Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les événements et les incidents, parfois dramatiques, qui se sont déroulés ces derniers mois en Guyane, puis en Guadeloupe ainsi qu’en Martinique, et maintenant à la Réunion, nous montrent que l’outre-mer vit une crise profonde.

Cette crise est naturellement économique ; nos territoires souffrent de handicaps structurels majeurs : l’éloignement, l’insularité, les conditions naturelles, qu’elles soient climatiques ou sismiques.

La conjoncture financière exceptionnellement défavorable qui secoue le monde depuis l’automne affaiblit encore plus nos économies déjà fragilisées.

Finalement, le développement endogène de l’outre-mer n’a jamais vraiment réussi à se concrétiser et nos territoires sont trop peu ouverts sur l’extérieur.

Mais la crise est beaucoup plus large : quand le chômage des jeunes atteint 50 %, quand les jeunes diplômés ne réussissent pas à trouver un emploi correspondant à leur niveau de qualification, on crée peu à peu un sentiment d’abandon et de désespérance.

C’est pourquoi je tiens à saluer l’annonce par le Président de la République de la réunion d’états généraux de l’outre-mer, qui pourront établir, département par département, un constat global qui soit partagé par tous les acteurs locaux.

J’approuve également la constitution par le Sénat d’une mission commune d’information, qui apportera sa contribution à ce travail d’évaluation et de propositions.

J’en viens maintenant, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, au projet de loi que nous commençons d’examiner aujourd’hui, et qui constitue un premier élément de la révision des politiques publiques menées outre-mer.

Il contient de nombreuses dispositions fiscales et économiques, dont nous aurons l’occasion de débattre durant la discussion des articles. Je concentrerai mon propos sur les sujets qui concernent particulièrement la commission des affaires sociales.

Il s’agit tout d’abord des exonérations de charges sociales patronales.

Cette réforme a été adoptée par anticipation dans la loi de finances pour 2009. Néanmoins, je crois que nous devons l’adapter au nouveau contexte économique international.

Premièrement, il conviendrait d’en élargir le bénéfice à des niveaux de rémunération supérieurs à ce qui est actuellement prévu, et ce pour limiter les effets de seuil et favoriser le recrutement de personnel d’encadrement intermédiaire. C’était d’ailleurs une promesse de Nicolas Sarkozy.

Deuxièmement, il conviendrait aussi d’en élargir le bénéfice à tous les secteurs prioritaires qui sont essentiels pour le développement de nos territoires : la recherche et le développement, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’environnement, les énergies renouvelables, le tourisme et l’agro-nutrition.

Troisièmement, il conviendrait enfin d’en élargir le bénéfice à toutes les zones rurales défavorisées des départements d’outre-mer. Le Gouvernement a déposé des amendements allant dans ce sens. Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je ne vous poserai en conséquence qu’une question, qui concerne la date d’entrée en vigueur de la réforme : quelles seront les charges sociales effectivement réclamées aux entreprises à partir du 1er avril prochain ?

Je souhaite maintenant évoquer la réforme des mécanismes de défiscalisation dans le secteur du logement.

En préalable, il est nécessaire de dire que la défiscalisation telle que nous la connaissons depuis plusieurs années a engendré des abus en pesant sur le marché de la construction. Ces mécanismes se sont en fait retournés contre le développement durable de notre économie. Par exemple, la production trop faible de logements sociaux ces deux dernières années est certainement liée à un effet d’éviction.

C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales s’est déclarée favorable à l’orientation générale de l’article 20 du projet de loi, notamment parce qu’il concentre les dépenses fiscales sur le logement social. L’axe majeur de la réforme vise en effet à supprimer la défiscalisation à usage locatif dans le secteur libre et à créer parallèlement un dispositif spécifique en faveur du logement social.

Cependant, la concentration des dépenses fiscales de l’État sur le logement social ne pourra être effective, et donc positive, que si les acteurs se saisissent rapidement et fortement des outils qui sont ainsi mis à leur disposition. En conséquence, l’État devra soutenir les organismes de logement social, qui n’ont pas l’habitude de travailler avec de telles procédures.

Or la période de latence entre l’extinction des mécanismes actuels et la montée en puissance des nouveaux pourrait se révéler longue ; dans ce cas, il y a un risque majeur de destructions d’emplois dans le secteur du BTP, alors même que celui-ci est extrêmement important dans nos départements.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous alerter sur cette question pour que vous puissiez nous assurer, au-delà des déclarations traditionnelles, que l’ensemble des services de l’État, tant au niveau central qu’au niveau déconcentré, seront totalement mobilisés sur ces questions et adopteront une position souple dans la gestion des dossiers de financement, notamment lorsqu’ils associeront crédits budgétaires et défiscalisation.

Finalement, la commission des affaires sociales a tenu à rappeler que les crédits budgétaires de l’État – la ligne budgétaire unique – doivent rester le principal outil de financement du logement social outre-mer.

À ce sujet, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, dans quelles conditions l’État entend-il régler sa dette à l’égard des organismes HLM ?

J’aurai l’occasion, durant la discussion des articles, de revenir sur la question du niveau du forfait de charges de l’allocation logement, qui est aussi un engagement du Président de la République.

Enfin, j’évoquerai un dernier aspect de la réforme de la politique du logement : l’extension de la compétence de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Face aux défis immenses de l’habitat insalubre et précaire, principalement à Mayotte, je suis tout à fait favorable à cette extension. Pour autant, quels seront les nouveaux moyens mis à la disposition de l’ANAH pour remplir ce nouveau rôle dans des territoires éloignés, isolés, et dont le parc de logements est si dégradé ?

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite enfin vous poser deux questions qui vont au-delà du projet de loi et qui concernent des annonces qu’a récemment faites M. le secrétaire d’État.

Premièrement, pouvez-nous donner des précisions sur l’extension du revenu de solidarité active outre-mer et, notamment, sur la création, annoncée par le Gouvernement, d’un « revenu supplémentaire temporaire d’activité » ? Quelle est l’articulation entre ces deux mesures ? Quels départements en seront bénéficiaires ? À quelle échéance ces deux mesures se mettront-elles effectivement en place ?

Deuxièmement, pouvez-vous nous indiquer le calendrier et les modalités du doublement du nombre de volontaires du service militaire adapté ?

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise actuelle réclame à l’évidence des réponses de court terme en faveur du pouvoir d’achat, mais il ne faudrait pas que, une fois les grèves passées, on oublie de réfléchir à l’ensemble des questions qui ont été soulevées en Guadeloupe et ailleurs et d’évaluer sereinement les politiques publiques menées outre-mer.

Nous devons travailler ensemble sur les mécanismes de formation des prix et sur l’organisation globale du système économique, dossiers que j’évoque depuis longtemps dans cet hémicycle, mais aussi sur les questions de formation initiale ou continue, sur la continuité territoriale.

Même si cet aspect est parfois galvaudé, n’oublions pas, mes chers collègues, que l’outre-mer apporte à la France une présence, une richesse, une diversité, une capacité d’influence qu’elle n’aurait pas autrement. À l’heure de la mondialisation, les questions doivent être appréhendées globalement et la France doit s’appuyer sur ses territoires d’outre-mer, qui peuvent et doivent devenir des atouts dans la nouvelle économie.

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