Intervention de Alain Fauconnier

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 7 décembre 2011 : 1ère réunion
Droits protection et information des consommateurs — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Alain FauconnierAlain Fauconnier, rapporteur :

Ce projet de loi a été adopté par l'Assemblée nationale en octobre dernier. Nous examinons les amendements adoptés par la commission des lois, mais ceux portant sur les articles délégués au fond ne devraient pas donner lieu à débat au sein de notre commission. En revanche, quand la commission des lois s'est saisie simplement pour avis sur d'autres articles, je vous proposerai un avis. Nos deux commissions ont travaillé dans un esprit constructif, dont je remercie Nicole Bonnefoy.

Nous avons procédé à 47 auditions, dont celle du ministre en commission. Ces auditions étaient ouvertes au groupe de travail constitué sur ce texte. Un certain nombre de collègues ont pu y participer, ce dont je me félicite.

Le Gouvernement a indiqué avoir suivi trois principes en élaborant ce projet de loi. Il a tout d'abord identifié les thèmes de manière empirique, à partir du dépouillement des 92 000 plaintes enregistrées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en 2010. Toutefois, des sujets de réclamation récurrents ne sont pas abordés par le projet, tels les travaux et réparations à domicile ou les litiges dans les secteurs de la banque et de l'assurance. Puis il a restreint le texte aux dépenses dites contraintes, qui occupent une part croissante dans le budget des ménages. Souhaitant enfin qu'il ne serve pas de « voiture balai » aux précédentes réformes du quinquennat, il a refusé de rouvrir certains débats de fond, comme ceux des prix agricoles et de la répartition des marges, du surendettement ou de l'action de groupe.

Le texte initial du Gouvernement ne comportait que 11 articles. Dans le premier chapitre sont regroupées des mesures sectorielles.

L'article 1er, concernant la grande distribution, entend mettre un terme aux obstacles au changement d'enseigne dans les relations entre un commerçant indépendant et un réseau de distribution, conformément aux préconisations de l'Autorité de la concurrence. L'article 2 porte sur la protection des consommateurs dans le secteur immobilier, de l'hébergement collectif des personnes âgées et des services à domicile. L'article 3, relatif aux communications électroniques rend contraignants les engagements pris par la fédération française des télécoms en septembre 2010. L'article 4 précise le régime des contrats de fourniture d'électricité ou de gaz naturel en complétant la liste des informations devant être communiquées au client et prévoit un mécanisme d'alerte en cas de modification anormale du montant facturé. L'article 5 crée un tarif social pour l'accès à internet haut débit. L'article 6 autorise le commerce en ligne des produits d'optique-lunetterie, tout en offrant au consommateur des garanties répondant aux particularités de ce type de produits.

Le deuxième chapitre aborde des questions transversales. L'article 7 étend la notion de protection des indications géographiques aux produits artisanaux ou industriels. L'article 8 renforce la protection du consommateur face au démarchage et à la vente à distance. L'article 9 porte sur l'information « précontractuelle » des consommateurs. L'article 10 étend le champ de compétences de la DGCCRF à trois nouvelles matières et lui confie un nouveau pouvoir de sanction administrative. Il lui permet également de saisir le juge judiciaire ou administratif, afin qu'il ordonne la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout type de contrat. Une telle clause sera réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs. L'article 11 autorise le Gouvernement à prendre des dispositions par ordonnance.

On ne peut que partager l'objectif d'amélioration de la protection économique et de la sécurité du consommateur, qui passe souvent par des réponses pragmatiques à des difficultés concrètes.

Les dispositions du texte initial vont plutôt dans le bon sens, et m'ont incité à aborder ce projet dans un esprit constructif. J'estime que des voies de convergence peuvent être trouvées sur de nombreux points. C'est le cas sur les dispositions relatives à la vente à distance des produits d'optique-lunetterie, sur lesquelles Gérard Cornu déposera des amendements.

Sur l'extension des indications géographiques aux produits non alimentaires ou sur l'amélioration de l'information précontractuelle lors des ventes à distance, je vous proposerai de consolider le texte.

En revanche, quand les députés ont adopté des positions qui affaiblissent la rédaction initiale d'un dispositif, je vous proposerai de lui rendre toute sa portée. Je vous demanderai ainsi de réécrire l'article 1er selon les préconisations de l'Autorité de la concurrence, car il est très important pour le consommateur de supprimer les obstacles au changement d'enseigne, afin de lutter contre l'oligopole qui règne dans le domaine de la distribution alimentaire. L'article 2 doit également être modifié pour rétablir le mandat exclusif des agents immobiliers. Sur tous ces points, le consensus le plus large peut prévaloir, puisqu'il s'agit d'en revenir à l'esprit du texte initial.

J'en viens aux faiblesses de ce texte, passé, à l'Assemblée nationale, de 11 à 55 articles. Ce projet devenu « fourre-tout » aborde de multiples sujets, des ventes aux déballages de fruits et légumes aux antennes-relais en passant par les soins esthétiques ! Il est critiquable, non par ce qu'il contient, mais par ce qu'il ne contient pas. Les mesures proposées demeurent très en-deçà de ce qu'il faudrait pour répondre aux problèmes concrets qui se posent aujourd'hui à nos concitoyens.

Je vous propose alors trois axes d'amélioration: prendre des mesures plus énergiques sur les dépenses contraintes ; améliorer l'effectivité des droits des consommateurs ; lors du débat en séance publique, compléter des lois antérieures, par exemple pour le crédit à la consommation.

Toutes les réformes économiques du quinquennat ont appréhendé la question du pouvoir d'achat principalement sous l'angle de la dépense et des prix, comme si la hausse de la concurrence suffisait à faire baisser les prix et à augmenter le pouvoir d'achat. Cela a été le cas de la loi de modernisation de l'économie (LME) ou de la réforme du crédit à la consommation. Malheureusement, on n'a pu restaurer le pouvoir d'achat des Français en jouant de cet unique levier. Comme l'avait montré le rapport d'Élisabeth Lamure sur la LME, l'impact de cette loi sur les prix reste difficile à analyser. Aucune étude économique n'a mis en évidence la baisse de prix recherchée. En revanche, les statistiques permettent de mesurer une tendance à la dégradation du pouvoir d'achat. Après un recul de 0,6 % en 2008 et de 0,2 % en 2010, il devrait baisser de nouveau en 2012 de 0,3 %, après une quasi-stagnation en 2009 et en 2011.

A cette faiblesse s'ajoute la hausse des dépenses contraintes. Représentant environ 20 % du budget des ménages en 1979, elles concernent désormais 48 % du budget des ménages pauvres. Les gains objectifs de pouvoir d'achat, en bas de l'échelle des revenus, sont de plus en plus accaparés par ces dépenses. Il est essentiel que ce texte les réduise véritablement.

Trois postes importants mériteraient ainsi une approche plus volontariste. Sur le logement, je présente un amendement freinant la hausse des loyers à la relocation. Celle-ci, notamment dans les « zones tendues », rend illusoire le droit au logement, pourtant consacré par la loi. La part moyenne du logement dans le budget des Français est passée de 11 % en 1960 à 25 % en 2007. Je propose également de plafonner les frais d'agence.

Sur l'énergie, un amendement garantira aux consommateurs l'accès à un volume minimal d'électricité et de gaz à un coût très réduit. Cette mesure qui offre un double avantage, social et environnemental, paraît d'autant plus urgente qu'une décision du Conseil d'État, du 28 novembre dernier, risque de contraindre le Gouvernement à augmenter de manière importante les tarifs réglementés du gaz : l'instauration concomitante d'une tarification progressive réduirait l'impact d'une telle mesure pour les ménages modestes.

Enfin, en matière de téléphonie mobile, un amendement permettra aux consommateurs de valoriser les avantages acquis grâce à leur ancienneté, par les points fidélité, sans réengagement. Je vous propose également de contraindre les opérateurs à distinguer, sur chaque facture, la répartition entre le coût de l'abonnement et celui de l'amortissement du terminal ; les abonnés, qui connaîtront de la sorte l'affectation de leurs dépenses en services de communications électroniques mobiles, pourront mieux comparer les offres concurrentes.

La deuxième faiblesse majeure de ce texte réside dans l'insuffisance des moyens mis à disposition du consommateur pour faire respecter ses droits. Il y a une contradiction entre la volonté affichée de renforcer les droits du consommateur, et l'affaiblissement des moyens de la DGCCRF. Entre 2008 et 2012, ses effectifs ont baissé de 15 %, et entre 2006 et 2010, ses contrôles ont été réduits de 13 %. On ne peut que s'interroger sur sa capacité à assumer les nouvelles missions qui lui sont confiées.

Par ailleurs, je vous propose d'accueillir favorablement l'amendement de Nicole Bonnefoy au nom de la commission des lois, relatif à l'action de groupe. Issu des travaux menés par nos collègues Laurent Béteille et Richard Yung, il permettra enfin une indemnisation juste et effective de préjudices qui ne font l'objet aujourd'hui d'aucune réparation.

Enfin, certaines questions n'ont pas été réglées de manière satisfaisante jusqu'à présent. C'est le cas du surendettement des ménages. La loi de juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation avait donné lieu à la constitution d'une commission spéciale. En effet, c'est un sujet à la frontière des compétences de notre commission, de celles des lois et des finances, et sa réflexion n'est pas encore totalement aboutie. Je vous proposerais donc de renvoyer à la séance publique la discussion des amendements sur ce sujet, afin que l'ensemble des sénateurs concernés puissent prendre part au débat et se déterminer en connaissance de cause.

Le sens de ma démarche est clair : il s'agit d'améliorer et surtout de compléter le projet qui nous est transmis, afin de construire un texte ambitieux, qui renforce les droits des consommateurs, réduise fortement le poids des dépenses contraintes et mette en place les moyens adaptés pour que ces droits soient effectifs.

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