Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par remercier notre collègue Jean-Claude Peyronnet, ancien rapporteur du programme « Protection des droits et libertés », qui a réalisé un excellent travail à cet égard.
Nous avons dû examiner ces propositions de crédits dans des délais très courts. En outre, le temps qui m’est imparti ce soir pour vous les présenter est limité. Je suis donc contrainte à un effort de synthèse et je m’attacherai essentiellement au programme « Défense des droits et libertés », et plus particulièrement, en son sein, à la situation du Défenseur des droits.
Je ne puis toutefois m’empêcher de faire un petit détour par la CNIL, qui voit ses crédits de paiement augmenter de 9 % en 2012, à 17 millions d’euros, et ses effectifs croître de 11 équivalents temps plein, soit une augmentation de 7 %. A priori, c’est une bonne nouvelle, mais il ne faut pas oublier de rapporter ces moyens aux objectifs et missions qui sont assignés par le Gouvernement à cette institution.
Il est ainsi difficile d’évaluer la charge de travail supplémentaire que représentera le traitement des notifications des failles de sécurité par les opérateurs de téléphonie. Surtout, la CNIL devra contrôler des dispositifs de vidéoprotection vingt fois plus nombreux – de 30 000 actuellement, ces derniers vont passer à 60 000 sur la voie publique et à 600 000 si l’on inclut tous les lieux privés. Cherchez l’erreur !
Lorsque je les ai interrogés sur la faible augmentation des moyens par rapport à la très forte croissance des dispositifs à contrôler, les membres du Gouvernement m’ont répondu que des décisions étaient attendues.
En 2011, 150 contrôles ont pu être réalisés par la CNIL et plus de 40 % d’entre eux ont montré des irrégularités. En 2012, la CNIL prévoirait d’en faire 450 environ. Je ne sais pas combien d’irrégularités elle constatera, mais, au regard des 600 000 dispositifs installés, les contrôles seront peu nombreux. En conséquence, on peut légitimement s’interroger sur la sincérité du budget ou des objectifs assignés à la CNIL.
J’en viens maintenant au Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante issue de la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui se substitue au Défenseur des enfants, à la HALDE, au Médiateur de la République et à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, et dont les missions ont été définies, tardivement, par la loi organique du 29 mars 2011.
L’absence de mission de préfiguration et les retards dans les nominations ont été quelque peu préjudiciables au démarrage de cette nouvelle institution. Cette lenteur tranche avec l’empressement du Gouvernement à appliquer, dans d’autres domaines, des décisions qui n’avaient pas encore été adoptées, ni même parfois discutées, par le Parlement…
Le groupe socialiste avait exprimé de fortes réticences au moment de la création de cette autorité constitutionnelle, notamment en raison de son manque de lisibilité. Je reconnais que M. Baudis a pris en compte nos inquiétudes et a retenu une organisation qui nous semble devoir profiter aux trois petites autorités administratives indépendantes d’autrefois.
Pour autant, l’absence de création de postes et la stabilité des ressources budgétaires pour 2011 et 2012 – avec une inflation à 1, 75 %, l’augmentation de 0, 7 % constatée pour 2012 s’apparente au mieux à un gel des crédits ! – m’inquiètent au regard des objectifs ambitieux assignés au Défenseur des droits.
Le nombre des saisines va inévitablement augmenter, en raison de la disparition partielle du filtre parlementaire, mais aussi parce que le Gouvernement a très clairement affiché sa volonté d’améliorer l’accès au droit des citoyens français.
En outre, les prérogatives du Défenseur des droits sont plus larges que celles des autorités administratives indépendantes qu’il remplace. Le pouvoir d’injonction, la possibilité de suivre les dossiers ou encore de se pourvoir en justice sont de très bonnes innovations, mais elles exigent des moyens supplémentaires.
De même, comme toute nouvelle autorité, le Défenseur des droits aura besoin de communiquer pour faire connaître son action aux Français. On devrait donc prévoir un budget de communication accru pendant les premières années de fonctionnement de l’institution, ce qui n’est pas le cas.
Le Défenseur des droits souhaite également pouvoir se déplacer. Mais avec quels crédits ?
Il faudra aussi harmoniser les statuts, rémunérations et régimes indemnitaires des salariés des quatre anciennes autorités administratives indépendantes, ce qui ne se fera pas par le bas, de même qu’il faudra impérativement les réunir en un même lieu, cette mutualisation permettant aussi de faire des économies.
On nous annonce des locaux de 27 000 mètres carrés avenue de Ségur en 2016 ou 2017. Toutefois, quiconque a déjà suivi un projet immobilier sait que ces délais ne seront pas tenus. Les baux de la rue Saint-Florentin et de la rue Saint-Georges arrivent à échéance en 2014 ; il faudra donc les prolonger par avenant pour une période indéterminée, sans doute dans de mauvaises conditions financières, car nous serons pieds et poings liés, étant incapables de déménager ces autorités administratives.
Enfin, contrairement à la volonté du législateur organique, le Gouvernement refuse de créer pour cette institution un programme budgétaire spécifique.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget.