La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle :
- les scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ;
- et le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.
Pour les scrutins relatifs à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en application des articles 2 et 3 de la loi n° 49-984 du 23 juillet 1949, la majorité absolue des votants est requise. Je vous indique que, pour être valables, les bulletins de vote ne doivent pas comporter, pour chacun des scrutins, plus de six noms, sous peine de nullité.
Pour le scrutin relatif à la Cour de justice de la République, la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour être élu et, pour être valables, les bulletins ne peuvent pas comporter plus de six noms pour les juges titulaires et plus de six noms pour les suppléants, le nom de chaque titulaire devant être obligatoirement assorti du nom de son suppléant. En conséquence, la radiation de l’un des deux noms, soit celui du titulaire, soit celui du suppléant, entraîne la nullité du vote pour l’autre.
Les juges titulaires et les juges suppléants à la Cour de justice de la République nouvellement élus seront immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.
Les deux scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République auront lieu simultanément, dans la salle des conférences, en application de l’article 61 du règlement.
Je prie MM. Jean Boyer, Marc Daunis, Alain Dufaut, François Fortassin, Mme Odette Herviaux et M. Jean-François Humbert, secrétaires du Sénat, de bien vouloir superviser les opérations de vote et de dépouillement.
Je déclare ouverts :
-les scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ;
-et le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.
Ils seront clos dans une heure.
J’informe le Sénat que M. le président du Sénat a été saisi de la question orale avec débat suivante :
n° 8 - Le 15 décembre 2011 - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l’état des prisons françaises et l’application de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.
Faisant suite à de nombreux rapports, tel le rapport sénatorial de juin 2000 « Prisons : une humiliation pour la République », la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 était destinée à garantir le respect de la dignité et des droits minima des détenus.
Aujourd’hui, les observations du Contrôleur général des lieux de privation de libertés, celles de l’Observatoire international des prisons ou d’associations intervenant dans les établissements pénitentiaires témoignent que la loi n’est pas entrée dans les faits sur des points importants. Il s’agit par exemple de l’accès aux soins ou au travail ; des aménagements de peine qui n’ont pas les moyens de leur mise en œuvre ; des fouilles intégrales encore trop souvent la règle ; de l’encellulement individuel, loin d’être réalité.
Des juridictions administratives ont été amenées à prononcer des condamnations pour des conditions de détention non respectueuses de la dignité des personnes.
Quant à la surpopulation carcérale croissante, elle complique l’application de la loi.
Elle lui demande comment il entend mettre fin à cet état inacceptable des prisons en France, dénoncé depuis plus de dix ans par les parlementaires. (Déposée et communiquée au Gouvernement le 13 décembre 2011 – annoncée en séance publique le 13 décembre 2011.)
Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner, dans le cadre de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. La commission mixte paritaire n’est en effet pas parvenue à trouver un compromis sur le texte, ce qui n’a surpris personne…
Le texte que la Haute Assemblée examine aujourd’hui est identique à celui qui avait été voté par l’Assemblée nationale en première lecture. Comme lors de la précédente lecture, vous avez fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.
Je ne reviendrai pas sur le détail du dispositif, dont nous avons déjà débattu.
En revanche, je veux insister sur le fait que ce texte s’inscrit pleinement dans la philosophie de notre politique pénale pour les mineurs, qui combine la nécessité de sanctionner et celle de construire, ou de reconstruire, le jeune, afin de pouvoir le réinsérer dans la société. Il ne remet pas en cause les principes fondateurs de cette politique, tels qu’établis par l’ordonnance de 1945 et de nouveau consacrés par une récente décision du Conseil constitutionnel. En donnant la primauté à l’éducatif, tout en retenant le principe du volontariat, le service citoyen institué par la proposition de loi doit permettre aux jeunes délinquants de s’inscrire dans un véritable parcours de réinsertion.
S’agissant du contrat de service dans un centre relevant de l’Établissement public d’insertion de la défense – l’EPIDe – tel que le prévoit le texte, la mesure pourra être prononcée par le magistrat au titre de la composition pénale, dans le cadre d’un ajournement de peine ou comme obligation attachée à un sursis avec mise à l’épreuve. Cette mesure ne s’adressera qu’à des mineurs âgés de plus de 16 ans et ayant exprimé leur consentement à la suivre.
Le volontariat est en effet au cœur du dispositif, car chacun sait que la réinsertion est d’autant plus efficace qu’elle s’inscrit dans une démarche d’adhésion de l’intéressé.
Pour les mineurs, plus encore que pour les majeurs, nous devons adapter la réponse pénale à la diversité des profils et imaginer toutes les solutions de nature à permettre une prise en charge efficace. Pour ma part, j’ai la certitude qu’il ne faut se priver d’aucun outil pour favoriser la réinsertion d’un mineur délinquant. Le service citoyen est un instrument original, susceptible de répondre aux besoins de certains mineurs.
L’autorité judiciaire dispose d’ores et déjà d’une large palette de solutions permettant d’adapter la réponse pénale au profil du délinquant. Il s’agit aujourd’hui de compléter les mesures que le juge peut prononcer, pour une prise en charge la plus efficace possible.
Les EPIDe accueilleront, pour leur part, des jeunes qui auront certes commis une infraction, mais qui ne seront pas ancrés dans la délinquance. Ils seront intégrés au sein du public actuel de ces établissements et représenteront environ 10 % de l’ensemble des personnes accueillies. Il est en effet important que ces mineurs désorientés ne soient pas stigmatisés, ni ostracisés. Je suis convaincu que les jeunes majeurs auront un effet d’entraînement sur les plus jeunes. Ils bénéficieront tous du même traitement pour les activités collectives, à la différence près que les mineurs effectueront en plus, dans le cadre d’un programme individualisé, un travail sur l’acte de délinquance qu’ils auront commis.
La mise en œuvre du service citoyen que vise à instaurer cette proposition de loi suppose, bien évidemment, de renforcer le dispositif existant de l’EPIDe et d’abonder ses moyens afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées. Ainsi, dès février 2012, les trois centres de Bourges, de Belfort et de Val-de-Reuil pourront accueillir les premiers mineurs concernés. Les personnels d’encadrement bénéficieront à cet effet d’une formation spécifique, afin de permettre une prise en charge rapide et efficace de ces nouveaux publics. D’ici à juin 2012, quinze centres pourront accueillir des mineurs délinquants.
Un travail de grande qualité est en cours entre les services de l’EPIDe et le ministère de la justice. L’EPIDe est prêt à accueillir et à former les « volontaires juniors », comme les dénomme la direction de l’établissement, dès le mois de février. Leur accueil commencera dans douze centres, puis sera étendu à trois autres. Le dispositif connaîtra donc une montée en charge progressive jusqu’à octobre 2012.
Madame Klès, vous signalez, dans votre rapport, que vous n’avez trouvé aucune indication quant aux crédits nécessaires au financement de la mission. En premier lieu, je vous rappelle que la mission n’a pas pour le moment d’existence légale étant donné qu’elle n’est pas encore votée. En second lieu, je vous précise que ce n’est qu’à partir de 2013, c’est-à-dire quand le dispositif sera pleinement mis en œuvre, que la totalité du financement sera nécessaire. Je souligne que chacun des ministères concernés participera à hauteur de 2 millions d’euros. Pour le ministère de la justice, cette contribution se fera à budget constant.
L’EPIDe et les services de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, travaillent également sur l’extension de la convention existante relative à l’intégration de majeurs suivis par la PJJ. Cette convention modifiée, qui devrait être finalisée et signée dans les semaines à venir, permettra de fixer les modalités de fonctionnement du dispositif, à l’échelon tant national que local.
Je tiens à remercier le directeur général de l’EPIDe pour son implication dans ce projet, et ce au nom du Gouvernement dans son ensemble, puisque plusieurs ministères – outre celui de la justice, ceux de la défense, de l’emploi et de la ville – y travaillent avec lui.
Par ailleurs, toujours dans le souci de moderniser la justice des mineurs tout en préservant son identité et ses spécificités, le texte vise, dans son second volet, à mettre notre droit en conformité avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 8 juillet et 4 août derniers.
Sur proposition du Gouvernement, l’Assemblée nationale a ainsi introduit un article qui tire les conséquences de ces décisions quant à la composition du tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel pour mineurs et aux modes de poursuite devant ce dernier.
Ces dispositions permettent d’abord de renforcer l’impartialité des juridictions pour mineurs, en prévoyant notamment que le juge des enfants qui aura instruit l’affaire et l’aura renvoyée pour être jugée ne pourra pas présider le tribunal.
La proposition de loi précise ensuite, s’agissant des modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs institué par la loi du 10 août 2011 pour les récidivistes de plus de 16 ans, que le parquet aura la faculté de demander au juge des enfants le renvoi du mineur devant ce tribunal dans un délai compris entre dix jours et un mois. Ce mode de poursuite par voie de requête devant le juge des enfants assure la conciliation du rôle de ce magistrat, tel qu’il est défini par le Conseil constitutionnel, avec l’exigence d’apporter une réponse rapide – lorsque, bien sûr, cela est possible.
En créant le contrat de service citoyen, la proposition de loi qui vous est soumise vise à élargir le champ des réponses à la délinquance des mineurs, nous donnant ainsi un nouveau moyen de prévenir la récidive.
J’appelle la représentation nationale à ne pas se priver de ce nouvel outil de réinsertion sociale et professionnelle des mineurs délinquants, et je vous invite par conséquent à voter cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR, ainsi que sur quelques travées du RDSE.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc appelés aujourd'hui à examiner en nouvelle lecture la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. En dépit de ce que pourrait donner à croire son intitulé, ce texte, comme vous venez de le dire, monsieur le ministre, a en fait un double objet.
Il s’agit, d’une part, de créer 166 places dans les centres relevant de l’EPIDe pour l’accueil de mineurs délinquants. Je ne vois pas très bien en quoi cela correspondrait à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants…
Il s’agit, d'autre part, au travers de l'article 6, introduit par le biais de l’adoption d’un amendement du Gouvernement lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, de prendre en compte de récentes décisions du Conseil constitutionnel. Cet article peut, j’y insiste, être qualifié de « cavalier législatif », dans la mesure où il propose une organisation différente de la justice pénale des mineurs, sans que celle-ci ait fait l’objet d’aucune concertation avec les professions concernées, alors que l’objet de la proposition de loi n’a rien à voir avec l’organisation de la justice pénale des mineurs.
L’article 6 vise notamment à raccourcir certains délais de présentation des mineurs devant la justice, ce qui n’a pas non plus grand-chose à voir avec l’instauration d’un service citoyen pour les mineurs délinquants, ni avec la création de 166 places dans les centres relevant de l’EPIDe.
Comme en première lecture, aucun amendement n’a été déposé, en particulier par l’ancienne majorité sénatoriale. Cela ne laisse pas de m’étonner puisque, d’après nos collègues de droite, le texte n’était pas parfait et méritait d’être amendé.
En tout état de cause, la proposition de loi prévoit de placer des mineurs délinquants dans des centres relevant de l’EPIDe, quel que soit en fait le délit qu’ils auront commis. En effet, la mesure pourrait être décidée dans le cadre d’une composition pénale, d’un ajournement de peine ou d’une peine d’emprisonnement avec sursis accompagné d’une mise à l’épreuve. Que l’on puisse envisager de placer dans une structure fonctionnant selon le régime de l’internat mixte ouvert des mineurs délinquants sans trop se soucier de la nature des infractions commises me paraît surprenant et potentiellement dangereux.
Je rappelle que certains majeurs suivis par la PJJ sont aujourd'hui accueillis dans des centres relevant de l’EPIDe, avec des résultats des plus variables. Si ceux-ci sont plutôt bons et comparables aux résultats concernant d’autres majeurs non suivis par la PJJ lorsque les intéressés sont en phase post-sentencielle, c’est-à-dire après qu’ils ont été jugés, il n’en va pas de même quand ils sont en phase pré-sentencielle : les choses se passent alors presque toujours mal. Dans ce second cas, ils ont d’ailleurs, en général, été placés dans un centre relevant de l’EPIDe par les missions locales, sans que ce dernier ait forcément connaissance de leur parcours judiciaire.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que l’EPIDe était prêt à accueillir des mineurs délinquants : sans doute, mais à condition d’en avoir les moyens ! L’EPIDe a toujours clairement indiqué qu’il souhaitait disposer de quarante à quarante-cinq équivalents temps plein travaillé supplémentaires pour accueillir des mineurs délinquants, ne serait-ce que parce que, juridiquement, des moyens d’encadrement supplémentaires sont nécessaires. En effet, ce ne sont pas les mêmes personnels qui s’occupent de majeurs non délinquants ou en phase post-sentencielle et de mineurs délinquants en phase pré-sentencielle. Sans un renforcement de la formation, de l’encadrement et des moyens, l’EPIDe ne pourra assumer cette nouvelle mission dans de bonnes conditions.
À cet égard, je n’ai pas encore trouvé la moindre trace, dans le budget, des 8 millions d’euros annoncés. Vous nous expliquez aujourd'hui, monsieur le ministre, que cela est dû au fait que le texte n’est pas encore voté.
Je l’avais déjà dit la fois précédente !
… on préparerait l’arrivée en grande pompe et à grand renfort de communication d’un premier mineur délinquant dans un centre relevant de l’EPIDe ! Il n’est donc pas toujours nécessaire d’attendre le vote de la loi pour mettre en place les moyens d’appliquer certaines décisions !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez indiqué que la contribution du ministère de la justice au dispositif interviendrait à budget constant. Or il n’en est rien : les crédits alloués à l’EPIDe sont en baisse !
Le programme 102, principal contributeur, prévoyait 50 millions d’euros pour l’EPIDe en 2010, 48, 8 millions d’euros en 2011, mais il lui affectera 46, 6 millions d’euros seulement en 2012. Quant au programme 147, il prévoyait 25 millions d’euros à ce titre en 2010 et 24, 4 millions d’euros en 2011, contre 23, 7 millions d’euros en 2012. Le budget n’est donc pas constant, puisque les crédits destinés à l’EPIDe sont en diminution de 2, 9 millions d’euros par rapport à 2011 !
Me permettez-vous de vous répondre sur ce point, madame le rapporteur ?
Monsieur le ministre, j’ai trouvé ces chiffres dans les « bleus » budgétaires de cette année, je ne les ai pas inventés !
Vous ne voulez pas être interrompue parce que vous ne voulez pas entendre la vérité !
Pas du tout, mais quand vous avez la parole, vous ne supportez pas que je vous interrompe !
Monsieur le ministre, vous aurez tout loisir de répondre à Mme la rapporteure dans la suite du débat.
Veuillez poursuivre, madame la rapporteure.
Monsieur le ministre, quand bien même vous nous apporteriez tout à l’heure la preuve que je me suis trompée dans mes calculs et que le budget est constant, s’agit-il de 166 places supplémentaires ou d’un redéploiement parmi les 2 000 actuellement existantes ? Si le budget est constant, cela signifie que les places destinées aux mineurs délinquants seront prises sur celles qui sont actuellement affectées aux majeurs non délinquants et dont le nombre est déjà insuffisant.
Cela serait d’autant plus regrettable que le taux de réussite de ces centres en matière de réinsertion est très intéressant, même s’il n’est pas de 83 % comme cela a pu être affirmé. On va donc lancer une innovation à la pertinence très incertaine au détriment d’un dispositif qui fonctionne bien, et ce sans accorder les moyens supplémentaires initialement promis !
Vous nous dites que le dispositif va monter en puissance jusqu’en octobre 2012 ; j’aurais aimé que, parallèlement, le budget progresse jusqu’à cette échéance : il n’était pas question, à l’origine, qu’il reste constant.
Nous nous étions déjà opposés, lors de la première lecture, à cette proposition de loi, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer et par respect pour l’EPIDe, dont le budget est en baisse continue, à l’instar de celui de la PJJ, laquelle ne pourra donc l’aider à assumer sa nouvelle mission. J’ajoute que les objectifs quantitatifs assignés à l’EPIDe ont été divisés par dix : alors qu’il avait été annoncé en 2008 que ses centres prendraient en charge 20 000 jeunes chaque année, ce chiffre a été ramené à 2 000 seulement en 2009 dans le contrat d’objectifs et de moyens. On confond rééducation de mineurs délinquants et insertion de jeunes majeurs volontaires, en ajoutant au tout un cavalier législatif !
Tout cela nous amène à déposer de nouveau une motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Compte tenu du déroulement des opérations de vote relatives à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et à la Cour de justice de la République, j’appelle dès maintenant M. Pillet à la tribune.
La parole est à M. François Pillet.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, l’entente entre députés et sénateurs sur la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants s’étant révélée impossible, nous procédons aujourd’hui à une nouvelle lecture de ce texte. Je ne vous étonnerai sans doute pas en indiquant d’emblée que la position du groupe UMP n’a pas varié.
« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. »
Si Platon s’interrogeait déjà, dans La République, sur les risques qu’encoure une société si les règles de la vie en communauté ne sont pas dictées aux jeunes générations et respectées, c’est que cette crainte est ancrée en l’humanité à tout le moins depuis l’Antiquité.
Partant, notre unique ambition est d’assurer la protection de nos concitoyens contre une insécurité grandissante, en l’occurrence suscitée par des mineurs, et de prendre en compte l’avenir de ces derniers.
Il s’agit non pas de les stigmatiser, encore moins de les enfermer dans un déterminisme de la délinquance, mais bien au contraire de trouver des solutions propres à leur faire prendre conscience du délit commis, quelle que soit sa gravité, tout en leur démontrant que d’autres voies s’offrent à eux.
Depuis l’adoption de l’ordonnance du 2 février 1945, le droit pénal des mineurs est fondé sur la conviction profondément humaniste que tout mineur délinquant est un être en construction qui doit avant tout être protégé et éduqué.
Conformément à l’article 37 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, aux termes duquel « l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant » ne doit être qu’une « mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible », notre droit encadre très strictement l’incarcération des mineurs.
Nous le savons, la délinquance juvénile augmente. Elle n’a rien de commun avec celle que nous avons pu connaître voilà une vingtaine d’années. Elle est aujourd’hui plus violente et, outre les biens, vise les personnes par des actes dégradants, voire barbares. La nouveauté est qu’elle émane de mineurs de plus en plus jeunes, parfois d’adolescentes, qui n’hésitent pas à commettre l’indicible.
Misère sociale, misère psychologique, misère culturelle, misère morale conduisent à la déshérence, à l’ignorance, souvent au dédain des valeurs éthiques sur lesquelles repose une société.
L’arsenal juridique existe, les efforts déployés par le Gouvernement sont indéniables. Il faut toutefois améliorer le fonctionnement de la justice pénale des mineurs, parce que les délais anormalement longs de mise à exécution des décisions des juridictions pénales font perdre à la sanction son rôle pédagogique.
La loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice tendait à apporter de nouvelles solutions en matière de prise en charge des mineurs multirécidivistes, avec la création des centres d’éducation fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs.
À la suite des travaux que nous avons menés dans le cadre de la mission d’information qui nous a été confiée en 2011, Jean-Claude Peyronnet et moi-même avons estimé que le dispositif des centres d’éducation fermés méritait d’être pérennisé. Par ailleurs, nous avons conclu que l’enfermement des mineurs doit davantage prendre en compte l’éducation et la réinsertion dans la société.
Or nous débattons aujourd’hui des primo-délinquants ou des jeunes ayant commis des actes de faible gravité.
Nous n’ignorons pas que 1 % des condamnations pour crimes commis en état de récidive concernent des mineurs. En conséquence, il est indispensable de prendre en charge les mineurs primo-délinquants avant qu’ils ne partent à la dérive, en leur donnant les moyens de ne pas s’enferrer, de ne pas se condamner eux-mêmes. Nous n’acceptons pas la fatalité et désirons qu’ils s’en sortent, parce que nous les respectons dans leur devenir et que nous songeons à leur future vie en société.
Tel est l’objet de la proposition de loi dite « Ciotti ».
Nous l’avons déjà souligné, ce texte tend à prévoir que, sur l’initiative de l’autorité judiciaire, le jeune effectue un service citoyen d’une durée d’au moins six mois, pouvant aller jusqu’à un an, voire davantage, s’il demande une prolongation.
La liberté, fondement de notre République, est respectée puisque le mineur donnera nécessairement son accord avant d’intégrer un centre relevant de l’EPIDe.
Pourquoi avoir choisi de s’appuyer sur ces structures ?
L’article L. 3414-1 du code de la défense, qui définit les missions de l’EPIDe, dispose que celui-ci « organise des formations dispensées dans des institutions et par un encadrement s’inspirant du modèle militaire » et « accueille et héberge des jeunes dans le cadre de ces formations ».
Comme le relève Éric Ciotti dans son rapport, la qualité du travail réalisée dans les vingt centres relevant de l’EPIDe, qui n’est d’ailleurs contestée par personne, est illustrée par les résultats obtenus en matière d’insertion des jeunes : sur 2 370 volontaires en 2010, dont 2 258 effectivement sortis du dispositif, plus de 80 % sont entrés dans la vie active ou poursuivent une formation qualifiante.
Il est à noter que plus de 30 % des volontaires sont issus de zones difficiles ou prioritaires. Hormis la formation générale avec une remise à niveau pour les fondamentaux scolaires et une préparation à la mise en œuvre d’un projet professionnel, le sport et l’instruction civique font partie intégrante du programme. Cette dernière est en général dispensée par d’anciens militaires.
Les objectifs visés sont les suivants : redonner des repères, réveiller la volonté, transmettre les valeurs de la vie en communauté avec la participation aux tâches quotidiennes, donner un sens à l’action, tenter le pari de l’esprit sain dans un corps sain, restaurer l’estime de soi, nouer ou renouer avec l’apprentissage de la cohésion, mieux appréhender les enjeux de la vie en société.
L’expérience s’avérant assez concluante, ne pas offrir cette chance aux primo-délinquants, avec l’accord et le suivi du juge, serait irresponsable de notre part. Ce n’est certes pas la panacée, mais c’est l’une des meilleures solutions.
Arguer que ce projet signe l’échec de la justice en même temps qu’un engouement intempestif pour l’ordre militaire serait fallacieux. Il ne s’agit, j’y insiste, que d’un outil supplémentaire.
Plusieurs critiques ont été énoncées contre ce texte.
Tout d’abord, la mise en œuvre du dispositif proposé amènerait une déstabilisation de l’EPIDe. Il semble que la nécessité de recueillir le consentement du mineur accueilli et l’ouverture de places supplémentaires garantissent que tel ne sera pas le cas. Ajoutons que les problèmes de marginalisation sont souvent identiques entre les volontaires actuels et les primo-délinquants.
Ensuite, le caractère de cavalier législatif de l’article 6 n’est pas avéré, dans la mesure où les dispositions introduites par le Gouvernement présentent un lien bien réel, conformément au premier alinéa de l’article 45 de la Constitution, avec l’objet initial. Cet article tend, en effet, à améliorer le fonctionnement de la justice pénale des mineurs par la diversification des mesures à la disposition des magistrats. Il a notamment pour objet d’interdire que le juge des enfants ayant renvoyé un mineur devant une juridiction pour mineurs ne préside celle-ci.
Il a également été soutenu que l’impact de la proposition de loi n’aurait pas été évalué et que son financement n’aurait pas été prévu. Pourtant, le Premier ministre a annoncé, en septembre dernier, que 166 places supplémentaires seraient créées dans les EPIDe dès le début de l’année 2012, ce qui rendra possible l’accueil de mineurs délinquants.
Enfin, le coût de la mesure a été estimé à 8 millions d’euros. Il sera réparti entre les ministères de la défense, de l’emploi, de la justice et de la ville selon les conditions et modalités présentées par le garde des sceaux.
Mes chers collègues, nous refusons d’osciller entre incantations, impuissance, dramatisation et démagogie ; nous préférons agir. C’est pourquoi le groupe UMP votera cette proposition de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, alors que le Gouvernement venait à peine de nous imposer la loi du 10 août 2011 bouleversant le droit pénal des mineurs, M. Ciotti s’est précipité pour déposer une proposition de loi « visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants ».
Mais, comme nous l’avons indiqué lors de la première lecture, nous ne nous sommes pas laissés tromper par cet intitulé. En effet, il s’agit non pas de permettre à des mineurs d’effectuer un service citoyen consacré à des tâches d’intérêt général, mais simplement de flatter une fois encore l’opinion publique, en mettant en avant les notions d’autorité, de discipline, de « rigueur militaire ».
Mais si !
M. Ciotti assume d’ailleurs complètement le caractère populiste de sa proposition de loi lorsqu’il précise que « cette mesure est plébiscitée par nos concitoyens, par-delà les clivages politiques ». Rien que cela !
Fort heureusement, beaucoup n’ont guère été convaincus ou trompés, qu’il s’agisse des militaires eux-mêmes, mais aussi des magistrats ou des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, qui s’expriment au travers de leurs organisations syndicales. Cette lucidité prévaut également au sein d’organismes comme l’UNICEF ou la Convention nationale des associations de protection de l’enfant.
Tous dénoncent une nouvelle instrumentalisation de la délinquance des mineurs selon une logique d’affichage, par la création d’un service citoyen qui n’en est pas un. L’objectif, à l’évidence peu étudié par l’auteur de cette proposition de loi, est de prévoir l’accueil de jeunes dans des établissements publics d’insertion de la défense offrant des formations à des jeunes volontaires. C’est oublier que la vocation des centres relevant de l’EPIDe est non pas militaire, mais éducative, et qu’ils sont avant tout des lieux de réinsertion pour des jeunes rencontrant des difficultés scolaires, marginalisés ou en voie de marginalisation.
Le fonctionnement de ces centres repose sur un volontariat réel des jeunes accueillis : c’est un critère essentiel si l’on veut obtenir des résultats positifs. Or on ne peut parler de décision volontaire quand le mineur est placé devant un choix entre deux sanctions.
De surcroît, en mêlant jeunes majeurs et mineurs délinquants sous le coup d’une sanction pénale, on n’évitera pas que l’attention se focalise sur ces derniers ; il paraît évident qu’ils seront stigmatisés, du fait de différences de traitement, par exemple en matière de pécule ou d’autorisations de sortie. Or stigmatisation et efficacité se contredisent.
Au-delà, c’est toute la conception défendue par le Gouvernement et par M. Ciotti qui pose problème. En effet, cette proposition de loi, approuvée par Nicolas Sarkozy, s’inscrit dans une orientation idéologique constante depuis 2007 : les responsables, ce sont les parents démissionnaires, tandis que les mineurs commettant des actes de délinquance seraient plus nombreux qu’hier, et leurs infractions plus fréquentes et plus graves.
Il s’agit là encore d’une manipulation et d’une tromperie, visant à masquer la réalité, à savoir que la part des mineurs dans la délinquance stagne à 18 % ou à 19 % et baisse même légèrement.
Contrairement aux auteurs de l’ordonnance de 1945, les promoteurs de la proposition de loi refusent de considérer que les mineurs sont des enfants et que les mineurs délinquants sont des enfants en danger.
Ils cherchent à détourner l’attention de leur politique économique et sociale désastreuse, qui plonge nombre de familles dans des difficultés insurmontables.
Ils s’entêtent, poussés par une frénésie sécuritaire, à démolir méthodiquement la justice des mineurs.
Ils refusent de s’attaquer aux causes réelles du malaise de la jeunesse !
Cette fuite en avant se caractérise par une déspécialisation de la justice des mineurs et par un durcissement de la répression.
Pourtant, monsieur le garde des sceaux, tous les spécialistes de la délinquance des mineurs savent, disent, parfois hurlent que cette politique impulsive et brouillonne est contre-productive.
Des principes de l’ordonnance de 1945, il ressort, à partir de la distinction établie entre mineur et majeur, la prévalence de l’aspect éducatif et la nécessité de la spécificité non seulement des procédures, mais aussi des juridictions. C’est cela que vous sapez année après année, réforme après réforme.
En sept ans, sept rapports ont été commandés par le pouvoir sur la délinquance des mineurs, sans qu’il y ait jamais eu de véritable concertation avec les magistrats chargés de l’enfance et de la jeunesse, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, les éducateurs sociaux, les associations de terrain : sept rapports, et presque autant de réformes tendant à détricoter l’ordonnance de 1945, plutôt que de consacrer les moyens nécessaires à sa mise en œuvre et à celle des dispositifs déjà existants !
Nous nous opposerons donc une fois encore à ce texte, qui n’a d’autre visée qu’un affichage pénal et constitue un aveu d’impuissance du Gouvernement. §
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, on peut considérer que le recours à la procédure accélérée marque l’intérêt du Gouvernement pour la lutte contre la délinquance juvénile, à l’instar de la décision prise par le Premier ministre le 22 septembre dernier, lors d’une réunion interministérielle, de créer 166 places supplémentaires au sein des centres relevant de l’EPIDe, même si ce chiffre est modeste.
Bien sûr, les budgets doivent suivre ; je crois que vous avez pris des dispositions pour qu’il en soit ainsi, monsieur le ministre. Les temps sont certes difficiles, mais il s’agit ici d’une priorité.
S’adressant à la majorité sénatoriale lors de la première lecture, le président de notre groupe, M. Zocchetto, avait déjà déploré des abus dans l’utilisation de la procédure, compliquant le travail parlementaire et le rendant peu positif. En effet, il s’agit de clore le débat avant qu’il ait pu commencer. Cela est dommage car, sur un tel sujet, nous aurions pu avoir un vrai dialogue, rude le cas échéant, mais qui aurait sans doute permis de faire converger nos positions sur un texte que nous ne jugeons pas, nous non plus, au-dessus de toute critique.
Hélas, le débat n’aura pas lieu et nous ne pourrons pas présenter d’amendements, visant par exemple à la création de sections spécialisées au sein des EPIDe ou à l’intégration d’un certain nombre de mineurs délinquants dans chaque promotion, afin qu’ils soient à la fois confrontés et associés aux jeunes majeurs volontaires, sans pour autant que les uns et les autres soient traités de la même manière.
Le personnel d’encadrement des centres relevant de l’EPIDe étant habitué aux situations difficiles, l’idée d’accueillir des mineurs délinquants dans ces structures n’est pas mauvaise en soi, mais sa mise en application doit être préparée et ne saurait être improvisée, d’autant que le nombre de places disponibles est très faible. Or on risque de remettre en cause, par manque d’organisation et de préparation, la réussite que connaît aujourd’hui, de l’avis général, ce bel outil de partage et d’apprentissage qu’est l’EPIDe.
Je regrette donc à mon tour que nous ne puissions avoir une discussion de fond sur cette proposition de loi. En tant qu’auteur d’un des nombreux rapports parlementaires sur la prévention de la délinquance des mineurs, je n’ignore pas qu’il s’agit d’une question complexe, comportant notamment des dimensions familiale, scolaire, judiciaire. À cet égard, j’observe qu’une proposition de loi n’apportant qu’un élément de réponse n’est peut-être pas suffisante pour la traiter, même si je ne suis pas partisan de l’inflation législative et réglementaire en la matière. Les pistes sont nombreuses, mais, en tout état de cause, pour avancer, il faut mettre en place des moyens adaptés et pérennes.
Quoi qu’il en soit, ce texte a au moins le mérite d’amorcer la discussion avec les pouvoirs publics, les institutions judiciaires et éducatives, ainsi qu’avec les collectivités territoriales, qui, dans le domaine de la prévention de la délinquance des mineurs, sont depuis longtemps en première ligne – je le sais d’expérience – et sont des forces de proposition, mais ont parfois du mal à coordonner leurs actions.
Au travers de cette proposition de loi, on entend s’appuyer sur la réussite des EPIDe pour essayer de leur faire assumer de nouvelles missions. Pour ma part, j’ai été favorable dès l’origine à ce dispositif, mis en place en 2005. À l’époque, j’avais même souhaité l’implantation d’un tel centre dans la ville dont j’étais maire. Toutefois, alors que l’objectif annoncé au départ était d’accueillir 20 000 jeunes dans des EPIDe présents dans la totalité des régions, on constate qu’en 2010 le dispositif concernait 2 250 jeunes seulement, répartis dans vingt centres. S’il s’agit d’une expérience formidable, son ampleur reste donc encore beaucoup trop limitée et n’est pas à la mesure des espérances initiales. Il faut éviter l’affaiblissement à terme du dispositif et au contraire le développer, si l’on veut qu’il puisse accueillir, à l’avenir, des mineurs primo-délinquants, même non volontaires.
Les centres ne fonctionneront pas si les mineurs ne sont pas volontaires !
Il faut donc dépasser le stade simplement expérimental.
Le dispositif est certes coûteux, mais beaucoup moins que les conséquences de la délinquance que nous connaissons aujourd'hui. On peut d’'ailleurs imaginer des mesures incitatives, y compris pour les mineurs délinquants, en termes de peine encourue ou d’implication personnelle dans le processus de réinsertion. En effet, si la réussite des EPIDe tient bien entendu à la qualité de l’encadrement, qui compte d’anciens officiers et sous-officiers, et au sens pédagogique du personnel, la motivation des jeunes et le soutien des familles jouent également beaucoup.
Pour conclure, je suis très favorable, sur le principe, à l’accueil de mineurs délinquants dans les EPIDe. Toutefois, en attendant que nous puissions avancer dans cette voie, je souhaiterais que nous nous penchions sur un certain nombre de mesures simples, concrètes et peu coûteuses : je pense par exemple à la mise en place de « trinômes judiciaires » associant juges des enfants, parquet des mineurs et protection judiciaire de la jeunesse – quelque cinquante protocoles ont déjà été signés à cette fin – ou à l’inscription du juge des enfants comme membre à part entière du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Monsieur le garde des sceaux, j’espère que, au-delà du débat malheureusement tronqué d’aujourd'hui, vous tracerez des perspectives et ouvrirez des pistes de réflexion sur ce très important sujet.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR.
Mes chers collègues, il est quinze heures quinze.
Je vous rappelle que se déroulent en ce moment, en salle des conférences, les deux scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.
Il vous reste donc quinze minutes pour voter.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Michel.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer de ne pas répéter ce qui a déjà été dit lors de la première lecture.
Mes collègues du groupe socialiste-EELV et moi-même nous sommes interrogés sur la position que nous adopterions à l’occasion de cette deuxième lecture. Finalement, nous avons décidé, sans beaucoup d’hésitation d'ailleurs, de déposer à nouveau une motion tendant à opposer la question préalable.
Sur d’autres textes, il pourrait en aller autrement, à mon humble avis du moins, le rôle du Parlement étant de légiférer, mais la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est purement un texte d’affichage. D’ailleurs, monsieur le garde des sceaux, une grande partie de ses dispositions sont de nature non pas législative, mais réglementaire, puisque l’ordonnance du 2 février 1945 permettrait déjà, par le biais d’habilitations, de placer des mineurs délinquants dans les EPIDe : il suffirait que des conventions à cette fin soient passées entre les juges des enfants et ces établissements.
Il faudrait surtout, monsieur le ministre, que vous obteniez l’inscription au budget des sommes nécessaires pour créer des places supplémentaires, or tel n’est pas le cas. La proposition de loi de M. Ciotti, qui veut attacher son nom à je ne sais quelle démonstration de force, n’a donc aucune espèce d’utilité, …
… puisque ce texte est de nature réglementaire et n’est accompagné d’aucun financement. C’est pourquoi nous avons décidé, pour la deuxième fois, de déposer une motion tendant à opposer la question préalable – comme vous-mêmes l’avait fait pour le texte que vous mentionnez, mes chers collègues.
J’ajoute que nous avons été confortés dans cette démarche par la lecture de la résolution de la conférence nationale des procureurs de la République, aux termes de laquelle, « sous l’avalanche des textes qui modifient sans cesse le droit et les pratiques, souvent dans l’urgence, sans étude sérieuse d’impact, et au nom de logiques parfois contradictoires, les magistrats n’ont plus la capacité d’assurer leur mission d’application de la loi ». Ce fut pour nous, qui respectons beaucoup les magistrats, tant du siège que du parquet, une raison supplémentaire de déposer la motion en question.
Monsieur le garde des sceaux, seul l’article 6 aurait pu nous inciter à y renoncer en vue de nous attacher à le modifier, après avoir simplement présenté des amendements de suppression des cinq premiers articles, qui sont de toute façon inutiles puisqu’il est déjà possible de placer des mineurs délinquants dans les EPIDe et de créer des places supplémentaires.
Comme je l’avais dit lors de la première lecture, cet article 6 tire les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel d’une façon absolument scandaleuse ! Cela étant, j’ai l’espoir – peut-être sera-t-il déçu, car, en politique, les espoirs le sont souvent ! –, …
… que, durant le second semestre de l’année 2012, nous pourrons remettre sur le métier la réforme de l’ordonnance de 1945, mais d’une autre manière, le droit des mineurs méritant de faire l’objet d’une réflexion approfondie, prenant en compte les réalités actuelles de la délinquance des mineurs.
Nous pourrons alors revenir, par exemple, sur la présence de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels pour mineurs.
Il n’y avait donc pas d’urgence à présenter cet article 6, d’autant que l’Assemblée nationale serait certainement revenue sur la rédaction judicieuse, alambiquée et astucieuse que vos services avaient su élaborer…
Aujourd’hui, l’important n’est pas là, et vous le savez très bien, monsieur le ministre ; l’important, c’est le malaise exprimé par les procureurs de la République.
M. Jean-Pierre Michel. Le Conseil constitutionnel, dans une décision récente, a jugé, à propos d’une proposition de loi relative à la simplification du droit, que la suppression des juridictions financières dans nos régions – peut-être pas dans la vôtre, monsieur Nègre, mais en tout cas dans la mienne ! – avait un lien avec l’objet du texte, mais que quelques petites mesures d’allégement de formalités anodines et réclamées de toutes parts constituaient des cavaliers législatifs. C’est sans doute ainsi que le Conseil constitutionnel entend faire la preuve de son indépendance totale à l’égard du pouvoir !
M. Alain Gournac proteste.
Franchement, il y a de quoi rire ! L’attitude actuelle du Conseil constitutionnel est intolérable pour le législateur !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Si le Conseil constitutionnel persiste dans cette attitude, il devra s’attendre à une révision constitutionnelle portant sur sa composition et, surtout, sur sa procédure, afin de lui interdire de statuer ultra petita ! Je ne connais aucune autre juridiction, en France, qu’elle soit financière, administrative ou judiciaire, qui puisse se permettre de répondre à des questions autres que celles qui lui sont posées.
M. Jean-Pierre Michel. Le sujet, mon cher collègue, je le prends comme je l’entends !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV.
M. Jean-Pierre Michel. Le sujet, c’est la charge de cavalerie des procureurs de la République
M. Alain Nègre rit.
La déclaration en question n’est pas signée !
Nous avons reçu les signatures par courriel, monsieur le ministre, je vous les communiquerai si vous le voulez !
Les trois quarts des procureurs de la République ont donc lancé un appel solennel : ils en ont plus qu’assez que nous votions sans cesse des lois contradictoires, dépourvues d’études d’impact et dont ils ne savent que faire, ils demandent des moyens et, surtout, ils réclament une révision constitutionnelle leur apportant des garanties statutaires propres à écarter d’eux toute suspicion. Je regrette que vous n’ayez pas entrepris cette réforme constitutionnelle, monsieur le garde des sceaux, …
… car vous auriez ainsi laissé la marque de votre passage place Vendôme. Au lieu de cela, vous défendez un texte qui ne sert à rien, …
M. Jean-Pierre Michel. … auquel nous ne pouvons qu’opposer la question préalable !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Au risque de vous lasser, monsieur le ministre, je ne vous cacherai pas notre lassitude de voir l’ordre du jour de notre assemblée en permanence encombré par l’examen de textes de pur affichage, rédigés dans la précipitation, …
… sans concertation préalable avec les professionnels concernés, et voués à être remplacés au bout de quelques mois par d’autres textes visant à répondre à l’émotion populaire suscitée par un nouveau fait divers…
La présente proposition de loi relève en effet du pur affichage : il suffit, pour s’en convaincre, de se plonger dans son exposé des motifs, où il est question de « spirale de violences et de délinquance », des « condamnations pour crime commis en état de récidive », « des jeunes issus de quartiers où se côtoient trafics de drogues et d’armes, et où les phénomènes de bandes sont amplifiés ». En résumé, « la France a peur » !
Pourtant, le dispositif présenté ne traite nullement de cette délinquance-là, grave et bien réelle : il s’agit simplement de permettre le placement dans des centres relevant de l’EPIDe des mineurs délinquants, sur la base du volontariat, dans le cadre soit d’une composition pénale, soit d’un ajournement de peine, soit d’un sursis avec mise à l’épreuve : autant dire que le profil des jeunes délinquants concernés est assez éloigné de la grande délinquance, voire de la criminalité, visée dans l’exposé des motifs de la proposition de loi.
Autre élément d’affichage politique, ces jeunes délinquants feront l’objet d’un encadrement dit « militaire » : c’est ainsi, en tout cas, que le dispositif a été vendu à l’opinion. Pourtant, l’encadrement ne compte guère de militaires, mais il faut nourrir cette nostalgie d’un temps passé où les jeunes délinquants étaient « matés », et ce sévèrement. La communication gouvernementale a donc peu à voir avec le dispositif du texte, qui s’articule autour des EPIDe, structures ayant une vocation non pas de « redressement », mais de réinsertion.
Ce texte a été élaboré sans concertation préalable. Je souhaite insister sur ce point. L’article 6 comporte des dispositions qui ont peu à voir avec les EPIDe, donc avec l’objet de cette proposition de loi, et qui sont, nous l’avions déjà souligné lors de la première lecture et notre analyse n’a pas varié, des cavaliers législatifs.
En fait, l’article 6 tend à tirer les conséquences de deux décisions récentes du Conseil constitutionnel en matière de droit pénal des mineurs.
En ce qui concerne la décision du 4 août 2011, nous nous trouvons dans la situation tout à fait désagréable de devoir examiner des dispositions introduites sans concertation avec les professionnels, sans même qu’ils en aient été informés, et qui visent à répondre à la censure d’un précédent dispositif relatif aux modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs, lequel n’avait déjà fait l’objet d’aucune concertation préalable et était très largement rejeté par les juges des enfants.
Au demeurant, sur le fond, la disposition prévue au paragraphe II de l’article 6 vise, ni plus ni moins, à imposer la possibilité d’une saisine rapide, par le parquet, du tribunal correctionnel pour mineurs. Peu importe que le Conseil constitutionnel ait considéré que de telles procédures d’urgence ne permettent pas de garantir que le tribunal dispose d’informations récentes sur la personnalité du mineur et de rechercher les moyens de son relèvement éducatif et moral !
L’introduction du nouveau dispositif, tout à fait bureaucratique, inventé pour répondre à la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011 et qui interdit au juge des enfants ayant renvoyé un mineur devant le tribunal pour enfants de présider la juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines est une autre conséquence dommageable de cette façon précipitée de légiférer. La présidence du tribunal pour enfants devra être assurée par un juge des enfants d’un autre tribunal pour enfants sis dans le ressort de la cour d’appel, ce qui crée un véritable casse-tête, en termes d’organisation, pour les juges des enfants, contraints d’aller siéger dans des tribunaux distincts !
Autant je perçois bien les motivations politiques qui vous poussent à faire voter le dispositif instaurant un service dit civique pour les mineurs délinquants, autant je ne comprends pas votre empressement à venir inutilement compliquer et alourdir le travail quotidien des juges des enfants.
Le Conseil constitutionnel donnait pourtant au Gouvernement jusqu’au 1er janvier 2013 pour rectifier et adapter la loi française. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir mis à profit cette année et demie de délai pour travailler avec les professionnels de la justice à l’élaboration d’un dispositif compatible avec les principes qui fondent le droit pénal des mineurs et les exigences du métier de juge des enfants ?
D’autres solutions que l’« usine à gaz » instaurée par ce texte existent. Je considère, par exemple, que la décision du Conseil constitutionnel est plus subtile que la lecture que vous en faites, monsieur le ministre, et qu’elle permet de maintenir la « double casquette » du juge des enfants et de garantir le principe du juge référent, dans les cas où la culpabilité est reconnue. Sur ce sujet, un vrai travail de concertation avec les professionnels s’imposait.
Le sort des mineurs de notre pays, notamment quand ils sont en situation de décrochage ou en rupture avec les règles de la société, représente un enjeu difficile et sensible. Pour cette raison, l’instrumentalisation de la justice des mineurs pratiquée depuis près de dix ans par les gouvernements successifs est insupportable !
Que pensez-vous, monsieur le garde des sceaux, des propos de M. Guéant, repris par Le Monde, selon lesquels « une réforme profonde de [l’ordonnance de 1945] est nécessaire » ? Pour ma part, j’y vois une volonté d’instrumentaliser, une fois de plus, le droit pénal des mineurs, et, aussi et surtout, un inquiétant aveu d’échec de la politique menée depuis dix ans. À l’évidence, il y a urgence à tourner la page !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Louis Nègre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre excellent collègue Éric Ciotti
Sourires sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Nos concitoyens supportent de plus en plus mal, à juste titre, cette délinquance des mineurs. En tant qu’élus de la République, notre mission est de proposer des solutions constructives, et non de baisser les bras ou de pratiquer la politique de l’autruche.
Je souhaite tout d’abord exprimer ma totale incompréhension et mes plus grands regrets devant la posture adoptée par la rapporteure de la commission des lois et la majorité sénatoriale, qui, en déposant une motion tendant à opposer la question préalable, refusent tout simplement de débattre de ce texte important.
Ne pas partager notre approche est parfaitement concevable, mais ne pas agir ou se voiler la face est selon moi totalement irresponsable.
Mme Ségolène Royal elle-même a estimé que le point faible du candidat socialiste à l’élection présidentielle, c’est l’inaction ; l’immobilisme semble devenir la marque de fabrique du socialisme français !
Murmures sur les travées du groupe socialiste -EELV.
Plus grave encore, à mes yeux, est le refus d’engager le débat au Sénat, haut lieu historique de l’échange républicain.
M. Louis Nègre. Cette posture ne peut que confirmer que vous-mêmes êtes conscients de la faiblesse de votre argumentation. Je le dis avec une certaine gravité, votre attitude ne peut que dénaturer le rôle, pourtant essentiel pour les libertés, du bicaméralisme. Le Sénat a vocation à améliorer les textes, et non à laisser à la seule Assemblée nationale le soin de débattre. Le Sénat serait-il, selon vous, une « anomalie démocratique » ? Avez-vous conscience du fait que vous creusez vous-mêmes la tombe de cette instance démocratique par excellence ?
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste -EELV.
Vous êtes la majorité aujourd'hui, et vous refusez le débat !
Cela étant, sur le fond, …
… je tiens à souligner, mes chers collègues, le caractère souhaitable, nécessaire et même indispensable de cette proposition de loi.
Vous avez évoqué tout à l'heure, madame Assassi, un détricotage de l’ordonnance de 1945. Or nous tricotons, au contraire, un outil complémentaire pour le mettre à la disposition des magistrats.
L’objet principal du texte est de compléter la panoplie des structures existant à ce jour, mais son dispositif comporte également un autre élément essentiel, à savoir un important volet éducatif décidé, choisi et contrôlé par les magistrats eux-mêmes, destiné à permettre la transmission à ces jeunes en rupture des notions fondamentales pour le bon fonctionnement de la société.
La citoyenneté, le respect de la règle collective et de l’autorité, le sens de l’effort, la récompense du mérite sont des valeurs que nous devons absolument remettre à l’ordre du jour, pour réinsérer les mineurs en déshérence, et non pour flatter l’opinion publique, comme cela a été dit tout à l’heure.
Vous parlez des fédérations socialistes des Bouches-du-Rhône et du Pas-de-Calais ?
Telle est notre conception de la gestion de la cité, voilà ce qui nous sépare !
Quant aux arguments invoqués par Mme le rapporteur de la commission des lois, je suis au regret de dire qu’ils sont aussi virtuels qu’inopérants.
Ils confirment en fait une volonté politique de refuser le débat.
Contrairement à ce qui a été prétendu, l’intervention de la loi est nécessaire, M. le ministre l’a confirmé, pour confier une nouvelle mission à l’EPIDe et pour fixer clairement les modalités d’obtention du consentement des mineurs concernés, car le service citoyen exigera un travail de leur part.
Enfin, s’agissant des 8 millions d’euros de crédits prévus, M. le garde des sceaux a de nouveau indiqué de manière très claire que les arbitrages financiers nécessaires seront effectués par chacun des ministères concernés.
Mes chers collègues, les arguments avancés pour justifier le dépôt d’une nouvelle motion tendant à opposer la question préalable ne sont pas sérieux. Je voterai contre cette motion, car j’estime que cette proposition de loi est nécessaire !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, il est quinze heures trente-cinq. Je déclare clos les deux scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Esther Benbassa.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV.
J’ai eu l’occasion d’indiquer jeudi dernier à M. le ministre, lors de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France, mes réserves sur la nouvelle lecture de ce texte visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
La majorité présidentielle essaie de faire passer aux forceps cette proposition de loi déposée par M. Ciotti le 28 juillet dernier à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un texte d’affichage, déjà repoussé par le Sénat en première lecture ; nous maintenons aujourd’hui notre position, une motion tendant à opposer la question préalable ayant de nouveau été présentée par la commission des lois.
Cette proposition de loi a été une nouvelle fois adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée. Comme je l’ai déjà indiqué ici le 25 octobre dernier, un tel chantier législatif aurait dû être entrepris dans le respect du débat parlementaire, monsieur Nègre, mais le Gouvernement a préféré céder à la précipitation et à l’électoralisme.
Les critiques que mérite ce texte comportant des mesures inefficaces n’ont pas manqué d’être formulées par notre rapporteure et par certains de mes collègues avec qui je partage une vision de la justice des mineurs bien différente de celle des députés qui l’ont voté.
Au mépris des principes posés par l’ordonnance de 1945, vous vous obstinez, monsieur le ministre, à faire primer les sanctions sur les mesures éducatives, à « guérir » – et encore, à dose homéopathique, puisque le dispositif ne concernera que 166 jeunes ! – au lieu de prévenir.
Le rapport de notre collègue Virginie Klès signale que le coût estimé de ces 166 places est de 8 millions d’euros. En cette période de rigueur budgétaire que nous impose le Gouvernement, cela fait très cher la place !
Les sénatrices et sénateurs écologistes défendent une vision globale de la lutte contre la délinquance juvénile, laquelle doit être menée en concertation avec les professionnels, magistrats et éducateurs spécialisés. Ils souhaitent que l’accent soit mis sur la prévention et la formation professionnelle des jeunes et que les sanctions, nécessaires parfois, puissent être en priorité choisies dans la palette des mesures éducatives existantes.
Nous appelons de nos vœux une révision en profondeur de l’ordonnance de 1945, et non quelques mesures ponctuelles destinées à rassurer une partie de l’opinion publique, quand les Français attendent des projets ambitieux pour endiguer la crise, le chômage, pour répondre à leur mal-être devant les difficultés de logement, de transports, etc.
Cette proposition de loi relève d’un replâtrage de circonstance, et non d’un remède à la délinquance des mineurs, problématique qui mérite d’être traitée avec davantage de rigueur et de sérieux, et surtout sans que la magistrature soit écartée de la réflexion.
C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs écologistes voteront la motion tendant à opposer la question préalable. Ils refusent d’examiner cette proposition de loi, sorte de « prêt-à-consommer » législatif dont ils rejettent en outre la philosophie pernicieuse.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Je ne peux laisser sans réponse les propos de M. Jean-Pierre Michel sur le Conseil constitutionnel.
Menacer le Conseil constitutionnel d’une réforme s’il ne fait pas ce que l’on attend de lui n’est pas acceptable. Certes, le Constituant peut toujours modifier la loi fondamentale, mais il ne se résume pas à une seule chambre du Parlement.
J’ajoute que le rôle des magistrats n’est pas de rendre des services. En l’espèce, le Conseil constitutionnel dit le droit, que cela plaise ou non !
Je le dis à tout le monde, monsieur Gorce.
Je suis sûr que vous saurez le faire vous aussi, quand il le faudra.
Par ailleurs, monsieur Michel, l’effet dévolutif de la saisine permet au Conseil constitutionnel d’examiner l’ensemble du texte dont il a été saisi : ce n’est pas là statuer ultra petit
Nous sommes tous très attachés à la culture et à la tradition parlementaires, mais la loi n’est aujourd’hui l’expression de la volonté générale, conformément à ce qu’annonçait, dans les années vingt, Raymond Carré de Malberg dans son ouvrage Contribution à la théorie générale de l’État, que lorsqu’elle respecte le corpus juridique constitutionnel et conventionnel. Même si cela est difficile à accepter, la loi n’est plus la seule source du droit.
Quoi qu’il en soit, aux termes de l’article 62 de la Constitution, madame Tasca, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à tous. Le Gouvernement s’est conformé à ce principe s'agissant de la composition du tribunal correctionnel pour mineurs. Certes, la décision du Conseil constitutionnel nous laissait jusqu’au 31 décembre 2012 pour ce faire, mais l’Assemblée nationale nouvellement élue, quelle que soit sa majorité, aura bien d’autres choses à faire, à partir du mois de juin prochain, que modifier la composition du tribunal correctionnel pour mineurs ! Il était donc souhaitable que le Parlement s’en charge dès à présent.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. –Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Je suis saisie par Mme Klès, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n°115, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme la rapporteure, pour la motion.
Contrairement à ce qui a été souvent affirmé au cours de la discussion générale, le débat n’est absolument pas occulté, puisqu’il s’est tenu aujourd’hui pour la seconde fois, après avoir déjà eu lieu lors de la première lecture.
En matière de procédure, on nous reproche d’avoir déposé une motion tendant à opposer la question préalable, mais ce n’est pas nous qui décidons du recours à la procédure accélérée, de l’organisation du calendrier des travaux parlementaires ou des délais de transmission des textes entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous en subissons pourtant les conséquences.
Amender un texte tel que celui qui nous est aujourd'hui soumis aurait nécessité plusieurs lectures, l’instauration d’une véritable navette parlementaire, ainsi qu’une large concertation tant avec les magistrats qu’avec le personnel de l’EPIDe. À l’instar de M. Jean-Pierre Michel, je pense que seul l’article 6 aurait mérité d’être amendé. Les articles précédents visent en fait non pas à instituer un service citoyen pour les mineurs délinquants, mais à créer pour eux 166 places au sein des centres relevant de l’EPIDe, lequel a une mission d’insertion, et non de rééducation.
Les autres reproches qui nous ont été adressés témoignent à mon sens d’une méconnaissance du rôle et du fonctionnement de l’EPIDe.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué tout à l’heure que le Premier ministre aurait garanti que les moyens nécessaires seraient affectés à l’EPIDe pour assumer cette nouvelle mission, mais l’histoire de cet établissement est pavée de telles promesses : les « bleus » budgétaires n’ont jamais été respectés, Bercy ne se considérant pas engagé par ces derniers tant que les crédits n’ont pas été inscrits dans les programmes budgétaires. Or, en l’occurrence, que je sache, aucun euro supplémentaire n’a été inscrit nulle part ; au contraire, il est prévu que le budget de l’EPIDe diminue l’année prochaine.
Permettez-moi maintenant de relever un détail : au cours de la discussion générale, il a régulièrement été question « des » EPIDe. Or il n’existe qu’un seul établissement public d’insertion de la défense, dont dépendent plusieurs centres. C’est un détail, mais qui est souvent révélateur d’une méconnaissance de l’organisation de ce dispositif.
M. Bockel a évoqué la présence d’officiers et de sous-officiers dans le personnel de l’EPIDe, mais celui-ci ne compte que 40 % d’anciens militaires : il est donc vain d’imaginer que les jeunes seront encadrés par des militaires arborant de beaux uniformes ! L’EPIDe n’est pas un établissement militaire ; tous les métiers de l’éducation et de l’insertion sont représentés au sein de son personnel.
Par ailleurs, il est faux d’affirmer que le taux de réussite de l’EPIDe en matière de réinsertion des jeunes accueillis est de 80 % : il est de 50 % environ, ce qui est déjà énorme, comme le savent tous les professionnels de l’insertion. Il ne faut pas mentir !
Enfin, d’une façon plus générale, monsieur le ministre, que représentent 166 places au regard de l’ampleur du phénomène de la délinquance des mineurs aujourd’hui ? Ne vaudrait-il pas mieux renforcer les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse et des centres éducatifs ouverts existants, au lieu d’affecter des crédits à un établissement dont la vocation n’est pas de rééduquer des mineurs délinquants ? Est-il opportun, surtout par les temps qui courent, de mélanger dans des internats ouverts des mineurs délinquants et des majeurs non délinquants ?
En 2008, l’objectif annoncé était de créer 20 000 places dans les centres relevant de l’EPIDe ; aujourd’hui, 2 000 places sont offertes, soit l’équivalent d’un lycée… Il serait temps de regarder la réalité en face et de cesser de gaspiller l’argent public en le saupoudrant pour financer des mesures destinées à servir de prétextes à des opérations de communication !
L’EPIDe est un bel outil, ne le cassons pas. C’est parce que nous y sommes attachés que nous avons redéposé une motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV.
Le Gouvernement est défavorable à cette motion.
Je ne voterai évidemment pas cette motion tendant à opposer la question préalable, et ce pour au moins deux raisons.
En premier lieu, j’ai été choqué que la réunion de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions de la présente proposition de loi restant en discussion ait duré tout au plus une minute ! N’étant sénateur que depuis peu, c’était la première fois que je participais à une CMP, et j’avoue ne pas avoir tout à fait compris l’intérêt de notre rôle en cette circonstance… Je me faisais une autre idée du travail du Sénat, et j’ai eu le sentiment que nous n’étions pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
En second lieu, sur le fond, certains propos me semblent inacceptables. Mme le rapporteur, après d’autres orateurs, vient d’affirmer que le débat avait eu lieu. Or, en fait, le débat a porté sur l’opportunité d’examiner le texte, et non sur son contenu !
Nous aurions pourtant certainement pu, les uns et les autres, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, enrichir, modifier cette proposition de loi, et ainsi être véritablement utiles à nos concitoyens. Cela fait deux mois, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, que nous ne le sommes plus !
Je pense vraiment que nous nous serions honorés à améliorer ce texte. Pourquoi sacraliser à ce point l’ordonnance de 1945, dont, à en croire certains, il ne faudrait pas modifier le dispositif ?
M. André Reichardt. Ce serait donc là un crime de lèse-majesté ? En vertu de quoi nous serait-il interdit d’envisager d’améliorer ce texte, alors que la jeunesse a changé depuis 1945 ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
Telles sont les raisons, à la fois de forme et de fond, pour lesquelles je regrette le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable. À mon avis, vous avez commis une erreur, mes chers collègues.
Je suis persuadé que nous aurions pu nous retrouver sur nombre de modifications à cette proposition de loi, qui certes n’est pas parfaite. J’irai même jusqu’à reconnaître qu’il s’agit certainement en partie d’un texte d’affichage, …
… mais nous aurions pu l’améliorer et permettre ainsi à l’EPIDe, madame Klès, de servir véritablement les intérêts d’une jeunesse délinquante qui n’est pas entièrement mauvaise et qui mérite que l’on s’occupe d’elle.
M. André Reichardt. Permettez au néophyte que je suis dans cette enceinte de vous faire part de sa déception à cet égard.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Bien entendu, nous voterons cette motion tendant à opposer la question préalable, comme nous l’avions fait en première lecture.
Monsieur Reichardt, j’ai vu, pour ma part, des commissions mixtes paritaires échouer pour des questions de virgule ou à cause de tergiversations entre le Gouvernement et sa majorité !
Sur le fond, le dépôt de la motion constitue une prise de position parfaitement justifiée, dans la mesure où, depuis dix ans, le Gouvernement et sa majorité ont élaboré des dizaines de lois d’affichage sur la délinquance juvénile. Certes, la jeunesse a changé depuis 1945, mais bien d’autres choses ont changé aussi !
Toutes ces lois d’affichage allaient toujours dans le même sens, celui du renforcement des sanctions, au rebours de l’esprit de l’ordonnance de 1945 ! Le dispositif de cette dernière a déjà été modifié au moins vingt-cinq fois, …
… mais, et c’est là que le bât blesse, vous n’avez jamais engagé de débat de fond sur la délinquance des mineurs et sur les moyens de la prévenir.
Le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable est donc parfaitement justifié, je le répète. Nous n’avons pas à discuter d’un pur texte d’affichage qui ne permettra nullement de prévenir la délinquance des mineurs et de mieux réinsérer ceux-ci !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Enfin, monsieur le ministre, ce n’est pas parce que vous transformez petit à petit le Conseil constitutionnel en cour constitutionnelle que cela le rend plus indépendant. Il ne suffit pas d’affirmer que le Conseil constitutionnel est une cour constitutionnelle pour qu’il ait ce statut. Le mode de désignation de ses membres doit être modifié, afin qu’il devienne plus démocratique. Je ne me lasserai pas de le répéter !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.
Notre groupe votera majoritairement la motion tendant à opposer la question préalable.
Anne-Marie Escoffier et Nicolas Alfonsi ont déjà fait part de la position majoritaire du groupe RDSE sur cette proposition de loi lors de la première lecture. Je soulignerai simplement aujourd'hui qu’elle ne réglera strictement rien, car son dispositif ne concernera que de 200 à 500 mineurs délinquants, alors qu’il y a eu 216 000 interpellations de mineurs en 2010.
Quant à l’ordonnance de 1945, il n’est pas sacrilège de la modifier, puisque cela s’est produit à au moins dix reprises ces dix dernières années, …
… le plus souvent en fonction de l’actualité. M. Reichardt a d’ailleurs reconnu très objectivement que la présente proposition de loi était au moins en partie un texte d’affichage.
Dont acte, mais les textes d’affichage ne permettent que très rarement de régler les problèmes de fond.
Cette proposition de loi n’est pas satisfaisante et son adoption ne manquerait pas de créer des difficultés sur le terrain, en transformant l’organisation, le mode de fonctionnement et jusqu’à l’esprit même des centres relevant de l’EPIDe. C’est pourquoi nous rejetons ce texte.
(Sourires.) Il faut néanmoins essayer de travailler de manière constructive, d’autant que, quand on est dans la majorité, on n’est pas toujours satisfait non plus, sachez-le !
Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste -EELV.
Par ailleurs, monsieur Reichardt, avoir le sentiment d’être inutile est très naturel quand on se trouve dans l’opposition. Je le sais d’expérience ! Mais vous verrez, cela passe peu à peu ! §
Notre groupe votera bien évidemment la motion tendant à opposer la question préalable.
Nous nous sommes largement exprimés sur le fond ; je n’y reviens donc pas, mais je souhaiterais répondre à nos collègues de droite sur la défense du travail parlementaire.
Mes chers collègues, nous sommes au moins aussi attachés que vous au dialogue entre les deux assemblées, que vous nous accusez d’interrompre par le dépôt de cette motion. En vérité, c’est le Gouvernement qui ne respecte pas le travail parlementaire, en recourant à maintes reprises à la procédure accélérée, comme c’est encore le cas pour ce texte improvisé !
Si nous rejetons cette proposition de loi, c’est parce que nous sommes convaincus que rien de positif ne peut émerger sans un véritable travail de fond avec les professionnels concernés. Amender un tel texte n’aurait pu compenser l’absence totale de concertation !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 70 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.
L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (projet n° 130, rapport n° 162, 2011-2012).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée entame la discussion en nouvelle lecture du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Tout aurait-il été dit sur ce texte ? Pas encore ! La commission des affaires sociales du Sénat présente une motion tendant à opposer la question préalable. Elle souhaite ainsi témoigner de son désaccord avec le texte tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale en deuxième lecture.
Le présent projet de loi est vital pour l’avenir de notre système de santé. Grâce à lui, j’en ai la conviction, il y aura un avant et un après Mediator. Je sais que beaucoup sont de cet avis, même s’ils ne l’admettent pas publiquement !
Ce texte refonde le système de sécurité sanitaire des produits de santé, afin de concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique.
Comme je l’ai indiqué, je ne me contenterai pas de ce projet de loi. Des décrets seront pris, et il y aura une refonte de l’organisation de l’agence chargée de la sécurité du médicament. Cette réforme aura une dimension européenne.
Par ailleurs, je souhaite que soit fixé dès à présent un rendez-vous, à deux ou trois ans, pour que le Parlement et l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, vérifient que la loi aura bien été appliquée dans l’esprit ayant présidé à son élaboration. L’importance du sujet l’exige : il doit y avoir un « service après-vote ».
Permettez-moi de revenir sur plusieurs points majeurs.
Je pense tout d’abord à l’interdiction de liens d’intérêts pendant les trois ans précédant la nomination des dirigeants de la Haute Autorité de santé, la HAS, de l’Institut national du cancer, l’INCa, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, qui a été supprimée après les débats à l’Assemblée nationale.
Cette proposition pouvait apparaître intellectuellement satisfaisante, mais il faut veiller à ne pas confondre liens d’intérêts et conflits d’intérêts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est votre pouvoir d’appréciation qui devra s’exercer lors des auditions parlementaires des candidats. Si la situation n’apparaissait pas suffisamment claire, la nomination ne serait pas validée.
En tout état de cause, si une telle interdiction avait existé à l’époque, M. Maraninchi n’aurait jamais pu être nommé à la tête de l’INCa, ce qui eût été dommage.
Nous avons besoin de personnalités compétentes, disposant d’une réelle expérience. Faudrait-il exiger des candidats qu’ils viennent de la planète Mars, afin que nous soyons sûrs qu’il n’y aura aucun risque de liens d’intérêts ? Je caricature, mais je pense réellement qu’il serait préférable d’apprécier la situation des candidats lors des auditions parlementaires et de s’opposer le cas échéant à leur nomination si les choses ne sont pas suffisamment claires plutôt que d’adopter la solution que vous aviez proposée.
J’en viens à la question du nom de l’agence chargée de la sécurité du médicament. Dans un dossier comme celui-ci, les querelles sémantiques n’ont pas leur place, mais c’est néanmoins un point qui a son importance. Il faut donner un nouveau nom à cette agence, car, qu’on le veuille ou non, celui d’« Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » est indissolublement lié au dossier du Mediator. Bien sûr, ce changement de nom n’est pas l’alpha et l’oméga de la réforme, mais pour prendre un nouveau départ, il faut un nouveau nom : tout ayant changé, il faut aussi changer le nom. Cela permettra en outre d’affirmer de manière plus forte la vocation de l’agence en matière de police du médicament.
Un autre point important est l’interdiction, que vous aviez inscrite à l’article 5, aux associations de patients recevant des subventions ou des avantages des entreprises pharmaceutiques de siéger au conseil d’administration de l’agence.
Nous avions longuement débattu de cette question au cours de la première lecture du projet de loi. L’adoption de cette mesure aurait exclu la quasi-totalité des associations de patients et créé une inégalité de traitement entre les professionnels de santé et les associations.
Alors que l’information et la transparence fondent la confiance, cette interdiction aurait marqué un véritable recul pour la démocratie sanitaire. L’Assemblée nationale a supprimé cette mesure : sans opposer une assemblée à l’autre, je veux saluer la sagesse dont elle a fait preuve ce faisant.
Par ailleurs, selon vous, le renvoi à des textes réglementaires viderait le projet de loi, en particulier l’article 9 bis, d’une grande partie de sa portée.
Soyons très clairs sur ce sujet : je l’ai dit dès le 15 janvier dernier, pour qu’un médicament soit admis au remboursement, les essais cliniques devront avoir été réalisés contre comparateurs actifs, lorsque ceux-ci existent. L’objet du décret sera seulement de définir avec précision, en envisageant toutes les situations possibles, la mise en œuvre pratique de cette mesure. Ne nous trompons pas de débat : je défends cette position y compris à l’échelon européen.
S’agissant des autorisations temporaires d’utilisation, les ATU, je crois sincèrement que le durcissement de leur régime, tel que vous l’aviez souhaité, aurait immanquablement pénalisé les patients nécessitant un traitement de longue durée. Dans sa rédaction issue de la nouvelle lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, l’article 15 permet de conserver un juste équilibre entre la sécurité des patients et l’accès aux progrès thérapeutiques.
Sans me faire le porte-parole de quiconque, je tiens à souligner que nombre d’associations engagées dans la lutte contre les maladies rares s’étaient émues d’un tel durcissement, craignant qu’il ne s’accompagne d’une perte de chances pour les patients : cela ne serait pas acceptable.
S’agissant du régime de responsabilité, de la charge de la preuve ou des actions de groupe, vous conviendrez que, compte tenu de leur ampleur, les réformes correspondantes ne peuvent pas être introduites au détour de l’examen de ce projet de loi, de surcroît sans concertation avec les associations de patients, les entreprises et les secteurs ministériels concernés, ni surtout sans études d’impact.
J’en arrive à la question de l’expérimentation d’une visite médicale collective à l’hôpital, c’est-à-dire au fameux article 19…
Ma position est très simple : même si je suis le dernier dans ce cas, je continue à croire que nous ne pouvons pas conserver la visite médicale telle qu’elle existe.
Ce sont non pas les visiteurs médicaux qui sont en cause, mais les consignes données à une époque par les firmes qui les employaient.
Il reste que, sur ce point, la rédaction du projet de loi qui vous est soumise ne me satisfait pas : si l’on exclut de son champ les médicaments réservés à l’hôpital ou de prescription hospitalière, ainsi que les dispositifs médicaux, cela revient à vider cette expérimentation de tout son sens.
Je le répète, il ne s’agit pas pour moi de stigmatiser la profession de visiteur médical, mais la visite médicale doit aujourd’hui profondément évoluer ; les professionnels en sont d’ailleurs conscients. Les firmes auront la responsabilité d’accompagner cette évolution, mais la visite collective à l’hôpital, dite « en staff », existe déjà : elle représente de 30 % à 40 % des visites médicales pratiquées à l’hôpital.
On nous dit que, pour améliorer la sécurité sanitaire, la visite collective doit s’accompagner de visites individuelles. Ces activités de suivi de l’utilisation des médicaments pourront se poursuivre dans un cadre individuel, mais je veux que lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments ou de dispositifs médicaux, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé. J’ai conscience que, dans les hôpitaux locaux, l’organisation d’une telle visite collective peut être compliquée, mais « plusieurs » commence à deux…
C’est donc une réforme d’ampleur que Nora Berra et moi-même proposons. Nous serons particulièrement attentifs à sa mise en œuvre effective. Elle doit permettre de redonner aux Français confiance dans notre système du médicament. N’ayons pas de réflexes partisans sur un tel sujet, car la santé est l’affaire de tous !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rappeler dans quel état d’esprit le Sénat a abordé la discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Notre approche, dénuée d’a priori politique, s’est fondée avant tout sur des propositions auxquelles nous avions unanimement souscrit à l’issue de notre mission commune d’information sur le Mediator et l’évaluation et le contrôle des médicaments.
Ces propositions reprenaient d’ailleurs celles qui avaient déjà été formulées en juin 2006 dans le rapport de la mission d’information sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments présidée par M. Gilbert Barbier.
Nous avions été confortés dans cette démarche par l’attitude, qui nous avait semblé ouverte, de l’Assemblée nationale. En adoptant l’article 9 bis du projet de loi, celle-ci avait soumis les médicaments candidats au remboursement à des essais comparatifs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe socialiste, radical et citoyen de l’Assemblée nationale s’était abstenu lors du vote sur l’ensemble du projet de loi, dans l’intention de lui laisser ainsi une seconde chance au Sénat. C’est selon cette même logique, qui aurait dû être pleinement consensuelle, que le groupe UCR du Sénat, a voté le texte en première lecture.
Je regrette que l’intransigeance de la majorité présidentielle ait fait voler en éclats la possibilité d’aboutir à un texte commun en commission mixte paritaire. La nécessité de garantir la sécurité sanitaire des médicaments est pourtant pleinement reconnue par tous !
Nous voilà donc saisis du texte issu de la nouvelle lecture du projet de loi par l’Assemblée nationale.
Parmi les quarante et un articles restant en discussion, dix-sept ne diffèrent de la version adoptée par le Sénat que parce qu’ils rétablissent, pour la future agence chargée de la sécurité du médicament, le nom que le Gouvernement avait initialement souhaité lui donner.
On peut considérer qu’il ne s’agit pas d’un enjeu majeur. J’en conviens, monsieur Bertrand, même si je persiste à penser qu’il n’est pas judicieux de qualifier cette agence de « nationale » : lui conserver le qualificatif de « française » aurait davantage de sens aux yeux des instances internationales.
Monsieur le ministre, vous accordez plus d’importance que nous au nom de cette agence. Pour notre part, nous avons toujours soutenu que les appellations sont secondaires : ce sont les pratiques qui doivent évoluer.
À ce propos, je remarque que, malgré vos affirmations répétées sur la nécessité d’une rupture entre l’avant et l’après Mediator, l’identité des personnes chargées de préfigurer la nouvelle organisation de l’agence montre que la vigilance est encore nécessaire ; vous voyez certainement à quoi je fais allusion…
Au sujet des autres articles, j’observe que la plupart des améliorations rédactionnelles apportées par le Sénat ont été conservées. De même, quelques amendements de fond adoptés par notre assemblée ont été maintenus : il s’agit d’ailleurs principalement de ceux qui avaient été déposés par le Gouvernement ou le groupe UMP…
Si quelques miettes des propositions émanant du groupe CRC, du groupe socialiste et des sénateurs écologistes ont également été sauvegardées, je déplore en revanche que l’Assemblée nationale ait rejeté les apports du Sénat en matière de contrôle des liens d’intérêts et de prévention des conflits d’intérêts. Monsieur le ministre, ce sont les liens d’intérêts qui entraînent les conflits d’intérêts ! Nous ne confondons pas les deux notions, contrairement à ce que vous avez dit à plusieurs reprises, mais nous considérons qu’il n’est pas possible de les dissocier complètement.
À l’Assemblée nationale, ont été écartés tous les débats de fond tendant à l’octroi de moyens publics pour la mise en place d’un corps d’experts indépendants, à la formation initiale et continue des professionnels de santé, à l’avenir de la profession de visiteur médical ou au financement des associations de patients. Certes, les positions sur ce dernier sujet avaient évolué lors de la commission mixte paritaire, mais il n’en demeure pas moins nécessaire de repenser le financement des associations de patients.
Il n’est pas anodin que même les avancées adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture aient été restreintes par celle-ci lors de la deuxième lecture.
C’est ainsi que l’article 9 bis, issu d’une initiative heureuse des députés, qui soumet à des essais comparatifs les médicaments proposés au remboursement, a vu son application conditionnée à la publication d’un décret en Conseil d’État. Pour quelle raison ? Le prétendu risque d’entraver la diffusion de médicaments innovants a servi, une fois encore, à protéger le remboursement des nombreux « me too », ces médicaments sans apport thérapeutique réel par rapport à l’existant qui encombrent le marché.
Au total, à l’exception d’une amorce de contrôle des dispositifs médicaux – enjeu majeur de sécurité sanitaire – et de mesures renforcées pour prévenir les ruptures de stock et d’approvisionnement, les mesures contenues dans ce projet de loi se résument, pour l’essentiel, à la transposition de la directive communautaire relative à la pharmacovigilance !
Les autres dispositions du projet de loi visent soit des compétences déjà dévolues à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, soit dépendront à titre principal, pour leur application, de mesures réglementaires dont le contenu est incertain, même si, monsieur le ministre, vous avez affirmé, la main sur le cœur, que vous feriez le mieux possible…
En outre, le flou qui entoure plusieurs dispositions est de nature à favoriser les contentieux et à inhiber la future agence dans l’exercice de ses compétences.
Arrêtons-nous un instant sur nos quelques points saillants de désaccord avec le texte qui nous est soumis aujourd’hui.
Tout d’abord, l’Assemblée nationale a rejeté notre proposition d’harmoniser la procédure de contrôle des déclarations d’intérêts prévue pour les acteurs de la sécurité sanitaire avec celle que vise à mettre en place, de manière plus large, le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique qui est en cours d’examen. Elle en est donc restée à un contrôle de l’exactitude des déclarations, confié à des comités d’éthique internes aux organismes et dotés de moyens limités : cette procédure sera très peu efficace.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a supprimé l’interdiction, de portée pourtant limitée, que nous avions introduite de tous liens d’intérêts pendant trois ans avant d’accéder à la direction des principales agences sanitaires.
Or la position tout à fait particulière des dirigeants de ces agences me semble justifier une telle exclusion. Le fait que d’éminents professeurs de médecine auraient été privés de la possibilité d’accéder à ces postes ne me paraît pas une objection déterminante : ils auraient toujours pu, dans ce cas, exercer des fonctions d’expertise au sein des agences en question ou, mieux encore, continuer à œuvrer directement pour la recherche et le soin au sein des services hospitaliers.
L’Assemblée nationale a également supprimé la mise en place d’un site internet gratuit centralisant les informations relatives aux avantages consentis par les entreprises. La personne désireuse de connaître les liens particuliers entretenus avec elles par un professionnel de santé ou un établissement devra donc consulter l’intégralité des sites des entreprises du secteur, ou espérer que son moteur de recherche lui fournira un lien vers toutes les pages utiles… La transparence dépendra donc de l’efficacité de Google !
S’agissant des autorisations temporaires d’utilisation, ou ATU, l’Assemblée nationale est revenue sur le choix du Sénat de limiter leur durée de vie à une année renouvelable deux fois. Pourtant, trois ans, ce n’est pas rien ! Je demeure convaincu qu’il aurait été préférable de marquer clairement la différence entre les ATU de droit commun, qui ne sont qu’une première étape, par définition temporaire, vers l’autorisation de mise sur le marché, et les ATU délivrées dans le cadre d’une procédure dérogatoire, qui répondent à des situations isolées et douloureuses et qui ne doivent être soumises à aucune contrainte temporelle.
Le Sénat avait fait le choix d’inscrire dans la loi une interdiction de principe de la publicité concernant les vaccins. Nous regrettons le choix de l’Assemblée nationale, qui a estimé que la politique de prévention en matière de vaccins ne devait pas relever exclusivement de la puissance publique.
Concernant l’expérimentation de la visite médicale collective dans les établissements de santé, que reste-t-il de vos propositions à l’article 19 du projet de loi, monsieur Bertrand ?
Vous semblez oublier que nous discutons aujourd’hui du texte adopté par l’Assemblée nationale, et non de celui issu du Sénat !
Vos propositions ont été censurées par votre propre majorité. Il n’en reste plus rien, et vous le savez très bien !
Et François Hollande qui reçoit les visiteurs médicaux… N’y a-t-il pas là un double langage du parti socialiste ?
Autant dire que l’expérimentation qui nous est proposée est aujourd’hui totalement vidée de son sens ! Je note que, sur ce point, vous n’avez pas su convaincre une majorité de votre propre majorité, prompte à prendre en compte des intérêts particuliers. J’ai encore en tête ce que m’a dit l’un des responsables de notre système de sécurité sanitaire lorsque je l’ai auditionné : « Le prochain Mediator sera un dispositif médical. » Mais, là encore, il ne reste plus rien !
J’en viens maintenant à la question de la protection des droits des patients.
Sur l’initiative des groupes socialiste-EELV et CRC, le Sénat avait introduit dans le projet de loi trois articles mettant directement en pratique le principe énoncé par le ministre de la santé selon lequel « le doute doit désormais bénéficier au patient ». L’Assemblée nationale est revenue sur ces trois avancées.
L’article 17 bis portait sur la responsabilité du fabricant du fait d’un produit défectueux. Depuis la transposition, en 1998, de la directive du 25 juillet 1985 en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, un fabricant ne peut être jugé responsable du dommage causé par un produit défectueux lorsqu’il lui est impossible, au moment de sa mise en circulation, de déceler l’existence d’un défaut dans sa conception. Prenant en compte la spécificité des médicaments, l’article 17 bis visait à supprimer cette exonération en matière de médicaments, alignant par là même leur régime juridique sur celui qui s’applique actuellement aux produits issus du corps humain.
Revenant lui aussi sur les conséquences défavorables de la directive de 1985 pour les victimes d’accidents médicamenteux, l’article 17 ter mettait en place un système de faisceau d’indices pour alléger la charge de la preuve pesant à l’heure actuelle sur les requérants qui demandent réparation des dommages causés par un médicament.
Si elle a reconnu l’intérêt que pouvaient présenter ces deux articles, l’Assemblée nationale n’a pas jugé bon de les conserver.
Enfin, l’article 30 bis A visait à introduire en droit français, sur notre initiative, une procédure d’action de groupe au bénéfice des victimes d’accidents médicamenteux. Il s’agissait de régler une situation paradoxale : tout le monde, ou presque, reconnaît l’utilité de ce type d’action, mais toutes les tentatives pour introduire une telle procédure en droit français ont échoué. Plutôt que de reporter la question sine die, il eût été préférable de profiter de la mise en œuvre d’un texte symbolique comme celui-ci pour au moins prévoir une procédure spécifique pour les victimes d’accidents médicamenteux. Pourtant, l’Assemblée nationale a préféré le statu quo et a renvoyé, une fois de plus, cette question aux calendes grecques, avec la complicité du Gouvernement.
Finalement, monsieur le ministre, au fur et à mesure que le temps passe, les propos très rigoureux et unanimement accueillis que vous aviez tenus, voilà un peu moins d’un an, sur la sécurité du médicament perdent de leur fermeté et de leur originalité.
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Il nous a paru inutile de nous acharner à essayer de convaincre les députés de votre majorité ou vous-même du bien-fondé de nos observations. Afin de manifester son désaccord profond avec le projet de loi tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, la commission des affaires sociales a donc adopté une motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je remercie Mmes et MM. les secrétaires du Sénat qui ont bien voulu superviser les opérations de vote.
Voici le résultat du scrutin pour l’élection de six délégués titulaires du Sénat représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :
Ont obtenu :
M. Jean-Marie Bockel242 voixM. Éric Bocquet239 voixMme Josette Durrieu239 voixM. Jean-Claude Frécon244 voixM. Jean-Louis Lorrain248 voixM. Philippe Nachbar251 voixEn conséquence, MM. Philippe Nachbar, Jean-Louis Lorrain, Jean-Claude Frécon, Jean-Marie Bockel, Éric Bocquet et Mme Josette Durrieu ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je les proclame délégués titulaires du Sénat représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Applaudissements
Voici le résultat du scrutin pour l’élection de six délégués suppléants du Sénat représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :
Ont obtenu :
Mme Maryvonne Blondin237 voixMme Bernadette Bourzai238 voixM. Bernard Fournier246 voixM. Jacques Legendre247 voixM. Jean-Pierre Michel236 voixM. Yves Pozzo di Borgo246 voixEn conséquence, MM. Jacques Legendre, Bernard Fournier, Yves Pozzo di Borgo, Mmes Bernadette Bourzai, Maryvonne Blondin et M. Jean-Pierre Michel ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je les proclame délégués suppléants du Sénat représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Applaudissements
Voici le résultat du scrutin pour l’élection de six juges titulaires à la Cour de justice de la République et de leurs six juges suppléants :
Ont obtenu :
M. François-Noël Buffet, titulaire, et Mme Catherine Troendle, suppléante263 voixM. Yves Détraigne, titulaire, et M. Jean-Paul Amoudry, suppléant262 voixMme Josette Durrieu, titulaire, et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, suppléante255 voixM. Jean-Pierre Michel, titulaire, et M. Jean-Yves Leconte, suppléant255 voixM. Bernard Piras, titulaire, et M. Gilbert Roger, suppléant257 voixM. Bernard Saugey, titulaire, et M. Alain Fouché, suppléant264 voixEn conséquence, M. Bernard Saugey, titulaire, et M. Alain Fouché, suppléant ; M. François-Noël Buffet, titulaire, et Mme Catherine Troendle, suppléante ; M. Yves Détraigne, titulaire, et M. Jean-Paul Amoudry, suppléant ; M. Bernard Piras, titulaire, et M. Gilbert Roger, suppléant ; Mme Josette Durrieu, titulaire, et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, suppléante ; et M. Jean-Pierre Michel, titulaire, et M. Jean-Yves Leconte, suppléant, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, ils sont proclamés juges à la Cour de justice de la République.
Applaudissements
Mme et MM. les juges titulaires et Mmes et MM. les juges suppléants à la Cour de justice de la République vont être appelés à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule du serment. Il sera procédé ensuite à l’appel nominal de Mme et MM. les juges titulaires, puis à l’appel nominal de Mmes et MM. les juges suppléants. Je les prie de bien vouloir se lever à l’appel de leur nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure. »
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
Successivement, MM. François-Noël Buffet, Yves Détraigne et Bernard Saugey, juges titulaires, Mmes Catherine Troendle et Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Alain Fouché, juges suppléants, se lèvent et disent, en levant la main droite : « Je le jure. »
Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui.
M. Jean-Paul Amoudry, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Pierre Michel, Bernard Piras, Jean-Yves Leconte et Gilbert Roger, qui n’ont pu assister à la séance d’aujourd’hui, seront appelés ultérieurement à prêter serment devant le Sénat.
Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi, tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, est un paradoxe à lui seul. En raison du peu de temps qui m’est imparti, je concentrerai donc mes propos sur la question de la transparence et de l’existence des liens d’intérêts.
Alors que la commission mixte paritaire était parvenue à un accord sur les cinq premiers articles, retenant d’ailleurs de manière générale les travaux de la Haute Assemblée, les députés du groupe de l’UMP ont cru utile de revenir sur le consensus trouvé en CMP sur ces premiers articles, avant que celle-ci n’échoue. Un peu comme si, à l’Assemblée nationale, il fallait que les députés qui soutiennent le Gouvernement fassent la preuve de leur fidélité en détricotant méticuleusement tout ce que le Sénat avait adopté en première lecture.
M. André Reichardt s’esclaffe.
Nous regrettons une telle attitude. C’est la raison pour laquelle, dès la réunion de la commission des affaires sociales, nous avons soutenu notre rapporteur dans sa démarche consistant à déposer, au nom de la commission, une motion tendant à opposer la question préalable. Mon collègue Dominique Watrin exprimera ultérieurement la position du groupe CRC à ce sujet.
Dire devant vous qu’il ne reste plus aucun point d’accord entre nos deux chambres serait, à l’évidence, faux. Toutefois, il s’agit pour nous d’opérer la balance entre le texte dont nous discutons aujourd’hui et ce dont a besoin notre pays pour garantir une véritable sécurité sanitaire, et je dirai même lever progressivement la méfiance de nos concitoyens à l’égard de notre système. Celui-ci a fait la preuve, non seulement avec le cas du Mediator, mais aussi avec l’épisode de la grippe A H1N1, de son inefficacité, notamment en raison de la porosité entre l’industrie pharmaceutique, d’une part, et les agences de contrôle, d’autre part.
Vous le savez, pour nous, il était grand temps de permettre l’émergence d’un corps d’expertise indépendant de tout lien d’intérêts. Car l’expérience nous le prouve, le risque que ces liens d’intérêts deviennent des conflits d’intérêts est bien réel, avec tous les dysfonctionnements que cela génère.
À cet égard, je ne m’explique pas que les députés de l’UMP aient supprimé l’article qui se limitait à la remise d’un rapport sur les moyens de parvenir à un tel système. Il s’agissait non pas d’instaurer dès aujourd’hui un corps d’expertise indépendant, mais de l’envisager sérieusement. La création d’un tel corps était préconisée, je le rappelle, par la mission d’information présidée par notre ancien collègue François Autain, et dont le rapport avait été adopté à l’unanimité.
L’Assemblée nationale a également supprimé les dispositions que nous avions proposées et que le Sénat avait adoptées concernant l’indépendance des membres de toutes les agences sanitaires et les mécanismes d’appel à candidature pour la désignation du président du conseil d’administration et du président du conseil scientifique de l’Institut national du cancer. Nous le regrettons !
Je voudrais profiter de l’occasion pour revenir sur un argument que nous avons entendu à de nombreuses reprises. Soyons clairs : tel que nous avions rédigé l’article, le fait qu’une personne travaille pour une structure publique ou pour un centre de recherche percevant des subventions d’une entreprise privée ne faisait pas obstacle à sa nomination au sein d’une agence publique. Il en aurait été autrement si celui-ci avait été directement salarié de cette entreprise privée. C’est là toute la distinction entre conflit d’intérêts et lien d’intérêts ! Une distinction sur laquelle vous êtes vous-même souvent revenu, sans jamais l’appliquer, monsieur le ministre.
Je regrette également que votre majorité à l’Assemblée nationale ait réduit presque à néant la portée du Sunshine Act à la française. Là aussi, soyons clairs : la simple communication sur l’existence d’une convention entre un professionnel de santé et une entreprise n’est pas suffisante. Il faut, comme je le soulignais en première lecture, en faisant référence au député américain auteur de cette mesure, faire toute la lumière pour chasser les zones d’ombre.
Des zones d’ombre dont la majorité présidentielle a permis l’extension puisqu’elle a, avec votre soutien, supprimé l’interdiction que nous avions faite aux étudiants en médecine de recevoir des cadeaux et de bénéficier de prestations dites d’hospitalité de la part de l’industrie pharmaceutique.
Des zones d’ombre qu’il sera difficile de démasquer dans la mesure où les déclarations d’intérêts ne seront plus centralisées sur un site internet unique et gratuit, consultable par tous. Résultat : ceux qui voudront s’assurer de l’absence de liens d’intérêts d’un acteur de notre système sanitaire seront contraints d’effectuer une recherche sur une multitude de sites internet.
Pourquoi faire simple et clair quand on peut faire complexe et obscur ?
L’Assemblée nationale est également revenue sur les dispositions que nous avions adoptées concernant les visiteurs médicaux.
Ces derniers font l’objet d’un important débat. La nature même de leur exercice, au-delà de leurs compétences et de leur probité personnelle, est de nature à générer le doute. Comment peut-on croire qu’ils peuvent être des facteurs impartiaux d’information quand ils sont rémunérés à la performance, en fonction du nombre de boîtes de médicaments vendues dans les zones qui leur sont attribuées par le laboratoire dont ils sont les salariés ? Leur reconversion, en faveur d’un corps indépendant, permettant à la fois leur maintien dans l’emploi et le changement même de leurs missions, en faveur d’une information délivrée dans le sens de la santé publique, nous paraissait être une piste à étudier.
Non seulement l’UMP a refusé cette mesure, mais elle a également étendu la visite collective dans les établissements de santé aux dispositifs médicaux. Nous le regrettons, car – nous l’avions déjà dit en première lecture – cette visite médicale en hôpital concerne les médicaments les plus onéreux, ceux sur lesquels les laboratoires réalisent les marges les plus importantes. J’ai du mal à croire que les chefs de service, les professeurs de nos établissements de santé, publics comme privés, qui sont également souvent des enseignants et des chercheurs, ne sont pas suffisamment informés de l’état de la pharmacopée actuelle, pour avoir besoin de la visite des commerciaux de l’industrie pharmaceutique.
La transparence qu’appellent de nos vœux nos concitoyens est malheureusement absente du projet de loi. Elle était pourtant essentielle ; elle devait être au cœur d’un texte censé sécuriser le parcours du médicament. C’est donc l’essentiel qui fait défaut. Telle est la raison pour laquelle le groupe CRC ne peut voter le projet de loi en l’état. Telle est également la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants afin de permettre les derniers préparatifs de la retransmission par Public Sénat et par France 3 des questions cribles thématiques ; nous les reprendrons à dix-sept heures précises.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Didier Guillaume.
Mes chers collègues, nous devions débuter à dix-sept heures précises la séance consacrée aux questions cribles thématiques, mais M. le secrétaire d’État chargé du commerce n’est pas encore arrivé. Ce retard n’est pas acceptable dans la mesure où cette séance est prévue longtemps à l’avance.
Je vais donc suspendre à nouveau la séance en attendant que M. le secrétaire d’État veuille bien nous rejoindre.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la compétitivité.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddeï.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la compétitivité est un moyen permettant à un pays d’« améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et de leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale ». Voilà ce que l’on peut lire à la première page d’un document du MEDEF cosigné cet été par la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Ces organisations reprennent là une définition européenne que nous serions tentés de partager si elle n’était le prétexte mensonger à une charge indécente contre les droits des travailleurs.
Pour cette doctrine libérale, le coût du travail serait responsable d’une prétendue perte de compétitivité de nos entreprises. Mais, en réalité, là où vous parlez de compétitivité, les travailleurs vivent la précarité ; là où vous louez la modernisation, ils subissent la précarisation.
Aujourd’hui, ces travailleurs sont dans l’action pour dénoncer votre plan d’austérité, qui fait porter les efforts sur les salariés, qui creuse les inégalités et qui plonge des milliers de familles dans les difficultés sociales. Nos entreprises sont rentables et les salariés se battent contre vos politiques pour sauver l’industrie française.
Qu’est-ce que la compétitivité quand Unilever décide de la fermeture du site rentable de Fralib à Gémenos pour délocaliser la production en Pologne et mettre ses profits en Suisse au prétexte qu’il serait le site le moins rentable en Europe ?
En vingt ans, la productivité a augmenté de 50 % et la masse salariale totale du site ne représente plus que 16 centimes d’euros sur une boîte de thé ou d’infusion vendue entre 1, 80 euro et 2, 60 euros !
Que proposez-vous, monsieur le secrétaire d'État, à ces travailleurs, dont le plan social a été annulé par la justice et dont la direction refuse la réintégration ? Qu’allez-vous faire pour les soutenir, alors qu’ils se battent à votre place pour préserver, dans l’intérêt de l’économie de notre pays, un outil industriel performant ? Concrètement, êtes-vous prêt à vous engager aujourd’hui devant notre assemblée à rencontrer – enfin ! – les salariés de Fralib ? §
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser mon retard, mais je me trouvais précisément auprès des acteurs économiques, qui ont besoin, en cette période, vous le savez, que nous soyons à leurs côtés.
Madame la sénatrice, plusieurs de mes collègues ont déjà eu l’occasion de s’exprimer sur la situation de Fralib ; je puis vous assurer que le sort des 182 salariés concernés nous tient à cœur.
La fermeture par Unilever de ce site de production historique de sachets de thé produits sous la marque Éléphant est évidemment regrettable pour le bassin d’emploi marseillais. Vous le savez, le Gouvernement est mobilisé sur ce dossier depuis le début du mois de novembre 2010 et il a invité, avec le préfet de région, l’ensemble des acteurs à participer à plusieurs tables rondes afin de trouver des solutions.
L’ensemble des projets alternatifs à une fermeture ont été étudiés par le groupe de travail. Certaines des pistes proposées par les salariés n’apparaissaient pas réalisables ; je pense notamment à la cession par Unilever de sa marque Éléphant aux salariés, une cession qui ne semblait pas possible, car ce groupe continue de produire cette marque sur d’autres sites.
Nous avons également demandé, dès le début, à Unilever de prendre des mesures visant à accompagner les salariés et à revitaliser le territoire qui soient à la hauteur de ses moyens financiers.
Vous y avez fait allusion, la cour d’appel d’Aix-en-Provence vient de rejeter le projet de fermeture d’Unilever, considérant que les mesures de reclassement proposées n’étaient pas satisfaisantes et n’étaient pas précisément à la mesure des moyens financiers d’un tel groupe.
Sitôt que cette décision de justice a été rendue, des membres des cabinets ministériels de Xavier Bertrand et Éric Besson ont rencontré les dirigeants d’Unilever pour leur demander de mettre en œuvre au plus vite cette décision de justice, en proposant aux salariés des mesures de reclassement appropriées.
Monsieur le secrétaire d'État, je suis désolée de vous le dire, mais nous ne sommes pas satisfaits de votre réponse.
En effet, contrairement à ce que vous prétendez, les salariés n’ont pas été reçus. Cela fait trop longtemps maintenant que leurs droits sont bafoués. L’annulation du plan de sauvegarde de l’emploi aurait dû impliquer le redémarrage de l’entreprise et la prise en compte de la solution alternative défendue par les travailleurs.
Le 25 novembre dernier, le ministre du travail a tenu une réunion à laquelle étaient conviés les autorités locales et les représentants d’Unilever, mais pas ceux des salariés, ni ceux des organisations syndicales. Cela montre bien de quel côté se trouve le Gouvernement, alors même qu’il prétend défendre le « made in France » et l’emploi industriel. Certains salariés ont reçu une fiche de paie négative, devant régler jusqu’à 2 227 euros à l’employeur ! Et, comble de l’indécence, la direction annonce une fermeture à la fin de l’année pour congés de Noël !
Monsieur le secrétaire d'État, nous retenons de votre réponse que le Gouvernement n’est malheureusement même pas prêt à recevoir les salariés de ce groupe pour examiner – enfin ! – leurs propositions. §
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans les zones hyper-rurales, le chiffre d’affaires des PME de toutes sortes – de l’artisanat, des services, des professions libérales, du commerce – est plus difficile à réaliser que dans d’autres zones.
L’hyper-ruralité est une notion nouvelle, qui diffère quelque peu du concept de zone rurale. Elle peut se caractériser par le faible nombre d’habitants, par l’éloignement des capitales régionales – huit heures de train sont nécessaires pour aller de la préfecture de la Lozère à la capitale régionale, seize à dix-huit heures pour aller à Paris –, par l’absence de facultés et de grandes villes. La Lozère ne compte aucune ville de 15 000 habitants ni aucune agglomération. C’est le cas dans bien d’autres parties de départements français, notamment dans la Creuse, l’Ariège – chère au président Bel – ou en Corse, notamment.
L’hyper-ruralité, souvent localisée en zone de montagne, se caractérise aussi par des prix plus élevés qu’ailleurs. Ainsi, le gazole est plus cher en Lozère qu’à Paris, à Marseille ou à Lille. Les études des enfants sont aussi beaucoup plus coûteuses, tout comme le sont les denrées alimentaires, car il y a moins de bassins de chalandise et moins de concentrations de grandes surfaces. Bref, tout est plus cher !
Malgré les mesures existantes, qui, déjà faibles, s’étiolent – je pense notamment aux aides à finalité régionale comme l’ancienne prime d’aménagement du territoire, aux zones de revitalisation rurale, aux pôles d’excellence rurale –, c’est un véritable sacerdoce que d’entreprendre en milieu rural. Il convient donc de mettre en place des mesures spéciales, adaptées et particulières, qui permettent à chaque initiative de prospérer : davantage de dotations aux communes de l’hyper-ruralité, des aides spécifiques aux artisans, commerçants et PME, un dispositif « initiatives dans l’hyper-ruralité », qui inclura nécessairement des aides à l’investissement touristique, notamment, fournies par l’État, les régions et les départements. Jusqu’à présent, ce n’est que très mal fait.
Qu’envisagez-vous donc, monsieur le secrétaire d'État, pour que ces territoires, déjà défavorisés et sous-équipés, puissent retrouver leur compétitivité et ainsi participer plus et mieux à la richesse nationale et à la création d’emplois, qui vous tiennent tant à cœur ?
Applaudissements sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, j’aime beaucoup la Lozère. Sachez que ma belle-famille est originaire de la Haute-Loire. Je connais donc bien toutes ces zones que vous avez parfaitement décrites.
Je serai dans le Puy-de-Dôme jeudi prochain, monsieur Néri.
J’y étais il n’y a pas très longtemps ! Je fais trois déplacements par semaine, partout en France.
Monsieur Bertrand, j’entends bien les arguments que vous avez développés. Néanmoins, permettez-moi de vous dire que le logement est beaucoup moins cher en Lozère qu’à Paris, à Marseille ou à Lille. Certains problèmes méritent évidemment que nous agissions, mais, fort heureusement, les populations vivant dans les régions que vous avez décrites disposent aussi d’avantages que ne connaissent pas les habitants d’autres régions de France. Je tiens à insister sur ce point, car il ne s’agit pas de tomber dans le misérabilisme, même si, je le sais, ce n’était pas votre intention.
Vous avez évoqué l’attractivité des territoires, les zones de revitalisation rurale et la politique de cohésion. À cet égard, il faut évidemment maximiser les retours financiers des dispositifs existants.
Les restructurations de défense, l’accès de tous les citoyens aux services publics et aux services de santé sont des aspects absolument majeurs, tout comme la couverture numérique du territoire, puisque c’était l’un des sujets sous-jacents dans votre intervention. Sur ce point, aller au contact des artisans et commerçants de beaucoup de nos territoires me permet de constater les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Je sais donc qu’ils veulent disposer du commerce multicanal, parce qu’ils savent que cela représente l’avenir.
La compétitivité passe par la mise en synergie de tous les atouts économiques français, à travers les politiques des pôles, vous y avez fait allusion, et des grappes.
Pour accompagner les projets ruraux innovants, créateurs de croissance et d’emplois, nous avons mis en place les pôles d’excellence rurale, à travers quatre appels à projets nationaux depuis 2006, dont le dernier s’est conclu en mai 2011. Au total, 652 projets ont été financés par près de 475 millions d’euros.
Les pôles de compétitivité regroupent les acteurs de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’industrie pour favoriser l’innovation sur les territoires. Nous avons consacré 1, 5 milliard d’euros sur la période 2009-2011 au lancement de la deuxième phase de cette politique.
Le Gouvernement croit beaucoup dans la politique des grappes d’entreprise, parce que ce sont les TPE et les PME qui créent la richesse et l’emploi dans nos territoires. Les grappes permettent à ces petites entreprises d’améliorer leur compétitivité et leurs performances, en mettant en commun un certain nombre de services. Ainsi, 126 grappes ont été sélectionnées, pour un budget total de 24 millions d’euros sur deux ans.
Vous le voyez, les actions du Gouvernement sont concrètes et structurées. Elles visent à agir aux côtés des acteurs économiques et à engager notre pays sur la voie de l’innovation, qui représente son avenir et celui de ses territoires ruraux.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui est assez complète.
Quand tous les territoires français seront équipés en haut et très haut débit, ce sera une bonne chose, car nous aurons donné à tous l’outil qui convient. Mais, à ce moment-là, il ne s’agira pas d’une discrimination positive en faveur des territoires ruraux ou hyper-ruraux, contrairement à ce qu’annoncent à leurs électeurs les députés et les sénateurs ruraux, puisque tout le monde en bénéficiera. Cette piste ne répond donc pas précisément à la question que je pose, même si elle est cruciale.
Les secteurs très ruraux regorgent d’énergie, de bonnes volontés, de capacités et d’initiatives qu’il faut absolument accompagner différemment. Comme j’aime à le répéter, la plus grande ville de France n’est pas Paris, c’est la chaîne de dizaines de milliers de villages et de petits villages. Nous avons, nous aussi, les possibilités de créer des emplois, objectif que nous poursuivons tous pour faire bien vivre notre République. Nous voulons participer à cet effort national, mais il faut pour cela nous donner une chance : cela passe par l’application d’une discrimination positive plus importante.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les nouvelles tensions économiques mondiales qui existent depuis la fin du mois de juillet 2011 annoncent un scénario de conjoncture très dégradée pour les prochains mois et peut-être – voire assurément, je le crains – les prochaines années. Tous les experts s’accordent sur un point : la voie de sortie sera très étroite. Seule une compétitivité durable de notre pays et de nos entreprises contribuera efficacement au rétablissement de la croissance et à la réduction des dettes souveraines.
Dans ce contexte, les pouvoirs publics doivent offrir aux entreprises, qui sont les principales sources de richesse, un environnement propice à leur croissance et à leur compétitivité. Nos entreprises, plus particulièrement nos PME, doivent pouvoir faire face efficacement à la concurrence d’autres sociétés, qu’elles soient nationales ou étrangères.
Aujourd’hui, le niveau de vie d’une population tient quasi exclusivement à la compétitivité conjuguée de son pays et de ses entreprises. Or plusieurs critères qui mesurent la compétitivité de ces dernières sont aujourd’hui dans le rouge. Je pense au coût du travail, au manque de flexibilité du marché du travail ou à la complexité de notre fiscalité.
Mais je veux insister sur un autre point qui me paraît fondamental : l’accès des entreprises aux crédits bancaires. La mission première des banques est non pas la spéculation sur certains marchés, mais le financement des entreprises, notamment des PME. Or nos PME et PMI se plaignent d’avoir de grosses difficultés d’accès au crédit, surtout depuis la crise. Pourtant, nous savons tous qu’elles sont les plus vulnérables et que, faute de mesures spécifiques, elles seront les premières victimes de la crise.
Quelles sont les mesures, monsieur le secrétaire d'État, qui ont été ou vont être prises par le Gouvernement pour renforcer l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises et, plus généralement, pour améliorer le financement de l’économie ?
Monsieur le sénateur, vous décrivez une situation que je rencontre très régulièrement. Comme je le disais, je fais trois déplacements par semaine, partout dans notre pays. C’est grâce à la rencontre des acteurs économiques que j’ai eu l’idée de demander à la Banque de France de mettre en place un indicateur de suivi des petits crédits. Je me suis en effet aperçu que les petits crédits, ceux de moins de 25 000 euros, ne sont pas suivis. Or ceux-ci sont essentiels quand les petites entreprises rencontrent un problème de délai de paiement.
L’encours des crédits aux PME s’élève, au 31 octobre 2011, à 267 milliards d’euros, dont 195 milliards d’euros de crédits aux PME indépendantes et aux micro-entreprises, en progression de 4, 5 % par rapport à 2010. Au contraire de la situation prévalant dans les autres pays européens, cet encours n’a jamais diminué pendant la crise, grâce à la mobilisation du Gouvernement, aux outils de financement créés pour l’occasion ainsi qu’aux dispositifs mis en place, comme le médiateur du crédit, par exemple. L’intervention du médiateur a permis le déblocage de 3, 6 milliards d’euros depuis 2008, répartis entre 14 500 entreprises. Plus de 99 % des entreprises accompagnées en médiation sont des PME.
Devant les difficultés rencontrées par un certain nombre d’acteurs, notamment les artisans ou les commerçants, qui s’en ouvrent à moi depuis un certain nombre de semaines, j’ai mis en place un numéro azur « Soutien TPE-PME », le 0810 00 12 10. Ce numéro leur permet d’être immédiatement en contact avec les services du médiateur du crédit ou, en cas de problème administratif, de marché public, ou d’anomalie dans des déclarations d’impôt, avec le correspondant PME de leur département. Plus de cent appels par jour sont actuellement recensés, avec des solutions qui sont trouvées dans environ 70 % des cas.
Nous sommes donc mobilisés, mais il faut évidemment rester vigilant.
Pour terminer, j’indique que, à chaque publication des statistiques de la Banque de France sur les petits crédits, je réunirai le réseau bancaire ayant les meilleurs résultats pour qu’il m’explique ses bonnes pratiques, que nous pourrons diffuser auprès des autres réseaux, et celui le moins performant, pour qu’il s’en explique également.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de vos réponses, notamment celle ayant trait à la mise en réseau des banques les plus performantes avec celles qui le sont moins. J’insiste sur ce point, car certains organismes bancaires n’entendent pas toujours le message qui leur est envoyé, comme je peux le constater dans mon département. Je tiens à saluer l’action du Gouvernement sur ce point précis, car elle est pertinente.
Il me tarde que la convergence des deux plus grandes économies de l’Union européenne, à savoir la France et l’Allemagne, puisse enfin se produire, non seulement sur le plan fiscal, mais aussi sur le plan social. C’est en effet la seule solution pour disposer, à terme, d’un marché unique performant.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la compétitivité de la France s’érode : la balance commerciale est dangereusement déficitaire, la croissance de notre PIB est nulle, voire négative. Plusieurs facteurs sont en jeu.
Je pense tout d’abord à la non-maîtrise de nos finances publiques, qui occasionne sans cesse de nouvelles taxes pour augmenter nos recettes, lesquelles freinent notre compétitivité.
Cette instabilité fiscale a lourdement pesé sur certains secteurs, notamment sur la filière photovoltaïque française, dont les baisses successives de tarifs de rachat de l’électricité ont sévèrement affecté la compétitivité pourtant prometteuse.
Je pense ensuite à l’instabilité fiscale, qui va de pair avec une complexité administrative toujours plus pesante sur nos entreprises, empêchant des TPE de devenir de vraies PME. Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre afin de simplifier durablement l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises ?
Je pense enfin au coût du travail, qui est trop élevé en France : il a augmenté pour l’ensemble de l’industrie et des services marchands de 40 % entre 2000 et 2010, contre seulement 19 % en Allemagne.
Un moyen de retrouver un avantage compétitif sur les coûts salariaux serait d’adopter une mesure, souvent évoquée mais jamais concrétisée, du type « TVA sociale ». Cela consisterait à faire peser le financement de notre protection sociale non plus sur le travail, mais sur une hausse de la TVA et donc sur la consommation. En plus de réduire le coût du travail et donc d’améliorer notre compétitivité, cette disposition permettrait de lutter contre les délocalisations et de faire participer les produits importés à l’effort de protection sociale des Français.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière et quels sont les freins actuels à la mise en place rapide d’une TVA sociale ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR. – M. Alain Bertrand applaudit également.
Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de souligner que, depuis trente ans, tous les gouvernements – ce n’est pas une question de droite ou de gauche ! – ont emprunté le chemin de la facilité en trouvant dans l’endettement et le déficit la solution à toutes les difficultés.
Avec près de 10 % de prélèvements obligatoires de plus que les entreprises de nos principaux compétiteurs, c’est un facteur majeur de la baisse de la compétitivité de nos entreprises. Voilà la réalité !
C’est pourquoi la réduction du niveau des prélèvements obligatoires a été un enjeu constamment à l’esprit du Gouvernement. J’en veux pour preuve la suppression de la taxe professionnelle, qui a rendu près de 7 milliards d’euros aux entreprises, tout particulièrement aux TPE et aux PME, lesquelles irriguent nos territoires. Mais il faut aller plus loin !
Vous me permettrez de prendre un peu de distance avec la formule de « TVA sociale », car elle donne le sentiment…
... que le seul moyen est d’augmenter la TVA. Or vous connaissez l’importance du moteur de la consommation dans notre pays.
Le Président de la République a annoncé l’installation prochaine d’un Haut Comité sur le financement de la protection sociale, qui devrait prendre en compte cette préoccupation dans sa réflexion. Le dispositif à imaginer devra trouver le meilleur équilibre entre cet objectif de réduction de coût, qui affaiblit notre compétitivité, et celui qui est non moins impérieux de préserver la consommation des ménages, laquelle demeure un moteur important, si ce n’est essentiel, de la croissance française.
Maintenir la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques sans affecter la croissance nous impose des exigences. C’est pourquoi nous avons respecté, y compris lorsque nous avons annoncé un plan d’effort national partagé, tous les dispositifs qui préparent l’avenir de notre pays, à savoir le crédit d’impôt recherche ou le programme des investissements d’avenir.
Il aurait pourtant été si facile de couper dans les investissements. Une telle décision ne met personne dans la rue ! Reste que ce n’est pas la meilleure façon de préparer l’avenir de nos enfants.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas complètement.
Le terme de « TVA sociale » n’est peut-être pas le plus approprié. Certains ont parlé de « TVA antidélocalisations ». Manuel Valls, qui n’appartient pas au même parti que moi, a employé les mots de « TVA emploi ». Pourquoi pas ! Quoi qu’il en soit, une telle mesure serait favorable au développement de l’emploi, notamment industriel, en France, et l’on en aurait bien besoin.
Concernant les prélèvements obligatoires et la nécessité de revenir à un déficit maîtrisé ou, ce que je préférerais, à l’équilibre budgétaire, je souhaite que l’on fasse plus d’efforts sur les dépenses que sur les recettes. Mais, pour l’instant, ce n’est pas la direction qui nous est proposée.
Même en ne prenant pas de mesures drastiques sur les dépenses, on risque quand même une récession. Je ne la souhaite pas, mais quitte à avoir la récession, autant avoir pris les mesures drastiques qui s’imposaient. Ayons le courage de le faire rapidement, faute de quoi nous irons dans le mur !
Monsieur le secrétaire d'État, après ces différentes interventions, je voudrais faire un sort à quelques idées reçues. Pour cela, je me servirai des dernières statistiques de l’INSEE.
Le coût du travail en 2011 pour l’industrie manufacturière est de 33, 16 euros en France, contre 33, 37 euros en Allemagne.
La durée hebdomadaire du travail, selon une étude Natixis, est à peu près la même dans les deux pays.
Le taux de chômage est, en France, de 9, 7 % ; il recule à 6, 9 % en Allemagne !
En France, le déficit du commerce extérieur est abyssal ; en Allemagne, il est largement excédentaire.
Aujourd'hui, le Président de la République est en Haute-Savoie, où il fera un énième effet de communication.
Monsieur le secrétaire d'État, nous avons besoin d’actes ! La France perd ses usines et des centaines de milliers de personnes sont au chômage.
Selon moi, le Gouvernement fait fausse route : d’abord, parce qu’il n’a pas de politique industrielle ; ensuite, parce qu’il pense tout régler avec le coût du travail. Expliquez-moi comment se fait-il que des pays européens qui ont un coût du travail bien inférieur au nôtre n’ont pas une politique industrielle beaucoup plus performante ?
En réalité, les choses sont plus compliquées que cela ! Le Gouvernement a fait l’erreur de tout miser sur les grands groupes, oubliant ces milliers de PME et de TPE qui travaillent très dur et qui créent des emplois.
Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
En outre, il faut « clustériser » nos territoires, les aider afin que recherche, innovation et investissement soient intimement liés, et que soient mis en place ces écosystèmes productifs qui leur font cruellement défaut.
Voilà comment nous parviendrons à régler la question industrielle en France ! Mais, pour l’instant, je le répète, le Gouvernement fait complètement fausse route.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’attends toujours la question !
Très bien ! et applaudissementssur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
J’ai pourtant écouté avec beaucoup d’attention, me disant qu’elle allait arriver à la fin de votre propos, monsieur le sénateur.
J’étais à Sallanches, en Haute-Savoie, avec le Président de la République. Nous étions aux côtés des acteurs économiques, comme je le suis quotidiennement, je l’ai rappelé précédemment. Je vous invite à aller vous-même à leur rencontre partout en France.
Vous constaterez que les artisans, les TPE et les PME sont parfaitement conscients de la mobilisation exceptionnelle de l’État, notamment pendant la crise de 2009, et de la mise en place d’outils, pour la première fois depuis bien longtemps. Je pense en particulier à la banque des PME, OSEO, dont beaucoup avaient rêvé. Elle existe ! Je pense évidemment à l’ensemble des outils de financement qui ont été mis en place pour être aux côtés des acteurs économiques.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Visiblement, nous ne sommes pas en possession des mêmes chiffres.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
C’est dire combien la question posée par M. Delahaye était importante.
Encore une fois, il ne s’agit pas seulement d’une différence de mots. Que l’on parle de TVA sociale ou non, il est sain que, dans notre pays, chacun se pose la question de savoir comment on peut limiter le poids des charges sociales sur le coût du travail. Je sais qu’un certain nombre d’élus le font, que ce soit au parti socialiste, dans notre famille politique, l’UMP, ou encore au Nouveau centre.
Je ne vais pas vous expliquer une nouvelle fois ce que tout le monde sait et ce que tous les acteurs économiques, je dis bien tous, vous répéteraient si vous alliez à leur rencontre quotidiennement : les 35 heures pèsent sur notre pays depuis les années 2000.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
En termes de compétitivité, elles sont responsables du différentiel.
Aussi avons-nous mis en place un certain nombre de dispositifs destinés aux entreprises. Je pense aux heures supplémentaires, dont j’entends parfois dire que vous voulez les supprimer.
On ne veut pas les supprimer, elles existaient avant. En revanche, l’exonération des heures supplémentaires, ce n’est pas la même chose !
Écoutez les artisans, les entrepreneurs, les salariés ! Les heures supplémentaires, c’est gagnant-gagnant, car elles permettent de répondre aux attentes et aux besoins des entreprises comme des salariés.
M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d'État, sachez que nous sommes des élus et que nous avons un contact régulier avec les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Nous, nous voulons que nos territoires puissent répondre aux défis auxquels ils sont confrontés. Or, aujourd'hui, votre échec est absolument impressionnant, et des familles en subissent les conséquences. Regardez le taux de chômage !
Lorsqu’on apprend que 4 000 emplois vont être supprimés chez PSA à Sochaux-Montbéliard, alors que, à côté, chez Volkswagen, on embauche, ne croyez-vous pas qu’il y a un problème ?
Lors des auditions de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, que je présidais, on nous a démontré qu’il était possible d’avoir une politique industrielle très efficace et très offensive, et cela avec à peu près les mêmes coûts du travail.
Monsieur le secrétaire d'État, vous cachez votre échec, que les Français payent très cher, en matière de politique industrielle. Il est donc temps d’avoir enfin une politique dans ce domaine, car il n’en existe pas dans ce pays.
Il n’y a pas non plus de patriotisme industriel. Il suffit de voir que La Poste a acheté récemment 3 000 scooters taïwanais, alors que l’usine Peugeot Motocycles, PMTC, était en difficulté.
C’est situation n’est plus possible. Elle est révoltante !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans cette assemblée, nous savons tous que l’innovation est un atout pour la compétition mondiale ; c’est également un moteur important de la compétitivité de nos entreprises.
Le Gouvernement a déjà mis en place un certain nombre d’outils ; je pense bien sûr au crédit d’impôt recherche et – faut-il le rappeler ? – aux soixante et onze pôles de compétitivité ainsi qu’à la part du grand emprunt affectée à la recherche, soit quasiment 8 milliards d’euros.
Toutefois, la crise qui perdure se fait fortement sentir. Aussi aimerions-nous connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre en matière d’aide publique à nos entreprises afin d’être rassurés.
J’ajouterai une seconde question à la première. À quel moment sera effectivement mis en place le fonds commun de placement à risques destiné au financement des entreprises innovantes, tout particulièrement dans le domaine des biotechnologies ou des nanotechnologies, prévu par le grand emprunt et dont l’État et les régions seront deux actionnaires importants ?
Monsieur le sénateur, vous venez d’insister sur un point qui est revenu d’ailleurs dans plusieurs interventions, y compris dans la mienne. Je vais vous répondre de la manière la plus claire : non, il n’est pas question de revenir sur les dispositifs de soutien à l’innovation de notre pays, bien au contraire !
C’est le choix du courage que nous faisons, car, face aux difficultés, il est tellement facile de mettre la question sous le tapis, de ne pas réformer et de se dire que les successeurs le feront. C’est ainsi que rien n’est fait ! Ce fut souvent le cas dans le passé, et sous tant de gouvernements. Je pense au problème des retraites.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Nous, au contraire, nous affrontons ces réalités et, dans le même temps, je le répète, nous privilégions avant tout le soutien à l’innovation, car c’est une chance pour les entreprises françaises. Nous avons des traditions. Nous sommes le pays de l’immatériel, des savoir-faire portés par des artisans que je rencontre tous les jours sur tous vos territoires, et que je défends, comme l’a fait le Président de la République ce matin, ...
... en faisant la promotion du « fabriqué en France » plus que du « achetons français ».
En effet, vous n’aidez pas l’économie française et les territoires si vous achetez des produits fabriqués par une entreprise française délocalisée. En revanche, vous l’aidez si vous achetez des produits fabriqués, même dans une entreprise étrangère implantée dans notre pays, par les salariés français qui y travaillent.
Bien évidemment, vous l’avez dit, des dispositifs sont nécessaires. Le Fonds national d’amorçage, mis en place dans le cadre des investissements d’avenir, est opérationnel depuis le mois de juillet 2011. Doté de 400 millions d’euros et géré par CDC Entreprises, il a déjà engagé, en six mois, 200 millions d’euros dans une dizaine de fonds, ce qui représente potentiellement 400 millions d’euros d’investissement dans les entreprises innovantes.
L’innovation concernant également les services, j’ai engagé un plan destiné à favoriser l’innovation dans les entreprises de services. Des moyens d’OSEO seront mobilisés : 7 millions d'euros ; des appels à projets seront lancés partout sur le territoire. Cela représente plus de 50 % du PIB national et concerne des entreprises mondialement connues.
Dans un contexte budgétaire qui est contraint, maîtriser les finances publiques, c’est en même temps soutenir la croissance. Je pourrais développer ce point, par exemple en évoquant le soutien au télétravail.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Quoi qu’il en soit, si je m’exprime avec conviction, c’est parce que, chaque jour, en matière d’innovation, nous mettons en œuvre de nouveaux dispositifs pour être aux côtés des acteurs économiques. C’est là qu’est la clef de l’avenir !
Je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir apporté ces précisions. Je le répète, si, dans le contexte de crise, le Gouvernement est conduit à adopter des mesures conjoncturelles, l’action menée en matière d’innovation est proprement structurelle, elle prépare l’avenir. Voilà ce qui compte !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces questions cribles thématiques consacrées la compétitivité interviennent en pleine tourmente économique, à laquelle le Gouvernement n’apporte qu’une seule réponse : la rigueur budgétaire.
Or, dans ce contexte, les entreprises de nos territoires se battent pour maintenir leur activité.
Pour que notre pays puisse construire l’avenir, il lui faut concevoir une nouvelle gouvernance économique, renouant avec cette ambition industrielle que le Gouvernement a peu à peu abandonnée.
À cette fin, il nous faut défendre la compétitivité de nos entreprises et particulièrement celles de nos TPE et PME, car ce sont elles qui portent en germe la croissance de demain, à condition toutefois d’être innovantes. C’est pourquoi il est nécessaire de mieux orienter les aides fiscales à la recherche, tel le crédit d’impôt recherche, vers les PME. Il faut que ces entreprises soient soutenues et qu’OSEO redevienne un instrument de financement efficace de ces PME, procédant non à des prêts mais à des avances de trésorerie.
Il faut également que ces entreprises s’insèrent dans le tissu économique de nos territoires, par une structuration de leur réseau et une nouvelle réflexion sur leur place au sein des pôles de compétitivité.
Il faut de surcroît que les pouvoirs publics soutiennent les TPE et les PME à l’international, en leur proposant des plates-formes de services les guidant à travers les méandres de la défense de la propriété industrielle comme dans le difficile parcours vers l’export.
Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des effets d’annonce, comment comptez-vous mettre enfin en œuvre une politique industrielle forte, érigeant la transition énergétique en un tremplin, …
Mme Christiane Demontès. … s’appuyant sur des salariés qualifiés et bien formés, combinant les dispositifs nationaux et régionaux pour une meilleure efficacité ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la sénatrice, vous appelez de vos vœux un « recentrage » du crédit d’impôt recherche sur les PME. Je vous sais gré de saluer cet outil, qui, depuis sa création en 2007, a fait preuve de son efficacité.
Savez-vous quelle est la part des PME parmi les nouveaux bénéficiaires du crédit d’impôt recherche ? Près de 80 % !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me souviens du débat qui s’est tenu il y a quelques mois : sur toutes les travées de cet hémicycle, on entendait alors qu’il fallait limiter le crédit d’impôt recherche aux PME.
Toutefois, lorsqu’une grande entreprise bénéficie du CIR en France, 30 euros sont pris en charge par l’État sur 100 euros qu’elle investit dans le domaine de la recherche. Pour les salariés et les entreprises françaises, notamment les plus petites, ce dispositif apporte une aide considérable, il permet de les tirer vers le haut pour créer de la croissance et de l’emploi. Voilà la réalité !
D’ailleurs, un certain nombre de nos voisins européens viennent étudier, aujourd’hui, le fonctionnement de ce dispositif.
Madame la sénatrice, vous l’avez souligné à juste titre : il faut que l’État reste aux côtés de nos PME, de nos TPE, de nos ETI en matière d’exportation. C’est tout l’enjeu de la restructuration d’UBIFRANCE que nous menons actuellement.
De même, j’ai nommé 246 référents ETI sur l’ensemble du territoire et j’ai demandé que l’on identifie 2 000 pépites – à savoir 1 000 PME et 1 000 ETI – à fort potentiel de croissance et d’innovation, véritables moteurs de l’économie. Ces mesures relèvent d’une politique proactive !
De plus, j’ai enjoint à chacun des référents ETI de prendre rendez-vous avec les chefs d’entreprise de leur ressort, de ne pas attendre qu’ils soient en difficulté, d’étudier comment il est possible de les aider et de mobiliser les fonds nécessaires à cette fin.
Enfin, en ces temps difficiles, le Président de la République a demandé à René Ricol – dont chacun sait qu’il exerçait précédemment les fonctions de médiateur du crédit et qu’il gère aujourd’hui les investissements d’avenir, pour un montant total de 35 milliards d’euros – de coordonner les financements de soutien aux entreprises. À ce titre, je souligne que nous sommes non seulement aux côtés des entreprises en difficulté, je le répète, mais également auprès de celles qui développent des projets, qui investissent et tirent le pays vers le haut, précisément parce que nous croyons à l’industrie française.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Aujourd’hui, j’ai entendu le président d’une grande société, l’entreprise Rossignol, dont les capitaux sont certes majoritairement étrangers mais qui a relocalisé une partie de sa production de Taïwan vers la France, déclarer au Président de la République : « Je n’aurais pas pu le faire sans le CIR ». Voilà ce qu’est une véritable politique de soutien à l’industrie française : se projeter vers l’avenir, soutenir l’innovation !
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux pas vous laisser dire que le crédit d’impôt recherche est principalement orienté vers les PME. Vous mesurez bien l’effet d’aubaine que ce dispositif a créé pour un certain nombre de grandes entreprises !
Je ne peux pas non plus vous laisser dire que le Gouvernement mène une politique industrielle cohérente. De fait, chacun d’entre nous, sur ces travées, rencontrons régulièrement les chefs d’entreprise, dans les territoires. Que nous déclarent-ils ? Que le Gouvernement change constamment les règles et qu’ils n’en peuvent plus !
En outre, en tant que membre de la commission des affaires sociales, je tiens à insister sur la question de la formation : aujourd’hui, vous renoncez à doter le pays de salariés qualifiés, tant par la formation initiale que par la formation tout au long de la vie. Pourquoi opérez-vous un tel choix ? Parce que les salariés sont devenus de simples variables d’ajustement du capitalisme financier !
Nous avons fait le choix de l’apprentissage !
Mme Christiane Demontès. Chaque jour, vous supprimez de nouvelles formations, dans tous les secteurs d’activité !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’actualité économique de ces dernières semaines a, une fois de plus, mis en lumière l’inaptitude de notre pays à remporter de grands contrats industriels à l’étranger. Je ne citerai qu’un exemple, celui du Rafale !
Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.
De manière symptomatique, le quinquennat de Nicolas Sarkozy est d’ailleurs jalonné par une rafale d’échecs, qui se traduisent négativement au bilan de la balance commerciale, laquelle continue de voir son déficit se creuser, à tel point que celui-ci pourrait franchir le seuil des 70 milliards d’euros cette année. La France est en passe de devenir une puissance commerciale de second ordre.
À l’heure où l’on débat enfin de la réindustrialisation, après que notre pays a perdu plus de 750 000 emplois industriels en dix ans, il est plus que temps d’accomplir un effort de réflexion. Mais encore faut-il que cette démarche repose sur les bons postulats, et qu’on cesse d’évoquer inlassablement la question des 35 heures. Je ne reviendrai pas sur ce point : d’ailleurs, les différents aménagements auxquels le Gouvernement a procédé ont pour ainsi dire vidé les 35 heures de leur substance.
À mes yeux, l’Allemagne a opéré ses choix économiques au détriment des salariés, qui voient d’ailleurs leur pouvoir d’achat baisser.
À ce titre, je ne ferai que citer un avis du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, relatif à la compétitivité : « La compétitivité est entendue par l’Union européenne comme la capacité d’une Nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale dans un environnement de qualité ». Ces conclusions font écho aux travaux de la mission conduite par notre collègue Martial Bourquin, qui s’est exprimé à l’instant.
Elles soulignent, d’une part, que le succès allemand repose sur la volonté d’introduire l’innovation à tous les niveaux et, d’autre part, que, avec un haut niveau de protection sociale, de qualification et de salaires, il est possible d’aboutir à un degré élevé de compétitivité, laquelle – toujours selon le CESE – peut « s’apprécier par l’aptitude d’un territoire à maintenir et à attirer les activités et par celle des entreprises à faire face à leurs concurrentes ».
À cette fin, il est nécessaire d’associer les élus de la République à l’élaboration des politiques économiques.
Ces trois enjeux convergent notamment en un point : la formation professionnelle. Or, au regard des dysfonctionnements dont sont victimes les centres de formation d’apprentis, les CFA, le chemin à parcourir reste long.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il adopter dans ce domaine afin de redresser notre économie et d’aider nos PME à aller de l’avant ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, peut-être est-il opportun avant toute chose de saluer les performances d’un certain nombre de très belles entreprises françaises. De fait, chaque jour, des entreprises françaises gagnent des parts de marché à l’exportation. Je songe à Airbus, …
… dont le capital n’est certes pas uniquement français, mais qui ne conclut pas moins d’importants contrats ; je songe à Alstom, …
… qui reçoit d’importantes commandes.
J’ignore d’où vient cette maladie française qui consiste à occulter nos succès. Ne craignons pas de l’affirmer : dans un certain nombre de secteurs nous sommes performants, et nous sommes reconnus comme tels.
Concernant le crédit d’impôt recherche, vous appelez au soutien à l’innovation, et je partage votre préoccupation. En effet, il s’agit d’un sujet majeur pour notre pays.
Toutefois, contrairement à ce que vous laissez entendre, je vous affirme que le nombre de centres de recherche et développement et d’ingénierie ne cesse d’augmenter en France. En la matière, l’Agence française pour les investissements internationaux a enregistré un triplement des projets d’implantation entre 2008 et 2010, leur nombre étant porté de vingt-trois à soixante-treize. Nous sommes ainsi placés au deuxième rang européen derrière le Royaume-Uni, selon le baromètre récemment publié par Ernst & Young.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de recherche et développement, le CIR constitue le dispositif le plus avantageux de tous les pays de l’OCDE. Lorsque ce crédit d’impôt a commencé à se développer – beaucoup plus rapidement que les anticipations ne le laissaient présager –, nombreux sont ceux, y compris au sein des administrations, qui se sont alarmés : « Ce dispositif fonctionne trop bien, il va coûter une fortune à l’État ! » Or c’est bel et bien ce type de mesures, comme les investissements d’avenir – 35 milliards d’euros, je le répète –, qui produiront un effet de levier, à hauteur de 60 milliards d’euros.
Voilà des décennies que notre pays n’avait pas engagé d’investissements aussi ambitieux ! C’est ainsi que l’on construit l’industrie de demain et que l’on soutient les entreprises françaises, qu’elles soient grandes, petites ou moyennes, qu’il s’agisse des ETI ou des sous-traitants des grands groupes.
Monsieur le sénateur, vous soulignez avec raison que nous avons des leçons à apprendre de l’Allemagne. Toutefois, puisque nous évoquons la compétitivité, j’émets le vœu que chacun, dans cet hémicycle, aille comme moi à la rencontre des acteurs économiques.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je n’affirme pas le contraire, je vous demande simplement de leur poser cette question : quel est le domaine dans lequel vous disposez, aujourd’hui, d’un avantage de compétitivité par rapport à vos concurrents étrangers ? Leur réponse sera claire : le coût de l’énergie ! Et ce, grâce à une politique nucléaire menée tant par la droite que par la gauche, depuis de nombreuses décennies.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Monsieur le secrétaire d’État, veuillez laisser à M. Kerdraon le temps de vous répondre.
Il s’agit d’un avantage de compétitivité capital par rapport à nos voisins. Écoutez les chefs d’entreprise ! Peut-être réviserez-vous dès lors un certain nombre de projets que j’entends parfois évoquer sur certaines travées de cet hémicycle.
Je suis venu avec ma question et M. le secrétaire d’État est venu avec sa réponse. Ce jeu pourrait durer longtemps…
Toujours est-il que, à l’instar des autres membres du Gouvernement, vous affichez de belles paroles et de nobles ambitions. Toutefois, il y a loin de la coupe aux lèvres, et il y a loin entre vos paroles et vos actes.
Comment vous croire lorsque vous refusez d’accorder les moyens nécessaires aux CFA ?
On n’a jamais tant fait pour l’apprentissage en France !
M. Ronan Kerdraon. Comment vous croire lorsque vous sacrifiez l’apprentissage et les ouvriers sur l’autel du capitalisme ?
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées aujourd’hui à la compétitivité.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.
Mes chers collègues, je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Vincent Eblé pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
J’informe le Sénat que, en application de l’article 50 ter du règlement, M. François Rebsamen, président du groupe socialiste-EELV, a demandé l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 95, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative au séjour des étudiants étrangers diplômés, qu’il a déposée le 14 novembre 2011.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre conférence des présidents qui se tiendra demain.
Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’examen en première lecture, le 26 octobre dernier, du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, le RDSE, par la voix de Gilbert Barbier et Anne-Marie Escoffier, avait dit sa satisfaction de voir enfin prises les mesures indispensables pour restaurer la confiance dans un domaine malmené par l’affaire du Mediator.
Nos deux collègues avaient ensemble relevé de vraies améliorations, s’agissant en particulier de la transparence des liens d’intérêts et des mesures envisagées pour protéger les experts, certains agents et dirigeants des autorités et agences de sécurité sanitaire contre eux-mêmes. Ils avaient également noté la volonté de totale transparence sur les conventions conclues entre les entreprises et les professionnels de santé et sur les avantages consentis par les premières aux seconds.
Parmi les avancées, ils avaient souligné la place nouvelle donnée à la pharmacovigilance, tout en regrettant que reste encore dans l’ombre la vigilance relative au matériel d’exploration médicale, notamment les IRM et scanners.
Ils avaient encore cité l’encadrement des prescriptions hors autorisation de mise sur le marché et la publicité.
Cependant, ils étaient restés circonspects par rapport à d’autres dispositions du projet de loi : l’insuffisante transparence des procédures s’agissant des travaux des agences ; la multiplication des agences, des commissions, des comités, qui nuit à la cohérence entre les différentes structures ; la modification du rôle des visiteurs médicaux et du fonctionnement des visites médicales.
Le RDSE s’était très largement associé aux modifications de forme et de fond introduites par la commission des affaires sociales, par voie d’amendements, pour améliorer le texte initial.
L’échec de la commission mixte paritaire a conduit à un retour, pour l’essentiel, au texte de l’Assemblée nationale. Cette nouvelle rédaction n’est plus celle à laquelle, initialement, le RDSE était prêt à adhérer.
Au moment où survient le scandale des prothèses mammaires défectueuses, alors que l’affaire du Mediator reste très présente dans toutes les mémoires, on ne peut que s’interroger sur les intentions réelles du ministère de la santé au sujet d’un dossier pourtant grave et sérieux. À croire que l’urgence était de trouver la bonne appellation pour l’agence chargée de la sécurité sanitaire du médicament. Débaptiser l’Agence « française » de sécurité sanitaire des produits de santé pour la renommer Agence « nationale » de sécurité du médicament et des produits de santé permet simplement d’occulter une partie du débat.
Les liens d’intérêts resteront, après le retour du texte de l’Assemblée nationale, des liens peu ou mal contrôlés, échappant de facto aux dispositions de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
La transparence voulue, grâce à l’obligation de publication des conventions avec l’industrie pharmacologique, est rendue à sa situation première : celle de la complexité rendant impossible tout contrôle facile.
J’en viens à la gouvernance des produits de santé. On ne peut que regretter la marginalisation des associations de victimes d’accidents médicamenteux ou des associations d’usagers du système de santé. Elle aurait dû faire l’objet d’un vrai consensus, qui aurait pu conduire à moraliser le rôle des industries pharmaceutiques.
Nous aurions souhaité que les procédures d’octroi des autorisations temporaires d’utilisation garantissent la voie de la recherche, tout en empêchant de contourner les procédures d’autorisation de mise sur le marché. Le retour au texte de l’Assemblée nationale supprime tout encadrement de ces autorisations à caractère temporaire et permet, hélas ! de nouveaux excès.
Enfin, et ce sera là le dernier exemple, l’Assemblée nationale est revenue sur le sort des visites collectives, maintenant un statu quo voulu par les professionnels. Le texte voté par le Sénat aurait pourtant pu être l’occasion d’améliorer le fonctionnement de ces visites, en particulier dans les petits hôpitaux.
Le texte, dans sa dernière rédaction, prévoit trop peu d’aménagements susceptibles de concorder avec les préconisations de la mission commune d’information du Sénat « Mediator : évaluation et contrôle des médicaments ». Il reste, pour une large partie, insatisfaisant. C’est pourquoi le RDSE, dans sa grande majorité, ne votera pas le texte et soutiendra la motion tendant à opposer la question préalable, qui sera présentée par M. Cazeau.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale, tout en maintenant un certain nombre d’améliorations apportées par le Sénat, est plus équilibré et correspond à ce que le groupe de l’UMP avait voulu lors de son examen en première lecture.
L’ambition à laquelle il répond est fondamentale. Il s’agit de restaurer la confiance des Français dans le dispositif de sécurité du médicament, en renforçant la transparence et en établissant un système dans lequel les responsabilités de chacun seront identifiées.
Ce texte établit un dispositif qui offrira de meilleures garanties en matière de transparence. Ses principes renforcent le processus de pharmacovigilance – c’est un réel acquis, car un manque existait malgré tous les efforts consentis –, améliorent l’information du public et des acteurs de la santé et assurent – c’était devenu indispensable – une meilleure formation des professionnels de santé.
Au cœur de notre démarche, se trouve l’intérêt des patients. Ce souci doit guider notre réflexion. C’est pourquoi nous soutenons le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale.
Permettez-moi de revenir sur quelques points qui nous paraissent importants.
À l’article 1er, le Sénat avait interdit aux dirigeants de la Haute Autorité de santé, la HAS, de l’Institut national du cancer, l’INCA, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, tout lien d’intérêts dans les trois ans qui précèdent leur prise de fonction.
Dans le même esprit, l’article 1er bis tendait à soumettre le choix, par le ministre, du président du conseil d’administration et du président du conseil scientifique de l’INCA à un appel à candidature préalable et à l’absence de tout lien d’intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction.
Nous avions jugé cette proposition impraticable, et nous soutenons sa suppression. Ne confondons pas liens d’intérêts et conflits d’intérêts. Avoir des liens d’intérêts ne signifie pas être inféodé à l’industrie. Par ailleurs, dans des secteurs qui sont très techniques, il est dangereux que celui qui prend in fine la décision n’ait pas une connaissance parfaite du fonctionnement du secteur et de ses enjeux.
À l’article 2, l’Assemblée nationale a maintenu l’obligation, introduite par le Sénat, de publier les conventions signées entre les entreprises et les organismes de formation. Cet apport nous paraît en effet essentiel au renforcement de la transparence que nous souhaitons.
À l’article 5, le texte voté par notre assemblée limitait l’accès au conseil d’administration de l’Agence aux seules associations de patients siégeant qui ne reçoivent aucune subvention ou avantage des entreprises pharmaceutiques.
Comme nous l’avions fait remarquer lors de nos débats, cette mesure excluait la quasi-totalité des associations de patients et créait une inégalité de traitement entre les professionnels de santé et les associations. C’est pourquoi nous sommes satisfaits de sa suppression. Le dispositif du présent texte nous paraît le plus à même d’assurer une participation efficace des patients aux travaux de l’Agence.
J’en viens à l’article 15, qui porte sur les autorisations temporaires d’utilisation, les ATU. Le texte voté par l’Assemblée nationale établit un équilibre entre sécurité des patients et accès aux progrès thérapeutiques. Nous sommes convaincus qu’un renouvellement annuel des ATU aurait été nuisible aux patients.
L’article 17 bis, adopté au Sénat, établissait le principe de la responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments. Le groupe de l’UMP avait souligné qu’une telle disposition rompait l’équilibre que le Parlement avait trouvé en 1998. Nous avions estimé que cette modification, sur un sujet aussi délicat, ne peut intervenir sans débat approfondi avec les associations de patients et les industriels. L’Assemblée nationale, rejoignant les sénateurs de l’UMP, a supprimé cet article, ce dont nous nous félicitons.
Les députés ont également supprimé l’article 17 ter, qui visait à alléger la charge de la preuve lorsque la victime souffre d’une affection similaire à un effet indésirable connu. Comme nous l’avions souligné, cet article ne fixait aucun critère précis pour juger de la présomption de causalité, ce qui rendait sa mise en pratique impossible.
Par ailleurs, écartant l’interdiction pure et simple de la publicité non institutionnelle en matière de vaccins, l’Assemblée nationale a retenu le régime d’autorisation encadrée que notre groupe appelait de ses vœux.
Quant à l’article 19, il a pour objet principal l’expérimentation d’une visite médicale collective à l’hôpital. L’Assemblée nationale a rétabli l’exclusion du champ d’application de ce dispositif pour les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière. Notre collègue Bruno Gilles avait défendu cette position. Il sera toujours possible d’améliorer ce dispositif lors du bilan de son expérimentation.
À l’article 22, relatif à la compétence en matière d’études de santé publique du groupement d’intérêt public, le GIP, l’Assemblée nationale a conservé en très grande partie la rédaction issue du Sénat. Elle a cependant précisé que le GIP pourrait aussi mener des études mettant en jeu d’autres techniques de prise en charge que les seules techniques médicamenteuses.
J’en viens à l’article 30 bis A, dont l’objet était la création des actions de groupe dans le domaine de la santé et qui a été supprimé par les députés.
Je souhaite réaffirmer notre opposition à ce qu’une réforme de cette ampleur soit menée au détour d’un amendement, sur un texte dont ce n’est pas l’objet. Le groupe de l’UMP avait exprimé avec force que l’action de groupe ferait utilement l’objet d’un texte spécifique, au champ plus large et non limité au seul domaine de la santé.
Au regard des modifications apportées par l’Assemblée nationale et des améliorations introduites par le Sénat, qui ont été conservées, il apparaît que le projet de loi répond aux objectifs que nous nous étions fixés, à savoir une exigence de transparence, de sécurité et de responsabilisation dans notre système de sécurité sanitaire.
Vous l’aurez compris, le groupe de l’UMP est favorable à l’adoption de ce texte.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’évolution de nos débats sur ce texte est emblématique d’une dérive politicienne à laquelle nous ne voulons pas participer.
Je suis désolé de le dire, mais elle dénote l’incapacité de l’Assemblée nationale à faire montre de souplesse et d’écoute à l’égard du Sénat.
La commission mixte paritaire a échoué. Or elle aurait pu, aurait dû même, réussir. J’ai tout fait pour cela, mais nos collègues députés ont abordé cette étape avec l’idée que le compromis était impossible. Forcément, dans ces conditions, la prophétie s’est réalisée !
C’est pour des raisons de fond que la commission mixte paritaire aurait dû réussir, tout simplement parce que la Haute Assemblée a travaillé sur ce texte sans dogmatisme ni parti pris politicien.
Le texte auquel le Sénat avait abouti respectait l’architecture générale du projet gouvernemental, tout en y intégrant des préconisations de la mission d’information sénatoriale, adoptées à l’unanimité par la commission des affaires sociales le 28 juin dernier.
La commission mixte paritaire a donc échoué. L’Assemblée nationale a réexaminé le projet de loi en nouvelle lecture. Elle est revenue au texte qu’elle avait adopté initialement sur la plupart des points les plus importants.
Nous nous félicitons du maintien de l’article 9 bis, que l’Assemblée nationale avait elle-même introduit pour soumettre à des essais comparatifs les médicaments proposés au remboursement et, ainsi, en quelque sorte, contourner les limitations à la sécurité sanitaire, impliquées par la législation européenne. Nous ne ferons pas de procès d’intention, car nous ne voulons pas croire que les députés ont soumis l’application de cet article à un décret en Conseil d’État pour en limiter les effets. Néanmoins, le texte qui nous est soumis aujourd’hui est évidemment en retrait par rapport à celui du Sénat.
Tout en le félicitant de la qualité de son travail et, plus globalement, de celui de la commission des affaires sociales, je me joins donc à notre rapporteur pour regretter trois reculs en particulier.
Premièrement, je déplore un recul en matière de conflits d’intérêts, sujet qui constituait pourtant l’axe central du texte. Il est très dommage que la procédure de contrôle des déclarations d’intérêts prévue pour les acteurs de la sécurité sanitaire par le présent texte n’ait pas été harmonisée avec celle prévue par le projet de loi dit « Sauvé », en cours d’examen, relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique.
Notre collègue Nathalie Goulet le soulignait déjà dans la discussion générale en première lecture, les dispositions du présent texte doivent être correctement articulées avec la réforme globale en cours. Aujourd’hui, le résultat n’est pas satisfaisant et notre crainte, exprimée en filigrane, d’un saucissonnage de la question, source de complexité, s’est en partie concrétisée.
Le texte actuel est globalement moins disant en matière de conflits d’intérêts puisque l’Assemblée nationale a refusé l’interdiction de tous liens d’intérêts pendant trois ans pour diriger les principales agences sanitaires, à laquelle le Sénat tenait.
Recul encore au sujet des autorisations temporaires d’utilisation, puisque nos collègues députés ont choisi d’en assouplir le cadre législatif.
Le troisième point est, à nos yeux, encore plus édifiant que les deux premiers : il s’agit de l’expérimentation de la visite médicale collective dans les établissements de santé. Le détricotage est minutieux, l’Assemblée nationale ayant réintroduit toutes les dérogations à l’expérimentation : autant d’exceptions susceptibles de vider totalement la loi de son contenu.
Mais le plus préoccupant pour nous touche au cadre légal des dispositifs médicaux qui sont, dans leur totalité, purement et simplement exclus du champ de la visite médicale collective.
Nous ne prétendons pas que la visite médicale collective était une panacée pour sécuriser l’usage des dispositifs médicaux. Nous soutenons simplement que, d’une part, elle aurait pu représenter une garantie non négligeable et que, d’autre part, il nous faudra mettre en place un véritable cadre législatif pour le dispositif médical, comme il y en a un pour le médicament.
En revanche, monsieur le rapporteur, je serai plus mesuré concernant l’action de groupe.
Certes, une action de groupe doit d’urgence être mise en place, en particulier pour être accessible aux victimes d’accidents médicamenteux. Mais il serait de loin préférable qu’il s’agisse d’une action de groupe générale et non sectorielle. Ne saucissonnons pas le débat. Le projet de loi sur les droits des consommateurs devrait nous fournir très prochainement l’occasion d’en traiter.
En conclusion, je dirai que, constatant l’impossibilité de parvenir à un accord, nous jugeons sage et responsable la décision de notre rapporteur de déposer une motion tendant à opposer la question préalable sur le présent projet. Le Sénat n’a pas de temps à perdre si cet examen est voué à demeurer platonique.
Nous regrettons une nouvelle fois le jeu politicien, d’où qu’il vienne. C’est la raison pour laquelle le groupe UCR ne prendra pas part au vote sur la question préalable.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier notre collègue rapporteur Bernard Cazeau du travail considérable qu’il a fourni, avec son équipe, sur ce texte. Je ne reprendrai pas tous les arguments qu’il vient de développer, mais sachez que je les fais miens sans réserve.
Je sais également gré à tous mes collègues de la commission des affaires sociales pour la qualité des échanges que nous avons su maintenir tout au long de l’examen de ce projet de loi, et ce en dépit de délais extrêmement serrés.
Je suis par ailleurs reconnaissante à tous les groupes de la majorité sénatoriale pour la solidarité dont ils ont fait preuve lorsqu’il a fallu se mobiliser pour défendre certains amendements.
Enfin, je tenais à saluer les services de la commission, qui se sont mobilisés pour nous permettre de travailler aussi sérieusement que possible. Sachons rendre hommage à leur travail minutieux et attentif, même s’il s’opère par définition dans l’ombre.
Au nom de tout ce travail accompli au Sénat, je voulais vous faire part, monsieur le ministre, de ma tristesse, pour ne pas dire de ma colère.
Création de la possibilité légale de mener des actions de groupe, publicité des déclarations d’intérêt, amendes à la fois plus justes et plus dissuasives pour les laboratoires pharmaceutiques puisque proportionnelles à leur chiffre d’affaires, engagement d’une réflexion sur la profession de visiteur médical et sur la formation initiale et continue des médecins : voilà ce que le Sénat proposait. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nier que les avancées obtenues ici même, voilà quelques semaines, allaient dans le bon sens : le sens du desserrement des liens d’intérêt entre laboratoires médicaux et prise de décision publique ; le sens du droit des victimes d’accidents médicamenteux; le sens de la sécurité sanitaire et le sens de l’intérêt général.
Oui, monsieur le ministre, ces amendements allaient clairement dans le sens de l’intérêt général et visaient à ce que, réellement, comme vous l’aviez souhaité, il n’y ait plus jamais de scandale comparable à celui du Médiator.
Mais ce travail, fourni par le Sénat renouvelé, a véritablement été taillé en pièces par la majorité de l’Assemblée nationale, qui, je le regrette profondément, n’a pas fait preuve de beaucoup d’esprit d’ouverture.
Les députés membres de la commission mixte paritaire nous ont indiqué d’emblée que de nombreux points étaient « non négociables ». Et bien voyez-vous, monsieur le ministre, nous estimons pour notre part que c’est la santé des français qui est non négociable !
Je considère qu’il est choquant que, sur un sujet aussi sensible de santé publique, d’intérêt général, sujet qui clairement devrait dépasser les clivages partisans, votre majorité ait été aussi intransigeante et fermée au débat.
Tout d’abord, en tant qu’écologiste, je suis déçue par le manque d’ambition – c’est le moins que l’on puisse dire – du projet de loi en ce qui concerne la réforme de la visite médicale.
Je l’avoue, le fait que la simple demande d’un rapport gouvernemental à ce sujet ait été refusée me dépasse. Heureusement, la commission des affaires sociales du Sénat s’apprête à acter la création d’un groupe de travail sur ce thème !
Par ailleurs, le raisonnement qui consiste à dire que les actions de groupe sont importantes mais que leur mise en place attendra une prochaine loi m’échappe complètement. Comment reprocher aux sénateurs d’avoir inséré ces actions dans le projet de loi au détour d’un amendement alors que c’était la seule solution à notre portée ?
En revenant sur cette avancée obtenue au Sénat et saluée par toutes les associations de patients, vous laissez les malades dans leur solitude, dans leur précarité, dans leur souffrance. Ils apprécieront ! En tout cas, pour notre part, nous estimons que cela est inacceptable.
Pour moi, mais je ne crois pas être la seule, le texte tel qu’il nous revient aujourd’hui est un aveu de démission face aux intérêts privés de l’industrie pharmaceutique. Une fois de plus, dans ce pays, il apparaît clairement que certains lobbies sont encore capables de faire plier la décision publique.
Hélas ! la santé publique n’est pas le seul domaine victime d’une telle ingérence. D’autres secteurs, tout aussi sensibles, subissent l’influence des lobbies.
En qualité de parlementaires, nous avons la responsabilité de dénoncer pied à pied l’action des lobbies privés. C’est ce que je fais aujourd’hui du haut de cette tribune. Comptez sur moi pour réitérer cette dénonciation toutes les fois que ce sera nécessaire et pour œuvrer à ce que la loi protège la décision publique de l’influence des intérêts privés.
Maintenant qu’il est pratiquement acté que le texte a été vidé de sa substance, que notre majorité sénatoriale n’y peut plus grand-chose, je tiens à dire à l’ensemble de mes collègues que le travail accumulé n’est pas perdu : il pourra être réinvesti à l’avenir. L’attitude très fermée de la majorité gouvernementale aurait pu nous décourager, mais le temps que nous avons consacré à ce projet de loi n’a pas été inutile.
D’une certaine façon, nous, membres d’une nouvelle majorité sénatoriale, avons cette responsabilité de mettre en chantier des questions importantes pour dessiner ce que nous aurons demain, je l’espère, les moyens institutionnels de mettre en œuvre.
Si, comme je le crains, au terme de cette nouvelle lecture, la majorité de l’Assemblée nationale reste sur ses positions, le Sénat aura au moins envoyé un message fort d’encouragement à tous ceux qui, professionnels, malades, citoyens, espèrent qu’il n’y aura plus en France d’affaires comparables à celles du Mediator, du Distilbène, du Vioxx ou des hormones de croissance… et je pourrais égrener encore longtemps cette triste liste.
Monsieur le ministre, malgré vos efforts pour nous convaincre, je reste persuadée que le projet de loi, en l’état, n’empêchera pas de nouveaux scandales sanitaires. Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale est une déclaration abstraite de bonnes intentions de façade, vidée de la plupart de ses dispositions concrètes et opérationnelles qui seules permettraient à la décision publique d’être prise sans influence.
L’actualité est là, brûlante, qui nous rappelle à quel point l’industrie pharmaceutique est encore influente à tous les niveaux de la prise de décision.
Vous pensiez remettre les laboratoires pharmaceutiques à leur place ? C’est un véritable pied de nez que vous a adressé la société Servier la semaine dernière en demandant à la Cour de cassation de regrouper à Paris les procédures sur le Mediator, afin de tenter d’échapper à un procès en mai à Nanterre ; un pied de nez aux autorités sanitaires, mais également aux 5 millions de patients qui ont pris du Mediator entre 1976 et 2009 !
Du côté des autorités sanitaires, le bilan n’est pas beaucoup plus brillant, puisqu’une femme médecin ayant travaillé pour Servier a failli être nommée au poste de directrice produit à l’ASSAPS, preuve qu’une partie du lobby pharmaceutique a bien intégré qu’il pouvait agir à tous les niveaux de la décision publique.
Vous l’avez compris, la menace de futurs dérapages est omniprésente et appelle à une vigilance de chaque instant. La situation actuelle aurait donc demandé une autre réponse qu’une loi faite de rhétorique et d’affichage, autre chose qu’une loi alibi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous voilà donc à nouveau saisis du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Ce texte – chacun en conviendra – a vécu de nombreuses péripéties et, malheureusement, pas des plus heureuses. Aussi, permettez-moi d’ouvrir mon propos par un petit rappel chronologique.
En juin dernier, monsieur le ministre, vous annonciez le dépôt imminent de ce texte en redoublant d’intentions volontaristes, promettant notamment « une réforme en profondeur, qui ait du sens, dans un seul et unique objectif, protéger le patient ».
Cet objectif, louable s’il en est, ne pouvait que recueillir un large consensus et donc être partagé par l’ensemble des parlementaires, de nos concitoyens, des victimes et des professionnels. Il convenait d’agir vigoureusement pour éviter que ne se reproduise un scandale de la magnitude de celle de l’affaire dite du Mediator.
Conformément aux engagements que vous aviez pris au premier semestre, nous attendions donc – peut-être naïvement, me direz-vous – un texte ambitieux, courageux et efficace, bref, un texte qui réponde aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens sur les effets des produits sanitaires destinés à l’homme.
Mais, en août dernier, nous avons eu la désagréable surprise de découvrir un projet de loi mièvre, en décalage complet avec les ambitions affichées à l’époque et, surtout, bien en deçà des préconisations et des propositions formulées par les parlementaires de tous bords à l’occasion de récents travaux sur la question.
Avez-vous été sensible aux intérêts économiques de l’industrie du médicament ? Avez-vous cédé aux pressions des lobbies pharmaceutiques, consciencieusement relayées par quelques conseillers vertueux ? Toujours est-il que vous vous êtes contenté d’une loi a minima, manifestement très insuffisante au regard des attentes de la société.
Le texte initialement présenté par le Gouvernement ne contenait, globalement, que des apports très limités au droit existant et écartait d’emblée les réformes rendues nécessaires, telles que la création d’un véritable statut de l’expert.
Si bien que votre projet de loi, s’il comportait quelques avancées ici et là, était très en retrait par rapport aux conclusions de la mission commune d’information sur le Mediator qui, je le rappelle, avaient pourtant été votées à l’unanimité quelques semaines auparavant.
Lors de la première lecture, au Sénat, il nous a donc paru indispensable de réviser en profondeur le texte que vous nous proposiez pour permettre de réorienter la politique du médicament au bénéfice des patients et de la santé publique, et non au profit des intérêts commerciaux des laboratoires.
C’est ainsi que les travaux de notre commission des affaires sociales, sous l’égide de notre rapporteur, Bernard Cazeau, suivis de l’examen par notre assemblée, ont permis d’enrichir considérablement ce texte, en y inscrivant une série de mesures que nous considérons comme indispensables. J’en citerai quelques-unes : l’obligation de déclaration publique d’intérêts pour les membres des cabinets ministériels ; …
Nous n’avons pas attendu la loi pour le faire !
… des sanctions plus lourdes et proportionnelles au chiffre d’affaires pour les personnes morales ayant omis de rendre publique l’existence de conventions avec le corps médical ; le renforcement des pouvoirs de l’Agence pour contraindre les industriels à appliquer ses décisions, via notamment des astreintes journalières plus importantes ; la possibilité de recourir aux autorisations temporaires d’utilisation lorsque des conséquences graves à court terme pour le patient sont probables, et non plus seulement pour les personnes en fin de vie ; une meilleure représentativité des différentes catégories de malades lors des essais cliniques ; un nécessaire renforcement de la formation des professionnels de santé ou encore, grande avancée qui mériterait d’être généralisée, la possibilité de mener des actions de groupe pour les victimes d’accidents médicamenteux.
Ainsi revu et corrigé, ce projet de loi reprenait tout son sens et répondait aux préoccupations de nos concitoyens.
Mais voilà, c’était sans compter sur la force d’inertie des parlementaires UMP, qui, après s’être abstenus lors du vote au Sénat, ont délibérément fait capoter la commission mixte paritaire, arguant que la nouvelle version du texte allait trop loin.
Chronique d’un échec annoncé !
Mes chers collègues, je vous interroge : est-il possible d’aller trop loin dans la protection sanitaire des patients ?
Est-il possible d’aller trop loin dans la réparation du préjudice des victimes ?
Est-il impossible d’oser demander réparation aux laboratoires ?
Est-il impossible d’espérer une meilleure transparence de la chaîne du médicament ? Dans tout pays normal, non. En « Sarkozie », oui !
Aujourd’hui, voilà que ce projet de loi revient devant nous, après que l’Assemblée nationale eut pratiqué un travail de sape et d’épuration méthodique des principaux renforcements que nous avions apportés.
Passé sous les fourches caudines des députés de votre majorité, le texte qui nous est soumis n’est, au final, que la simple transposition de la directive communautaire relative à la pharmacovigilance.
Pour le reste, il faut se contenter du strict minimum, en renvoyant bon nombre de dispositions à des mesures réglementaires, ce qui, lorsqu’on sait le sort qui est parfois réservé aux mesures réglementaires et aux décrets d’application, est loin de nous rassurer.
De régressions en suppressions, de renoncements en reniements, la plupart des articles de ce projet de loi ont retrouvé leur état d’origine, celui du texte qui nous avait été transmis le 4 octobre dernier.
Exit les apports effectués sur la question des liens d’intérêt, de même que sur les dispositions relatives aux avantages consentis.
Régressions également sur la question de la gouvernance du médicament pour laquelle les choix opérés par le Gouvernement et la majorité présidentielle dépassent difficilement une portée purement cosmétique.
Reculade sur l’encadrement des procédures d’octroi des autorisations temporaires d’utilisation pour lesquelles le texte auquel l’Assemblée est revenue reste au milieu du gué en ne fixant aucun critère précis de durée de ces autorisations.
Suppression des mesures visant à mieux protéger le droit des patients face aux fabricants de médicaments, en dépit d’attentes sociétales extrêmement pressantes en la matière.
Recul encore sur les mesures de promotion, d’information et de formation des professionnels médicaux qui s’avèrent pourtant indispensables pour limiter l’emprise de l’industrie pharmaceutique.
Au total, ce sont presque toutes les avancées que nous avions adoptées ici, au Sénat, qui ont été supprimées par l’Assemblée Nationale à l’occasion de cette nouvelle lecture du texte !
Pourquoi un tel climat de défiance de l’Assemblée nationale à l’égard de nos travaux ?
Il ne semble exister aucune possibilité de trouver un accord sur les points essentiels, en raison d’une volonté délibérée d’écarter toute solution.
Mes chers collègues, c’est donc à la fois une grande déception, une profonde frustration, une certaine amertume et une grande colère qui m’animent aujourd’hui.
Nos travaux sur ce texte s’inscrivaient, comme le rapporteur l’a rappelé, dans le droit fil des conclusions de la mission d’information sur le Médiator sur lesquelles le consensus s’était imposé au sein de la commission des affaires sociales.
Alors que tous les observateurs s’accordent sur l’urgence d’une réforme ambitieuse, l’examen de ce projet de loi nous donnait l’occasion de concrétiser nos travaux et d’apporter des réponses réelles aux problèmes posés. Il nous permettait également de restaurer la confiance perdue de nos concitoyens dans le médicament et les agences sanitaires.
Au lieu de cela, c’est à un constat d’échec que nous arrivons. Les belles intentions du printemps dernier ont cédé devant la pression des lobbies. Et aujourd’hui – pour reprendre l’expression d’une victime que je recevais hier matin dans ma mairie –, vous culpabilisez les victimes.
Vous comprendrez donc que, dans ces conditions, nous refusions de nous prêter au simulacre de débat démocratique auquel vous nous invitez : nous considérons qu’il est inutile de prolonger la discussion, en tout cas sous cette législature, et nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable qui sera proposée par M. le rapporteur.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Je suis saisi, par M. Cazeau, au nom de la commission, d'une motion n°1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
Considérant que l’Assemblée nationale n’a retenu aucune des rédactions approuvées par la commission mixte paritaire sur les articles relatifs aux liens d’intérêts, aux avantages consentis par les entreprises et à la gouvernance des produits de santé ;
Considérant que les dispositions tendant à renforcer les droits des victimes d’accidents médicamenteux ont été supprimées et que, tant l’Assemblée nationale que le Gouvernement, ont manifesté leur volonté de reporter sine die toute avancée dans ce domaine ;
Considérant que les dispositions du texte, par leur imprécision ou le renvoi à des textes d’application réglementaire, le vident en grande partie de sa portée ;
Considérant que cette entrave à l’application directe des mesures votées par le législateur porte en particulier sur l’obligation d’essais contre comparateurs actifs pour l’admission au remboursement des médicaments prévue à l’article 9 bis ;
Considérant que toute réflexion sur la question de la création d’un corps d’experts indépendants, sur le financement des associations d’usagers et sur l’avenir des visiteurs médicaux a été écartée ;
Considérant, dans ces conditions, que ce projet de loi n’est pas de nature à empêcher la survenance d’une nouvelle affaire comme celle du Mediator alors que des conclusions unanimes avaient été adoptées en mission sénatoriale d’information ;
Décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 130, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
Lorsque l’Inspection générale des affaires sociales a remis en janvier dernier son rapport sur le Mediator, le ministre de la santé a déclaré : « Notre responsabilité aujourd’hui, ma responsabilité, mon devoir, c’est de rebâtir un nouveau système du médicament, un nouveau système de sécurité sanitaire, avec un objectif : qu’il n’y ait pas demain de nouveau Mediator. »
Quelle belle et vigoureuse ambition ! Malheureusement, monsieur le ministre, je suis au regret de vous l’annoncer, le projet de loi, tel qu’il est issu de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, en est bien éloigné. Vous aviez semé l’espoir, mais, comme l’a dit Mme Archimbaud, vous ne récoltez que la déception.
Nous disposions pourtant d’une occasion unique de réformer vraiment notre système de sécurité sanitaire et construire, au-delà des clivages partisans, un texte consensuel. La majorité présidentielle a préféré l’affichage, la demi-mesure et le renvoi répété à des dispositions réglementaires qui, même si elles sont prises prochainement, laissent entendre que le législateur n’est pas en mesure d’exercer pleinement sa compétence.
Si l’on s’en tient à l’exemple du Sunshine Act à la française, les avancées sont bien timides. Vous aviez déclaré, monsieur le ministre, que, sans transparence totale, il n’y aurait pas de confiance totale. Pourtant, votre majorité à l’Assemblée nationale a refusé la proposition du Sénat consistant à publier sur un site internet unique et accessible gratuitement l’ensemble des conventions passées par les entreprises pharmaceutiques. Elle a également refusé que les avantages consentis par ces entreprises soient rendus publics dès le premier euro, renvoyant, une fois de plus, à un décret au prétexte qu’il ne faudrait pas obliger les entreprises à déclarer les cafés et les stylos.
Mais si, vous l’avez déclaré ! Je comprends bien, monsieur le ministre, que vous soyez déçu, mais il est inutile de m’interrompre, vous aurez la parole tout à l’heure. Ce n’est pas la peine de m’interrompre.
Je ne peux m’en empêcher quand il y a mensonge !
Non, ce ne sont pas des mensonges. Nous essayons de dire la vérité, c’est tout.
C’est difficile lorsqu’on n’en a pas l’habitude !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Nos vérités ne sont peut-être pas les vôtres mais cela ne vous donne pas le droit d’être impoli avec les parlementaires de cette assemblée !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV. – Vives protestations sur les travées de l’UMP.
Soyez au moins poli ! Je le serai en tout cas avec vous, et vous ne parviendrez pas à me faire déraper.
Nous pensons que les médecins pouvaient sans dommage se passer de cafés et de stylos ! Il est vrai que vous avez accepté sans broncher que, dès leur formation initiale, les futurs professionnels de santé puissent accepter que des avantages leur soient consentis par des entreprises. Là commencent les liens d’intérêt, monsieur le ministre.
Je l’ai dit en discussion générale, le Sénat avait tenté, en première lecture, de renforcer ce texte en se fondant sur les conclusions largement partagées des travaux d’information et législatifs réalisés précédemment.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a fait le choix de ne reprendre qu’à la marge – à la petite marge ! – certaines de nos propositions.
Cette intransigeance nous conduit aujourd’hui à prendre acte de l’échec de la navette parlementaire et à demander l’adoption d’une question préalable.
Je me contenterai pour terminer d’évoquer les trois points qui me paraissent essentiels et qui justifient à eux seuls notre position.
En premier lieu, avant qu’elle n’échoue sur un article 5 bis d’intérêt limité, la commission mixte paritaire était parvenue à un accord sur les articles 1er à 5, traitant des liens d’intérêts, des avantages consentis par les entreprises et de la gouvernance des produits de santé, soit une fraction essentielle du texte. L’Assemblée nationale n’a rien retenu de ce début de compromis et a préféré revenir en grande partie à son texte de première lecture.
En deuxième lieu, je déplore la nouvelle rédaction proposée pour l’article 9 bis qui soumet à la réalisation d’essais contre comparateurs actifs l’admission au remboursement des médicaments.
Compte tenu des conséquences importantes qu’emportera un tel changement pour les entreprises pharmaceutiques, le Sénat avait prévu que les dispositions prévues à cet article entreraient en vigueur au 1er janvier 2013. L’Assemblée nationale a certes choisi d’avancer la date au 1er janvier 2012 mais a renvoyé la mise en œuvre des dispositions prévues à cet article à la publication d’un décret en Conseil d’État. Il est particulièrement regrettable, sur cette disposition centrale du projet de loi, d’afficher un calendrier ambitieux et de se laisser des marges de manœuvre par le renvoi à des dispositions réglementaires dont on peut craindre qu’elles n’interviendront pas tout de suite. La position du Sénat était à la fois plus simple et somme toute, permettez-moi de le dire, plus honnête.
En troisième lieu, nous ne pouvons cautionner le mauvais coup porté à la protection des droits des patients par l’Assemblée nationale. Trois articles avaient en effet été insérés au Sénat, sur l’initiative de trois formations – socialistes, Verts et groupe CRC – pour la renforcer.
L’article 17 bis alignait le régime des médicaments sur celui des produits issus du corps humain pour la responsabilité sans faute.
L’article 17 ter assouplissait la charge de la preuve qui pèse sur les patients lorsqu’ils doivent établir le lien de causalité entre un effet indésirable et un médicament, ce qui, on le sait, est parfois bien difficile pour eux.
Enfin, l’article 30 bis A introduisait l’action de groupe en matière de réparation pour accidents médicamenteux, que vous estimez très positive mais dont vous jugez pour le moment prématuré de parler.
Préférant l’immobilisme au dialogue, l’Assemblée nationale a supprimé ces trois articles.
Pour ces motifs, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter la motion opposant la question préalable déposée par la commission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
de la commission, monsieur le rapporteur, chassez le naturel, il revient au galop !
Dans quelles conditions ce texte a-t-il été discuté ? En première lecture à l’Assemblée nationale, le groupe socialiste n’a pas voté contre …
M. Xavier Bertrand, ministre. … parce que chacun s’est aperçu qu’il proposait des avancées sans pareilles. Dès lors, comment expliquer votre refus final ? Faut-il y voir un mouvement de mauvaise humeur de votre part parce que les actions de groupe – procédure qui ne devait pas figurer dans ce texte – n’ont pas été retenues ou est-ce plutôt le retour à de vieux réflexes politiciens, monsieur Cazeau ?
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
… s’agissant d’un texte qui, à l’évidence, présente des avancées incomparables.
Je me souviens que, lors de la conférence de presse à la mi-janvier, François Autain se demandait si on irait jusqu’au bout. On est allé exactement là où on l’avait prévu à la mi-janvier, après la remise du rapport de l’IGAS.
Qu’est-ce qui vous déplaît ? Que ce soit notre texte ? Réjouissez-vous plutôt qu’il devienne la loi de la République ! Ce n’est pas la loi de la droite contre la gauche ni la loi qu’aurait voulue la gauche par rapport à la droite. C’est une loi protectrice. Ce qui me gêne profondément, c’est qu’en définitive vous cherchiez à semer le doute parce que vous n’en avez pas eu l’initiative. Ce n’est pas ainsi qu’on fait de la bonne politique !
Vous savez pertinemment, pour connaître ce texte sur le bout des doigts, que certaines dispositions relèvent de l’article 34 de la Constitution, d’autres de l’article 37, et que ce qui est dans un décret ne peut pas figurer dans la loi. C’est vrai notamment pour la déclaration des avantages à partir du premier euro.
En tout cas, lorsque vos réflexes politiciens reprennent le dessus, ce n’est pas bon pour un débat comme celui-là.
Vous prenez vos responsabilités, je prends les miennes, mais je tiens à vous dire que celles et ceux qui nous regardent ont juste besoin de savoir si les médicaments qu’ils prendront leur apporteront le service nécessaire et si l’on ne retombera pas dans les travers qu’on a pu connaître à une époque. Rien de plus, rien de moins !
Mais quel dommage de voir resurgir dans cette enceinte les vieux réflexes politiques qui poussent certains à rejeter un texte alors qu’ils savent pertinemment que c’est un bon texte !
Prenez vos responsabilités !
Ma responsabilité est de dire quelle aura été l’attitude des uns et des autres, c’est de faire vivre ce texte et de demander ensuite qu’il en soit fait une application stricte.
Nous ne vous avons pas attendus pour prendre nos responsabilités, notamment au travers de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ce que pourrait vous confirmer son directeur, Dominique Maraninchi.
On n’a pas attendu non plus l’Europe pour prendre certaines décisions. Jamais vous ne le reconnaissez !
Même lorsqu’on est dans l’opposition, on peut se grandir en reconnaissant que des choses positives se font, cela permet de gagner en crédibilité.
Il y a vraiment un monde entre votre attitude et celle de certains députés qui sont pourtant de votre famille politique ! On a l’impression que, maintenant que la gauche est devenue majoritaire au Sénat, elle a retrouvé tous ses vieux réflexes, qui ne sont au fond que des postures. Votre attitude n’honore pas le débat politique. Mais ce texte, lui, permettra d’améliorer notre système de santé !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
C’est avec regret que le groupe CRC votera cette motion, tant nous sommes convaincus que, dans un autre contexte, nous aurions pu nous doter d’une législation nouvelle, renforçant la sécurité sanitaire et réformant le parcours du médicament dans un sens plus conforme à la transparence et à la démocratie.
Le choix des députés UMP de revenir sur tout ce que le Sénat avait adopté et sur les quelques dispositions sur lesquelles la commission mixte paritaire était parvenue à un accord nous contraint aujourd’hui à repousser ce projet de loi. Ce n’est pas parce que nous considérons qu’une loi encadrant le parcours du médicament n’est pas indispensable, mais parce que le texte qui nous est soumis aujourd’hui n’est pas à la hauteur des enjeux.
Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit ma collègue Isabelle Pasquet, lors de son intervention générale, sur la question centrale des conflits d’intérêts et des règles de transparence. Je partage pleinement son analyse, tout comme devraient le faire les sénatrices et sénateurs, tous groupes confondus, qui ont participé à la commission sénatoriale sur le médicament et qui ont, faut-il le rappeler, adopté à l’unanimité ses recommandations.
Tout cela pourrait nous conduire à penser que l’ancienne majorité sénatoriale était prête à soutenir des propositions à la condition que celles-ci restent lettre morte. Je n’ose imaginer qu’il puisse en être ainsi.
Ce n’est pas en tout cas la conception que nous nous faisons du travail réalisé dans cet hémicycle et de la démocratie en général ; ce n’est pas de cette façon que la loi répondra aux exigences légitimes de sécurité exprimées par les patients et, plus largement, par les citoyens.
Ainsi, en prévoyant que les conditions d’application de l’article 9 bis seront définies par décret, la majorité présidentielle a vidé cet article de toute substance. Je ne développe pas ce point, nous en avons déjà longuement parlé. L’objectif de la loi ainsi amendée était clair : empêcher les laboratoires de choisir eux-mêmes avec quel médicament comparer le leur, et éviter ainsi – c’est le point essentiel – le remboursement de médicaments, certes nouveaux, mais moins efficaces que ceux déjà commercialisés.
Je regrette également que, avec votre soutien, monsieur le ministre, les députés soient revenus sur les dispositions que nous avions proposées, avec nos collègues d’Europe Écologie-Les Verts, et qui étaient destinées à donner corps à votre engagement selon lequel « le doute doit toujours profiter au patient ».
Convaincus de la pertinence de cette déclaration, nous avions déposé deux amendements, adoptés en séance publique mais malheureusement supprimés par l’Assemblée nationale à l’occasion de la nouvelle lecture. Je ne développerai pas non plus ce point.
Ces deux dispositions étaient pourtant de nature à mieux indemniser les victimes d’accidents médicaux et à équilibrer le rapport de force entre celles-ci et des laboratoires, tout puissants en la matière.
Enfin, l’Assemblée nationale a supprimé la procédure d’action de groupe, que nous avions soutenue. Celle-ci faisait écho à la cinquante-deuxième recommandation du rapport d’information sur la mission Mediator, mise en place à l’Assemblée nationale. Nous sommes très étonnés de la suppression d’une disposition qui, bien que proposée au Sénat, faisait suite à une recommandation finalement adoptée à l’Assemblée nationale.
Tout cela nous conduit à penser que la démarche de notre rapporteur, à savoir le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable, est justifiée. L’Assemblée nationale refusant le débat, nous sommes contraints d’en tirer toutes les conséquences. Le groupe CRC votera donc la motion tendant à opposer la question préalable.
… à l’égard des sénateurs qui ne cherchent qu’à faire leur travail dans le cadre des propositions rappelées et par M. le rapporteur et par M. Watrin ?
Au lieu de la prétention que vous affichez, vous devriez plutôt témoigner du respect pour le travail des sénateurs. Vous avez fait tout le contraire depuis le début. Dois-je rappeler comment vous avez superbement ignoré le travail de la mission sénatoriale sur le Mediator en donnant une conférence de presse avant même que ses membres n’aient adopté le rapport ?
Nous y voyons une disqualification a priori du travail des sénateurs. En parallèle, je ferai remarquer que vous avez reçu un écho des plus favorables à l'Assemblée nationale, puisqu’il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de cigarette entre vos désidératas et les agissements de votre majorité, qui a fait et défait le texte comme vous le souhaitiez.
Vous avez beau vous mettre en colère et pointer du doigt les sénateurs, j’ai la conviction – et tous mes collègues de ce côté-ci de l’hémicycle la partagent – que nous n’avons fait que ce que nous devions faire, un travail sincère et sérieux.
À mon sens, ce projet de loi a un point faible qui n’a pas été suffisamment évoqué : je veux parler de la formation initiale et continue des prescripteurs, singulièrement des médecins généralistes exerçant en milieu rural. Ces derniers n’ont pas toujours les moyens objectifs de collecter suffisamment de connaissances critiques pour juger de manière pertinente le bien-fondé de tel ou tel médicament. Je regrette que le texte fasse l’impasse sur ce point, car il s’agit d’un objectif essentiel. Du reste, vous le savez bien, on ne pourra pas continuer à fonctionner ainsi.
Je ne répéterai pas les propos qui ont été tenus avant moi, notamment par M. le rapporteur. Je dirai simplement que nous ne sommes pas satisfaits de la tournure de ce débat. Aussi, en toute légitimité et sans aucune appréhension, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J’ai entendu des propos qui me révoltent, mais j’y reviendrai.
Pour l’instant, je souhaite exprimer ma satisfaction que la pharmacovigilance soit devenue une véritable préoccupation. Cette discipline était certes connue, mais insuffisamment développée. Combinée à la mise en œuvre des directives européennes, elle va permettre maintenant à la France de devenir – j’ose le dire – un exemple en matière de sécurité du médicament.
Si nous n’avions pas pris à bras-le-corps la réforme des institutions, je crois que nous aurions pu avoir à connaître de choses bien pires. Pour avoir participé aux travaux de la mission sur le Mediator, je puis vous dire que les résultats de celle-ci n’ont été ni dévoyés ni occultés.
En ce qui concerne la sémantique et la définition de termes, nous avons encore des progrès à faire pour les rendre plus précises. Il en est ainsi de la définition du lien d’intérêts. Nous connaissons la notion du lien dans le domaine social, dans nos relations avec les autres, le rapport entre lien et conflit, mais celle de lien d’intérêts devrait être affinée.
Le pire serait d’entrer dans la diabolisation. Au risque de vous surprendre, je vous conseillerai de lire le livre de Martin Hirsch : il dit certaines vérités, en évitant toute stigmatisation.
Certes, il est vrai que, dans le domaine du médicament, il y a du gâchis, entre mésusages et prescriptions faites à tort et à travers. Nous devons donc aller plus loin. Mais des germes de progrès apparaissent, notamment avec l’éducation thérapeutique.
Cela dit, pourquoi ressortir encore le mythe du médecin généraliste de campagne, ce »rat des champs » ! Moi qui ai été « rat des champs » pendant vingt-cinq ans, je ne crois pas avoir porté préjudice à mes malades, pas plus qu’un autre, alors même que les conditions étaient particulièrement difficiles. Alors ne dites pas des choses pareilles !
Je vous l’accorde, certains médecins font de l’abattage. Mais n’assimilez pas tous les praticiens à ces derniers, car nombre de médecins font leur métier tout à fait correctement.
En tout cas, selon moi, nous sommes entrés dans une phase où rien ne sera plus comme avant. Merci, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
La motion est adoptée.
(Procédure d’examen simplifié)
L’ordre du jour appelle l’examen, après engagement de la procédure accélérée, de deux projets de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication :
- de plates-formes d’enchères communes (projet n° 152, texte de la commission n° 172, rapport n° 171) ;
- d’une instance de surveillance des enchères (texte n° 153, texte de la commission n° 174, rapport n° 173).
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
Est autorisée la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d’enchères communes, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d’enchères communes.
Le projet de loi est adopté.
Est autorisée la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d'une instance de surveillance des enchères, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d’une instance de surveillance des enchères.
Le projet de loi est adopté.
Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Vincent Eblé membre de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.