Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 9 décembre 2011 à 9h30
Droit au repos dominical — Article 2

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en prévoyant la généralisation du volontariat, des contreparties au travail le dimanche et un repos compensateur, l’article 2 rompt l’équilibre de la loi du 10 août 2009. Or cet équilibre reposait sur une réalité : le travail le dimanche n’a pas la même nature dans les commerces où il est de droit et dans ceux où, soumis à autorisation administrative, il revêt un caractère exceptionnel.

Dans le premier cas, le travail dominical découle de la nature de l’activité ou de la localisation du commerce. Ainsi, les salariés d’un commerce situé dans une commune très touristique savent qu’ils risquent, de ce fait même, d’avoir à travailler le dimanche. Il appartient alors aux partenaires sociaux de fixer les contreparties du travail du dimanche par le biais d’un accord collectif. La loi de 2009 a rendu cette négociation collective obligatoire afin de protéger les salariés.

En revanche, lorsque le travail du dimanche revêt un caractère exceptionnel, il est nécessaire que des dispositions légales protègent les salariés concernés. Tel était l’objectif de la loi Mallié, qui garantit le volontariat du salarié et prévoit des contreparties légales obligatoires.

Pourquoi nier la différence intrinsèque existant entre ces deux situations de travail dominical ? Surtout, pourquoi ne voulez-vous pas reconnaître, chers collègues, que le dispositif de la loi Mallié a fait ses preuves ?

Sans doute aurait-il fallu attendre la remise du rapport du comité de suivi de l’application de cette loi : vous auriez alors découvert que la négociation collective fonctionne et qu’elle a permis de conclure des accords offrant de solides garanties aux salariés.

Examinons la situation antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 2009. Selon les études du comité de suivi, s’agissant des accords de branche, la majorité des conventions collectives des secteurs occupant traditionnellement des salariés le dimanche, et bénéficiant à ce titre de dérogations permanentes de droit, prévoyaient des contreparties. Ainsi, la convention collective des fleuristes prévoit que le repos hebdomadaire pris par roulement ouvre droit à une contrepartie : deux jours de repos consécutifs comportant un dimanche sont accordés toutes les huit semaines. En revanche, la question du volontariat n’est en général pas abordée. Cela s’explique par la nature même de l’activité de fleuriste.

Si l’on fait le bilan des accords d’entreprise conclus depuis l’entrée en vigueur de la loi Mallié, on constate que la plupart d’entre eux ont uniformisé le régime des contreparties applicable aux salariés de l’entreprise, quels que soient le lieu d’implantation du magasin – un PUCE, une commune ou une zone touristique – et le régime de dérogation. Le rapport évoque à cet égard les enseignes Décathlon, Boulanger, SFR, Maxi Toys France, Kiabi Europe ou encore Leroy-Merlin. Tous ces accords prévoient des conditions favorables aux salariés : en général, le principe du volontariat, une augmentation de la rémunération et l’attribution d’un repos compensateur. Voilà qui semble très positif !

Mais les auteurs de la proposition de loi veulent à tout prix casser le dispositif instauré par la loi du 10 août 2009.

Il suffit d’examiner la liste des zones touristiques créées depuis la promulgation de cette loi pour constater que le travail le dimanche y est une nécessité intrinsèque. La situation n’est pas du tout la même que pour les PUCE.

Dans cette liste figurent le centre-ville de Cancale, celui de Chartres, un périmètre au sein de la ville de Nice englobant le Vieux-Nice, une partie du centre-ville et de la promenade des Anglais, Cagnes-sur-Mer, Vence, Cannes et Orléans. Trouveriez-vous normal, mes chers collègues, que ces villes au fort potentiel touristique restent sans vie le dimanche et que seuls quelques commerces y soient ouverts ? Vous niez l’évidence !

Qu’on ne nous dise pas non plus que la loi de 2009 a suscité une extension du travail le dimanche : on voit bien que sa promulgation n’a pas entraîné une multiplication des demandes de classement dans la catégorie des communes ou des zones touristiques.

Il ne fait aucun doute que vous énoncez des contrevérités et que l’article 2 de la proposition de loi ignore la réalité du terrain. En conséquence, le groupe UMP ne le votera pas.

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