Intervention de Alain Gournac

Réunion du 9 décembre 2011 à 9h30
Droit au repos dominical — Article 3

Photo de Alain GournacAlain Gournac :

L’article 3 nie lui aussi les réalités économiques.

Si son objet direct est juridique, la présente proposition de loi a également une portée économique.

Avant la loi du 10 août 2009, les entreprises, compte tenu des incertitudes affectant leur situation juridique, étaient soumises à un contentieux, parfois important, qui les fragilisait, ainsi que leurs salariés.

Tout d’abord, mes chers collègues, je tiens à rappeler combien les effets du régime du repos dominical sont importants pour les entreprises. En effet, ce régime est perçu par les acteurs économiques comme un obstacle au développement.

Comment ne pas reconnaître que le débat macroéconomique sur les effets des dérogations à la règle du repos dominical est difficile à trancher ? Dans le rapport intitulé « Consommation, commerce et mutations de la société » qu’il a présenté en 2007 au nom du Conseil économique, social et environnemental, M. Léon Salto souligne expressément « la difficulté d’un exercice qui fait intervenir des paramètres multiples ».

De son côté, le Conseil d’analyse économique s’interrogeait, en 2007 également, sur les avantages et les inconvénients d’une extension des autorisations de travailler le dimanche. Dans son rapport intitulé « Réglementation du temps de travail, revenu et emploi », le passage consacré à cette question porte d’ailleurs le titre suivant : « Des pistes pour favoriser l’ouverture des commerces le dimanche ».

Ce rapport évoque, notamment, les avantages suivants de l’ouverture des magasins le dimanche : un accroissement de l’amplitude des horaires d’ouverture qui profite aux consommateurs, une plus grande équité dans la concurrence avec les magasins automatiques et le commerce électronique, ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En outre, il souligne que « les études empiriques disponibles montrent que les expériences passées dans ce domaine ont induit des créations d’emplois, comprises entre 3 % et 10 % de l’emploi du secteur », et relève que les emplois créés profitent surtout aux jeunes, dont les difficultés d’insertion sur le marché du travail sont particulièrement importantes en France. Un autre facteur ne doit pas être négligé, à savoir la demande étrangère : n’oublions pas que 77 millions de touristes ont visité la France en 2010 !

Pour l’ensemble de ces raisons, l’absence d’adaptation du régime du repos dominical ne pouvait que constituer, dans certains cas, un obstacle au développement économique. Je dis bien : « dans certains cas »…

De plus, je le répète, les entreprises étaient fragilisées par les contentieux.

Au total, on dénombre, en compilant l’ensemble des règles applicables, près de 180 dérogations à la règle du repos dominical, situation dont M. Richard Mallié a décrit les conséquences :

« Le caractère discrétionnaire et/ou interprétatif de nombre d’entre elles donne lieu à des recours contentieux en grand nombre avec une importance plus accentuée dans certaines régions et professions.

« Il en résulte une multiplication de décisions contradictoires dans le temps et dans l’espace, introduisant de nouvelles distorsions de concurrence et créant de véritables imbroglios qui font régner l’incertitude pour les opérateurs et leurs salariés. »

Dans son rapport, M. Léon Salto faisait entrevoir le lien existant entre incertitude juridique et fragilité économique.

Je ne reviendrai pas dans ce propos sur l’ensemble des contentieux liés au repos dominical, chacun ayant en mémoire les nombreuses difficultés que ce sujet suscitait de manière récurrente, notamment à Paris et en région parisienne, ou encore dans les Bouches-du-Rhône.

Ces contentieux fragilisaient d’autant plus les entreprises concernées qu’ils étaient de nature multiple.

Ils pouvaient être judiciaires, puisque l’article L. 3132-31 du code du travail donne compétence à l’inspecteur du travail pour « saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l’emploi illicite de salariés ».

Ils pouvaient être administratifs, puisque, comme tout acte administratif, une décision préfectorale d’autorisation ou de refus de dérogation au repos dominical peut faire l’objet d’un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux devant la juridiction administrative.

Non seulement ces contentieux étaient source d’incertitude, mais ils pouvaient aussi être directement à l’origine d’une fragilité financière des entreprises concernées.

En conséquence de ces observations sur les aspects économiques du dispositif de la loi Mallié, notre groupe ne peut souscrire à l’article 3 de la présente proposition de loi.

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