Intervention de François Pillet

Réunion du 13 décembre 2011 à 14h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Conformément à l’article 37 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, aux termes duquel « l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant » ne doit être qu’une « mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible », notre droit encadre très strictement l’incarcération des mineurs.

Nous le savons, la délinquance juvénile augmente. Elle n’a rien de commun avec celle que nous avons pu connaître voilà une vingtaine d’années. Elle est aujourd’hui plus violente et, outre les biens, vise les personnes par des actes dégradants, voire barbares. La nouveauté est qu’elle émane de mineurs de plus en plus jeunes, parfois d’adolescentes, qui n’hésitent pas à commettre l’indicible.

Misère sociale, misère psychologique, misère culturelle, misère morale conduisent à la déshérence, à l’ignorance, souvent au dédain des valeurs éthiques sur lesquelles repose une société.

L’arsenal juridique existe, les efforts déployés par le Gouvernement sont indéniables. Il faut toutefois améliorer le fonctionnement de la justice pénale des mineurs, parce que les délais anormalement longs de mise à exécution des décisions des juridictions pénales font perdre à la sanction son rôle pédagogique.

La loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice tendait à apporter de nouvelles solutions en matière de prise en charge des mineurs multirécidivistes, avec la création des centres d’éducation fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs.

À la suite des travaux que nous avons menés dans le cadre de la mission d’information qui nous a été confiée en 2011, Jean-Claude Peyronnet et moi-même avons estimé que le dispositif des centres d’éducation fermés méritait d’être pérennisé. Par ailleurs, nous avons conclu que l’enfermement des mineurs doit davantage prendre en compte l’éducation et la réinsertion dans la société.

Or nous débattons aujourd’hui des primo-délinquants ou des jeunes ayant commis des actes de faible gravité.

Nous n’ignorons pas que 1 % des condamnations pour crimes commis en état de récidive concernent des mineurs. En conséquence, il est indispensable de prendre en charge les mineurs primo-délinquants avant qu’ils ne partent à la dérive, en leur donnant les moyens de ne pas s’enferrer, de ne pas se condamner eux-mêmes. Nous n’acceptons pas la fatalité et désirons qu’ils s’en sortent, parce que nous les respectons dans leur devenir et que nous songeons à leur future vie en société.

Tel est l’objet de la proposition de loi dite « Ciotti ».

Nous l’avons déjà souligné, ce texte tend à prévoir que, sur l’initiative de l’autorité judiciaire, le jeune effectue un service citoyen d’une durée d’au moins six mois, pouvant aller jusqu’à un an, voire davantage, s’il demande une prolongation.

La liberté, fondement de notre République, est respectée puisque le mineur donnera nécessairement son accord avant d’intégrer un centre relevant de l’EPIDe.

Pourquoi avoir choisi de s’appuyer sur ces structures ?

L’article L. 3414-1 du code de la défense, qui définit les missions de l’EPIDe, dispose que celui-ci « organise des formations dispensées dans des institutions et par un encadrement s’inspirant du modèle militaire » et « accueille et héberge des jeunes dans le cadre de ces formations ».

Comme le relève Éric Ciotti dans son rapport, la qualité du travail réalisée dans les vingt centres relevant de l’EPIDe, qui n’est d’ailleurs contestée par personne, est illustrée par les résultats obtenus en matière d’insertion des jeunes : sur 2 370 volontaires en 2010, dont 2 258 effectivement sortis du dispositif, plus de 80 % sont entrés dans la vie active ou poursuivent une formation qualifiante.

Il est à noter que plus de 30 % des volontaires sont issus de zones difficiles ou prioritaires. Hormis la formation générale avec une remise à niveau pour les fondamentaux scolaires et une préparation à la mise en œuvre d’un projet professionnel, le sport et l’instruction civique font partie intégrante du programme. Cette dernière est en général dispensée par d’anciens militaires.

Les objectifs visés sont les suivants : redonner des repères, réveiller la volonté, transmettre les valeurs de la vie en communauté avec la participation aux tâches quotidiennes, donner un sens à l’action, tenter le pari de l’esprit sain dans un corps sain, restaurer l’estime de soi, nouer ou renouer avec l’apprentissage de la cohésion, mieux appréhender les enjeux de la vie en société.

L’expérience s’avérant assez concluante, ne pas offrir cette chance aux primo-délinquants, avec l’accord et le suivi du juge, serait irresponsable de notre part. Ce n’est certes pas la panacée, mais c’est l’une des meilleures solutions.

Arguer que ce projet signe l’échec de la justice en même temps qu’un engouement intempestif pour l’ordre militaire serait fallacieux. Il ne s’agit, j’y insiste, que d’un outil supplémentaire.

Plusieurs critiques ont été énoncées contre ce texte.

Tout d’abord, la mise en œuvre du dispositif proposé amènerait une déstabilisation de l’EPIDe. Il semble que la nécessité de recueillir le consentement du mineur accueilli et l’ouverture de places supplémentaires garantissent que tel ne sera pas le cas. Ajoutons que les problèmes de marginalisation sont souvent identiques entre les volontaires actuels et les primo-délinquants.

Ensuite, le caractère de cavalier législatif de l’article 6 n’est pas avéré, dans la mesure où les dispositions introduites par le Gouvernement présentent un lien bien réel, conformément au premier alinéa de l’article 45 de la Constitution, avec l’objet initial. Cet article tend, en effet, à améliorer le fonctionnement de la justice pénale des mineurs par la diversification des mesures à la disposition des magistrats. Il a notamment pour objet d’interdire que le juge des enfants ayant renvoyé un mineur devant une juridiction pour mineurs ne préside celle-ci.

Il a également été soutenu que l’impact de la proposition de loi n’aurait pas été évalué et que son financement n’aurait pas été prévu. Pourtant, le Premier ministre a annoncé, en septembre dernier, que 166 places supplémentaires seraient créées dans les EPIDe dès le début de l’année 2012, ce qui rendra possible l’accueil de mineurs délinquants.

Enfin, le coût de la mesure a été estimé à 8 millions d’euros. Il sera réparti entre les ministères de la défense, de l’emploi, de la justice et de la ville selon les conditions et modalités présentées par le garde des sceaux.

Mes chers collègues, nous refusons d’osciller entre incantations, impuissance, dramatisation et démagogie ; nous préférons agir. C’est pourquoi le groupe UMP votera cette proposition de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.

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