Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 6 décembre 2011 : 1ère réunion
Aides d'état aux services d'intérêt économique général sieg — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann, rapporteure :

Ce sujet, très technique, concerne les services publics et relève aujourd'hui du paquet Monti-Kroes. La Commission européenne souhaite modifier les règles accordées aux SIEG dans le cadre du paquet Almunia. Nous avons été avertis le 9 novembre de la proposition de résolution européenne de M. Piras et j'ai été nommée rapporteure le 23 novembre. Jusqu'à ces derniers jours, la date d'examen par la Commission de ce nouveau paquet était incertaine : elle devrait être reportée du 13 décembre au 20 décembre. Il importe d'aller vite, pour faire valoir la position du Sénat.

Le concept de SIEG recouvre les services d'intérêt général à vocation nationale et locale. Les collectivités locales, sont concernées, dès lors qu'elles exercent des activités économiques, poursuivent un objectif d'intérêt général et perçoivent des aides publiques. Peu importe que l'opérateur soit une entreprise privée ou publique, une association, une fondation, une organisation à but non lucratif ou une entreprise sociale. Peu importe également la forme de l'aide : droits exclusifs, subvention, ou encore avantage fiscal ...

Les SIEG ont été définis par rapport à la libre concurrence dès le traité de Rome de 1957, dont l'article 90 dispose que « les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence ». Cela ne saurait toutefois faire « échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière » impartie aux SIEG. Ces dispositions figurent aujourd'hui au deuxième paragraphe de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Il y a un grand débat entre la France et les institutions européennes, car ni la Commission de Bruxelles ni la Cour de Justice de l'Union européenne n'ont voulu donner de définition claire des SIEG, préférant une approche au cas par cas. Dès qu'il y a un marché, avec une offre et une demande, il y a activité économique, d'où une conception très large des SIEG, à mille lieux de la conception française du service public qui donne la primauté à l'intérêt général. Seules les activités de souveraineté, liées aux prérogatives de puissance publique, et les activités de nature purement sociale échappent à la qualification d'activité économique, mais la Commission a malheureusement une lecture très restrictive de ces dernières. Les services sociaux d'intérêt général (SSIG) se situent à l'intersection entre les services d'intérêt économique général et les services non économiques d'intérêt général (SNEIG). De nombreux SSIG, comme les régimes de protection sociale, les aides à l'insertion sur le marché du travail, et les aides au logement social, sont assimilés à des SIEG.

La Commission, en charge de l'application des règles relatives à la concurrence, exerce un énorme pouvoir sur les SIEG, d'où le débat sur la subsidiarité. En effet, elle peut en ce domaine délibérer sans le consentement du Conseil, ni du Parlement européen et encore moins des Parlements nationaux. Garante du marché intérieur, elle détient le monopole du contrôle des aides d'État, en principe interdites, sauf dérogation, comme le stipule l'article 107 du traité.

La Cour de justice a clarifié les termes du débat, en défendant un peu mieux les prérogatives des États membres en matière de compensation aux SIEG. Dans son arrêt Altmark du 24 juillet 2003, elle a fixé quatre critères cumulatifs pour qu'une compensation échappe à la qualification d'aide d'État: l'entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations clairement définies de service public ; les paramètres de la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente ; cette compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable ; le montant de la compensation est fixé dans le cadre d'une « procédure de marché public pour sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité » ou par référence aux coûts d'une « entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée ».

Dès lors que ces quatre critères sont remplis, la Commission ne peut pas donner à une compensation la qualification d'aide d'État. Dans le cas contraire, il faut poursuivre l'analyse, à partir de trois critères cumulatifs : les ressources sont publiques ; les échanges entre États membres sont affectés ; la mesure est de nature à fausser la concurrence. Si ces trois critères sont remplis, il s'agit d'une aide d'État. S'il manque au moins un des trois critères, la compensation est autorisée sans examen complémentaire.

Pour reprendre la main, la Commission a présenté le paquet Monti-Kroes, constitué d'une décision du 28 novembre 2005, exonérant de notification quatre types d'aides aux SIEG, d'une directive du 16 novembre sur la transparence financière entre les Etats-membres et les entreprises publiques, et d'un Encadrement du 29 novembre 2005 fixant les règles imposées aux aides non couvertes par la décision. Ce dernier texte n'a pas de valeur juridique obligatoire. Néanmoins, la simple existence d'un tel document pose problème, car elle induit une sorte de conformisme dans la mise en oeuvre de la norme qui n'est, culturellement et politiquement, pas neutre...

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