Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, voilà presque treize ans que je présente ce budget et, quels que soient les gouvernements en place, j'ai toujours essayé d'être l'avocat des anciens combattants auprès de l'État et de continuer à témoigner dignement et justement, à ceux qui ont défendu la France, la reconnaissance de la nation, la réparation et l'assistance qui leur sont dues.
Nous ne sommes pas encore au terme d'un bilan. Au collège et au lycée, on m'attribuait toujours l'appréciation « peut mieux faire ». Ce n'est pas la qualification que j'appliquerai à ce budget pour 2007, monsieur le ministre !
Depuis cinq ans, vous avez beaucoup fait pour nos anciens combattants. Je l'ai déjà dit, vous êtes le ministre de l'équité et, avec Mme Alliot-Marie, la ministre de la défense, vous faites partie de ces ministres qui ont marqué leur passage dans les responsabilités qu'ils ont exercées.
Je ne m'étendrai pas sur la présentation des trois programmes qui composent la mission. Ils ont été largement présentés l'an dernier pour la première application de la LOLF et n'ont pas été modifiés depuis. Ils sont détaillés dans le projet annuel de performances et dans le rapport, au même titre que l'évolution des crédits et des emplois. Je vous rappellerai simplement que les crédits de paiement de la mission se situent à 3, 75 milliards d'euros dans le projet de loi de finances initial.
Leur diminution de 3, 36 % est principalement liée à un transfert interne au programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » de 300 emplois civils et militaires, désormais comptabilisés sur l'Établissement de communication et de production de la défense, l'ECPA-D. Je n'entrerai pas dans le détail des actions de ce programme 167. Chacun sait que l'organisation de la journée d'appel de préparation à la défense, la JAPD, qui lui incombe reste quasiment le seul lien entre les jeunes générations et l'esprit de défense. Je salue au passage les efforts entrepris pour maîtriser le coût de la JAPD.
Quant à la baisse de 65 millions d'euros des crédits de paiement du programme 169, « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », elle ne traduit que partiellement la diminution du nombre des bénéficiaires de la dette viagère. En effet, la moyenne d'attribution, avec plus de 8 000 euros pour chaque ressortissant, progresse de 2, 25 %.
Me limitant à cette appréciation chiffrée, j'insisterai surtout sur les principales mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2007, notamment celles qui ont été introduites lors du débat à l'Assemblée nationale.
Je commencerai par les deux points d'indice qui, ajoutés aux deux points accordés l'année dernière, font passer la retraite du combattant - bloquée depuis 1978, il faut le rappeler - à 488 euros par an. Cet effort est plus que symbolique et matérialise clairement la reconnaissance de la Nation envers ses combattants d'hier. J'ai noté avec satisfaction que, contrairement à l'année passée, vous avez décidé que cette mesure ferait l'objet d'un seul versement, dès le 1er janvier prochain, assumant ainsi la concrétisation de l'initiative avant la fin de la législature. Ce qui est tout à votre honneur.
La progression des crédits destinés aux actions de solidarité de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, à l'intention des anciens combattants et de leurs ayants cause, se poursuit. Pour avoir participé aux travaux du groupe de travail sur la situation des veuves, je sais combien l'action de l'ONAC est déterminante envers cette population particulièrement fragile. Dans le projet de loi de finances pour 2007, vous aviez déjà augmenté ces crédits pour un montant de 500 000 euros. Je me réjouis donc que, lors du débat à l'Assemblée nationale, vous ayez souscrit aux conclusions de la commission des affaires sociales en gratifiant l'Office de 500 000 euros supplémentaires. Il pourra ainsi verser l'allocation complémentaire tant attendue dès 2007.
Mais pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que cette allocation sera bien attribuée aux veuves de soixante ans et plus et non pas aux seules veuves âgées de soixante à soixante-cinq ans ? La tonalité des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale a suscité des craintes chez certains.
J'apprécie également l'abondement des crédits d'appareillage, notamment en faveur des grands mutilés, pour 9, 8 millions d'euros. En effet, si le nombre de ressortissants diminue immanquablement, le handicap de certains s'aggrave tout aussi logiquement avec le temps, et le coût des matériels plus performants est plus élevé. Il serait insupportable que les anciens combattants, victimes de leur courage, ne puissent profiter, faute de moyens, des progrès technologiques dans ce domaine. Votre choix d'aider ceux qui souffrent au quotidien, dans leur chair, des séquelles de leur sacrifice passé est un bon choix.
Enfin - et principalement, devrais-je dire, au regard de la somme en jeu -, je me réjouis que le processus de « décristallisation » des pensions des anciens coloniaux, que vous aviez engagé, monsieur le ministre, voilà deux ans, ait reçu le soutien du Président de la République. Vous êtes à l'origine de cette démarche, et je souhaite le souligner ce soir, car la médiatisation de cette seconde étape a quelque peu gommé la première, qui est à mettre à votre crédit.
Toutefois, tout en louant la détermination avec laquelle vous avez mené votre mission, on est obligé de déplorer quelques points d'ombre, sur lesquels je ne puis faire l'impasse. Rien n'est parfait, nous le savons !
Je voudrais ainsi évoquer le cas des anciens du RAD-KHD, le Reichsarbeitsdienst et le Kriegshilfsdienst. Pour avoir assisté à la réunion que vous aviez organisée à Strasbourg avec les responsables de la fondation « Entente franco-allemande », je sais que l'échec de cette rencontre ne vous est pas imputable. Cependant, je ne puis admettre la résignation dans laquelle le Gouvernement s'est retranché devant l'hostilité du président de la fondation.
Tout aussi regrettable est le dysfonctionnement administratif affectant le traitement du dossier de la « campagne double ». Il me semble qu'il aurait été judicieux de diffuser l'information disponible, ce qui aurait permis à chacun de se forger un avis sur ce dossier.
Je ne m'étendrai pas sur la question du plafond majorable de la rente mutualiste, qui restait, dans la première mouture du projet de budget, figé pour la troisième année consécutive. Vous avez consenti, lors du débat à l'Assemblée nationale, une revalorisation bienvenue de 2, 5 points. Vous savez combien je déplore ces discussions de « marchands de tapis » et combien je regrette que vous ayez rompu avec le principe d'une augmentation annuelle, instauré par l'un de vos prédécesseurs, qui mettait fin à toute polémique sur le sujet. Je me suis souvent expliqué sur ce point. Quoi qu'il en soit, le plafond est désormais porté à 125 points, ce qui satisfera provisoirement le monde associatif, très attaché à la rente mutualiste.
J'évoquerai maintenant trois dossiers qui sont moins régulièrement abordés que les précédents, du moins dans le cadre des débats budgétaires, et sur lesquels il serait pourtant bon de se pencher.
Je sais, monsieur le ministre, quelle énergie vous avez déployée pour mettre fin aux injustices engendrées par le décret du 13 juillet 2000, certes nécessaire. Au regard de l'effort financier que cela représente, je vous en remercie de tout coeur.
Toutefois, le mieux est souvent l'ennemi du bien, et en soulageant les uns, on peut parfois meurtrir les autres. C'est ainsi que les pupilles de la nation ont, aujourd'hui, le douloureux sentiment d'être les laissés-pour-compte de la Nation. Alors que leurs pères sont morts pour la France, en défendant le drapeau tricolore de la façon la plus courageuse et en faisant le sacrifice suprême de leur vie, ces orphelins se voient considérés comme des « sous-victimes » par rapport aux orphelins de déportés. Il y a là une injustice notoire, qui ne peut perdurer. Depuis plusieurs années, je sollicitais la mise en place d'un groupe de réflexion et d'évaluation du nombre de bénéficiaires potentiels. Sans accéder à cette demande, mais dans un souci d'efficacité, vous avez fait effectuer par vos services ce chiffrage par conflit, ce qui a permis de gagner un temps précieux. Mais il importe maintenant d'en tirer rapidement les conséquences.
J'appellerai également votre attention, monsieur le ministre, sur le cas des combattants engagés, sous la responsabilité de Mme Alliot-Marie, dans des opérations extérieures, que l'on appelle dans notre jargon des OPEX. Ils souhaiteraient, par alignement sur ce que vous avez accordé, il y a quelques années, aux anciens combattants d'Afrique du Nord, se voir attribuer la carte du combattant dès quatre mois d'intervention.
Plusieurs raisons m'incitent à défendre cette démarche.
Premièrement, la spécificité de la mission de sécurisation et de pacification de ces combattants rend inapplicable la règle des actions de feu et des unités combattantes qui prévaut actuellement.
Deuxièmement, lorsque ces hommes seront en âge de faire valoir leurs droits, dans une vingtaine d'années à peu près, le nombre de ressortissants aura naturellement et inévitablement beaucoup diminué, et l'effort budgétaire sera plus aisément supportable. Il le sera d'autant plus qu'ils seront peu nombreux par rapport aux contingents de combattants engagés dans les conflits passés.
Troisièmement, ces hommes seront, dans l'avenir, la mémoire vivante de l'histoire contemporaine, et ce sera sur leurs épaules que reposera le poids de notre passé.
Enfin, sans dévoiler le contenu du rapport que je rendrai public au premier trimestre de 2007, je souhaite sensibiliser l'auditoire à ce que j'ai constaté durant les déplacements que j'ai effectués dans le cadre de la mission que je mène sur l'état des lieux de mémoire. Si tout ne peut être parfait partout, il est des choses qu'un pays comme le nôtre ne peut accepter.
Je demeure choqué, pour ne pas dire traumatisé, parce que j'ai pu constater, essentiellement en Algérie. Les cimetières militaires et civils étant quasiment confondus, il est impossible de se satisfaire du relatif entretien des uns sans se soucier de l'état de délabrement des autres.
Je reconnais, monsieur le ministre, que, en ce qui concerne les carrés et sépultures militaires, vous avez mis en oeuvre une politique de restauration d'une ampleur considérable, ce dont je vous remercie. Je pense particulièrement, à cet instant, à ce que j'ai pu voir à Mers el-Kébir.
Cependant, je ne puis occulter le spectacle dantesque qu'offrent les cimetières civils. Il est de l'honneur de notre pays de faire respecter ses morts, et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que, en accord avec le Quai d'Orsay, vous échafaudiez un plan de réhabilitation de ces sites, afin que nos compatriotes aient des sépultures décentes et que leurs familles retrouvent un minimum de sérénité.
Dans l'état actuel de mes réflexions, je suggère, pour l'entretien des lieux de mémoire, que l'on s'inspire davantage des systèmes mis en place par les pays étrangers, notamment anglo-saxons, et que l'on s'oriente vers un recentrage de cette fonction, tout en la dotant de moyens permettant d'assurer un suivi sur place et un entretien plus systématique.
Hormis les articles rattachés, que je présenterai dans un instant, et l'amélioration de la situation des veuves, que j'ai déjà commentée, d'autres modifications ont été apportées lors de l'examen du projet de budget à l'Assemblée nationale.
La minoration de 3, 8 millions d'euros visant à rectifier une erreur d'affectation des crédits de personnel n'appelle pas de commentaire particulier de ma part.
Les moyens de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations ont été transférés vers les crédits de la mission, pour 2, 8 millions d'euros, depuis la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Je ne peux qu'apprécier cette initiative de l'Assemblée nationale, dans la mesure où j'avais relevé cette anomalie dans mon rapport sur le projet de budget pour 2006.
Surtout, la mission a été dotée, en seconde délibération, des 110 millions d'euros nécessaires à l'application de l'article 43 bis rattaché, instituant la décristallisation. Ils sont financés par le biais d'un « gage interministériel ».
Je conclurai par un constat moins agréable : celui de la minoration de 18 millions d'euros des crédits de la mission, destinée à gager les ouvertures de crédits accordées lors de cette seconde délibération.
Il me reste à vous présenter, mes chers collègues, les articles rattachés à la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation ».
L'article 43 tend à fixer, à compter du 1er janvier 2007, à l'article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, à 37 points d'indice au lieu de 35 le montant de cette retraite. Le coût de cette mesure, qui s'appliquera également aux retraites du combattant des bénéficiaires des pays antérieurement placés sous souveraineté française, est estimé à 40 millions d'euros. Le montant annuel de la retraite du combattant, qui concerne près de 1 500 000 bénéficiaires, sera ainsi porté à 488 euros.
Je ne peux qu'approuver cette initiative, qui vient renforcer l'heureuse orientation prise en 2006. Je rappellerai, comme je l'avais fait l'année dernière, qu'un relèvement des retraites de 1 point d'indice coûte à peu près 20 millions d'euros, soit le coût d'une journée de grève à la SNCF. Par conséquent, si les grèves étaient moins fréquentes dans cette entreprise, on pourrait donner davantage aux anciens combattants !