Intervention de Nicole Bonnefoy

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 6 décembre 2011 : 1ère réunion
Droits protection et information des consommateurs — Examen du rapport pour avis

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy, rapporteur pour avis :

Notre commission s'est saisie pour avis de ce projet de loi. À ce titre, elle doit examiner une vingtaine d'articles, outre la dizaine d'articles que la commission de l'économie nous a délégués au fond.

Les amendements que nous adopterons aujourd'hui seront présentés demain à la commission de l'économie, qui établira le texte. Sur les articles dont nous sommes saisis au fond, elle est susceptible de suivre notre avis.

Cela dit, le sort du texte me laisse sceptique : son examen ne sera sans doute pas achevé avant la suspension des travaux parlementaires en février, le Gouvernement n'ayant pas engagé la procédure accélérée. J'ai le sentiment d'un travail quelque peu inutile, bien qu'il marque la position de notre commission sur un certain nombre de sujets.

Ce projet de loi est un patchwork de dispositions diverses. En première lecture, l'Assemblée nationale l'a fait passer de 11 à 56 articles. Parmi les 50 amendements que je vous soumettrai, un seul insère un nouvel article. Beaucoup remédient à des incohérences ou des rédactions déficientes, car le texte n'est pas totalement abouti sur le plan juridique.

L'une des principales innovations est la création, en droit de la consommation, de sanctions administratives prononcées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), essentiellement dans des domaines qui ne font l'objet d'aucune sanction pénale, ou seulement de contraventions.

Il est faux de prétendre que les infractions ne seraient pas poursuivies : plus de 3 000 condamnations ont été prononcées en 2009 pour des infractions aux règles de la protection économique des consommateurs, et 1 500 en matière de sécurité et de conformité des biens et services. En revanche, permettre à la DGCCRF de prononcer une amende donne plus de poids et de réactivité à son enquête et à son procès-verbal. Cela conforte son rôle d'autorité régulatrice des pratiques commerciales et de la protection des consommateurs. Bien qu'elle fasse perdre la force symbolique attachée à la sanction pénale prononcée par le juge, la création de sanctions administratives me paraît justifiée dans son principe.

Reste la question des modalités. Les garanties apportées au justiciable sont moindres dans une procédure administrative que dans une procédure pénale. Attention à ce que la répression administrative ne soit pas plus sévère que la répression pénale ! Il faut un équilibre entre l'efficacité de la sanction et le respect des droits des professionnels.

Je vous proposerai plusieurs amendements sur cet aspect du projet de loi. L'un étend aux amendes administratives les règles de cumul applicables aux amendes pénales : en dessous de 3 000 euros, les peines d'amendes se cumuleraient sans limite ; au-delà, le cumul serait limité par le montant maximum d'amende encourue, conformément à l'article 132-4 du code pénal. Un autre amendement applique la jurisprudence constitutionnelle sur le cumul, pour une même faute, d'une sanction pénale avec une sanction administrative : la somme des deux amendes doit être inférieure à l'amende maximale encourue. Enfin, un amendement dispose que la sanction administrative est publique, au même titre que la condamnation pénale.

En principe, les sanctions administratives peuvent être contestées devant le juge administratif. L'Assemblée nationale a toutefois décidé que les sanctions relatives aux clauses abusives et aux manquements à l'obligation d'information du consommateur, feraient l'objet d'un recours devant la juridiction judiciaire, juge naturel du droit de la consommation. Cette exception est pertinente, mais pose d'inextricables problèmes d'articulation des contentieux. Je vous proposerai un amendement pour les surmonter.

Le texte dote la DGCCRF de nouvelles possibilités d'action, comme la saisine du juge judiciaire pour qu'il fasse bloquer un site internet. Toutefois, le texte est mal rédigé, au point que la DGCCRF pourrait saisir le juge de manquements qu'elle n'a pas le droit de constater par procès-verbal ! Je vous proposerai plusieurs amendements pour y remédier.

La DGCCRF sera-t-elle en mesure d'exercer ces nouvelles prérogatives ? Ses moyens ont beaucoup diminué ces dernières années. Il y a une limite à la capacité de faire plus avec moins...

Le projet de loi renforce de trois manières la lutte contre les clauses abusives : il impose au juge de déclarer non écrite une clause dont le caractère abusif apparaît au cours des débats ; il autorise la DGCCRF et les associations de consommateurs à saisir le juge pour qu'il déclare une telle clause non écrite dans tous les contrats identiques passés par le même professionnel ; il sanctionne d'une amende administrative la présence d'une clause inscrite sur « la liste noire des clauses abusives ». Ces dispositions sont utiles et conformes à nos engagements européens.

La vente à distance et le démarchage à domicile nécessitent une protection renforcée du consommateur. Dans les deux cas, le délai de rétractation actuel est de sept jours, mais je vous proposerai de transposer immédiatement une directive européenne du 25 octobre 2011 qui modernise le droit en la matière, notamment pour porter ce délai à quatorze jours. Inutile d'attendre que le Gouvernement demande une habilitation par ordonnance à la veille de l'expiration du délai, en décembre 2013.

Les ventes en réunion à domicile bénéficient dans ce texte d'une dérogation à l'interdiction de la prise de paiement jusqu'à expiration du délai de rétractation. Je vous proposerai de supprimer cette exception, pour assurer l'unité du régime des ventes par démarchage et mieux protéger le consommateur.

Le droit communautaire n'autorise pas à instaurer un délai de rétractation pour les contrats conclus dans les foires et salons. Les directives en matière de consommation imposant une harmonisation complète, elles interdisent à la loi nationale de prévoir une protection supérieure. Or notre droit de la consommation fait partie des plus protecteurs... S'agissant des foires et salons, je vous proposerai donc d'imposer l'information du consommateur sur l'absence de droit de rétractation.

Tirant les conséquences de la faillite de la CAMIF, le texte donne à la DGCCRF un pouvoir d'injonction pour ordonner la suspension - temporaire - de toute prise de paiement par l'entreprise de vente à distance. Je vous proposerai de réécrire l'article, en conservant son esprit.

Le projet de loi modifie également divers aspects de la loi de 1989 sur les rapports locatifs depuis l'établissement de l'état des lieux jusqu'à la restitution du dépôt de garantie, en passant par la création d'une action en diminution de loyer et l'instauration d'une grille de vétusté. Sur ces sujets, je vous proposerai des amendements de clarification, sauf pour l'article 2 bis B, que je vous proposerai de supprimer car il permet au bailleur d'augmenter le loyer, sans limitation de durée, après avoir réalisé des travaux réduisant les charges. Ces dispositions locatives auraient mérité un texte à part, mais l'avant-projet du Gouvernement sur les professions immobilières et les copropriétés n'est jamais venu...

Le projet de loi fait l'impasse sur la seule mesure qui serait véritablement efficace : la création d'une action de groupe « à la française », selon l'expression de nos collègues MM Yung et Béteille. Dans une société de consommation de masse, les consommateurs subissent le plus souvent un préjudice individuel trop faible pour les inciter à saisir le juge alors que le préjudice collectif est considérable. Le contrevenant tire ainsi un bénéfice indu de la faute commise, sans crainte d'être inquiété. MM. Yung et Béteille, qui ont travaillé sur ce sujet au sein de notre commission, ont proposé un dispositif équilibré : l'action de groupe fondée sur l'adhésion volontaire, avec des garde-fous protégeant de toute dérive « à l'américaine ». Je vous proposerai un amendement reprenant leur suggestion, pour parachever la protection des consommateurs.

Enfin, le projet de loi aborde d'autres sujets très divers - couvrant le droit des assurances, les ventes au déballage, la législation funéraire - sur lesquels je vous proposerai quelques amendements. Il incrimine ainsi la revente avec bénéfice de billets de manifestation sportive ou culturelle, grâce à un dispositif pertinent et conforme aux propositions déjà émises par notre commission.

Le texte donne par ailleurs le droit à toute collectivité territoriale de faire opposition, auprès du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), à l'enregistrement d'une marque reprenant son nom ou ses signes distinctifs. Désormais, toute personne souhaitant utiliser le nom d'une collectivité devra l'en informer. Ainsi, la collectivité aura les moyens d'agir préventivement. Je vous proposerai toutefois de limiter l'obligation d'information générale, qui risquerait d'être ingérable, à la seule utilisation du nom à des fins commerciales.

Le dernier point du texte renforce la protection contre le démarchage téléphonique, en reprenant le dispositif Pacitel. Je préfère la proposition de loi de notre collègue Mézard, car l'inscription par Internet sur une liste d'opposition écarterait de facto les personnes âgées, qui sont les plus vulnérables à ce type de démarchage.

Je vous propose donc un avis favorable à ce projet de loi, sous réserve des amendements que je vous soumettrai.

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