Intervention de Michel Mercier

Réunion du 13 décembre 2011 à 14h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner, dans le cadre de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. La commission mixte paritaire n’est en effet pas parvenue à trouver un compromis sur le texte, ce qui n’a surpris personne…

Le texte que la Haute Assemblée examine aujourd’hui est identique à celui qui avait été voté par l’Assemblée nationale en première lecture. Comme lors de la précédente lecture, vous avez fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.

Je ne reviendrai pas sur le détail du dispositif, dont nous avons déjà débattu.

En revanche, je veux insister sur le fait que ce texte s’inscrit pleinement dans la philosophie de notre politique pénale pour les mineurs, qui combine la nécessité de sanctionner et celle de construire, ou de reconstruire, le jeune, afin de pouvoir le réinsérer dans la société. Il ne remet pas en cause les principes fondateurs de cette politique, tels qu’établis par l’ordonnance de 1945 et de nouveau consacrés par une récente décision du Conseil constitutionnel. En donnant la primauté à l’éducatif, tout en retenant le principe du volontariat, le service citoyen institué par la proposition de loi doit permettre aux jeunes délinquants de s’inscrire dans un véritable parcours de réinsertion.

S’agissant du contrat de service dans un centre relevant de l’Établissement public d’insertion de la défense – l’EPIDe – tel que le prévoit le texte, la mesure pourra être prononcée par le magistrat au titre de la composition pénale, dans le cadre d’un ajournement de peine ou comme obligation attachée à un sursis avec mise à l’épreuve. Cette mesure ne s’adressera qu’à des mineurs âgés de plus de 16 ans et ayant exprimé leur consentement à la suivre.

Le volontariat est en effet au cœur du dispositif, car chacun sait que la réinsertion est d’autant plus efficace qu’elle s’inscrit dans une démarche d’adhésion de l’intéressé.

Pour les mineurs, plus encore que pour les majeurs, nous devons adapter la réponse pénale à la diversité des profils et imaginer toutes les solutions de nature à permettre une prise en charge efficace. Pour ma part, j’ai la certitude qu’il ne faut se priver d’aucun outil pour favoriser la réinsertion d’un mineur délinquant. Le service citoyen est un instrument original, susceptible de répondre aux besoins de certains mineurs.

L’autorité judiciaire dispose d’ores et déjà d’une large palette de solutions permettant d’adapter la réponse pénale au profil du délinquant. Il s’agit aujourd’hui de compléter les mesures que le juge peut prononcer, pour une prise en charge la plus efficace possible.

Les EPIDe accueilleront, pour leur part, des jeunes qui auront certes commis une infraction, mais qui ne seront pas ancrés dans la délinquance. Ils seront intégrés au sein du public actuel de ces établissements et représenteront environ 10 % de l’ensemble des personnes accueillies. Il est en effet important que ces mineurs désorientés ne soient pas stigmatisés, ni ostracisés. Je suis convaincu que les jeunes majeurs auront un effet d’entraînement sur les plus jeunes. Ils bénéficieront tous du même traitement pour les activités collectives, à la différence près que les mineurs effectueront en plus, dans le cadre d’un programme individualisé, un travail sur l’acte de délinquance qu’ils auront commis.

La mise en œuvre du service citoyen que vise à instaurer cette proposition de loi suppose, bien évidemment, de renforcer le dispositif existant de l’EPIDe et d’abonder ses moyens afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées. Ainsi, dès février 2012, les trois centres de Bourges, de Belfort et de Val-de-Reuil pourront accueillir les premiers mineurs concernés. Les personnels d’encadrement bénéficieront à cet effet d’une formation spécifique, afin de permettre une prise en charge rapide et efficace de ces nouveaux publics. D’ici à juin 2012, quinze centres pourront accueillir des mineurs délinquants.

Un travail de grande qualité est en cours entre les services de l’EPIDe et le ministère de la justice. L’EPIDe est prêt à accueillir et à former les « volontaires juniors », comme les dénomme la direction de l’établissement, dès le mois de février. Leur accueil commencera dans douze centres, puis sera étendu à trois autres. Le dispositif connaîtra donc une montée en charge progressive jusqu’à octobre 2012.

Madame Klès, vous signalez, dans votre rapport, que vous n’avez trouvé aucune indication quant aux crédits nécessaires au financement de la mission. En premier lieu, je vous rappelle que la mission n’a pas pour le moment d’existence légale étant donné qu’elle n’est pas encore votée. En second lieu, je vous précise que ce n’est qu’à partir de 2013, c’est-à-dire quand le dispositif sera pleinement mis en œuvre, que la totalité du financement sera nécessaire. Je souligne que chacun des ministères concernés participera à hauteur de 2 millions d’euros. Pour le ministère de la justice, cette contribution se fera à budget constant.

L’EPIDe et les services de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, travaillent également sur l’extension de la convention existante relative à l’intégration de majeurs suivis par la PJJ. Cette convention modifiée, qui devrait être finalisée et signée dans les semaines à venir, permettra de fixer les modalités de fonctionnement du dispositif, à l’échelon tant national que local.

Je tiens à remercier le directeur général de l’EPIDe pour son implication dans ce projet, et ce au nom du Gouvernement dans son ensemble, puisque plusieurs ministères – outre celui de la justice, ceux de la défense, de l’emploi et de la ville – y travaillent avec lui.

Par ailleurs, toujours dans le souci de moderniser la justice des mineurs tout en préservant son identité et ses spécificités, le texte vise, dans son second volet, à mettre notre droit en conformité avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 8 juillet et 4 août derniers.

Sur proposition du Gouvernement, l’Assemblée nationale a ainsi introduit un article qui tire les conséquences de ces décisions quant à la composition du tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel pour mineurs et aux modes de poursuite devant ce dernier.

Ces dispositions permettent d’abord de renforcer l’impartialité des juridictions pour mineurs, en prévoyant notamment que le juge des enfants qui aura instruit l’affaire et l’aura renvoyée pour être jugée ne pourra pas présider le tribunal.

La proposition de loi précise ensuite, s’agissant des modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs institué par la loi du 10 août 2011 pour les récidivistes de plus de 16 ans, que le parquet aura la faculté de demander au juge des enfants le renvoi du mineur devant ce tribunal dans un délai compris entre dix jours et un mois. Ce mode de poursuite par voie de requête devant le juge des enfants assure la conciliation du rôle de ce magistrat, tel qu’il est défini par le Conseil constitutionnel, avec l’exigence d’apporter une réponse rapide – lorsque, bien sûr, cela est possible.

En créant le contrat de service citoyen, la proposition de loi qui vous est soumise vise à élargir le champ des réponses à la délinquance des mineurs, nous donnant ainsi un nouveau moyen de prévenir la récidive.

J’appelle la représentation nationale à ne pas se priver de ce nouvel outil de réinsertion sociale et professionnelle des mineurs délinquants, et je vous invite par conséquent à voter cette proposition de loi.

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