Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 1er A, ajouté par la commission des finances, présente la particularité de s’inspirer d’une proposition de loi déposée il y a peu par notre collègue Virapoullé, rapporteur pour avis de la commission des lois.
À dire vrai, le texte de cette proposition de loi appelait en lui-même quelques observations : tel est l’objet de cette intervention.
À la lecture de l’exposé des motifs de la proposition de loi, nous remarquons en effet un certain nombre d’éléments intéressants.
Notre collègue explique que : « Le tissu économique des départements d’outre-mer est aujourd’hui essentiellement composé d’entreprises qui exportent peu et comptent sur le pouvoir d’achat local afin de réaliser leur chiffre d’affaires.
« La grande distribution est particulièrement présente, celle-ci étant possédée par quelques grands groupes.
« Une part importante des petits producteurs locaux, notamment dans l’industrie agro-alimentaire, est obligée de subir les contraintes dictées par les centrales d’achat de cette grande distribution.
« À côté de cette grande distribution, dont le poids et l’influence peuvent être considérés comme exerçant une distorsion majeure sur l’économie, certains secteurs continuent de subir la présence d’une ou plusieurs grosses entreprises dominantes qui pratiquent des prix non conformes à l’optimum du marché. Citons à ce titre les transports aériens, la distribution de carburants, l’importation de matériaux de construction ou encore les télécommunications. »
Nous pourrions partager cette analyse, et, de fait, dire le contraire mériterait le reproche de méconnaître profondément les réalités et, notamment, les conséquences d’une libre concurrence qui, en modèle économique libéral, ne dure pas plus longtemps que ne durent les roses...
Nous ne pouvons manquer de citer les considérations de notre collègue, qui précise par ailleurs : « Il est paradoxal que le phénomène de mondialisation, dont la principale caractéristique est la quasi-abolition du coût de la distance, ne puisse s’appliquer dans les départements d’outre-mer.
« En effet, la plupart des théories économiques nous expliquent que dans n’importe quel bien de consommation sont incorporés des composants fabriqués là où les conditions de production sont les plus favorables, et que, de ce fait, le prix de ces produits est tendanciellement à la baisse.
« Il apparaît alors très étrange que ce paradigme économique ne puisse pas s’appliquer dans les départements d’outre-mer, alors qu’il s’applique parfaitement pour des pays pourtant voisins... »
Eh bien, mes chers collègues, malgré le credo libéral qui anime le contenu de cet exposé des motifs, nous pouvons en tirer bien des considérations.
En premier lieu, la mondialisation, quoi qu’on en dise, ne fait pas baisser les prix du seul fait de l’ouverture des marchés à tous les vents et d’un univers devenu, d’un seul coup, plus concurrentiel, au bénéfice des consommateurs.
Dans ce cas précis, il s’agit du même type de représentation mythique que celui que nous dénoncions lors de la discussion de l’amendement n° 157 de nos collègues du groupe socialiste, portant sur l’intitulé de ce titre additionnel.
En second lieu, c’est bel et bien la question du processus de formation des prix qui nous interpelle dans cette affaire. En effet, au-delà du coût des matières premières, de la part des dépenses de recherche et développement nécessaires pour les transformer, du coût connexe des transports éventuels, se posent les questions de la part de la rémunération du travail humain, de celle des frais financiers liés à l’exploitation, comme de celle de la marge opérationnelle des entreprises et des exigences de rentabilité de l’investissement.
S’arrêter, par exemple, à la question du coût de l’octroi de mer serait faire fausse route. Ne serait-ce que pour une raison simple : le montant de l’octroi de mer perçu par les collectivités locales d’outre-mer et, en l’occurrence par les régions, représente, à peu de choses près, celui de la réduction de la TVA liée aux taux particuliers applicables outre-mer : d’un côté, le produit fiscal de l’octroi de mer s’élève à 1 050 millions d’euros ; de l’autre, l’atténuation des recettes représente 1 180 millions d’euros.
La formation des prix, mes chers collègues, passe aussi et notamment par l’analyse de la répartition entre salaires et profits dans le prix finalement imposé à la clientèle.
Nous avons dit que le taux de marge des sociétés implantées outre-mer ne souffrait pas d’être comparé à celui des entreprises implantées en métropole. Or ce qui rend bien souvent les entreprises ultramarines si rentables, c’est précisément l’allégement conséquent de la part des salaires dans les prix : entre exonérations de cotisations sociales et allégements fiscaux divers, la rentabilité des entreprises n’est pas en cause. Dès lors, la logique qui conduit certaines entreprises disposant de positions dominantes à fixer comme elles l’entendent les prix imposés à leur clientèle devient encore plus insupportable.
C’est ce qu’il convenait de rappeler avant d’aborder la discussion de cet article 1er A.