Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, je vous présenterai l’analyse que la commission des finances a faite des dispositions de ce projet de loi, ainsi que les ajustements qu’elle a souhaité y apporter.
Je précise toutefois, à titre personnel, comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission voilà quelques semaines, que j’aurais préféré un autre calendrier pour l’examen de ce texte.
En effet, je m’interroge quant à la durée de vie de ce dernier. Alors que nous serons bientôt à la mi-mars, il n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Dans le même temps, le Président de la République a lancé les États généraux pour l’outre-mer – avec un calendrier relativement précis –, au cours desquels tous les sujets devront être mis sur la table, qu’il s’agisse de questions économiques, sociales, ou même institutionnelles, comme vous l’avez rappelé, madame le ministre, lors de la séance des questions au Gouvernement la semaine dernière à l’Assemblée nationale, où vous avez employé les termes forts de « gouvernance institutionnelle ».
Les États généraux devront rendre leur copie à la fin du mois de mai, pour que le conseil interministériel de l’outre-mer puisse présenter, selon les termes du Président de la République, un « vaste plan de dynamisation » pour les départements d’outre-mer.
Au cours d’une récente réunion à Matignon, j’ai également entendu parler d’un nouveau texte, qui serait déposé à l’automne.
Par conséquent, je me demande si tous ces textes ne risquent pas de s’entrechoquer. Pourtant, lors d’une réunion à Matignon, notre collègue Daniel Marsin a exprimé le souhait que l’on ne change pas chaque année les règles du jeu outre-mer. En l’occurrence, je crains l’accumulation des textes et les contradictions qui en résulteront peut-être.
J’en viens à la fonction qui est la mienne aujourd’hui, celle de co-rapporteur de la commission des finances sur ce texte.
Au total, d’après les chiffres fournis par le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer, l’équilibre budgétaire du projet de loi faisait apparaître, dans sa rédaction initiale, une dépense totale nette supplémentaire relativement modeste de 22 millions d’euros en faveur de l’outre-mer.
Plusieurs remarques peuvent être faites sur cet équilibre. Il résultait essentiellement de la compensation entre deux grandes masses budgétaires : d’une part, le coût des zones franches d’activités, estimé à 224 millions d’euros par an et, d’autre part, les gains résultant à la fois de la réforme de la TVA non perçue récupérable, estimés à 124 millions d’euros par an, et de celle des exonérations de charges sociales, évalués à 138 millions d’euros par an.
La mise en œuvre de la dégressivité des exonérations de charges, votée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, était initialement inscrite dans le présent projet de loi.
Deux nouvelles aides, aux montants plus réduits, s’ajoutent à cet équilibre financier.
Il s’agit, d’abord, de l’aide aux intrants et aux extrants, qui vise à compenser pour partie aux entreprises le coût d’acheminement des produits. Elle devrait être de 27 millions d’euros par an.
Il s’agit, ensuite, du fonds exceptionnel d’investissement, qui tend à aider les collectivités d’outre-mer à financer des grands projets structurants. Il devrait être doté de 40 millions d’euros par an en autorisations d’engagement.
Il apparaît, globalement, que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, opère non pas une suppression nette de niches fiscales, mais un déplacement budgétaire entre des niches fiscales.
Cette analyse implique toutefois que les nouvelles dépenses fiscales mises en place par le projet de loi aient un coût relativement stable. Or l’expérience des dispositifs de défiscalisation adoptés dans le cadre de la loi de programme pour l’outre mer du 21 juillet 2003 a montré que l’évaluation a priori du coût pour les finances publiques des niches fiscales était difficile. Ainsi, il faudra surveiller l’évolution de l’impact des zones franches d’activités, qui pourrait excéder les 224 millions d’euros prévus.
Par ailleurs, au regard du montant global de la dépense fiscale en direction de l’outre-mer, évalué à 3, 3 milliards d’euros en 2009, nous constatons que « seuls » 250 millions d’euros environ sont concernés par les dispositions du présent projet de loi.
Toutefois, de manière générale, et outre la situation actuelle particulièrement difficile, les orientations du texte qui nous est soumis vont dans le sens préconisé par la commission des finances.
En effet, elles visent à réformer les dispositifs actuellement existants pour restreindre ceux dont l’efficacité est douteuse, mais aussi à réorienter les financements ainsi dégagés vers des mesures plus favorables à l’activité économique endogène des collectivités territoriales d’outre-mer.
Ainsi, la réforme du dispositif de la TVA dite « non perçue récupérable » répond, en partie, à des critiques formulées à plusieurs reprises par la commission des finances. De même, la réorientation de la défiscalisation en matière de logement va dans le sens préconisé depuis plusieurs années par les rapports d’information de la commission.
Les réformes engagées suivent également les conclusions de plusieurs audits de modernisation mis en place dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Cette mise en œuvre concrète des réflexions de la RGPP doit être saluée.
Toutefois, j’attire de nouveau votre attention, mes chers collègues, dans le droit-fil des propos tenus par M. Éric Doligé, sur le fait que l’équilibre initial du projet de loi risque d’être largement modifié par les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement. Ainsi, d’après les informations fournies à la commission des finances, le cumul de l’ensemble des amendements déposés à ce jour par le Gouvernement accroîtrait de 114 millions d’euros l’effort financier du présent projet de loi. Je rappelle, à ce sujet, que de nombreuses mesures annoncées ces dernières semaines en faveur de l’outre-mer n’ont pas vocation à être incluses dans le présent projet de loi.
Pour sa part, la commission des finances a apporté des modifications, qui respectent l’objectif initial du projet de loi visant à recentrer les dispositifs d’aide sur les publics prioritaires, et qui, en même temps, tiennent compte des besoins qui se sont exprimés depuis le dépôt du texte l’été dernier.
Ses amendements s’inscrivent dans quatre directions principales.
Tout d’abord, sur l’initiative du président Jean Arthuis, nous proposons la création d’un titre additionnel consacré au pouvoir d’achat, dont l’article unique vise à encadrer par décret le prix de cent produits de première nécessité dans les DOM.
Ensuite, nous suggérons d’apporter des modifications visant à mieux encadrer le dispositif de la défiscalisation, notamment à prévoir que le nouveau dispositif créé par le projet de loi sera intégré au plafonnement des niches fiscales adopté dans la loi de finances pour 2009.
Par ailleurs, nous souhaitons introduire des ajustements des plafonds et des seuils d’éligibilité prévus par les différents dispositifs du projet de loi, pour les adapter à la situation réelle des collectivités territoriales d’outre-mer.
Enfin, nous proposons des modifications qui résultent directement du délai écoulé depuis le dépôt du projet de loi et qui consistent notamment à reporter l’entrée en vigueur des dispositifs par rapport à ce qui était initialement prévu.