Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 13 décembre 2011 à 14h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Mais si !

M. Ciotti assume d’ailleurs complètement le caractère populiste de sa proposition de loi lorsqu’il précise que « cette mesure est plébiscitée par nos concitoyens, par-delà les clivages politiques ». Rien que cela !

Fort heureusement, beaucoup n’ont guère été convaincus ou trompés, qu’il s’agisse des militaires eux-mêmes, mais aussi des magistrats ou des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, qui s’expriment au travers de leurs organisations syndicales. Cette lucidité prévaut également au sein d’organismes comme l’UNICEF ou la Convention nationale des associations de protection de l’enfant.

Tous dénoncent une nouvelle instrumentalisation de la délinquance des mineurs selon une logique d’affichage, par la création d’un service citoyen qui n’en est pas un. L’objectif, à l’évidence peu étudié par l’auteur de cette proposition de loi, est de prévoir l’accueil de jeunes dans des établissements publics d’insertion de la défense offrant des formations à des jeunes volontaires. C’est oublier que la vocation des centres relevant de l’EPIDe est non pas militaire, mais éducative, et qu’ils sont avant tout des lieux de réinsertion pour des jeunes rencontrant des difficultés scolaires, marginalisés ou en voie de marginalisation.

Le fonctionnement de ces centres repose sur un volontariat réel des jeunes accueillis : c’est un critère essentiel si l’on veut obtenir des résultats positifs. Or on ne peut parler de décision volontaire quand le mineur est placé devant un choix entre deux sanctions.

De surcroît, en mêlant jeunes majeurs et mineurs délinquants sous le coup d’une sanction pénale, on n’évitera pas que l’attention se focalise sur ces derniers ; il paraît évident qu’ils seront stigmatisés, du fait de différences de traitement, par exemple en matière de pécule ou d’autorisations de sortie. Or stigmatisation et efficacité se contredisent.

Au-delà, c’est toute la conception défendue par le Gouvernement et par M. Ciotti qui pose problème. En effet, cette proposition de loi, approuvée par Nicolas Sarkozy, s’inscrit dans une orientation idéologique constante depuis 2007 : les responsables, ce sont les parents démissionnaires, tandis que les mineurs commettant des actes de délinquance seraient plus nombreux qu’hier, et leurs infractions plus fréquentes et plus graves.

Il s’agit là encore d’une manipulation et d’une tromperie, visant à masquer la réalité, à savoir que la part des mineurs dans la délinquance stagne à 18 % ou à 19 % et baisse même légèrement.

Contrairement aux auteurs de l’ordonnance de 1945, les promoteurs de la proposition de loi refusent de considérer que les mineurs sont des enfants et que les mineurs délinquants sont des enfants en danger.

Ils cherchent à détourner l’attention de leur politique économique et sociale désastreuse, qui plonge nombre de familles dans des difficultés insurmontables.

Ils s’entêtent, poussés par une frénésie sécuritaire, à démolir méthodiquement la justice des mineurs.

Ils refusent de s’attaquer aux causes réelles du malaise de la jeunesse !

Cette fuite en avant se caractérise par une déspécialisation de la justice des mineurs et par un durcissement de la répression.

Pourtant, monsieur le garde des sceaux, tous les spécialistes de la délinquance des mineurs savent, disent, parfois hurlent que cette politique impulsive et brouillonne est contre-productive.

Des principes de l’ordonnance de 1945, il ressort, à partir de la distinction établie entre mineur et majeur, la prévalence de l’aspect éducatif et la nécessité de la spécificité non seulement des procédures, mais aussi des juridictions. C’est cela que vous sapez année après année, réforme après réforme.

En sept ans, sept rapports ont été commandés par le pouvoir sur la délinquance des mineurs, sans qu’il y ait jamais eu de véritable concertation avec les magistrats chargés de l’enfance et de la jeunesse, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, les éducateurs sociaux, les associations de terrain : sept rapports, et presque autant de réformes tendant à détricoter l’ordonnance de 1945, plutôt que de consacrer les moyens nécessaires à sa mise en œuvre et à celle des dispositifs déjà existants !

Nous nous opposerons donc une fois encore à ce texte, qui n’a d’autre visée qu’un affichage pénal et constitue un aveu d’impuissance du Gouvernement. §

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