant réforme des retraites prévoyait une étude sur la faisabilité de l’application de la règle des vingt-cinq meilleures années, comme cela se fait pour les salariés du régime général. Avez-vous, monsieur le ministre, les conclusions de cette étude, qui pourrait nous faire espérer atteindre 85 % du SMIC, comme l’avait souhaité le Président de la République ? Pensez-vous que les retraités agricoles peuvent avoir quelques espoirs d’amélioration pour l’avenir, malgré les grandes difficultés financières de notre pays ?

Je dirai enfin un mot sur l’enseignement supérieur agricole, mon collègue Jean-Claude Carle ayant appelé mon attention sur ce sujet.

Les crédits qui lui sont consacrés relèvent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais je souhaite profiter de votre attachement à ces filières, monsieur le ministre, pour connaître votre sentiment.

Sept écoles sont concernées, qui forment actuellement 50 % des ingénieurs français en agriculture. Dès 2003, l’État les a encouragées à développer leur activité de recherche, mais n’a pas intégralement versé les fonds nécessaires. Malgré l’adoption d’un décret le 23 juin 2009 concernant leur financement, les établissements sont encore aujourd'hui sous-dotés de 6, 5 millions d’euros.

Considérant l’importance de l’enseignement supérieur, mon collègue Jean-Claude Carle et moi-même souhaitons avoir une réponse.

Je vous redis toute ma confiance, monsieur le ministre, pour tout ce que vous avez déjà entrepris et je voterai, bien sûr, ce budget.

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