La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 32 de la loi n° 2006–64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, le rapport sur l’application de cette loi au 1er janvier 2009.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, déclaré d’urgence (projet n° 496, 2007-2008, texte de la commission n° 233, rapports n° 232, 240, 243 et 244).
Avant d’ouvrir la discussion, je dois vous rappeler que le Conseil économique, social et environnemental a demandé que, conformément aux dispositions de l’article 69 de la Constitution, M. Alain Saubert, rapporteur de la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire du Conseil économique, social et environnemental, puisse exposer, devant le Sénat, l’avis du Conseil.
Conformément à l’article 69 de la Constitution et à l’article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Alain Saubert.
(M. le rapporteur de la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire du Conseil économique, social et environnemental est introduit dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’outre-mer est une part essentielle de notre identité. Ces départements et ces collectivités portent les valeurs de la République dans tous les océans, sur tous les continents, des valeurs de liberté, de dignité, d’égalité.
Oui, l’outre-mer est un atout pour la France, pour l’Europe et pour le monde.
À notre pays, il apporte sa diversité, son dynamisme, ses talents, son ouverture sur un univers désormais mondialisé.
Pour chacun de ses habitants, il porte des ambitions pour l’avenir, des ambitions légitimes qui doivent se traduire en réalités concrètes.
Donner un nouvel élan à l’outre-mer, valoriser les atouts spécifiques de chaque territoire, leur permettre de mieux affronter les grands défis de notre époque : c’était hier un des engagements de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ; c’est aujourd’hui l’ambition et l’enjeu du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que Yves Jégo et moi-même avons l’honneur de vous soumettre.
Ce projet de loi traite des questions de fond liées à l’avenir de l’outre-mer. Mais, à l’évidence, notre débat ne saurait faire abstraction de l’actualité.
C’est une actualité difficile, vous le savez.
La Guadeloupe, la Martinique ainsi que la Réunion traversent une période de crise, révélatrice de déséquilibres anciens et jamais vraiment résolus, accentuée par l’impact de la crise économique et financière mondiale.
Ma première préoccupation tout au long de cette crise a été d’encourager le dialogue, mais aussi de faire respecter les libertés individuelles et la paix publique, de protéger les personnes et les biens, de garantir la liberté d’aller et venir, de permettre aux élèves d’accéder aux écoles.
Ne l’oublions jamais, le droit à la sécurité et la protection des libertés publiques s’imposent sur chaque parcelle du territoire ; c’est ma responsabilité, et je l’assumerai.
Permettez-moi de rendre un hommage particulier à l’attitude remarquable des préfets des départements concernés, une attitude de fermeté dès lors que la paix publique ou la protection des personnes étaient menacées, une attitude d’écoute et de dialogue avec l’ensemble des acteurs.
Je veux aussi saluer – avec vous, j’en suis persuadée – le comportement exemplaire des policiers et des gendarmes en Guadeloupe et en Martinique, qui ont su, dans des circonstances souvent très difficiles, faire preuve d’une autorité sereine pour protéger les personnes.
Au-delà des événements immédiats, la préoccupation du Gouvernement est de répondre au mieux aux effets amplificateurs de la crise économique et financière mondiale sur les économies ultramarines, qui sont inscrites dans des zones géographiques déjà fragilisées.
À mes yeux, toute crise est révélatrice des difficultés de fond et doit nous conduire à un certain nombre de réorientations.
La Guyane a connu, à la fin de l’année 2008, une crise sociale liée à l’augmentation des prix des carburants. Avec Yves Jégo et Christine Lagarde, j’ai lancé une mission d’inspection afin de mettre à plat le système de formation des prix des carburants dans les départements d’outre-mer. Elle rendra ses conclusions dans les prochains jours. Provoquée par un événement immédiat – la crise actuelle –, elle nous permettra de nous inscrire dans une démarche de fond et dans l’avenir, et d’établir des systèmes visant à éviter dorénavant des dérives.
Au début du mois de février, j’ai également lancé une mission sur le suivi des prix en Guadeloupe. Un rapport vient d’être remis à Yves Jégo et à moi-même, dont certaines préconisations sont d’ores et déjà intégrées dans le document que vient de signer le préfet de Guadeloupe.
Plus encore, le plan de relance, décidé par le Président de la République et mis en œuvre par le Gouvernement, contribuera à dynamiser les économies ultramarines. À ce titre, 130 millions d’euros sont engagés pour les départements et les collectivités d’outre-mer.
Le 19 février dernier, le Président de la République a annoncé un nouvel effort financier pour l’outre-mer, inclus dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Certains prétendent que le Gouvernement se désengage de l’outre-mer. La vérité, c’est que jamais l’État n’a autant agi aux côtés de nos compatriotes ultramarins, pour permettre à l’outre-mer de dépasser ses difficultés structurelles, afin de bénéficier des opportunités de la mondialisation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une crise, c’est un défi, un risque, mais ce peut être aussi une opportunité, une véritable chance.
C’est un défi, qui nous oblige à répondre à des questions négligées pendant des années, voire des décennies.
C’est un risque : celui que la compétitivité des départements d’outre-mer soit handicapée par un contexte international de plus en plus exigeant.
Mais c’est aussi une opportunité, une formidable occasion d’agir ensemble pour l’outre-mer, et pour la France tout entière, si nous en avons la volonté.
Cette volonté, c’est celle du Président de la République, qu’il a exprimée devant tous les élus d’outre-mer réunis voilà quelques semaines, c’est celle du gouvernement de François Fillon.
Il s’agit d’une volonté de changer de méthode.
Soyons lucides et objectifs : des efforts ont été accomplis depuis des années, et pourtant les résultats obtenus ne peuvent nous satisfaire.
Les contraintes spécifiques des économies ultramarines sont réelles : l’insularité, l’éloignement de la métropole, l’étroitesse du marché.
Trop longtemps, les réponses apportées se sont limitées à essayer de compenser ou de rattraper ces handicaps. Une telle démarche est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante à l’heure de la mondialisation exacerbant les concurrences.
Ces politiques ont donné des résultats incontestables en matière de réduction de l’habitat insalubre, de l’émergence de secteurs économiques favorisant les créations d’emplois, de l’accès croissant des habitants des départements d’outre-mer à une formation adaptée.
Pourtant, le taux de chômage demeure plus élevé qu’ailleurs. Le logement social est notoirement insuffisant, quantitativement et qualitativement. Les prix à la consommation sont toujours trop élevés.
Il faut donc prévoir une nouvelle approche, édifiée en commun et axée prioritairement sur la concertation.
Le projet de loi a été élaboré en étroite concertation avec les élus et les acteurs économiques de l’outre-mer. Ce sont eux, et non le Gouvernement, qui ont déterminé les secteurs stratégiques prioritaires.
De même, des améliorations ont été apportées au projet de loi déposé devant le Conseil des ministres en juillet 2008, grâce aux élus et aux acteurs professionnels. Elles ont permis d’adapter le texte à la crise mondiale et locale qui s’est développée depuis lors.
Il s’agit, par exemple, des nouvelles mesures relatives aux exonérations fiscales et au logement, qui ont conduit à augmenter les crédits dédiés à ces questions. Ainsi, 150 millions d’euros supplémentaires par rapport à la version initiale du texte seront investis dans les économies ultramarines.
La commission des finances a participé activement à ce travail, et je tiens à en remercier notamment son président, M. Jean Arthuis.
Par ailleurs, de nombreux amendements ont été déposés par les rapporteurs et l’ensemble des élus ultramarins. Le Gouvernement y sera particulièrement attentif et se montrera ouvert à vos propositions.
Une nouvelle approche doit être aussi fondée sur une stratégie ambitieuse. Nous ne pouvons agir outre-mer sans avoir une réelle ambition pour les territoires et leurs habitants, comme nous l’avons pour l’ensemble de notre pays.
Notre objectif est de proposer un nouveau projet économique et social pour l’outre-mer. Mais, pour construire l’avenir, il nous faut partir d’un diagnostic commun et partagé.
Dynamisme démographique, richesses culturelles, ouverture sur des régions mondiales dynamiques : nous connaissons les atouts de l’outre-mer. Ils sont la clé de son avenir économique.
Nous voulons nous appuyer sur ces atouts, sur la compétitivité des entreprises d’outre-mer, sur le talent des hommes et des femmes de l’outre-mer pour mettre en œuvre un modèle de développement économique spécifique, fondé sur le potentiel de chaque territoire, afin de permettre à chacun d’entre eux de mettre en avant ses propres richesses.
Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, et dont nous allons débattre au cours des prochains jours, constitue une première étape. Les États généraux, annoncés par le Président de la République, poursuivront la réflexion sur la fixation des prix, la transparence des circuits économiques et l’ensemble des questions concernant l’outre-mer.
Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui nous donne des moyens concrets au service de nos ambitions, repose sur trois priorités.
La première d’entre elles concerne la recherche de l’efficacité par la correction des dispositifs existants.
Ainsi, les exonérations de charges seront réformées et recentrées sur les bas salaires, disposition qui résulte d’une demande générale.
Au-delà de la réponse apportée à l’attente de nos concitoyens qui espèrent une augmentation de leur pouvoir d’achat, les exonérations de charges doivent aussi favoriser l’emploi. En ouvrant ces exonérations aux petites et moyennes entreprises, et à elles seules, pour les inciter à recruter sur le marché local les cadres intermédiaires dont elles ont besoin, nous stimulons leur dynamisme. D’ailleurs, les jeunes des départements et collectivités d’outre-mer, qui suivent des études, ont également besoin d’avoir la perspective de trouver un poste sur place. Cela représente un effort de 75 millions d’euros.
Certains dispositifs de défiscalisation sont devenus obsolètes, inefficaces, voire contre-productifs, comme nous avons eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, notamment lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009. Ils seront donc réorientés vers de nouveaux investissements, qui se révèlent aujourd’hui plus productifs, notamment dans le domaine de la recherche et du développement.
La deuxième priorité concerne le soutien à l’investissement.
Tout d’abord, les zones franches globales d’activités permettront de soutenir la compétitivité des entreprises par le biais de dispositifs fiscaux adaptés.
Le coût du dispositif est élevé, puisqu’il s’élève à 224 millions d’euros. Il bénéficiera aux secteurs stratégiques, dont la liste a été décidée par les élus et les acteurs économiques locaux. Parmi ces secteurs, je citerai la recherche et le développement, les nouvelles technologies, le tourisme, les énergies renouvelables et l’agro-nutrition.
Le Gouvernement proposera une harmonisation de ces secteurs dans l’ensemble des départements et collectivités d’outre-mer tout en prenant en compte leurs spécificités.
Certains s’interrogent sur les éventuels effets négatifs de la suppression de la taxe professionnelle pour toutes les entreprises décidée par le Président de la République. Nous veillerons à ce que cette mesure ne soit pas pénalisante pour les entreprises relevant des zones franches globales d’activités, en proposant une adaptation du dispositif, pour maintenir leur avantage comparatif.
Ensuite, un fonds exceptionnel d’investissement est prévu pour permettre à l’État de soutenir les opérations d’équipements publics collectifs, qui participent au développement économique et social. Vous le savez, nous avions proposé la création de ce fonds dès la première version du projet de loi, et nous en avions débattu dans cette enceinte. Aujourd’hui, ce fonds, considérablement augmenté, est doté de 179 millions d’euros, contre 50 millions prévus initialement.
Enfin, pour soutenir le petit commerce, sur lequel nombre d’entre vous ont attiré l’attention du Gouvernement, un fonds spécifique, dédié à l’outre-mer, sera créé et doté de 8 millions d’euros. D’autres mesures de soutien aux investissements dans ce secteur économique pourront venir compléter cette mesure.
La troisième priorité a trait à la relance du logement social.
Nous partageons tous le constat que la situation du logement demeure préoccupante outre-mer. Disons-le clairement, certaines situations sont indignes des exigences et des valeurs qui sont les nôtres en ce début du XXIe siècle.
Les mécanismes d’aides au logement mis en place précédemment ont clairement montré leurs limites. Le texte prévoit donc de réorienter la défiscalisation vers le logement social et le logement intermédiaire.
C’est une mesure simple, de bon sens et de justice sociale.
Deux avancées viendront la compléter.
Il s’agit, d’abord, de l’ouverture de la défiscalisation pour la réhabilitation immobilière des logements d’au moins vingt ans d’âge. Cette mesure représente 2 millions d’euros.
Nous savons combien cette mesure est nécessaire quand on regarde l’état du patrimoine, dégradé en raison notamment du climat, mais aussi parfois des malfaçons liées à des constructions relativement anciennes, et quand on sait que les travaux de réhabilitation représentent la moitié du chiffre d’affaires du secteur du bâtiment et des travaux publics.
Il s’agit, ensuite, du report d’un an de la fin des exonérations actuelles concernant le logement intermédiaire. Comme certains d’entre vous l’avaient demandé, la transition sera ainsi facilitée pour qu’il n’y ait pas de rupture trop brutale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en vous présentant, avec Yves Jégo, ce projet de loi, je veux vous redire très sincèrement ma conviction : aujourd'hui, plus que jamais, l’outre-mer a des atouts, des forces et des talents.
Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer vise, tout naturellement et légitimement, à donner aux départements et collectivités d’outre-mer les moyens d’assumer leurs ambitions pour le XXIe siècle.
Il marque une première étape dans la nouvelle approche de l’outre-mer, que le Président de la République et le Gouvernement entendent développer.
Face aux enjeux qui nous sont imposés, notre réponse ne peut pas être seulement économique.
Des États généraux se tiendront dans chaque collectivité d’outre-mer. Le Président de la République les ouvrira lui-même en Guadeloupe.
Les acteurs économiques, sociaux et culturels de l’outre-mer auront ainsi l’occasion de participer à un vaste débat, que nous voulons sans tabou, sur l’ensemble des enjeux de l’outre-mer.
Ces États généraux représentent une opportunité unique pour aborder en profondeur toutes les questions fondamentales qui agitent l’outre-mer, qu’il s’agisse aussi bien du dialogue social, de la coopération régionale, de la gouvernance, de la culture, de la mémoire et de l’identité, de l’égalité des chances, de la formation, que de l’accès à l’emploi.
Le préfet Richard Samuel, d’origine antillaise, assurera la coordination de la plus grande consultation jamais menée outre-mer, qui aboutira, sous la présidence du chef de l’État, à la réunion du conseil interministériel de l’outre-mer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une nouvelle page s’écrit dans l’histoire des relations entre l’outre-mer et la métropole, une page empreinte d’espoir et de responsabilité, de solidarité et d’ambition partagée.
Quelles que soient parfois nos divergences, je suis persuadée que nous l’écrirons ensemble, dans la fidélité aux valeurs de la République et dans la confiance dans les hommes et les femmes d’outre-mer. C’est un devoir de la République, et telle est notre responsabilité.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
La parole est à M. le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental.
Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je me permets de rappeler in limine que M. le Premier ministre a saisi le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, le 11 février 2008, pour émettre un avis sur le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer. Ainsi s’intitulait alors ce projet de loi, sur lequel l’urgence nous fut alors recommandée.
Nous avons rendu notre avis, en séance plénière, le 23 mars 2008, en présence de Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et de M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, le vote intervenant le 24 mars. Or nous sommes aujourd’hui le 10 mars 2009, soit presque un an plus tard.
Le présent projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer – exit l’excellence ! – s’inscrit dans une suite de lois de programme, ce qui peut apparaître comme une forme d’hésitation, même si l’objectif est louable, puisqu’il vise à améliorer la situation existante. Toutefois, cette façon de procéder n’est pas forcément gage de bonne lisibilité.
Le Conseil économique, social et environnemental avait approuvé la philosophie générale de l’avant-projet qui lui était soumis, pour trois raisons.
D’abord, ce texte rompait avec l’assistanat et un système économique fondé sur l’importation au détriment de la production locale pour s’orienter vers la promotion d’un développement endogène.
Ensuite, il prenait en compte la persistance des difficultés dans l’ensemble de ces territoires, tout en tendant à valoriser les atouts de chaque collectivité d’outre-mer.
Enfin, et surtout, il reposait sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises, mais se plaçait aussi au cœur des réalités quotidiennes en faisant une place importante au logement social notamment et à la continuité territoriale.
Le Conseil économique, social et environnemental s’était félicité des avancées qu’apportait cet avant-projet par le soutien du secteur de la recherche, désormais inclus dans le champ de la défiscalisation et secteur prioritaire des zones franches globales d’activités, par les dispositions prises pour réduire la fracture numérique – défiscalisation des câbles sous-marins, des technologies de l’information et de la communication –, par les améliorations des dispositifs de continuité territoriale et, enfin, par la suppression de certaines dérives constatées dans l’utilisation du dispositif législatif en vigueur.
Toutes ces dispositions sont maintenues dans le projet de loi qui a été déposé au Parlement en juillet 2008.
Le Conseil économique, social et environnemental avait formulé d’autres propositions de modifications, dont certaines sont reprises dans ce projet de loi.
Je commencerai par les mesures de soutien aux entreprises.
Elles concernent, tout d’abord, les zones franches.
Sans être hostile à la mise en place des zones franches globales d’activités, le Conseil économique, social et environnemental avait proposé d’améliorer le dispositif envisagé et de soutenir davantage les entreprises éligibles au taux bonifié en relevant les plafonds qui leur sont applicables, au lieu de prévoir un plafonnement identique de l’abattement, quel que soit le taux simple ou bonifié.
Il avait aussi suggéré d’intégrer des secteurs stratégiques, comme les techniques de l’information et de la communication aux Antilles et l’agro-nutrition à la Réunion, dans les secteurs à taux bonifié.
Le Conseil économique, social et environnemental avait encore proposé de mieux prendre en compte les spécificités territoriales, comme la structuration de la Guadeloupe en archipel, génératrice de surcoûts dus à la double insularité et, enfin, d’intégrer le commerce de proximité sous conditions.
Les deux premières propositions sont prises en compte dans l’article 1er du projet de loi.
L’agro-nutrition à la Réunion et le secteur des technologies de l’information et de la communication dans l’ensemble des départements d’outre-mer ont été désignés comme secteurs prioritaires.
En outre, les plafonds d’abattement concernant le dispositif d’exonération d’impôts sur les sociétés et les bénéfices industriels et commerciaux ont été relevés pour les secteurs prioritaires.
En revanche, la nécessité de soutenir le petit commerce n’a pas été retenue, même si des aides sont envisagées, comme vient de le rappeler Mme le ministre.
J’en viens à la défiscalisation.
Le Conseil économique, social et environnemental avait considéré que le dispositif de défiscalisation mis en place depuis vingt ans avait contribué à atténuer certains handicaps structurels des collectivités d’outre-mer, à renforcer le secteur marchand par rapport au secteur public, à diversifier les activités et, surtout, à favoriser l’émergence d’une économie plus moderne.
Le Conseil économique, social et environnemental avait également estimé que, si des dérives et des effets d’aubaine ont pu se produire, l’avant-projet en tirait pour partie les conséquences.
Le projet de loi reprend l’ensemble des mesures visant à éliminer les effets pervers de l’ancien système.
En revanche, il maintient le plafonnement de la défiscalisation des énergies renouvelables figurant dans l’avant-projet, alors que le Conseil économique, social et environnemental invitait à traiter ce secteur de la même manière que les autres secteurs défiscalisés, surtout au moment où les pouvoirs publics affichent l’objectif de développer les énergies nouvelles.
J’en arrive aux autres mesures économiques.
Le Conseil économique, social et environnemental s’était félicité que le tourisme, déjà bénéficiaire de la défiscalisation et des exonérations de charges, soit aussi l’un des secteurs d’activités prioritaires choisis au titre des zones franches.
Il avait néanmoins souligné la nécessité de prendre en compte des facteurs plus qualitatifs tenant moins aux opérateurs qu’aux produits, et qui appelaient des mesures autres que financières et fiscales, comme l’incitation à une formation professionnelle plus intense et mieux adaptée. Aucune disposition nouvelle n’est prise à cet égard dans le projet de loi.
Le Conseil économique, social et environnemental a approuvé la mise en place d’une aide spécifique en matière de rénovation hôtelière, tout en se demandant s’il était nécessaire de ne retenir que les hôtels de soixante chambres, dans la mesure où le nombre de chambres n’est pas significatif de la petite hôtellerie outre-mer. L’article 13 du projet de loi a étendu le bénéfice du dispositif de subvention envisagé aux hôtels de cent chambres.
J’aborderai à présent les exonérations de charges sociales.
L’avant-projet modifiait le dispositif d’exonérations de charges en effectuant un recentrage sur les bas et moyens salaires.
Considérant, d’une part, que la baisse du coût du travail sera toujours insuffisante pour permettre aux entreprises d’outre-mer de faire face à la concurrence des pays voisins, mais, d’autre part, que les exonérations de charges associées à d’autres mesures sont un élément indispensable de la compétitivité desdites entreprises, le Conseil économique, social et environnemental approuvait le maintien des exonérations pour les bas salaires, admettait l’exclusion des hauts salaires au-delà de 3, 8 SMIC, mais posait la question pour les salaires intermédiaires, en rappelant les besoins en personnels d’encadrement dans ces régions.
Le Conseil économique, social et environnemental soulignait aussi que la dégressivité risquait d’entraver l’ascension sociale des salariés et que l’instauration d’un plafond unique à 1, 4 SMIC allait, de façon paradoxale, pénaliser les secteurs a priori les plus fragiles.
Il proposait donc un redéploiement au sein du dispositif, en restreignant son champ pour le réserver aux professions non réglementées et, en contrepartie, en relevant les seuils pour faciliter l’emploi des cadres.
La loi de finances pour 2009, à l’article 159, a intégré, par anticipation, les articles 11 et 12 du projet de loi relatifs aux exonérations de charges, en adoptant une mesure d’exonération plus incitative pour les entreprises des zones franches bénéficiant du taux bonifié, en portant pour ces dernières le plafond de 1, 4 SMIC à 1, 6 SMIC et en rendant l’exonération nulle à 4, 5 SMIC au lieu de 3, 8 SMIC, mais en maintenant l’uniformisation du taux à 1, 4 SMIC et la dégressivité.
Une autre proposition du Conseil économique, social et environnemental n’a pas été reprise, celle qui visait à faire de la formation professionnelle une condition de l’éligibilité de tout plan d’exonération de charges présenté par les employeurs.
J’en viens à la relance de la politique du logement.
Le Conseil économique, social et environnemental avait estimé que les dispositions en faveur du logement social et la rénovation du dispositif de défiscalisation au profit du secteur social étaient des points importants de l’avant-projet. C’est pourquoi il se montrait très favorable à ces mesures dans leur principe, considérant qu’elles témoignaient de la volonté de mieux satisfaire les besoins en logements, essentiels pour la grande majorité des habitants d’outre-mer.
En revanche, le Conseil économique, social et environnemental n’était pas favorable à la disparition totale de la défiscalisation en faveur des secteurs libre et intermédiaire. Il soulignait les conséquences que pourrait avoir une telle disparition pour les ménages, souvent issus des classes moyennes, désireux d’acquérir leur résidence principale, ainsi que pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, où une telle mesure risquait d’entraîner une chute d’activité.
Il avait donc proposé de maintenir la défiscalisation en secteur libre lorsqu’elle concernait l’habitation principale en pleine propriété, en l’assortissant de conditions – plafonnement des ressources de l’investisseur, de la superficie du logement, de la surface au regard de la taille du ménage – ou en la réservant aux primo-accédants.
Le Conseil économique, social et environnemental avait encore proposé d’étaler un peu plus dans le temps, et en fonction des territoires, la disparition du locatif libre afin de permettre une transition plus facile avec le secteur social.
Il avait enfin proposé de maintenir la défiscalisation sur le logement intermédiaire, avec un encadrement strict des plafonnements.
À l’article 20 du projet de loi, il a été tenu compte de certaines de ces préconisations.
Ainsi, il prévoit le maintien de la défiscalisation relative au secteur libre pour la résidence principale sous conditions – primo-accession et base éligible limitée en surface –, un étalement dans le temps de la suppression de la défiscalisation du secteur libre destiné à la location pour éviter un impact trop brutal dans le secteur du BTP et le maintien de la défiscalisation dans le secteur intermédiaire jusqu’en 2012.
Le Conseil économique, social et environnemental avait aussi demandé, sans que le projet de loi en tienne compte, un étalement dans le temps de la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable sur les matériaux afin de ne pas pénaliser l’artisanat, ainsi qu’une action sur le coût du foncier et la mise en place, dans les collectivités qui n’en disposeraient pas, d’un établissement public foncier.
D’une façon générale, le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité être systématiquement saisi de toutes les évaluations concernant l’outre-mer, comme il l’a été pour la loi d’orientation et de programme pour l’outre-mer, la LOPOM, et pouvoir disposer, au même titre que la Commission nationale d’évaluation, dont il approuve la mise en place, des données et des informations lui permettant de se prononcer.
Le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité que, en matière de défiscalisation, les montages fiscaux soient rendus plus simples – déconcentration accrue des procédures, souplesse pour les petits projets – et que, en contrepartie, toute opération de défiscalisation hors champ de l’agrément fasse l’objet d’une déclaration.
Enfin, le Conseil économique, social et environnemental avait souhaité, tant pour la défiscalisation que pour les exonérations de charges, que des moyens de contrôle appropriés soient donnés aux administrations concernées.
Pour conclure, le Conseil économique, social et environnemental estime que ce projet de loi devrait entraîner la mise en œuvre d’une politique mieux adaptée au développement économique des régions ultramarines par une plus grande implication des acteurs locaux.
Toutes les recommandations que nous avons formulées dans notre projet d’avis, parfois critiques, n’avaient pour objet que de mettre en garde les pouvoirs publics sur des conséquences qui nous apparaissaient comme pouvant se révéler négatives.
L’outre-mer doit être positionné au sein d’un dispositif économique et social qui doit tenir compte des difficultés spécifiques parfaitement identifiées, dans la perspective d’un développement endogène.
L’avenir de l’outre-mer sera ce que les acteurs locaux voudront bien qu’il soit, dans une perspective à la fois métropolitaine et européenne.
Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la présidente, monsieur le président du Sénat qui nous faites l’honneur d’assister à ce débat qui vous passionne, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, le Sénat a été saisi du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer le 28 juillet dernier
Ce texte a été renvoyé au fond à la commission des finances. La commission des lois, la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales, saisies pour avis, ont également apporté leur expertise.
Le contexte dans lequel nous étudions ce projet de loi est, à plusieurs titres, particulier.
En effet, depuis l’élaboration du texte, la situation économique et sociale de l’outre-mer français a beaucoup évolué. Outre la crise financière globale, déjà évoquée, qui les touche au même titre que la métropole, les départements d’outre-mer sont au cœur d’une crise sociale particulièrement violente, depuis maintenant plus d’un mois.
L’onde de choc, partie de la Guadeloupe, a atteint, depuis, les autres départements d’outre-mer. Aujourd’hui, à la Réunion, un appel à la grève générale est lancé. Les pressions de tous ordres sont de plus en plus nombreuses. Les événements de l’actualité dépassent largement les règles normales de la démocratie.
Il résulte de cette situation très spécifique deux difficultés. Il s’agit, d’une part, d’un certain « décalage » des dispositifs proposés par le projet de loi initial, qui n’ont pas été prévus pour répondre à la situation de crise actuelle, dont les origines sont très anciennes ; il s’agit, d’autre part, d’un examen par la commission des finances de dispositions que le Gouvernement a annoncé vouloir amender de façon significative et qui ne seront sans doute pas adoptées telles quelles par notre assemblée.
Madame le ministre, vous nous avez dit, voilà quelques instants, que le Gouvernement serait attentif et ouvert à nos amendements. Permettez-moi de préciser que, le texte présenté étant celui de la commission, nous serons nous-mêmes très attentifs aux amendements que proposera le Gouvernement ; peut-être y apporterons-nous des réponses positives…
Sourires
Toutefois, je souhaite insister sur le fait que les mesures du projet de loi que nous allons examiner restent pertinentes. Certes, nous en sommes conscients, elles ne se suffiront pas, à elles seules, à répondre à la crise que connaît l’outre-mer aujourd’hui ; telle n’est d’ailleurs pas leur vocation.
Elles constituent, en réalité, le premier volet d’un plan plus vaste, qui va se déployer au cours des prochains mois.
Le Président de la République a ainsi annoncé la tenue d’États généraux pour l’outre-mer, qui, en donnant le temps de la réflexion, permettront d’apporter à cette crise les éléments de réponse qu’elle mérite.
Dans cette attente, les dispositions du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, tel qu’il a été adopté par la commission des finances, rendront plus efficaces les mécanismes de soutien à l’activité économique.
La principale mesure du texte est la mise en place, dans les départements d’outre-mer, de zones franches d’activités offrant des avantages fiscaux aux entreprises. Cette mesure fait suite à un engagement pris par le candidat Nicolas Sarkozy.
Ces zones franches d’activités concerneront la très grande majorité des PME des départements d’outre-mer. Le régime applicable à ces zones se caractérise par des exonérations sous la forme d’abattements de 50 % des bases d’impôt sur les bénéfices, de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties, dans la limite d’un plafond de 150 000 euros. Certaines zones géographiques et certains secteurs bénéficieront d’un abattement préférentiel égal à 80 % des bases d’imposition.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit l’ajustement d’un certain nombre de dispositifs déjà mis en place, dont l’efficacité s’est révélée incertaine.
Ainsi, le taux de la réduction d’impôt consentie au titre des navires de plaisance dans les DOM passe de 70 % à 50 %. Il est également prévu que les collectivités d’outre-mer qui disposent d’une autonomie fiscale devront avoir signé avec l’État une convention fiscale pour pouvoir bénéficier de la défiscalisation.
La réforme de la TVA dite « non perçue récupérable », ou TVA NPR, est un autre exemple de ces ajustements. La TVA NPR est un dispositif très spécifique, qui permet aux entreprises d’outre-mer de récupérer la TVA, y compris sur des importations de biens qui en sont exonérés. Elles sont donc remboursées d’une TVA qu’elles n’ont pas payée. Ce dispositif est réformé et encadré par le présent projet de loi.
Enfin, un titre entier du projet de loi porte sur le logement, notamment social.
L’outre-mer français connaît une situation particulièrement précaire en matière d’habitat pour les plus démunis. Moins de 8 000 nouveaux logements ont été construits dans les DOM en 2007, pour un nombre de demandes non satisfaites supérieur à 64 000 ; on parle même de 100 000 demandes en attente.
Le projet de loi prévoit, pour remédier à ce déficit dramatique, de recentrer sur le logement social le dispositif de défiscalisation du logement en vigueur aujourd’hui. Nous serons certainement amenés à examiner un grand nombre d’amendements visant à trouver des solutions pour le domaine du logement intermédiaire. Le régime actuellement applicable entraîne d’importants effets pervers : il favorise essentiellement le logement à loyer libre, pour lequel la demande est faible ; il entraîne un renchérissement important du coût du foncier et empêche les entreprises de construction de se consacrer à ce qui devrait être la priorité en outre-mer, à savoir le logement social.
Le texte vise donc à supprimer la quasi-totalité de l’ancien dispositif de défiscalisation et à en instaurer un nouveau, centré sur cette catégorie d’habitat.
Outre ces éléments, le Gouvernement a déposé plusieurs amendements portant mesures d’adaptation et de complément au projet de loi tel qu’il ressort des débats de la commission des finances.
Ces amendements visent essentiellement à renforcer le dispositif des zones franches d’activités et à assouplir la dégressivité des exonérations de charges sociales adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009. Ils prennent ainsi en compte la situation actuelle de l’outre-mer. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, qui aura l’occasion de préciser sa position au cours des débats, s’est déclarée favorable à la majorité de ces amendements, mais non à leur totalité !
Sourires
Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour formuler quelques observations personnelles, dont j’ai déjà fait part à M. le secrétaire d’État lors de son audition par la commission des finances, mais que j’ai plaisir à rappeler dans cette enceinte.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, nous avions demandé que l’application de la révision de la règle des charges sociales soit liée à la mise en œuvre de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, ou LODEOM. C’était impossible, nous a-t-il été répondu, et vous vous souvenez certainement, mes chers collègues, du débat que nous avons eu à ce sujet.
Ensuite, à l’occasion de l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, en tant que rapporteur pour avis, j’avais souhaité l’application du RSA en outre-mer dès 2009, et non en 2011. Cela paraissait alors impensable !
Je constate que, sur ces deux points, la commission aurait eu raison avant l’heure !
Autre remarque, je viens de découvrir que les ignames, autrefois produites en Guadeloupe, proviennent en grande partie aujourd’hui des sables du Val de Loire. On ne me fera pas croire que c’est bon pour les prix ou notre bilan carbone !
Nous nous sommes interrogés sur l’octroi de mer et le contrôle des prix des principaux produits de première nécessité.
Nous aurons certainement des débats approfondis sur ces points, ce qui répondra ainsi à votre volonté, madame le ministre, d’aller au fond des choses, comme jamais nous ne l’avons fait, sur différents sujets concernant l’outre-mer.
Je laisse maintenant à Marc Massion le soin de vous présenter notre analyse de l’équilibre global du projet de loi, notamment ses aspects budgétaires, ainsi que les modifications que nous y avons apportées.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, je vous présenterai l’analyse que la commission des finances a faite des dispositions de ce projet de loi, ainsi que les ajustements qu’elle a souhaité y apporter.
Je précise toutefois, à titre personnel, comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission voilà quelques semaines, que j’aurais préféré un autre calendrier pour l’examen de ce texte.
En effet, je m’interroge quant à la durée de vie de ce dernier. Alors que nous serons bientôt à la mi-mars, il n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Dans le même temps, le Président de la République a lancé les États généraux pour l’outre-mer – avec un calendrier relativement précis –, au cours desquels tous les sujets devront être mis sur la table, qu’il s’agisse de questions économiques, sociales, ou même institutionnelles, comme vous l’avez rappelé, madame le ministre, lors de la séance des questions au Gouvernement la semaine dernière à l’Assemblée nationale, où vous avez employé les termes forts de « gouvernance institutionnelle ».
Les États généraux devront rendre leur copie à la fin du mois de mai, pour que le conseil interministériel de l’outre-mer puisse présenter, selon les termes du Président de la République, un « vaste plan de dynamisation » pour les départements d’outre-mer.
Au cours d’une récente réunion à Matignon, j’ai également entendu parler d’un nouveau texte, qui serait déposé à l’automne.
Par conséquent, je me demande si tous ces textes ne risquent pas de s’entrechoquer. Pourtant, lors d’une réunion à Matignon, notre collègue Daniel Marsin a exprimé le souhait que l’on ne change pas chaque année les règles du jeu outre-mer. En l’occurrence, je crains l’accumulation des textes et les contradictions qui en résulteront peut-être.
J’en viens à la fonction qui est la mienne aujourd’hui, celle de co-rapporteur de la commission des finances sur ce texte.
Au total, d’après les chiffres fournis par le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer, l’équilibre budgétaire du projet de loi faisait apparaître, dans sa rédaction initiale, une dépense totale nette supplémentaire relativement modeste de 22 millions d’euros en faveur de l’outre-mer.
Plusieurs remarques peuvent être faites sur cet équilibre. Il résultait essentiellement de la compensation entre deux grandes masses budgétaires : d’une part, le coût des zones franches d’activités, estimé à 224 millions d’euros par an et, d’autre part, les gains résultant à la fois de la réforme de la TVA non perçue récupérable, estimés à 124 millions d’euros par an, et de celle des exonérations de charges sociales, évalués à 138 millions d’euros par an.
La mise en œuvre de la dégressivité des exonérations de charges, votée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, était initialement inscrite dans le présent projet de loi.
Deux nouvelles aides, aux montants plus réduits, s’ajoutent à cet équilibre financier.
Il s’agit, d’abord, de l’aide aux intrants et aux extrants, qui vise à compenser pour partie aux entreprises le coût d’acheminement des produits. Elle devrait être de 27 millions d’euros par an.
Il s’agit, ensuite, du fonds exceptionnel d’investissement, qui tend à aider les collectivités d’outre-mer à financer des grands projets structurants. Il devrait être doté de 40 millions d’euros par an en autorisations d’engagement.
Il apparaît, globalement, que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, opère non pas une suppression nette de niches fiscales, mais un déplacement budgétaire entre des niches fiscales.
Cette analyse implique toutefois que les nouvelles dépenses fiscales mises en place par le projet de loi aient un coût relativement stable. Or l’expérience des dispositifs de défiscalisation adoptés dans le cadre de la loi de programme pour l’outre mer du 21 juillet 2003 a montré que l’évaluation a priori du coût pour les finances publiques des niches fiscales était difficile. Ainsi, il faudra surveiller l’évolution de l’impact des zones franches d’activités, qui pourrait excéder les 224 millions d’euros prévus.
Par ailleurs, au regard du montant global de la dépense fiscale en direction de l’outre-mer, évalué à 3, 3 milliards d’euros en 2009, nous constatons que « seuls » 250 millions d’euros environ sont concernés par les dispositions du présent projet de loi.
Toutefois, de manière générale, et outre la situation actuelle particulièrement difficile, les orientations du texte qui nous est soumis vont dans le sens préconisé par la commission des finances.
En effet, elles visent à réformer les dispositifs actuellement existants pour restreindre ceux dont l’efficacité est douteuse, mais aussi à réorienter les financements ainsi dégagés vers des mesures plus favorables à l’activité économique endogène des collectivités territoriales d’outre-mer.
Ainsi, la réforme du dispositif de la TVA dite « non perçue récupérable » répond, en partie, à des critiques formulées à plusieurs reprises par la commission des finances. De même, la réorientation de la défiscalisation en matière de logement va dans le sens préconisé depuis plusieurs années par les rapports d’information de la commission.
Les réformes engagées suivent également les conclusions de plusieurs audits de modernisation mis en place dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Cette mise en œuvre concrète des réflexions de la RGPP doit être saluée.
Toutefois, j’attire de nouveau votre attention, mes chers collègues, dans le droit-fil des propos tenus par M. Éric Doligé, sur le fait que l’équilibre initial du projet de loi risque d’être largement modifié par les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement. Ainsi, d’après les informations fournies à la commission des finances, le cumul de l’ensemble des amendements déposés à ce jour par le Gouvernement accroîtrait de 114 millions d’euros l’effort financier du présent projet de loi. Je rappelle, à ce sujet, que de nombreuses mesures annoncées ces dernières semaines en faveur de l’outre-mer n’ont pas vocation à être incluses dans le présent projet de loi.
Pour sa part, la commission des finances a apporté des modifications, qui respectent l’objectif initial du projet de loi visant à recentrer les dispositifs d’aide sur les publics prioritaires, et qui, en même temps, tiennent compte des besoins qui se sont exprimés depuis le dépôt du texte l’été dernier.
Ses amendements s’inscrivent dans quatre directions principales.
Tout d’abord, sur l’initiative du président Jean Arthuis, nous proposons la création d’un titre additionnel consacré au pouvoir d’achat, dont l’article unique vise à encadrer par décret le prix de cent produits de première nécessité dans les DOM.
Ensuite, nous suggérons d’apporter des modifications visant à mieux encadrer le dispositif de la défiscalisation, notamment à prévoir que le nouveau dispositif créé par le projet de loi sera intégré au plafonnement des niches fiscales adopté dans la loi de finances pour 2009.
Par ailleurs, nous souhaitons introduire des ajustements des plafonds et des seuils d’éligibilité prévus par les différents dispositifs du projet de loi, pour les adapter à la situation réelle des collectivités territoriales d’outre-mer.
Enfin, nous proposons des modifications qui résultent directement du délai écoulé depuis le dépôt du projet de loi et qui consistent notamment à reporter l’entrée en vigueur des dispositifs par rapport à ce qui était initialement prévu.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l ’ Union centriste et de l’UMP.
Mes chers collègues, afin de permettre aux groupes de se réunir, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.