Intervention de Charles Guené

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour du Sénat du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer coïncide avec la grave crise sociale et sociétale que traversent actuellement les départements d’outre-mer, en particulier des Antilles, dont l’origine est économique mais aussi, plus profondément, ethnique et historique.

Ce projet de loi avait été présenté au conseil des ministres et déposé sur le bureau du Sénat dès le 28 juillet 2008, preuve s’il en est – je tiens à le souligner – que le Gouvernement n’avait pas attendu la crise actuelle pour s’intéresser aux problèmes économiques de nos départements ultramarins.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui comporte un certain nombre de mesures favorisant notamment le développement économique endogène et permettant de rompre avec l’assistanat dans des territoires sévèrement touchés par le chômage.

La mesure centrale du texte est la création de « zones franches globales d’activités » dans les quatre départements d’outre-mer.

Un autre volet du texte porte sur l’actualisation de la loi de programme pour l’outre-mer, dite « loi Girardin », du 21 juillet 2003, avec une réorientation de ses mesures de défiscalisation en faveur du logement vers le logement social, en permettant aux sociétés d’HLM de bénéficier du dispositif de défiscalisation.

Ces dispositions ne sont bien évidemment pas suffisantes pour répondre à la crise qui touche nos départements ultramarins. C’est la raison pour laquelle un grand nombre d’amendements a été déposé par mes collègues, afin de tenir compte de l’évolution de la situation actuelle.

La commission des finances a notamment adopté un amendement proposant que cent produits de première nécessité soient soumis dans les DOM à des prix réglementés, fixés par décret en conseil d’État. Il s’agirait d’aligner au mieux leurs prix sur ceux de la métropole.

Cette disposition, introduite par le président de la commission des finances, est séduisante. L’article L. 410-2 du code de commerce prévoit déjà que les prix peuvent être réglementés par décret en Conseil d’État dans les situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement.

Si je crois nécessaire de rappeler ces dispositions, je m’interroge néanmoins, au nom du groupe UMP, sur l’opportunité d’être aussi directif. Il paraît plus judicieux de privilégier la négociation, de telles fixations de prix devant être décidées après concertation avec la grande distribution.

La négociation a d’ailleurs fait ses preuves, notamment en Martinique. Sous l’égide du préfet, un accord entre les grévistes et le syndicat de la grande distribution a été conclu le 17 février dernier, entérinant la baisse de 20 % des prix de cent familles de produits de première nécessité.

Cet accord a été finalisé le vendredi 6 mars : le « Collectif du 5 février » et les représentants patronaux sont tombés d’accord sur le nombre de quatre cents articles des cent familles de produits déjà actées, qui se verront appliquer cette baisse de 20 %.

Le groupe UMP soutiendra donc l’amendement du Gouvernement rendant cette réglementation des prix par décret non plus obligatoire mais facultative, sachant que la rédaction pourrait sans doute encore être améliorée.

Il me semble en outre nécessaire que le Gouvernement se saisisse du problème des marges et des circuits de distribution en outre-mer. La comparaison des prix entre la métropole et l’outre-mer n’aura de sens que lorsque la lumière aura été faite sur les circuits de distribution et les modalités de mise en place des prix.

Le rapport de l’Autorité de la concurrence, qui sera rendu en juin sur cette question, ainsi que les États généraux de l’outre-mer devront apporter des réponses.

Nul ne peut contester le fait que la crise économique et sociale trouve aussi son origine dans un mal-être plus profond, lié au sentiment de beaucoup d’ultramarins de souche d’être défavorisés par rapport aux habitants des départements d'outre-mer originaires de métropole. Mais il n’est pas pour autant acceptable d’intimider ou de montrer du doigt une communauté et de vouloir l’exclure, au motif qu’elle n’exécute pas certains ordres.

La société béké détient, certes, une grande partie des entreprises en outre-mer, mais il s’agit souvent d’entreprises familiales qui sont autant d’acteurs du développement économique de l’outre-mer et dont nous devons tenir compte dans le redéploiement attendu.

En dépit de certains efforts et de changements absolument nécessaires – j’en conviens tout à fait –, nulle communauté ne saurait être stigmatisée au nom de notre pacte républicain.

La caricature est aisée, la réalité est plus complexe. Beaucoup de ces entreprises détenues par des békés attachent une importance particulière à la formation de leur personnel, afin d’améliorer localement les compétences des salariés. Certaines d’entre elles s’impliquent également dans le développement culturel, la préservation du patrimoine de l’outre-mer, mais également dans le respect de l’environnement, au travers notamment de fondations d’entreprise.

La Fondation Clément, par exemple, mène des actions de mécénat en faveur des arts et du patrimoine culturel à la Martinique. Elle soutient la création contemporaine par l’organisation d’expositions et l’aide à l’édition d’ouvrages consacrés aux artistes martiniquais et guadeloupéens.

Le groupe UMP tient à saluer les mesures annoncées par le Président de la République, dont certaines vont être incluses dans le présent projet de loi. Nous nous félicitons ainsi des 580 millions d’euros d’aide budgétaire supplémentaire en direction de l’outre-mer.

Dans le cadre plus spécifique du texte qui nous intéresse, le Premier ministre a prévu l’ouverture d’une enveloppe budgétaire supplémentaire de 150 millions d’euros. Nous veillerons à ce que ces sommes soient utilisées à bon escient.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP aborde la discussion du projet de loi dans un esprit positif et constructif.

La crise actuelle doit faire prévaloir l’intérêt général, au-delà de nos divergences politiques et sans démagogie. Comme le disait voilà quelques heures le philosophe antillais Jacky Dahomay, le temps est désormais venu de nous hisser du passionnel au rationnel. Chacun a compris ici que nos travaux, en dépit de leur importance, constituent un rapport d’étape.

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