Monsieur le ministre, comme nous tous ici, j'ai accueilli avec satisfaction l'annonce de l'achèvement, dans le cadre de la loi de finances pour 2007, du processus de décristallisation des retraites et pensions militaires d'invalidité des anciens combattants ressortissants des anciennes colonies françaises.
La loi de finances pour 2003 avait amorcé cette décristallisation, mais j'avais à l'époque déploré que cette mesure soit fondée sur la parité des pouvoirs d'achat, écartant depuis plusieurs décennies la notion pourtant fondamentale d'imprescriptibilité du droit à réparation pour tous ceux qui ont combattu sous les plis du drapeau français.
Je me félicite donc aujourd'hui de voir enfin portées la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité au même niveau que celles qui sont versées en France, dès le 1er janvier 2007 et sans distinction de nationalité actuelle.
Depuis des décennies, les associations d'anciens combattants portaient sans relâche cette revendication concernant leurs frères d'armes.
Par ailleurs, cette revalorisation n'est qu'un premier pas puisqu'elle ne concerne que la retraite du combattant, soit 488 euros par an, et les pensions militaires d'invalidité. Quid des pensions de retraite civiles et militaires ?
Monsieur le ministre, vos chiffres ne résistent pas à une analyse sérieuse : votre budget n'est pas satisfaisant ! Je ne tenterai d'ailleurs pas d'opposer les différentes catégories de combattants entre elles.
Si l'on ne prend pas en compte les crédits pour la décristallisation, ce budget est en baisse de 3, 58 % par rapport à celui de 2006. Il demeurerait encore en baisse de 0, 54 % si l'on intégrait les 110 millions de la décristallisation.
Or le simple maintien du budget pour 2007 à hauteur de celui de 2006 permettrait de disposer de 129, 5 millions d'euros disponibles. Je vous fais cette démonstration chaque armée, chaque année, vous répondez « baisse de la démographie ».
Certes, je prends acte de la revalorisation de deux points d'indice de la retraite du combattant, mais je veux souligner que le Gouvernement s'était engagé en 2002 en faveur d'un rattrapage de quinze points sur la durée de la législature. Nous parvenons à 37 points, soit bien loin des 48 promis ! Je proposerai donc tout à l'heure un amendement.
Vous avez également consenti des crédits pour trois mesures que l'on ne peut qu'approuver : 635 000 euros pour une meilleure prise en charge de l'appareillage, 500 000 euros de plus pour l'action sociale de l'ONAC et 850 000 euros pour aligner les taux des pensions militaires d'invalidité des sous-officiers sur celles de la Marine.
Malgré tout, force est de constater que les priorités anciennes et bien connues de vous, monsieur le ministre, n'ont pas été entièrement satisfaites, loin de là ! Votre bilan de la législature ne peut nous satisfaire.
Pour le plafond majorable des retraites mutualistes d'anciens combattants, vous avez consenti 2, 5 points à l'Assemblée nationale, soit un passage à 125 points. Sans vouloir jouer les marchands de tapis, j'estime que l'on aurait pu passer directement aux 130 points promis et attendus.
J'étais le 7 juin dernier à Paris, à l'invitation des cinq mutuelles servant ces retraites. Nous avions bien entendu les arguments avancés : il ne s'agit en rien d'un avantage fiscal pour les plus aisés, comme je l'entends dire trop souvent. En réalité, beaucoup de petits contribuables deviennent non imposables grâce à leurs cotisations mutualistes. C'est une retraite de caractère social, en même temps qu'un prolongement du droit à réparation. Je déposerai donc un amendement sur ce sujet.
Venons-en aux veuves.
Monsieur le ministre, vous aviez promis que le profond dénuement dans lequel vivent certaines d'entre elles imposait un traitement urgent devant s'inscrire dans un plan sur cinq ans. Vous avez en partie seulement tenu votre promesse.
Un rapport sur les anciens combattants et les veuves d'anciens combattants âgés de plus de soixante ans dont les ressources sont inférieures au seuil de pauvreté a été remis au Parlement. Un groupe de travail a été réuni à plusieurs reprises et, sur sa proposition, vous avez consenti, monsieur le ministre, à affecter 500 000 euros à la mise en place au 1er janvier 2007 d'une allocation différentielle en faveur des veuves d'anciens combattants. Je vous en donne acte, car ce ne sont pas les 500 000 euros supplémentaires de l'action sociale de l'ONAC, même si vous les avez doublés, qui auraient pu suffire. Par ailleurs, il me semble plus digne de substituer une prestation à une humiliante demande de secours.
Mais qu'allez-vous faire avec 500 000 euros ? Une première mise de fonds de 5 millions d'euros constituerait un véritable engagement à la hauteur, monsieur le ministre ! J'y reviendrai.
En attendant, je souhaiterais que vous nous précisiez votre engagement en direction des veuves : leur nombre n'est pas encore définitivement arrêté, car il dépend en partie du plafond de ressources à partir duquel l'allocation différentielle sera servie. À combien s'élèvera ce plafond ? À 500 euros ? À 550 euros ? À 600 euros ? Vous ne l'avez pas précisé devant l'Assemblée nationale. Or ce plafond est d'importance, car le coût de votre engagement est encore imprécis. Il ne faudrait pas que cette allocation se réduise comme peau de chagrin s'il s'avérait que le nombre de veuves concernées dépassait les prévisions.
Par ailleurs, comme M. le rapporteur, pouvez-vous nous confirmer que cette allocation sera bien servie à partir de soixante ans à toutes les veuves concernées, conformément au rapport que vous a remis le groupe de travail, et non aux seules veuves âgées de soixante à soixante-cinq ans, comme l'annoncent certains ?
S'agissant de la campagne double pour les anciens combattants en Afrique du Nord, fonctionnaires et assimilés, vous ne voulez rien lâcher !
Dans les textes datant de 1948, je le rappelle, le bénéfice de la campagne double fut accordé aux anciens combattants d'Indochine, de Madagascar, de Corée et de Suez, les anciens combattants de la guerre d'Algérie ayant été délibérément écartés. Son bénéfice a également été accordé aux militaires en service sur le territoire du Koweït. Il n'y a donc aucune raison qu'il n'en aille pas de même pour l'Afrique du Nord !
Le rapport de Christian Gal vous a été remis, monsieur le ministre. Il est à présent au Conseil d'État, où il devrait faire l'objet d'un complément d'étude, comme vous l'avez annoncé à nos collègues de l'Assemblée nationale. Il est aujourd'hui indispensable que la représentation nationale et les associations d'anciens combattants, qui en étaient demandeurs, en prennent connaissance au plus tôt.
Les tergiversations n'ont que trop duré. Je ne prolongerai pas mon intervention sur ce sujet afin de ne pas dépasser le temps qui m'est imparti, mais j'ai noté, à la lecture d'un abondant courrier, la colère et l'indignation suscitées par cette regrettable affaire. Donnez-nous du concret, monsieur le ministre, vous êtes au pied du mur !
J'évoquerai cette année encore les RAD-KHD, c'est-à-dire les incorporés de force dans les formations paramilitaires nazies. Le dossier a avancé puisque la France a proposé de prendre en charge 50 % de leur indemnisation. J'y reviendrai tout à l'heure, en présentant l'amendement que j'ai déposé.
Je souhaite également revenir sur la nécessité d'accorder une demi-part supplémentaire pour l'impôt sur le revenu aux titulaires de la carte de combattant volontaire de la Résistance, ainsi qu'à leurs veuves, à l'âge de soixante-dix ans au lieu de soixante-quinze ans actuellement.
La célébration annuelle d'une journée nationale de la Résistance est tout autant un souhait des associations de résistants et d'anciens combattants qu'une obligation au titre du devoir de mémoire envers celles et ceux qui ont combattu pour défendre nos valeurs et celles de la République.
Le 27 mai 1943, lorsque le Conseil national de la Résistance se réunit pour la première fois sous la présidence de Jean Moulin, tous les courants politiques et tous les syndicats résistants se trouvent rassemblés. Cette date s'impose donc pour célébrer le souvenir des femmes et des hommes qui ont oeuvré à la libération de la France. Cette revendication est formulée depuis de très nombreuses années, en particulier par l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance, l'ANACR.
Je souhaite revenir, cette année encore, sur le décret de juillet 2004, puisqu'il reste, à mon sens, une catégorie oubliée, monsieur le ministre : les morts au combat. En effet, parmi les orphelins de guerre figurent les enfants de parents tués au combat contre l'ennemi, dans le cadre d'actions de résistance, et qui ont été oubliés.
Selon vos propres termes, l'élément fondateur de l'éligibilité est l'acte de barbarie. Mais je persiste à ne pas comprendre votre distinguo : les combats dans les maquis, opposant aux forces du Reich des poignées de résistants mal armés qui furent massacrés, ne furent-ils donc pas barbares ?
Monsieur le ministre, il me faut dire un mot également des engagements et des conflits contemporains. J'insiste sur le fait que le droit aux soins et à réparation doit s'appliquer à tous, y compris aux victimes des psychotraumatismes de guerre, à celles de la guerre du Golfe, à celles des irradiations nucléaires consécutives aux essais effectués dans le Sahara et en Polynésie française, enfin aux militaires des missions et des opérations extérieures.
J'ai participé les 21 et 22 novembre dernier à Marseille à un colloque sur l'initiative de l'ARAC, l'association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, avec la participation de l'AVEN, l'association des vétérans des essais nucléaire, et d'AVIGOLFE, l'association des victimes civiles et militaires de la guerre du Golfe. Nous avons consacré deux jours à débattre, avec des spécialistes et des protagonistes de ces opérations, des psychotraumatismes de guerre, des essais nucléaires et des guerres contemporaines. J'ai entendu des témoignages dignes et pudiques, desquels transparaissait une grande douleur non encore assumée. Les préjudices sont très lourds de conséquences pour les intéressés, comme pour leurs familles, en termes de santé notamment. J'ai entendu l'indignation de ces laissés-pour-compte, blessés dans leur chair et dans leur esprit.
Il faudra bien que nous nous penchions sérieusement sur cette question aux fins d'accorder à ces victimes un statut, le droit à réparation et les soins y afférents.
Enfin, bien que cela soit hors débat budgétaire, je dois également vous redire ma détermination à militer pour la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962 pour honorer la mémoire des militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie ainsi que celle de toutes les victimes civiles d'avant et d'après le 19 mars 1962.
Comme je le disais lors du dernier congrès à Lyon de la FNACA, la fédération nationale des anciens combattants en Algérie - auquel vous avez participé, monsieur le ministre -, la date du 5 décembre est bien pire qu'un hasard, c'est une imposture. C'est mépriser l'histoire qui impose, elle, la date du 19 mars 1962. Je ne puis que rappeler mon inflexible volonté d'agir pour abroger un décret et une loi iniques. Je serai de toutes les luttes en ce sens.
Je n'évoquerai pas la loi du 23 février 2005, dont je condamne, vous le savez fort bien, certains articles.
Pour conclure, je rappellerai que je tiens, dans tous mes propos, et ce depuis près de dix ans, à parler des anciens combattants et des victimes de guerre. Les victimes de guerre ayant déjà disparu du nom du ministère, ce que je déplore, il ne serait pas acceptable de voir officialiser le terme de « vétéran », qui n'a pas du tout la même signification, ni, pourquoi pas, de voir apparaître un « ministère des vétérans » à l'américaine !
Nous disposons en France - et c'est tout à notre honneur - d'outils uniques au monde, même s'ils sont sans cesse à défendre : la notion de « droit à réparation », créée par la loi de 1919, l'ONAC et ses structures de proximité, qui sont à même d'offrir aux personnes en souffrance l'espace de parole et d'écoute, l'accès aux soins dont elles ont besoin. Il convient de les pérenniser et de les conforter.
Cette solidarité intergénérationnelle exemplaire doit être perpétuée au sein de notre nation en tant qu'elle participe à sa grandeur. Malgré tout cela, monsieur le ministre, nous ne pourrons que voter contre votre budget.