Intervention de Janine Rozier

Réunion du 30 novembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo de Janine RozierJanine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est vraiment un honneur pour moi de m'exprimer aujourd'hui devant vous, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » du projet de loi de finances pour 2007. Je remercie ceux qui ont bien voulu me confier le soin de présenter ce rapport pour avis. C'est pour moi un « baptême », et je vais sans doute dire les mêmes choses que mon collègue Jacques Baudot, sans que nous nous soyons concertés !

J'ai rencontré et entendu un grand nombre de représentants d'unions, de fédérations, d'offices ou d'associations du monde des anciens combattants, et j'ai souhaité connaître et apprendre à mieux connaître ceux à qui nous devons nos libertés actuelles. Je me dois d'être le plus claire possible pour être lucide sur ce qu'a été notre passé, et aussi pour faire comprendre que le sacrifice, les souffrances et les épreuves de ceux qui ont combattu et de ceux qui leur ont survécu imposent un devoir de mémoire.

Pour rédiger mon rapport, j'ai entendu les nombreux souhaits du monde combattant et essayé de les concilier avec la juste reconnaissance que nous leur devons, ainsi qu'avec les impératifs de la LOLF et la situation financière de la France.

Bien évidemment, j'ai pris connaissance, tout au long de ce travail, des nombreux problèmes afférents aux dégâts causés par les guerres et conflits qui ont touché notre pays au cours du XXe siècle et ont causé tant de douleurs et tant de larmes.

Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, tous les gouvernements successifs ont essayé, peu ou prou, de rendre hommage aux combattants, aux veuves, aux orphelins de « ceux qui sont morts pour nous » et de les indemniser, puisque, comme le disait Clemenceau, « ils ont des droits sur nous ».

Je n'évoquerai pas ici, monsieur le ministre, les différentes étapes de la progression du traitement de ce dossier depuis cette époque, mais je souhaite m'attarder sur les avancées très importantes qui ont été obtenues depuis que vous êtes chargé des anciens combattants au sein du Gouvernement, même si mes propos seront quelque peu redondants avec ceux qu'a tenus mon collègue Jacques Baudot.

Les représentants du monde combattant que j'ai rencontrés depuis un mois sont unanimes à reconnaître les progrès obtenus, même si, bien évidemment, ils souhaitent encore mieux et encore plus.

Les crédits qu'il est prévu d'affecter aux anciens combattants et victimes de guerre marquent, cette année, une augmentation de 2, 25 % de la dotation moyenne par pensionné, la progression ayant été de 9 % à 10 % depuis 2002. Plus de 3, 484 milliards d'euros de crédits sont inscrits pour 2007.

Je souligne qu'il y a bien hausse : la masse des crédits, comparée à celle qui avait été affectée pour 2006, pourrait faire penser le contraire ; l'évolution de la démographie explique parfaitement la coexistence d'une baisse de masse et d'une hausse par pensionné.

La retraite du combattant, qui n'avait pas été augmentée depuis 1978, l'a été de 2 points en juillet 2006, et le sera encore de 2 nouveaux points en janvier 2007, ce qui représente une augmentation de 12 %, l'indice de la retraite étant porté à 37 points ; 116 millions d'euros supplémentaires sont nécessaires pour financer cette mesure et tenir compte de l'évolution du nombre d'ayants droit à la carte du combattant.

Je note au passage qu'une réelle équité prévaudra maintenant, puisque, pour tous les anciens combattants d'Afrique du Nord, quatre mois de présence au combat seront requis pour l'attribution de cette carte. Le cas des anciens des OPEX constitue une exception, dont je dirai un mot dans un instant.

Par ailleurs, le montant initial du remboursement des cures thermales a été rétabli, à hauteur de cinq fois le tarif de la sécurité sociale.

Les orphelins déportés de la Shoah ont été reconnus puis indemnisés, pour la plupart en capital, en l'an 2000, et vous avez fait en sorte, monsieur le ministre, que les autres orphelins - enfants des morts pour la France, des déportés pour faits de résistance, des massacrés ou des fusillés - le soient aussi.

Une augmentation de 7 % des crédits, soit 635 000 euros, a été prévue pour l'amélioration et la modernisation de l'appareillage des mutilés de guerre, qui pourront ainsi profiter des techniques modernes et voir progresser leurs conditions de vie.

L'harmonisation des pensions militaires d'invalidité attribuées aux sous-officiers a nécessité la mobilisation de 850 000 euros, mais rétablit l'équité par le haut.

Je souhaite souligner aussi, bien sûr, la consécration de l'ONAC.

L'Office national des anciens combattants était menacé en 2001. Vos circulaires du 28 juillet 2005 et du 2 janvier 2006, monsieur le ministre, ont permis de pérenniser son existence et de mettre en oeuvre les efforts que vous aviez souhaités à travers un contrat d'objectifs et de moyens, afin de rendre plus efficace son activité.

L'ONAC verra cette année encore ses crédits augmenter de 500 000 euros, sans compter l'action spéciale en faveur des veuves, dont je parlerai plus loin.

Son implication pour la réussite dans les écoles de reconversion professionnelle qu'elle gère est une participation importante à l'insertion des jeunes et à la lutte contre le chômage. On pourrait s'étonner de voir figurer cette vocation nouvelle dans les actions du monde combattant. Nos anciens jouent justement un rôle important de tuteur et de soutien auprès de jeunes - souvent en mal-être - qu'ils accompagnent dans un projet de réinsertion ou dans l'acquisition d'un métier. C'est un succès dans cette autre bataille que nous livrons tous au chômage.

Le rôle social important de l'ONAC n'est plus à démontrer, que ce soit dans la gestion des maisons de retraite, dans l'attribution de secours et de prêts individuels, dans la tutelle des pupilles de la nation ou dans le soutien des veuves.

C'est justement pour une meilleure appréhension et une meilleure approche du problème des veuves que 500 000 euros supplémentaires ont été débloqués, comme cela avait déjà été le cas en 2005 et en 2006.

Certaines de ces veuves ont de tout petits moyens financiers et se trouvent parfois dans des situations extrêmement difficiles. Une commission à laquelle ont participé des représentants du monde combattant et des parlementaires s'est penchée sur leur détresse et a fait des propositions - qui ne sont pas encore arrêtées aujourd'hui - d'amélioration de leurs revenus.

Notre commission des affaires sociales s'oriente vers la solution qui lui a paru la plus appropriée, à savoir un renforcement de l'aide sociale : cela offrirait l'occasion d'un contact humain occasionnel mais souvent chaleureux avec les services départementaux de l'ONAC.

Les problèmes des veuves sont un sujet récurrent de notre commission des affaires sociales. Une proposition de loi sur le partage de la réversion des pensions militaires d'invalidité a ainsi été adoptée par le Sénat en février dernier sur l'initiative de notre président, Nicolas About.

Je suggère que ce sujet soit suivi de très près par les services départementaux de l'ONAC - puisqu'il est prévu dans ses missions qu'il recrute des assistantes sociales - afin que, malgré la dignité et la pudeur des bénéficiaires les plus démunies, un état tout à fait exhaustif de leur nombre et de leurs besoins soit dressé. Il est important que nous puissions répondre à leurs attentes de la manière la plus honnête possible dans les années qui viennent.

Je tiens à citer encore dans vos actions, monsieur le ministre, le soutien à l'INI, l'Institut national des invalides, qui bénéficiera en 2007 d'une subvention de 9, 75 millions d'euros pour maintenir un service d'excellence à ses pensionnaires et à ses patients. Je voudrais aussi évoquer la revalorisation depuis 2004 des pensions de retraite en cas d'aggravation des infirmités et, enfin, la décristallisation, votée à l'unanimité par nos collègues de l'Assemblée nationale, à la suite d'un amendement du Gouvernement.

La décristallisation permet d'octroyer des droits égaux en valeur nominale au 1er janvier 2007 à tous les combattants, y compris ceux de l'ancien empire colonial français ; elle apporte un point final à une injustice. Il me semble important d'apporter quelques précisions sur ce sujet, même si mon collègue Jacques Baudot l'a déjà évoqué.

En 2001, un ancien sergent-chef sénégalais s'est vu reconnaître par le Conseil d'État les mêmes droits au titre d'une pension militaire.

En 2002, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a revalorisé les pensions de 20 % au minimum, ce qui a permis d'établir une décristallisation en fonction du pouvoir d'achat, sans aller jusqu'à l'égalité complète.

En 2004, le dossier est revenu sur la table lorsque le président Jacques Chirac a invité les vétérans coloniaux aux cérémonies du soixantième anniversaire du débarquement en Provence.

Le 14 juillet 2006, le Président de la République a demandé au Gouvernement de poursuivre le processus de décristallisation.

Le film Indigènes sorti en septembre 2006 a été un « détonateur », comme me l'a dit justement M. Jacques Goujat, président de la Fédération nationale et de la Fédération mondiale des anciens combattants.

Les médias ont ainsi fait connaître aux Français une page de l'histoire récente que beaucoup ignoraient. Je regrette un peu qu'ils n'aient pas souligné que cette mesure de justice et d'équité coûtera 110 millions d'euros par an, qu'elle concerne 84 000 anciens combattants, veuves, orphelins et ascendants de vingt-trois pays ex-coloniaux et qu'elle suivra, à partir de 2007, toutes les évolutions résultant de la revalorisation du point de pension militaire d'invalidité.

Vous avez aussi institué l'égalité entre les hommes et les femmes dans le code des pensions militaires d'invalidité pour permettre aux veufs d'avoir les mêmes avantages que les veuves. J'avais déjà remarqué ailleurs que la parité se faisait très bien dans ce sens-là !

J'évoquerai maintenant les dossiers latents pour le traitement desquels et le monde combattant et les parlementaires, comme bien sûr vous-même, monsieur le ministre, savent que des réflexions, des discussions et des rencontres sont à organiser pour faire encore plus et encore mieux.

La rente mutualiste du combattant est une rente par capitalisation, avec participation de l'État de 25 % ; elle a bénéficié dès 2003 d'un relèvement exceptionnel de son plafond majorable, qui est passé de 115 à 122, 5 points. Il a fallu prévoir 205 millions d'euros de plus en 2005 et 214 millions d'euros en 2006 pour financer la prise en charge par l'État.

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