Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je me permets de rappeler in limine que M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, le 11 février 2008, pour émettre un avis sur le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer. Ainsi s’intitulait alors ce projet de loi, sur lequel l’urgence nous fut alors recommandée.
Nous avons rendu notre avis, en séance plénière, le 23 mars 2008, en présence de Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et de M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, le vote intervenant le 24 mars. Or nous sommes aujourd’hui le 10 mars 2009, soit presque un an plus tard.
Le présent projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer – exit l’excellence ! – s’inscrit dans une suite de lois de programme, ce qui peut apparaître comme une forme d’hésitation, même si l’objectif est louable, puisqu’il vise à améliorer la situation existante. Toutefois, cette façon de procéder n’est pas forcément gage de bonne lisibilité.
Le Conseil économique, social et environnemental avait approuvé la philosophie générale de l’avant-projet qui lui était soumis, pour trois raisons.
D’abord, ce texte rompait avec l’assistanat et un système économique fondé sur l’importation au détriment de la production locale pour s’orienter vers la promotion d’un développement endogène.
Ensuite, il prenait en compte la persistance des difficultés dans l’ensemble de ces territoires, tout en tendant à valoriser les atouts de chaque collectivité d’outre-mer.
Enfin, et surtout, il reposait sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises, mais se plaçait aussi au cœur des réalités quotidiennes en faisant une place importante au logement social notamment et à la continuité territoriale.
Le Conseil économique, social et environnemental s’était félicité des avancées qu’apportait cet avant-projet par le soutien du secteur de la recherche, désormais inclus dans le champ de la défiscalisation et secteur prioritaire des zones franches globales d’activités, par les dispositions prises pour réduire la fracture numérique – défiscalisation des câbles sous-marins, des technologies de l’information et de la communication –, par les améliorations des dispositifs de continuité territoriale et, enfin, par la suppression de certaines dérives constatées dans l’utilisation du dispositif législatif en vigueur.
Toutes ces dispositions sont maintenues dans le projet de loi qui a été déposé au Parlement en juillet 2008.
Le Conseil économique, social et environnemental avait formulé d’autres propositions de modifications, dont certaines sont reprises dans ce projet de loi.
Je commencerai par les mesures de soutien aux entreprises.
Elles concernent, tout d’abord, les zones franches.
Sans être hostile à la mise en place des zones franches globales d’activités, le Conseil économique, social et environnemental avait proposé d’améliorer le dispositif envisagé et de soutenir davantage les entreprises éligibles au taux bonifié en relevant les plafonds qui leur sont applicables, au lieu de prévoir un plafonnement identique de l’abattement, quel que soit le taux simple ou bonifié.
Il avait aussi suggéré d’intégrer des secteurs stratégiques, comme les techniques de l’information et de la communication aux Antilles et l’agro-nutrition à la Réunion, dans les secteurs à taux bonifié.
Le Conseil économique, social et environnemental avait encore proposé de mieux prendre en compte les spécificités territoriales, comme la structuration de la Guadeloupe en archipel, génératrice de surcoûts dus à la double insularité et, enfin, d’intégrer le commerce de proximité sous conditions.
Les deux premières propositions sont prises en compte dans l’article 1er du projet de loi.
L’agro-nutrition à la Réunion et le secteur des technologies de l’information et de la communication dans l’ensemble des départements d’outre-mer ont été désignés comme secteurs prioritaires.
En outre, les plafonds d’abattement concernant le dispositif d’exonération d’impôts sur les sociétés et les bénéfices industriels et commerciaux ont été relevés pour les secteurs prioritaires.
En revanche, la nécessité de soutenir le petit commerce n’a pas été retenue, même si des aides sont envisagées, comme vient de le rappeler Mme le ministre.
J’en viens à la défiscalisation.
Le Conseil économique, social et environnemental avait considéré que le dispositif de défiscalisation mis en place depuis vingt ans avait contribué à atténuer certains handicaps structurels des collectivités d’outre-mer, à renforcer le secteur marchand par rapport au secteur public, à diversifier les activités et, surtout, à favoriser l’émergence d’une économie plus moderne.
Le Conseil économique, social et environnemental avait également estimé que, si des dérives et des effets d’aubaine ont pu se produire, l’avant-projet en tirait pour partie les conséquences.
Le projet de loi reprend l’ensemble des mesures visant à éliminer les effets pervers de l’ancien système.
En revanche, il maintient le plafonnement de la défiscalisation des énergies renouvelables figurant dans l’avant-projet, alors que le Conseil économique, social et environnemental invitait à traiter ce secteur de la même manière que les autres secteurs défiscalisés, surtout au moment où les pouvoirs publics affichent l’objectif de développer les énergies nouvelles.
J’en arrive aux autres mesures économiques.
Le Conseil économique, social et environnemental s’était félicité que le tourisme, déjà bénéficiaire de la défiscalisation et des exonérations de charges, soit aussi l’un des secteurs d’activités prioritaires choisis au titre des zones franches.
Il avait néanmoins souligné la nécessité de prendre en compte des facteurs plus qualitatifs tenant moins aux opérateurs qu’aux produits, et qui appelaient des mesures autres que financières et fiscales, comme l’incitation à une formation professionnelle plus intense et mieux adaptée. Aucune disposition nouvelle n’est prise à cet égard dans le projet de loi.
Le Conseil économique, social et environnemental a approuvé la mise en place d’une aide spécifique en matière de rénovation hôtelière, tout en se demandant s’il était nécessaire de ne retenir que les hôtels de soixante chambres, dans la mesure où le nombre de chambres n’est pas significatif de la petite hôtellerie outre-mer. L’article 13 du projet de loi a étendu le bénéfice du dispositif de subvention envisagé aux hôtels de cent chambres.
J’aborderai à présent les exonérations de charges sociales.
L’avant-projet modifiait le dispositif d’exonérations de charges en effectuant un recentrage sur les bas et moyens salaires.
Considérant, d’une part, que la baisse du coût du travail sera toujours insuffisante pour permettre aux entreprises d’outre-mer de faire face à la concurrence des pays voisins, mais, d’autre part, que les exonérations de charges associées à d’autres mesures sont un élément indispensable de la compétitivité desdites entreprises, le Conseil économique, social et environnemental approuvait le maintien des exonérations pour les bas salaires, admettait l’exclusion des hauts salaires au-delà de 3, 8 SMIC, mais posait la question pour les salaires intermédiaires, en rappelant les besoins en personnels d’encadrement dans ces régions.
Le Conseil économique, social et environnemental soulignait aussi que la dégressivité risquait d’entraver l’ascension sociale des salariés et que l’instauration d’un plafond unique à 1, 4 SMIC allait, de façon paradoxale, pénaliser les secteurs a priori les plus fragiles.
Il proposait donc un redéploiement au sein du dispositif, en restreignant son champ pour le réserver aux professions non réglementées et, en contrepartie, en relevant les seuils pour faciliter l’emploi des cadres.
La loi de finances pour 2009, à l’article 159, a intégré, par anticipation, les articles 11 et 12 du projet de loi relatifs aux exonérations de charges, en adoptant une mesure d’exonération plus incitative pour les entreprises des zones franches bénéficiant du taux bonifié, en portant pour ces dernières le plafond de 1, 4 SMIC à 1, 6 SMIC et en rendant l’exonération nulle à 4, 5 SMIC au lieu de 3, 8 SMIC, mais en maintenant l’uniformisation du taux à 1, 4 SMIC et la dégressivité.
Une autre proposition du Conseil économique, social et environnemental n’a pas été reprise, celle qui visait à faire de la formation professionnelle une condition de l’éligibilité de tout plan d’exonération de charges présenté par les employeurs.
J’en viens à la relance de la politique du logement.
Le Conseil économique, social et environnemental avait estimé que les dispositions en faveur du logement social et la rénovation du dispositif de défiscalisation au profit du secteur social étaient des points importants de l’avant-projet. C’est pourquoi il se montrait très favorable à ces mesures dans leur principe, considérant qu’elles témoignaient de la volonté de mieux satisfaire les besoins en logements, essentiels pour la grande majorité des habitants d’outre-mer.
En revanche, le Conseil économique, social et environnemental n’était pas favorable à la disparition totale de la défiscalisation en faveur des secteurs libre et intermédiaire. Il soulignait les conséquences que pourrait avoir une telle disparition pour les ménages, souvent issus des classes moyennes, désireux d’acquérir leur résidence principale, ainsi que pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, où une telle mesure risquait d’entraîner une chute d’activité.
Il avait donc proposé de maintenir la défiscalisation en secteur libre lorsqu’elle concernait l’habitation principale en pleine propriété, en l’assortissant de conditions – plafonnement des ressources de l’investisseur, de la superficie du logement, de la surface au regard de la taille du ménage – ou en la réservant aux primo-accédants.
Le Conseil économique, social et environnemental avait encore proposé d’étaler un peu plus dans le temps, et en fonction des territoires, la disparition du locatif libre afin de permettre une transition plus facile avec le secteur social.
Il avait enfin proposé de maintenir la défiscalisation sur le logement intermédiaire, avec un encadrement strict des plafonnements.
À l’article 20 du projet de loi, il a été tenu compte de certaines de ces préconisations.
Ainsi, il prévoit le maintien de la défiscalisation relative au secteur libre pour la résidence principale sous conditions – primo-accession et base éligible limitée en surface –, un étalement dans le temps de la suppression de la défiscalisation du secteur libre destiné à la location pour éviter un impact trop brutal dans le secteur du BTP et le maintien de la défiscalisation dans le secteur intermédiaire jusqu’en 2012.
Le Conseil économique, social et environnemental avait aussi demandé, sans que le projet de loi en tienne compte, un étalement dans le temps de la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable sur les matériaux afin de ne pas pénaliser l’artisanat, ainsi qu’une action sur le coût du foncier et la mise en place, dans les collectivités qui n’en disposeraient pas, d’un établissement public foncier.
D’une façon générale, le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité être systématiquement saisi de toutes les évaluations concernant l’outre-mer, comme il l’a été pour la loi d’orientation et de programme pour l’outre-mer, la LOPOM, et pouvoir disposer, au même titre que la Commission nationale d’évaluation, dont il approuve la mise en place, des données et des informations lui permettant de se prononcer.
Le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité que, en matière de défiscalisation, les montages fiscaux soient rendus plus simples – déconcentration accrue des procédures, souplesse pour les petits projets – et que, en contrepartie, toute opération de défiscalisation hors champ de l’agrément fasse l’objet d’une déclaration.
Enfin, le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité, tant pour la défiscalisation que pour les exonérations de charges, que des moyens de contrôle appropriés soient donnés aux administrations concernées.
Pour conclure, le Conseil économique, social et environnemental estime que ce projet de loi devrait entraîner la mise en œuvre d’une politique mieux adaptée au développement économique des régions ultramarines par une plus grande implication des acteurs locaux.
Toutes les recommandations que nous avons formulées dans notre projet d’avis, parfois critiques, n’avaient pour objet que de mettre en garde les pouvoirs publics sur des conséquences qui nous apparaissaient comme pouvant se révéler négatives.
L’outre-mer doit être positionné au sein d’un dispositif économique et social qui doit tenir compte des difficultés spécifiques parfaitement identifiées, dans la perspective d’un développement endogène.
L’avenir de l’outre-mer sera ce que les acteurs locaux voudront bien qu’il soit, dans une perspective à la fois métropolitaine et européenne.