L’article 1er constitue l’une des mesures essentielles du projet de loi. Il s’agit en effet de procéder à une défiscalisation des bénéfices des entreprises, dans des limites variables, soit 150 000 euros pour les entreprises dites ordinaires et 300 000 euros pour les entreprises de secteurs prioritaires.
La mesure proposée dans cet article s’inspire assez fortement de dispositifs d’ores et déjà existants, et de même nature, visant à alléger l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Ce dispositif appelle plusieurs observations.
L’article 1er est la mesure phare du programme Sarkozy pour l’outre-mer. Il en est attendu une amélioration de la compétitivité-prix des entreprises sur leurs marchés, par substitution à une partie des importations, et une augmentation de leur capacité d’exporter.
« La défiscalisation agit sur les coûts d’investissement, là où les zones franches agiront sur les coûts de fonctionnement. », explique le pouvoir. Encore faut-il que les marchés des DOM ne soient pas ouverts sans limite aux importations de France, d’Europe et de la Caraïbe, et que les accords de partenariat économique, les APE, permettent réellement d’exporter dans les pays voisins.
La baisse du coût du travail a des limites, vu le différentiel de coût du travail avec ces pays. Les entreprises ont besoin de débouchés. Par les exonérations d’impôts, la zone franche globale vise à augmenter l’excédent brut d’exploitation – autrement dit les profits – des entreprises, en espérant que ces dernières vont baisser leur prix et/ou investir en accroissant la valeur ajoutée et créer des emplois. Cela en vertu du fameux théorème néolibéral de Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. »
Or, l’expérience le prouve, sans l’imposition de contreparties en termes de création d’activités ou d’emplois à l’octroi d’avantages fiscaux et sociaux, la baisse du coût du capital et du travail ne conduit pas obligatoirement à des investissements ni à des embauches. C’est ce qui a, hélas, été observé, notamment en Corse. Les entreprises recherchent le retour sur investissement maximum et le plus rapide, ce qui explique, par exemple, la spéculation foncière.
Quant au patronat des DOM, il observe que ces zones franches ne sont « ni franches ni globales » puisque les abattements d’impôts sont partiels et plafonnés. Au départ, le MEDEF local et la CGPME n’étaient pas favorables à une zone franche globale, mais plutôt à une zone franche d’activités limitée au tourisme et réservée aux entreprises locales, avec maintien de la loi Girardin de 2003, étendue aux PME.
La zone franche instaurée en Corse sur le même modèle n’a pas apporté les résultats escomptés, à en croire les élus corses et la chambre de commerce : en dépit d’une certaine progression de l’emploi salarié, due sans doute à la diminution de l’emploi clandestin, on constate peu d’entreprises nouvelles, peu d’investissements nouveaux et un faible dynamisme de l’économie corse.
La zone franche globale d’activités est prévue en principe pour dix ans, avec dégressivité des taux d’exonération à partir de sept ans. La loi de programme pour l’outre-mer, dite loi Girardin, devait, elle, s’appliquer quinze ans.
Ne sont éligibles à la zone franche globale d’activités que les entreprises relevant des secteurs éligibles à la défiscalisation. Donc, toutes les petites entreprises commerciales de moins de dix salariés qui étaient éligibles aux exonérations de cotisations sociales ne sont pas incluses. Ces entreprises seront soumises à un fort accroissement de leurs charges sociales en raison de la modification de la réglementation sur les exonérations de cotisations.
Manifestement, l’ensemble du dispositif de l’article 1er nécessite d’être profondément modifié, au-delà des interrogations qu’il suscite quant au sens d’une politique publique qui se contente de mettre en œuvre des allégements fiscaux.